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Halle St Pierre : 2 en 1
Y’ a pas que chez les Genevois qu’on rencontre des problèmes de mitoyenneté entre l’étage et le rez de chaussée. A Paris, où l’immobilier se défend encore, je vous invite -cadeau Bonux- à visiter un grand duplex au pied de Montmartre. J’ai nommé La Halle Saint-Pierre où se tient l’exposition British Outsider Art et son volet d’altitude : Eloge du Dessin.
Autrement dit : 2 présentations bien distinctes car les responsables de ces accrochages (Martine Lusardy et Julia Elmore en bas, M.L. toute seule en haut) ont eu beau se décarcasser, les choses ne fonctionnent pas vraiment ensemble. Mais c’est toujours comme ça avec un lieu si tarabiscoté. Les deux espaces sont trop loins l’un de l’autre pour que le visiteur ne perde pas le fil.
Interview de Martine Lusardy - Halle Saint Pierre - Paris
En attendant un réaménagement général de l’archi intérieure qui permettrait aux commissaires de donner toute leur mesure, on souhaiterait presque -mais bon, ouam, ce que j’en dis…- que le premier étage restât vide. On y conduirait le public pour qu’il y jouisse d’une minute de silence après la salve nourrie à laquelle on l’aurait exposé au rez-de-chaussée.
C’est que ça crépite dans la salle noire où l’on nous confronte à un concentré d’art brut britannique. British Outsider Art s’ordonne certes autour d’une colonne vertébrale dont les principales vertèbres («Animula où va-tu chercher des images pareilles ?») sont connues : Scottie Wilson, Madge Gill, Albert Louden. On admire leurs pièges à rêves, leurs dentelles d’encre, leurs personnages à l’hélium qui se dégonflent et puis on passe à des pièces jamais vues chez nous (principalement dessins et tableaux) et provenant pour beaucoup des archives d’hostos psy, notamment le fameux Bethlem Royal hospital of London.
De ce dernier provient le colérique dessin de Jonathan Martin qui orne le carton de l’expo. J. Martin (1782-1838) y fut enfermé après avoir foutu le feu à une église d’York.
Du Royal Asylum de Glasgow nous arrivent, comme des balles, les acérés dessins d’Andrew Kennedy qui fut interné là de 1877 à sa mort en 1899. Seuls 34 de ses œuvres ont été conservées sur des milliers mais c’est déjà ça.
Je me suis usé les yeux à suivre les écrits fanatiquement minuscules de Nick Blinko, guitariste punk né en 1961,
les chaotiques et fantasmagoriques peintures de Vonn Ströpp (né en 1962), l’homme au 123 pseudos.
N’oubliez pas votre coussin pour vous mettre à genoux devant les travaux anonymes (comme ces vaches au policeman) et pour lire les cartels qui sont placés à hauteur des rotules. Pour le reste, le catalogue qui coûte que 20 thunes vous en dira plus. Celui du first floor est plus cher. Comme je ne kiffe pas entièrement cet Eloge du dessin (pourtant de qualité) je m’en suis passée mais c’est pas une raison pour faire comme moi.
Ne serait ce que pour les compositions en couleurs d’Adolphe Vuillemot, «ouvrier, forgeron, ajusteur», limitrophes de l’art brut et de l’art pop, on peut se l’offrir.
07.07.2008 | Lien permanent | Commentaires (2)
Joël Lorand, tératologue
Ah oui, pis aussi, j’voulais vous dire…
Vous m’entendez là malgré le bruit de la mer ? Oui, je sais bien que vous êtes déjà sur la plage, au bar de la plage, au glacier de la plage mais encore deux minutes et je raccroche.
C’est parce que j’ai oublié de vous parler des œuvres savamment vertigineuses de Joël Lorand. Elles ont fait tilt dans ma p’tite tête de piaf lors de mon séjour dans les hauteurs de la Halle Saint-Pierre. Ces dessins s’ordonnent selon un principe d’auto-engendrement monstrueux.
D’ordinaire, je me méfie des proliférations expérimentales et de nature tératologique (merci monsieur Petit Robert, ça c’est du dictionnaire !). C’est un procédé trop en usage chez ce qu’on appelle les «Singuliers de l’art» qui avec le temps se sont refilés les mêmes ficelles «anti-académiques».
On commence par une tache, on la modifie en crevette, elle donne naissance à un légume qui mord la queue à un souvenir de Victor Brauner (les souvenirs reviennent très vite), à une forme molle qu’on cherche laborieusement à rendre inquiétante et ainsi de suite. Tout cela, mal venu, sans nécessité directrice intérieure, en se fiant seulement à un pâle automatisme de surface, finit par remplir un espace suffisant pour qu’on puisse faire croire qu’on a réalisé, non des dessins de téléphone, mais un tableau. Tout ça part en sucette parce que la composition dans le fond fait défaut.
Tel n’est pas le cas chez Joël Lorand. La vertu principale de ses œuvres c’est précisément leur structuration. La virtuosité avec laquelle il interpénètre des éléments de toute nature ne le conduit jamais à la dispersion du sens. C’est terrible, menaçant et vibrionnaire mais toujours architecturé avec un souci de lisibilité qui soumet des détails à d’autres et rassemble, comme dans un kaléidoscope, l’image menacée d’éclatement.
Ce n’est pas sans références également. Encore sont-elles dominées et feutrées. On peut être gêné par ce côté trop charpenté, presque classique des dessins de Lorand. Il reste qu’il est efficace et que s’il ne relève pas de l’art brut, il ne lui tourne pas le dos pour autant.
Mais j’entends que vous baillez, qu’on vous invite au bain. Alors je vous fais un bisou, non sans vous glisser dans le tuyau de l’oreillette que Joël Lorand expose cet été et jusqu’au 7 septembre 2008 au Musée de la Création Franche à Bègles.
09.07.2008 | Lien permanent | Commentaires (1)
Art brut : découverte d’un nouveau créateur en Sicile
Sans vouloir me vanter (hum, hum !...), Animula est une belle chose. Ce blogue, je me dis des fois que c’est bête que je le fasse parce que j’aurais aimé le lire. Tout particulièrement quand un Animulien généreux du genre de Boris Piot me confie, pour publication immédiate, des images d’une force 10 sur l’échelle de l’art brut comme celle de ce créateur sicilien dont je vous ai déjà montré les sensationnelles réalisations murales récemment.
© Boris Piot
Cet exceptionnel «crayonneur» -comme vous dîtes– oui, je l’ai rencontré cher Boris, je vous le confirme. Et grâce à vous, faites pas le modeste, puisque c’est vous qui m’aviez mise sur sa piste quand vous êtes tombé (aïe) sur les élucubrations de votre petite âme errante, il y a de ça environ 3 mois.
© Boris Piot
C’est vrai que le travail de cet homme talentueux (par nature), fruste et fragile, «mérite attention», comme vous l’écrivez dans votre com du 10 juin. «Attention» et même plus car vous vous doutez bien que nous nous trouvons là devant un authentique grand cas d’art brut.
© Boris Piot
Avec le cortège de difficultés habituelles : nécessité de pas nuire en voulant bien faire, prise en compte du contexte et de la situation précaire où se trouve placé le personnage, recherche des bons moyens d’éclairer l’œuvre alors même que son créateur n’en manifeste pas le besoin. Du boulot sur la planche, quoi !
© Boris Piot
Mais rassurez-vous, scrupuleux B.P., cette découverte n’est d’ores et déjà pas passée inaperçue et les murs de Giovanni (il ne vous avait pas dit son prénom, à moi, si) ont bel et bien suscité de l’attention et même de la passion e-mailesque dans le petit club d’Ani. Pas de risque que mes correspondants, filles et garçons, passent donc à côté de vos photos de dessins réalisés aux feutres de couleurs, tantôt sur des supports de fortune et tantôt sur beau papelard quand il y en a.
© Boris Piot
Qu’admirer de plus de l’autorité, de l’innocence, de l’originalité de ces compositions ? A eux de le dire. Ou de le penser.
Pour moi, c’est sans conteste pur jus d’art authentique et je suis prête à griffer le visage du premier qui dirait le contraire.
© Boris Piot
16.06.2008 | Lien permanent | Commentaires (6)
Au pays des zombies
En entrant, l’un de ces aimables pré-ados ricane devant l’affiche : «y’a des madames qui sont tombées dans les pommes !» mais en sortant, sur le Livre d’Or, on sent bien que c’est une autre chanson. «La maison du diable ça fait peur» admet franchement un visiteur en culotte courte. «J’ai trop kiffé l’expo et les bonhommes était (sic) trop style» se la pète une mini frimeuse. Mais, dans l’ensemble, l’impression est unanime : «ça fout les jetons mais c’est fun quand même». Quant aux «dizaine de bonhomme (resic) dans le noir, il y en a qui ont des têtes vraiment trop délirantes».
Comme vous pouvez le constater la génération montante parle couramment le sic et le resic, même à Genève mais on lui en voudra pas trop car il y a vraiment de quoi perdre son orthographe devant Le Vodou.
Jeux de miroirs d'interpellation. Photo Johnathan Watts. MEG
On sort de là par la salle des miroirs aux cadres terrifiants. Parce que «le Vodou s’ouvre sur un face à face» nous sussure un de ces commentaires pédagogiques qui accompagnent notre parcours dans le train fantôme de la succession de salles toutes surprenantes d’une manière différente avec frisson crescendo garanti.
C’est qu’on a bien besoin de récupérer son petit ego dans cet exercice spéculaire en sortant de chez Motus, le dantesque espace noir où on vient de se retrouver mélangé, exposé, confondu avec «la soldatesque bizango». «On ne parle pas des Bizango», nous éclaire un cartel de l’expo, «on les dévisage. Avec la certitude qu’ils ont moins à cacher qu’à révéler».
![Personnages Bizango.jpg](http://animulavagula.hautetfort.com/media/00/02/1741356842.jpg)
Personnages Bizango. Photo Johnathan Watts. MEG
J’avoue que j’ai pas cherché à tout comprendre de cette armée de statues en tissu rembourré, puissamment impressionnantes. Elle témoigne du pouvoir des initiés d’une société secrète forgé sur les champs de bataille de l’indépendance haïtienne.
Fauteuil de la reine Bizango. Photo Johnathan Watts. MEG
Mais sortie d’une salle rouge éclairée en rouge, d’un Carrefour avec le nom des esprits (Iwa) «qui exigent d’être servis» déclinés sur des centaines de T-shirts, d’un lieu de mise en bière où ils sont cadenassés dans des bouteilles, bien maligne celle qui ne se sentirait pas bousculée par cette grande démonstration psychique.
Salle Bizango. Photo Johnathan Watts. MEG
Certains reprocheront peut-être à la scénographie de Catherine Nussbaumer une tendance mélodramatique. C’est vrai que la reconstitution de l’autel vodou, avec son «bric à brac des hommages, le carambolage des cultures» peut faire penser au décor d’un film exotique façon Nuit des morts-vivants.
Autel Rada. Photo Johnathan Watts. MEG
Mais le côté excessif du Vodou autorise à grossir le trait et comment faire sentir l’impact de celui-ci sans le transposer en effet théâtral ? Il s’agissait d’éviter que la vitrine du musée devienne un mausolée où les objets, privés de magie, ne seraient plus que prétexte à esthétisme. De ce point de vue la grande salle centrale où ils apparaissent menacés par des textes savants (historiques, ethnographiques) cannibales rappelle bien que cette expo cherche à réduire la distance entre le visiteur et son sujet.
03.07.2008 | Lien permanent | Commentaires (4)
« Irregolari » : 8 créateurs d’art brut siciliens
Enfin, ça y est, je l’ai reçu. Je commençais à bouillir parce que, depuis sa sortie, fin mai 2008, je faisais des pieds et des mains pour me procurer : Irregolari. Merci à Kalos, son éditeur palermitain. Il a eu pitié de votre petite âme errante et lui a propulsé cet ouvrage d’Eva di Stefano dans sa boîte aux lettres et à malices réunies. Irregolari, c’est pas trop dur à traduire, je pense, pour les Animuliens francophones qui sont familiers des «indomptés», des «indisciplinés» et autres «inspirés». Et pour ceux qui auraient la comprenette difficilette, le sous-titre du bouquin de l’historienne (et critique) d’art italienne est assez limpide : Art Brut e Outsider Art in Sicilia. O.K., vous captez le truc ? La monographie de la Signora di Stefano comble une lacune. A partir d’un socle théorique que j’ai sauté pour le moment car j’attends d’avoir un bon dico, elle s’attaque à cette «terra matta», la Sicile. Avec sa longue tradition pleine de mythes, d’archéologie, de drames et d’immigrations (très tendance en ces temps unionistes et méditerranéens) cette île fascinante devait fatalement recéler son lot de «visionari, illetterati, eccentrici» adeptes d’un art spontané, vivace et irrépressible.
Eva di Stefano a eu la bonne idée de se borner à nous en présenter 8, choisis parmi les cas les plus intéressants. Tous des hommes, nés pour la plupart dans les 30 premières années du 20e siècle.
Si j’excepte Filippo Bentivegna dont vous avez déjà pu visiter le Castello incantato le 21 mai 2008 sur mon considérable blogue, je vous recommande également :
Francesco Cusumano qui a commencé l’art par une sculpture qu’il avait vue en rêve
Rosario Santamaria et ses chiens de pierre, pour qui, selon Eduardo Rebulla «l’arte aveva una funzione eminentemente autoremunerativa»
Francesco Giombarresi, dandy aux géométries piranésiennes
Sabo (pseudo de Salvatore Bonura) et son univers pictural peuplé de sortilèges sensuels qui apparaît à Michel Thévoz, dans une lettre à Eva di Stefano de mars 1982, «come la proiezione drammatica di un mondo interiore tormentato»
Gaetano Gambino, ses paysages préhistoriques et son monde plus pétrifié que celui de Max Ernst
![Gaetano Gambino.jpg](http://animulavagula.hautetfort.com/media/02/02/456639759.jpg)
Giovanni Abrignani qui ne dessine pas comme un enfant mais est plutôt à l’écoute de l’enfant qui est en lui
Giovanni Cammarata et sa «casa degli elefanti» a Maregrosso, un faubourg de Messina
Bien entendu, il y a une foule d’autres pistes à suivre dans les Irréguliers d’E. di Stef. Comme elle a déjà écrit des tas de choses sur l’art européen des 19e et 20e siècles et sur l’avant-garde en Sicile, sa documentation tient la route, tant sur le plan culturel que «contre-culturel» (pour aller vite). Et puis, dans une dédicace à son père Guido di Stefano, «storico dell’arte e siciliano elegante», elle nous confie, en petits caractères très discrets : «Dedico questo libro, che per molti motivi a me è il piu caro (…)».
Toutes les photographies sont empruntées à l'ouvrage : Irregolari
22.07.2008 | Lien permanent
Quel est ce spectre ?
Quel est ce spectre ? Vous pensez bien qu’à peine je l’ai vu, je lui ai sauté dessus. Il gisait là, ce vieux numéro de Sciences et Voyages parmi un tas de vieux papiers dans une de ces crasseuses brocantes de je ne sais plus quelle sous-préfecture dont je raffole. Il n’attendait que votre petite âme errante pour ressusciter des morts et c’est chose faite grâce à la magie d’Internet.
C’est bien sûr pour sa crevante couverture alien que je l’avais HT mais bien m’en a pris puisqu’en feuilletant l’intérieur, j’ai découvert un article tout de même pas d’hier sur le Palais idéal du Facteur Cheval.
Il n’est pas cité (avis à la population thésarde!) dans la Biblio de la grosse somme de Jean-Pierre Jouve, Claude et Clovis Prévost sur le Palais I, rayon des «articles publiés après la mort du facteur».
L’auteur André Lejard, un critique d’art qui a bossé sur les Tapisseries de l’Apocalypse d’Angers et sur la Tapisserie de Bayeux, était aussi le rédac-chef de S. et V. Au sommaire il voisine avec Léonard de Vinci, ingénieur militaire, Les Derniers Aïnous (par A. Leroi-Gourhan), Les Villes mortes des Andes péruviennes, Quelques insectes aux mœurs étranges.
Pas mal quand même, compte tenu de la date où c’est sorti : octobre 1941.
03.08.2008 | Lien permanent | Commentaires (1)
Autodidactes du Périgord
Et puis si vous passez par le Périgord, n’oubliez pas qu’à côtés des aurochs et des préhistoriens, il y a toujours dans cette région gastronomystérieuse «des individus qui collent à cette terre comme on colle à sa peau».
Je fauche ce bout de phrase à le 4e de couverture du livre de Jean-Luc Thuillier qui a l’amabilité de nous faire faire la connaissance de quelques uns de ces autodidactes de l’art qui «sont allés vers la peinture ou la sculpture par accident autant que par instinct».
Arts et singuliers de l’art en Périgord, c’est comme ça qu’il s’appelle son bouquin, paru aux Editions Gold à Savignac-les-Eglises. Il est préfacé par le cher Jean L’Anselme, ce qui a tout de suite mis la puce à l’oreillette de votre petite âme errante. Tout est pas brut brut, à l’intérieur, il s’en faut. C’est l’inconvénient du genre corpus régional. Il faut bien en trouver assez. On y rencontre Louis Bouscaillou et Jean-Joseph Sanfourche, bien connus de par chez eux, un autre Sanfourche (Alain) et un deuxième Debord (Marcel). A boire et à manger, à chacun de faire son choix.
Moi j’ai recroisé le chemin de Pierre Rapeau qui faisait son land-art perso dans les bois d’Abjat. Surtout, j’ai eu la bonne surprise d’y trouver une notice sur les réalisations, rustiques de chez rustique, de Jean Dominique (1900-1978).
Un agriculteur qui fabriquait gens, animaux et chariots de sa campagne, sans autre tralalala que le bon air et le soleil qui les avaient vu naitre.
A part Riczko Joe qui avait consacré, il y a des lunes (en 1990), un article du premier numéro de la revue Création Franche à ce petit sculpteur de l’essentiel, je n’avais encore jamais vu personne s’intéresser à lui. On peut voir pourtant pas mal de ses pièces au musée bèglais de la CF. L’ouvrage du Jean-Luc est pas tiré à beaucoup : 500 exemplaires en tout mais il doit en rester encore et pour le prix (21 euros) il est numéroté et signé Thuillier.
08.08.2008 | Lien permanent | Commentaires (1)
Pierre Honoré, artiste-paysan
Pierre Honoré. Avec un pareil nom, allez donc chercher sur l’ami Gougueule ! Il vous en sert des tonnes avec généalogies en pagaille. Et quand ce patronyme est suivi de la mention «artiste-paysan», c’est pas mieux. Comment ? Un sculpteur autodidacte dans le bocage ?
On a beau savoir que la Mayenne cultive l’anticonformisme, on soupçonnerait presque une supercherie.
Pourtant, il faut se rendre à l’évidence, de très sérieuses institutions comme le conseil de la Mayenne (grade : général), mademoiselle l’Europe et le C.C.V. (Communauté de Communes de Villaines-la-Juhel) ont uni leurs efforts pour que naisse aux Editions Siloé, une maison créée à Laval en 1982, un bouquin blanc comme un morceau de sucre dont l’auteur est un certain Jacques Dubois (pas pratique non plus les investigations gougeuliennes avec un blaze si françois) et le photographe Bertrand Bouflet qui a travaillé (tiens, tiens…) avec le sculpteur Louis Derbré, bien connu à Ernée et dans le monde entier. Le bouquin s’intitule, vous avez compris, fines mouches animuliennes, Pierre Honoré, artiste-paysan et ça vient de sortir en novembre 2007.
Cela fait des dizaines d’années que Pierre Honoré sculpte et modèle son domaine «oriental» et sa maison situés dans le creux d’un vallon dominé par le mont des Avaloirs aux confins de la Mayenne et de l’Orne. Et on ne le savait pas. Son œuvre, constituée de statues en grès ou en granit, de pièces en bois de madriers, de mosaïques à belles alanguies accuse un fort (trop fort parfois) penchant pour les divinités khmères.
C’est que son goût de la lecture l’a entrainé, lui qui, à 13 ans, a dit bye bye à l’école, vers les récits d’explorations, le journal L’Illustration et les images de l’ex-colonisation. Il s’égare parfois dans des Egyptomanies assez fades puis se reprend de belle façon dans des bustes et des têtes que l’on dirait du meilleur style «grotesque» façon 18e siècle. Il ferait presque penser alors à une espèce de Barbu Müller par sa capacité à s’accommoder de l’ingratitude du matériau.
Ce qui le sauve, c’est les grosses poitrines de ses femmes sculptées manifestant un tranquille érotisme. Je sais pas si le papier couché de l’édition y est pour quelque chose mais la repro des photos est pas formidable et même carrément sombre sur celle offrant le portrait du créateur sous un grand chapeau de paille qui lui mange la figure. On se prend à se demander (tiens, tiens …) si c’est pas fait exprès. La crainte d’une mise en scène nous effleure à nouveau mais il y les logos de l’Europe, du C.G., du C.C.V. etc. Pour vous faire votre idée, HT le livre et consultez la plaquette Prisme.
Dans les temps (juin-août 1997, le n°13 de la Revue Maine Découvertes a parlé aussi de Pierre Honoré, Le paysan orientaliste, né en 1925, qui a conservé tout ce qu’il a fait depuis qu’il s’est mis à l’art dans les années 50 du siècle 20. Ancien conseiller municipal, il a créé une asso d’artistes amateurs : le Club des Artistes de l’Ouest.
13.12.2007 | Lien permanent | Commentaires (1)
Art en marge reçoit Richard Greaves
Flotte, flotte, flotte et reflotte. Vous pensez qu’avec un temps pareil votre PAM (petite ame errante) est restée devant son Lady Grey ?
![ea280c208d369fd24c5ae3456d9d7d17.jpg](http://animulavagula.hautetfort.com/media/01/00/71819af3254b9066586f6efef4b33ae4.jpg)
Et bien non. Prête à se mouiller pour aller chercher l’information, elle n’a pas hésité, droite dans ses bottes lacées, à affronter les pavés glissants de la capitale belge.
C’est que l’événement vendredi soir était rue Haute, au 312, puisque la tournée européenne de Richard Greaves y faisait escale chez Art en Marge pour y mouiller jusqu’au 16 février.
Bruxelles est une ville formidable où l’influence de la Sécession viennoise se fait sentir, pas seulement dans les expos du Musée d’Architecture / Museum voor Architectur et ce que j’ai admiré d’abord en arrivant dans la galerie AEM, c’est les jeux de damiers sur le sol.
Faut dire que c’est pile poil ce qu’il faut pour une expo de photos, ça fait penser à de la pelloche perforée sur les bords. Au lieu de nous faire lécher des murs blancs en suivant un morne défilé d’images posées les unes à côté des autres, l’accrochage a privilégié le léger, le mouvant, le labyrinthique, le bifaçadisme. De simples câbles d’acier tombés du plafond supportent des panneaux dont les photos de Mario del Curto occupent recto et verso.
Le visiteur peut ainsi circuler au milieu de ces captivantes images, passer d’un gros plan à une vue d’ensemble, apercevoir les yeux de Richard Greaves (ou tout autre détail) qui se profile dans les entre deux.
Les légers chocs (inévitables les soirs de vernissage) qu’il leur imprime au passage les fait osciller comme sous l’effet d’une brise. Tout est fait pour offrir une transposition abstraite des impressions que l’on éprouve réellement lorsqu’on se promène sur le territoire de Greaves, dans cette Beauce à cent mille lieux du Jeu de Balle.
En sourdine, sous la rumeur des langues qui vont de bon cœur, des bruits de la forêt québécoise viennent accentuer subtilement cette transposition.
Le vent qui souffle à nos oreilles semble provenir des photos de MDC qui possèdent leur respiration propre, large, profonde et sereine.
Quand on sort de là-dedans, on est mûre pour tremper son manteau à fronces de cuir et col emmitouflant acheté à New York dans la tempête qui secoue l’Europe.
![ad24b39ed300dcc4d643f7c23eccd9b3.jpg](http://animulavagula.hautetfort.com/media/00/00/ad24b39ed300dcc4d643f7c23eccd9b3.jpg)
Rien ne pourrait nous empêcher de prendre à travers les vitrines quelques clichés d’ambiance artenmargesque pour tous les Animuliens, muliennes resté(e)s au chaud dans leurs sweet homes. Avant de filer au CIVA, 55 rue de l’Ermitage (à une encablure du Musée d’Architecture) où R.G. (non, pas Hergé !) a tissé, sur une terrasse plantée d’un mini-bois, une nouvelle toile. Sont venus s’y prendre des tas de vieux jouets colorés, ce qui va plaire à vos enfants quand vous les emmènerez voir ça. Et à moi si j’ai le temps de revenir car mon Thalys, hélas, m’attendait déjà à la Gare du Midi.
09.12.2007 | Lien permanent
Match Burland-Pons pour la St Saturnin
Il y aurait beaucoup à dire sur le «goût viscéral» de Jean Dubuffet «pour le désert». On pourrait aussi bien prétendre qu’il s’y est enquiquiné à 100 sous de l’heure après son overdose de chameaux de la fin des années 40.
Mais on va pas chipoter le carton d’invitation de la Maison Objet Trouvé qui utilise ces termes, puisque cette méritante galerie voit dans le désert une occasion d’apparenter François Burland au «grand ancien» fondateur de l’art brut.
A-t-il besoin de ce rapprochement, ce peintre né à Lausanne et enrôlé sous la bannière de la Neuve Invention ? Pas vraiment, Burland ayant acquis -O.T. nous le proclame- «renommée à travers le monde».
L’expo s’intitule Desert blues. Comment ne pas être intimidée, après ça? Votre petite âme errante confesse son ignorance crasse. Burland, elle le connaît surtout par repros interposées. Aussi est-elle plutôt jouasse, c’est clair, de cette rétrospective Burland, «la première en France» bien sûr. Espèrons qu’elle apportera sa petite pierre. Le vernissage c’est le 29 novembre.
Ce sera ce soir là un match Burland-Pons car ce jeudi, également à partir de 18 heures, la Galerie Béatrice Soulié vernit les dessins récents de Louis Pons qui n’est ni brut ni «neuvinve» mais qui se laisse voir parce que c’est un grand de chez grand, un des rares qui accède par des moyens d’artiste pur jus à des régions où n’accèdent généralement que les créateurs qui ne peuvent faire autrement de l’être.
Une expo Pons c’est toujours un événement à Paris. Je croyais, tiens, tiens, qu’il était celui «qui ne dessinait plus». On verra bien. Du moins, si on arrive à se propulser de la Bastille au Quartier (latin), de la Charenton street à la pictorialiste rue Guénégaud.
Ceux à qui ce grand écart ferait pas peur, ne craindront pas non plus d’aller 2 jours plus tard (c’est ouvert les samedis, dimanches et jours fériés seulement) à la Galerie Capazza. C’est à 90 mn de notre vieille pollution parisienne, dans le grenier de Villâtre qui est un château. Entre Vierzon et Bourges, à Nançay dans le Cher (18330).
Ils y verront les Paysages habités d’Eliane Larus, une expo que Lydia Harambourg enrobe en ces termes dans le n°41 de La Gazette de l’Hôtel Drouot (23 nov. 2007) : «Si les ex-voto, l’art brut, la céramique sud-américaine, les jeux en bois ne sont pas étrangers au monde d’Eliane Larus, ils servent de tremplin à une verve intuitive qui détecte dans chaque objet des éléments formels, des couleurs dont elle transpose les richesses originelles». Le site de la Galerie Capazza est un peu emberlificoté mais vous trouverez sans doute le diaporama d’Eliane Larus. Une occasion pour vous mettre une bonne vingtaine de ses tableaux dans l’œil avec les prix en plus.
Bon, maintenant je retourne dans mon nid douillet.
27.11.2007 | Lien permanent | Commentaires (1)