22.10.2005
La lettre-mélancolie
A tous ceux qui croient que l’art brut est tombé de la dernière pluie, il faut raconter l’histoire d’une amazone. Elle s’appelle Théroigne et c’est une héroïne de la Révolution française. Charles Baudelaire, qui était un peu macho, la disait «amante du carnage».
Il est vrai que cette nana n’avait pas froid aux yeux. Le 10 août 1792, elle participe à l’assaut des Tuileries où l’on zigouille à cœur joie les conjurés royalistes. Cela ne l’empêche pas le 15 mai 1793 d’être lynchée à son tour par des mégères jacobines. Elle est sauvée de justesse par le camarade Marat qui ne peut lui épargner la flagellation publique, pan-pan cul-cul. Elle ne se remet jamais vraiment de ce viol. Son frère, pour lui épargner la guillotine, n’a pas de mal à la déclarer folle quand la Terreur s’installe. Elisabeth Roudinesco a raconté tout ça dans un bouquin en 1989 : Théroigne de Méricourt. Une femme mélancolique sous la Révolution (Seuil, Fiction et Cie). Dernièrement, un autre livre, paru à Lagrasse (11220) chez Verdier/L’Ether vague, remet sous le projecteur cette aventurière d’exception qui restera internée jusqu’à la fin de sa vie en 1817. Intitulé La Lettre-mélancolie, il transcrit un extraordinaire document écrit par Théroigne de Méricourt en mars 1801. Cette lettre, adressée à Danton, pourtant mort 7 ans auparavant, est un chef d’œuvre d’écrit brut. Non seulement parce qu’elle trahit l’expression grandiose d’un délire mais parce qu’elle frappe par la singularité radicale de la forme. Un fac simile nous présente ce torrent d’éloquence révolutionnaire où deux, voire trois messages sont constamment superposés ne laissant plus deviner que des bribes fulgurantes. Il faut saluer le travail de romain que leur décodage total constitue. Il est l’œuvre de Jean-Pierre Ghersenzon. Un texte de Jackie Pigeaud, qui signe l’ouvrage, l’accompagne.
18:25 Publié dans Ecrits, Jadis et naguère, Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : théroigne de méricourt, art brut | | Imprimer | | |