27.08.2012
Philippe Dereux et la Mémoire des épluchures
Sur son créneau il caracole en solitaire. Et le moins que l’on puisse dire c’est que, onze ans après sa disparition, ils ne se sont pas bousculé, les «singuliers» ou les «contemporains», pour suivre la voie des épluchures, la voie de Philippe Dereux.
La Galerie Chave qui a toujours soutenu son travail, y compris sur le plan éditorial en publiant les commentaires dont l’artiste accompagnait son activité plastique, lui offre, jusqu’à la fin de l’année 2012, une exposition nouvelle : peintures, dessins, collages.
L’invitation annonce la parution d’une monographie intitulée Mémoire des épluchures (1960-2000). «Mémoire» au singulier et non pas au pluriel comme on le voit déjà sur le Net. Peut-être parce qu’il est naturel avec Dereux de s’attendre à ce qu’il nous distille ses souvenirs. Mais enfin les épluchures ont bien droit d’avoir de la mémoire aussi!
Le drôle de rapport qu’il entretenait avec elles, Philippe Dereux était capable de l’exprimer en une phrase : «Quand je colle mes épluchures, que je les vois se grouper, s’attirer, se repousser, je me crois le démiurge procédant à la création de l’Univers». Dereux se cachait-il derrière ses épluchures ou s’exhibait-il par leur truchement?
Toujours est-il que ce matériau si inattendu lui a fourni un moyen qu’il chercha longtemps dans «l’enfer d’écrire» à la poursuite d’une littérature inaccessible et de ce fait décourageante.
Quel moyen? Mais le moyen d’épancher les méandres et les bigarrures de sa vie intérieure sans rien céder de sa pudeur presque maladive. C’est ce qui distinguera toujours Philippe Dereux de n’importe quel casseur de graines, de n’importe quel brasseur de salades, de n’importe quel assembleur d’éléments vaguement végétaux : ce jeu de la bure et du brocart, du ressenti et de l’exprimé. Cette capacité d’édifier un monde luxuriant par le limon qui devrait en être la négation même. L’épluchure : une solitude, celle qui fait de l’art de Dereux une proposition unique. Et puis c’est tout!
Aux cartes postales que je reçois, j’en vois qui traînent encore leurs espadrilles du côté provençal de la force vacancière. Alors, si vous êtes encore dans le coin de Vence à la fin d’août, pourquoi ne pas remettre votre grand retour au début septembre? Bison fûté vous en sera reconnaissant et vous pourrez assister au vernissage Dereux de la Galerie Alphonse Chave le samedi 1er septembre 2012 car il ferait beau voir que, dans les Alpes maritimeuses, on attende que les Parisiens et les Lyonnais soient partis pour se régaler d’épluchures.
23:00 Publié dans Expos, In memoriam | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : philippe dereux, galerie chave | | Imprimer | | |
18.07.2009
Dereux et Dubuffet font les Beaux-Arts
Dereux + Dubuffet = Lyon. Même si vous êtes nuls en calcul c’est une addition facile à faire, mes p’tits Gnafrons. Et si vous vous sentez une petite faim pour le jésus, la rosette, le tablier de sapeur et la cervelle de canut, si vous vous sentez prêts à vous envoyer derrière le tchador un vieux pot de Beaujolais, c’est le moment de descendre ou de monter dans cette bonne cité de Lugdunum.
Lyon nous offre cet été deux bonnes occasions d’aller bouchonner dans ses murs. First of all parce que le Musée des Beaux-Arts (rien que ça !) a le bon goût de se souvenir que Philippe Dereux est un régional de l’étape. Il lui offre, jusqu’au 21 septembre 2009, une expo en compagnie de son ami et mentor Dubuffet Jean pour ne pas le nommer.
Philippe Dereux, c’est le type aux épluchures, cet artiste sincère et discret sur lequel Tom Le Guillou avait porté le projecteur de la Galerie Messine à la fin de sa vie.
Dereux : on n’imagine pas plus belle figure de «l’homme du commun à l’ouvrage» ! Avec son sourire timide et son look de gentil cousin de province, on croyait pas, dans les vernissages, que c’était lui l’auteur de ces théâtres de graines, d’écailles et d’épluchures délicatement assemblés par collage.
© Photo Jac Perrichon
Quand on lui rendait visite, chez lui, à Villeurbanne c’était pareil. Dans un décor de peaux de pêches achevant de sécher sur un radiateur, il se tenait bien sage dans un chandail couleur de terre, tout à fait dans la gamme chromatique de ces «tableaux» fruiteux-légumineux qu’il réussissait à préserver de la corruption et des injures du temps par toute une petite chimie de techniques patiemment mises au point depuis la fin des années 50 où il avait commencé à œuvrer pour lui même.
Et non plus comme assistant de Dubuffet qui, à Vence, s’était gagné le concours de cet instituteur en vacances, un peu empêtré dans son désir intimidant d’écriture. Ayant renoncé au statut d’homme de lettres, Philippe Dereux devait renouer d’ailleurs avec sa passion littéraire à l’occasion de sa nouvelle activité plastico-éplucheuse où il s’était engagé en toute ingénuité, «tout à fait par hasard, sans but préconçu, pour voir, comme disent les enfants (…)».
J’abrège pour vous dire que, si vous vous grouillez un brin, vous pourrez aussi, jusqu’au 28 août, courir à la Bibliothèque Municipale de La Part Dieu où ce que vous verrez l’expo Archives de l’infamie montée autour de La vie des hommes infâmes, un texte anti-plutarquien de Michel Foucault.
Elle nous promet des photos d’asile, des images de sans-papiers, des empreintes de mains du début de la criminologie, des cahiers de détenus et des dessins ou tatouages de bagnards.
Moi, je crains de pas pouvoir mais si vous passez par là, n’hésitez pas à lâcher vos commentaires.
23:55 Publié dans Ecrits, Expos | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, philippe dereux, jean dubuffet, michel foucault, archives de l'infamie | | Imprimer | | |