27.12.2010
Les territoires de l’art modeste
Fatal. C’était fatal que j’allais vous en parler. De mes cadeaux de Noël, badame! Pas des cado-bonux, attention. Du lourd de chez Di Rosa pour commencer. En attendant de m’offrir un petit ouikène à Sète pour explorer Les territoires de l’Art modeste(y’a pas l’feu, l’expo dure jusqu’en octobre 2011), mon chéri m’a glissé sous le sapin le super coffret contenant les 12 catalogues réunis pour l’occase du 10e anniversaire du M.I.A.M.
Bon, tous m’intéressent pas au premier chef mais chacun a son charme. La place me manque pour vous les présenter dans le détail mais, à part La Petite histoire de l’épopée du M.I.A.M. racontée par Bernard Belluc (incontournable!)
j’ai bien gobé : Robert Combas présente Maurice Chot (autant pour sa couvrante que pour les B.D. autodidactes de l’intérieur),
PQ Ville de Michel Gondry (décor de ciné en rouleaux de papier-toilette + lunettes anaglyphiques génération Pif Gadget).
Je kiffe aussi bien fort : Bamoun Picasso (dessins du Cameroun présentés par Antonio Ségui)
et la Collection Artaud la nuit(tapettes à mouches, trous, moules, marteaux) couplée à la Collection Chevrot (cordels).
Mais mes amis, çui que j’préfère c’est le catalogue Cinq outsiders singuliers (enrobé dans une repro du Jean de Florette à Raymond Reynaud). Même si son sur-titrage m’en bouche un coin. Pourquoi donc : Aux marges de l’art brut alors que 2 au moins de ces créateurs -Emile Ratier et Marcel Storr- baignent dedans jusqu’au cou ?
Comprenne qui pourra. L’étonnant Storr en particulier dont les cathédrales utopiques, destinées à la reconstruction d’un Paris imaginairement détruit par la bombe atomique, me paraît parfaitement digne du label brut bien que la soixantaine d’œuvres laissées par lui n’aient pas rejoint encore l’une des Mecques de la catégorie.
Soyons reconnaissants à Bertrand et Liliane Kempf, les découvreurs et protecteurs de cette oeuvre d’exception, de lui faire prendre l’air de temps à autre. Le Catalogue du M.I.A.M. énumère ses sorties, depuis 2001 (à la Halle Saint Pierre) mais avec une petite erreur. En 2005, ce n’est pas à la mairie du 19e arrondissement de Paris que L’Œuvre du cantonnier Storr a été montrée mais à la mairie du 9e. En face de l’Hôtel Drouot.
Dommage que Laurent Danchin, l’auteur du catalogue, (qui fait maintenant dans l’expertise de vente publique) ne s’en soit pas rendu compte. Mais félicitons-le pour son choix qui comprend aussi les Ripolin «pop art naïf et brut» de ce Germain Tessier dont il défend (avec raison) les créations depuis toujours.
Sans trop le chipoter au passage pour la présence de ce sympathique mais clinquant Mister Imagination, innocente concession, selon moi, à la contre-culture à paillettes américaine.
00:09 Publié dans Ecrits, Expos, Images, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut, art modeste, miam, sète, hervé di rosa, bernard belluc, robert combas, maurice chot, michel gondry, antonio ségui, raymond reynaud, emile ratier, marcel storr, germain tessier, bertrand et liliane kempf, laurent danchin | | Imprimer | | |
12.12.2010
Dédé et Jeannot vont en bateau
J’étais partie pour vous écrire une note bien savante mais à force de patauger dans la neige, j’ai les bronches qui me brûlent, la tête comme une chaudière et des courbatures partout.
Pas l’idéal pour vous traduire le texte d’Eva di Stefano sur les relations de notre Dédé bien aimé et de notre Jeannot favori.
Breton, Dubuffet e la nave della follia ainsi s’intitule cet article.
Il figure dans les actes d’un colloque que je vous ai signalé en son temps (Giovanni Bosco a Gibellina, le 7 mai 2009).
Une amie italienne vient de me faire parvenir ce bouquin de 223 pages qui constitue un précieux recueil d’essais sur des aspects négligés ou inédits de notre avant-garde nationale.
Chemin faisant, cette promenade dans les environs du surr croise des pistes d’art brut. Celle de Robert Tatin, par exemple, par la grâce de Roberta Trapani : La Frênouse di Robert Tatin, La danza cosmica dell’architettura. Je ne traduis pas, c’est évident.
Le titre de l’article d’Eva di Stefano fait allusion à La Nef des fous, cette fameuse satire médièvale de l’humaniste strasbourgeois Sebastian Brandt (1458-1521).
Elle cite également un texte de Gérard Macé (paru sous ce titre dans Colportage III chez Gallimard en 2001) qu’un des mécaniciens de la machine Animula Vagula lui avait conseillé de mettre dans son moteur.
L’italien, cela a beau paraître facile, le travail d’Eva va trop loin dans l’analyse pour que je puisse vous en rendre compte vraiment. J’ai beau ne douter de rien et m’attaquer bravement aux difficultés linguistiques, armée de mon google-traduction en corde de rappel, là je suis vaincue par l’influenza. L’avenir verra peut-être se lever les bonnes volontés traductrices. Aussi, je prends date.
23:06 Publié dans Ailleurs, Ecrits, Lectures, Parlotes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean dubuffet, andré breton, gérard macé, eva di stefano, art brut, surréalisme, robert tatin, sebastian brandt | | Imprimer | | |
29.11.2010
Bulletin, Tintamarre, Marabout, Bout de papier
Tout le monde les a eu entre les mains ces petits morceaux de poésie naturelle distribués à la sortie des métros dans les quartiers pas trop BCBG :
authentique sorcier détenteur de secrets
venus du fond des ages véritable
marabout une main
tendue à tous les désespérés celui qui saura quelque
soit le problèmes vous apportera une solution
tous vos Problèmes sur N’importe quel domaines Venez
le Consultez ou téléphonez il parle Parfaitement Français
il aiderez Travail Amour durable et sincère Affection
Heureusement que je viens d’arriver d’Afrique Médium
Africain je Travaille n’importe quelle difficultés même si
Vous avez du mal qui circule dans votre corps
Résout tous les problèmes sans exception
Défaillances mentales et sexuelles renforcement de
La clientèle chance amour, protextion contre
Les accidents réussites.
Aujourd’hui, la langue employée sur ces petits bristols imprimés a tendance à être plus disciplinée, la ponctuation est apparue et les robots-correcteurs réduisent les savoureux écarts orthographiques. Subsiste encore un certain bonheur du coq-à-l’âne qui fait qu’on hésite à les jeter. Et puis ça sert à marquer la page de son polar quand on arrive à la station Stalingrad! Depuis des décennies que mon daddy les accumule dans une boîte de havanes, je n’ai vu personne en faire grand cas.
Du moins sur le papier : je ne me suis pas lancée dans une grande enquête sur le web. A peine si, aux alentours de 1997, il s’est trouvé une Agence conseil en communication pour s’en inspirer (avec un esprit qui dénotait une certaine fréquentation de Dubuffet) et donner des «preuves fatales» de son savoir-faire.
Aussi suis-je bien aise de vous signaler l’article de Joël Gayraud qui vient de paraître dans le n°16 (octobre 2010) de la revue Empreintes. D’abord parce qu’il est bien écrit et qu’il cite beaucoup et puis parce qu’il a le mérite d’envisager le phénomène dans son parcours historique.
Joël Gayraud, qui ne se considère pas comme un collectionneur, s’est intéressé à ces messages de voyants depuis le printemps 1977. Sans forcer les choses, «par une simple collecte passive dictée par la curiosité», il a réuni plus de 2000 flyers maraboutiques, tous différents. Joli corpus pour une littérature à première vue si éphémère. Cerise sur le gâteau, l’article porte un titre clair et pas ronflant : Cartes de marabouts, une collection d’art populaire.
La revue Empreintes habite au 102 bd de la Villette à Paris 19e.
08:18 Publié dans Ecrits, Poésie naturelle, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : joël gayraud, marabout, revue empreintes | | Imprimer | | |
28.11.2010
Palermo : l’observatoire de «la creazione differente» présente son nouveau site
Je ne sais pas si je vais me la faire monter en bague ou me la suspendre autour du cou mais je vais sûrement faire quelque chose avec la «mappa murali Bosco a Castellammare».
Elle est trop belle avec ses tons de bleu et ses touches de rouge qui indiquent les murs peints par mon peintre sicilien favori. On peut la télécharger sur le nouveau site de l’Osservatorio Outsiderart de l’Universita di Palermo dirigé par Eva di Stefano.
Il suffit pour ça de cliquer «Sicilia» puis «I Luoghi» dans la colonne de gauche du tableau de bord de ce bel engin avec lequel il faudra compter maintenant dans l’espace brut européen.
Avec ce bolide palermitain, l’Italie rattrape définitivement son retard dans la compétition outsider et trouve sa place dans la nébuleuse des relations internationales.
Bravo au comité scientifique où l’on note la présence de Domenico Amoroso dont je vous ai déjà parlé.
L’O.O.U.P. ne va pas tarder à devenir un gisement d’informations et d’idées sur l’art brut et consorts. Du moins si on en croit son contenu inaugural qui recèle des découvertes : Salvatore Bentivegna (1923-2002), sculpteur de pierres de Sciacca (comme son homonyme Filippo)
ou Attilio Penzo, veneto et accumulateur-coloriste de l’ère du plastique totalitaire.
Avec le site, on nous propose la Rivista, une newsletter semestrielle.
Pour celle-ci, Teresa Maranzano renforce l’équipe dirigeante et puisque cette Sicilienne de Genève est aussi francophone, cela permet peut-être de voir se dessiner un axe sicilo-franco-suisse prometteur. A ce numéro un, Roberta Trapani, autre sicilienne bilingue (de l’espèce parisienne) contribue d’ailleurs avec une relation de la dernière Biennale d’Aubagne.
Les autres contributeurs pilotent des musées ou sont de dignes universitaires tendance «psy».
Lucienne Peiry nous fait le plaisir d’affirmer que, si on l’interroge sur l’existence ou non de l’art brut, elle n’a pas de meilleure réponse à faire que de préconiser une visite à la Collection de l’Art brut de Lausanne. «Oppure rispondo che un viaggo a Castellammare s’impone» ajoute-t-elle, pour inciter au voyage dans la patrie de Giovanni Bosco.
Cette première rivista de l’Osservatorio de Palermo regroupe certaines des interventions à un colloque organisé dans cette ville au printemps 2010. Voir ma note du 9 mars L’Echo des colloques. Cela donne à la chose un ton un peu trop sérieux qui conviendrait mieux à une publication savante sur papier. Mais la mise en page aérée qui ménage plusieurs niveaux de lecture, la lisibilité, l’importance donnée aux illustrations compense cet inconvénient relatif. Et puis j’adore le double filet bleu d’une élégance toute transalpine en encadrement.
Souhaitons cependant qu’à l’avenir les textes s’adaptent mieux encore aux contraintes du support. Et au public, nécessairement plus large sur la toile. Pensez aussi, signore e signori de l’O.O.U.P. que des gens qui comprennent mal l’italien vous lisent. Continuez à nous écrire dans votre belle langue mais n’oubliez pas, s’il vous plait, de nous offrir quelques phrases simples ou de courts résumés en tête de vos articles. Personnellement, je pourrai ainsi en parler mieux et plus vite!
16:11 Publié dans Ailleurs, art brut, Ecrits, Gazettes, Images | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : osservatorio outsiderart, palerm so, eva di stefano, lucienne peiry, teresa maranzano, roberta trapani, art brut, giovanni bosco, salvatore bentivegna, attilio penzo | | Imprimer | | |
21.11.2010
Fous à lier, fous à lire
Même si vous êtes dans le droit fil et que vous ne yoyotez jamais de la touffe, vous raffolerez d’apprendre que les fous se portent bien. Les fous littéraires s’entend. On n’a que des bonnes nouvelles à leur sujet en ce moment. Jamais catégorie n’a été autant gâtée que les F.L.
On dirait que les prises de chou, les excentricités de pensée et les théories fumeuses stimulent les taxinomistes. Rien qu’au XIXe siècle, on peu citer un tas de gus : Charles Nodier,
Octave Delepierre, Gustave Brunet sous le pseudonyme croquignolet de Philomneste Junior, Louis Greil, Charles Monselet
Quant au XXe, il se propulse au royaume de Madopolis au moyens de deux locomotives. Raymond Queneau qui laissa en plan Les Enfants du limon, le roman où il avait investi ses recherches sur la question
Raymond Queneau chez Raymond Isidore en 1974 ®
et André Blavier qui prolongea ses travaux.
Le Blavier, c’est pour ainsi dire la Bible des Fous littéraires. Il faut avoir les deux éditions parues chez l’héroïque Henri Veyrier (qui essuya les plâtres en 1982) et aux Editions des Cendres en 2000 pour la version «considérablement augmentée» sur papier Bible justement. Et maintenant, car c’est l’objet de ma note d’aujourd’hui, va falloir vous procurer Graines de folie, le Supplément aux Fous littéraires d’André Blavier qui va paraître incessamment sous peu aux éditions Anagrammes à Perros-Guirrec.
Dans le genre, vous seriez nuls aussi de pas vous jeter sur le petit dernier de la Collection Gens singuliersqui sort chez Plein Chant.
D’abord parce que c’est Plein Chant et puis parce que ce livre de Paule Adamy éclaire La Vie et les griffonnages de François Grille (1782-1853), un fou littéraire sur lequel Gérard Oberlé avait dès 1985 attiré l’attention dans son catalogue historique intitulé Fous à lier (lire), fous à relier (relire) publié par sa librairie du Manoir de Pron.
Paule Adamy cite Oberlé au début de son ouvrage. Elle le fait avec le ton objectif, raisonnable et pour tout dire un peu scrogneugneu que beaucoup de chercheurs se croient obligés d’adopter face à un effet de style. Ce n’est pas sans raisons mais c’est un peu rasoir. Adamy croit qu’Oberlé s’est égaré dans sa notice à propos des relations épistolaires de Grille avec un autre allumé dénommé Van Den Zande. Elle ne semble pas comprendre qu’il donne simplement du relief à son propos pour que son lecteur n’aille pas se pendre d’ennui.
Citons la prose oberléenne «un jour (Barbier) offrit à Grille un exemplaire des Fanfreluches de Van den Zande. Grille riposta par l’envoi de ses Fables et ce fut le point de départ d’une invraisemblable correspondance poétique qui passa par tous les stades de la folie amoureuse : simple flirt et politesses échangées, promesses de s’aller voir, joutes poétiques, badinages mais jamais de rencontre».
C’est peut-être un peu désinvolte mais que voulez-vous, chère Paule A, moi je trouve ça poilant!
Avant de développer la carrière d’écrivain que l’on sait, Gérard Oberlé a été un grand rénovateur de la fiche bibliographique. Il a tiré celle-ci des abîmes soporifiques où elle végétait.
Ce serait dommage de ne pas s’en rendre compte.
01:03 Publié dans Ecrits, Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fous littéraires, charles nodier, charles monselet, raymond queneau, paule adamy, gérard oberlé, françois grille | | Imprimer | | |
20.11.2010
Des invités-surprise pour l’abbé Fouré
100 ans de Fouré, ça vaut bien un petit coup de turlututu!
L’Anatole (Jakovsky), dans son bouquin sur Les Mystérieux rochers de Rothéneuf, paru en 1979 chez l’éditeur Encre, faisait remarquer que l’inaltérable Abbé Fouré était DCD en 1910, «la même année que le Douanier Rousseau».
Avouez donc que ce serait bête de laisser filer 2010 sans soulever son chapeau pointu ou sa casquette de baseball en son honneur.
Une toute nouvelle Asso, dont je ne sais pour ainsi dire rien, vient de se décider à le faire. Je relaie (dans le brouillard mais de bon cœur) cette initiative qui m’est signalé par une Animulienne malouine.
L’Association s’appelle Les Amis de l’œuvre de l’Abbé Fouré. Beau programme auquel on ne peut que souscrire! Si je comprends bien cette asso n’a rien à voir avec le site des Rochers sculptés. Elle nous promet de nouvelles infos pour plus tard mais là, dans l’urgence, elle nous fait parvenir l’affiche annonçant le temps fort de sa cérémonie d’hommage.
Retenez donc votre samedi 18 décembre 2010. C’est à ce moment là que vous pourrez looker une expo complète sur Fouré et ses œuvres (de 10 à 18 h), vous faire dédicacer par son auteur un nouveau bouquin sur St-Malo-Rothéneuf au temps des rochers sculptés (à 11 h précises, attention les retardataires!), vous faire une toile le soir à partir de 20 h 30 avec la projection d’un film d’un certain F. Daudier
Et avant d’aller faire de beaux rêves, vous aurez encore droit à une conférence sur l’art brut «animée par des invités-surprise». Aïe, aïe, aïe, là je crains le pire! mais j’espère, j’espère vraiment qu’on nous épargnera les grandes têtes molles des «experts-spécialistes» de la chose pour nous sortir de véritables jokers.
Je pense que cette journée préludera à une expo qui occupera le mois de décembre tout entier mais je n’en suis pas sûre. Si madame Joëlle Jouneau, la présidente de l’Asso des Amis de l’œuvre du bon Abbé me faisait l’honneur de passer par chez moi pour lire ces lignes, ce serait sympa à elle d’éclairer à fond mes lecteurs et mes lectrices à qui je fais un gros bisou en passant.
17:18 Publié dans art brut, Ecrans, Ecrits, Expos, In memoriam, Jadis et naguère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, abbé fouré, rochers sculptés, rothéneuf, paramé, anatole jakovsky, jean jehan, f daudier, joëlle jouneau | | Imprimer | | |
08.11.2010
Jules Mougin n’est plus, il nous manque une étoile
C’est à devenir chèvre! J’étais sûre d’avoir dans mon fourbi un poème autographe du Facteur Mougin sur le Facteur Cheval et pas moyen de remettre la main dessus. Toutes les rombières de la terre me comprendront, c’est vexant d’être victime de son désordre. Demain, c’est promis, j’y verrai clair. Il sera temps de devenir une bonne ménagère.
En attendant voici, sans tarder un télégramme de Jules Mougin reproduit pour Robert Morel sur la reliure maquettée par Odette Ducarre en 1960 qui abritait un recueil imprimé de 143 lettres, poèmes et cartes postales de l’auteur.
Et son portrait, par je ne sais qui, figurant en tête du même recueil. Que le photographe me pardonne cet emprunt, «un livre ne doit pas être un cimetière».
Jules Mougin écrivait naturellement de la poésie naturelle. Par exemple ces belles lettres anonymes publiées confidentiellement par PAB (Pierre-André Benoît).
Le titre exact c’est : Les Belles lettres ou les anonymes et je résiste pas à vous en citer la moitié d’une adressée à un commissaire :
«Un locataire a-t-il le droit d’avoir chez lui des ossements humains? Une personne dont je ne tairai pas le nom, qui habite dans l’immeuble (…) possède des crânes et des squelettes. Je vous demanderais, Monsieur le Commissaire, d’ouvrir une enquête. Les appartements ne sont pas des ossuaires, que je sache! Et ce nécrophore –je pèse mes mots– peut aller assouvir ses passions ailleurs, au Musée de l’Homme par exemple».
Un gars qui écrit des choses comme ça mérite bien de vivre jusqu’à 98 ans. Mais ce soir le comptable de la terre «a beau compter et recompter, il lui manque une étoile» et cette étoile c’est Jules Mougin.
23:55 Publié dans art brut, Ecrits, In memoriam, Poésie naturelle | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, poésie naturelle, jules mougin | | Imprimer | | |
01.11.2010
Les petites maisons de Juqueri
Décidément, on me lâchera jamais la grappe!
Je m’étais organisé une petite journée pénarde favorable à la méditation du 1er novembre et puis patatras, c’était compter sans le brain trust d’élite constitué par mes lecteurs. L’un d’entre eux, après mon post du 17 octobre 2010, m’avait mailé pour me dire que l’une des images de cette note
lui faisait penser à un petit dessin «qui est à Sainte Anne et qui a été dans le catalogue de la Clé des Champs».
Comme vous êtes très musclés du bulbe, je vous rappelle pas ce que c’est que le centre hospitalier Sainte-Anne of Paris. Mais pour les Animuliens distraits qui l’auraient oublié, La Clé des Champs c’était le titre d’une fameuse expo de 2003 à la Galerie Nationale du Jeu de Paume où ce qu’on avait pu voir une expo Bispo do Rosario pas piquée des hannetons. L’auteur du dessin reproduit page 108 du catalogue de La CdC est un Brésilien du nom de José Theofilo R.. Et ce dessin a dû paraître bien fort aux concepteurs graphiques du catalogue (Sign-Bruxelles) puisqu’ils l’ont utilisé aussi en camaïeu de jaune et brun-rouge pour la couverture.
Les choses en étaient restées là et j’avais laissé planer en attendant que mon correspondant savant (qui s’étonnait de la «provenance Nevada» indiquée par Raw Vision) m’en dise plus. Il ne pouvait pas chercher très rapidement mais il était sûr de trouver la référence dans le livre de Volmat. Aujourd’hui, c’est chose faite et je suis en mesure de vous dire que «le livre de Volmat» en question c’est celui des P.U.F. paru en 1955 quand mon daddy était encore en maternelle. L’art psychopathologique que ça s’appelle ce classique et avec un peu de chance ça se trouve chez les bouquinistes. C’est un joli gros pavé plein de renseignements qui accompagnait la méga-expo internationale au 1er congrès mondial de psychiatrie.
Ouf, ouf. Effectivement quand on va à la page 15 de cette œuvre volmatique, qu’est ce qu’on lit? la notice reprise dans le catalogue de La Clé des Champs.
A savoir qu’il s’agit de «José T. R., mulâtre, paysan, 31 ans, schizophrénie catatonique. Dessins stéréotypés : traits géométiques, faits à l’aide d’une boîte d’allumettes, employée comme tire-ligne. Il n’y a pas dans l’infinité des maisons et des églises qu’il dessine, deux modèles semblables. L’ensemble est stéréotypé : villes développées en plan, maisons et édifices géométriquement juxtaposés. Sa production est un exemple de style schizophrénique dans toute sa pureté».
C’est un peu sec, comme le sont les observations des toubibs de ces années là mais cela a le mérite d’exister. Le dessin de Ste Anne provient de la Collection du Dr Mario Yahn qui bossait à l’hosto de Juqueri près de São Paulo.
Reste que José Theofilo R. est né en 1920 et que le papier sur lequel a été exécuté le dessin reproduit dans Raw Vision 70 aurait été fabriqué avant 1910.
Troublant, non ? S’agit-il, finalement, du même créateur ou d’une rencontre fortuite entre deux créateurs différents? Je suis perplexe.
16:59 Publié dans art brut, Ecrits, Gazettes, Images | Lien permanent | Commentaires (0) | | Imprimer | | |
17.10.2010
20 ans après ... la création franche cataloguée
Franchement, ça créationne dans tous les coins. A gauche, à droite, au nord et dans le sud-ouest. Dans les manifs, comme nous le prouve cette image de Pierre-Alain que j’emprunte à une note Le Post.fr du 16 oct. 2010.
Sur Raw Vision dont le dernier numéro (70) nous révèle, sous la plume de Lyle Rexer, un superbe ensemble de dessins du début du XXe siècle provenant d’un asile de Nevada dans le Missouri.
A Bègles où le MMCF (Musée Municipal de la Création Franche) nous offre la vitamine C de son grand catalogue orange couvrant la période 1989 à 2010.
On feuillette les 228 pages et c’est comme si on retrouvait un tas d’amis disparus : François Baloffi, Thérèse Bonnelalbay, Paul Duhem, Martha Grünenwaldt, Jean-Paul Henry, Simone Le Carré-Galimard, Alexandre Lobanov, Gaston Mouly, François Ozenda, Emile Ratier, Hélène Reimann, Raymond Reynaud, Pépé Vignes etc.
Paul Duhem
D’autres bien vivants, que l’on apprécie à des titres divers : Ignacio Carles-Tolra, Natasha Krenbol, Eliane Larus, François Montchâtre, Marie Morel, Michel Nedjar, Marilena Pelosi, André Robillard, Ody Saban etc., etc. Pardon pour ceux que j’oublie. 377 créateurs en tout, c’est presque trop. Beaucoup d’entre eux appartiennent à cette «collection annexe», voire «très annexe» (selon mon opinion) qui gravite autour du noyau brut (trop réduit à mon goût) de la collection proprement dite.
Gaston Mouly
Ce catalogue a l’avantage d’être une synthèse en images. Il a aussi le mérite paradoxal de nous montrer combien il faudrait resserrer le propos (il n’est pas trop tard) pour accroître la cohérence fondamentale de l’entreprise bèglaise. Cela supposerait que ses animateurs acceptent de durcir un peu leurs critères de choix et qu’ils aient le courage de s’interroger vraiment sur cette notion par trop vague de «création franche» qui n’est pas parvenue à s’imposer au delà de son lieu d’origine.
Natasha Krenbol
l
C’est peut-être à quoi les préfaciers du catalogue ont commencé -mine de rien- à s’employer. Noël Mamère, le député-maire de la ville, soutien indéfectible du site de la CF, parle d’«un lieu qui s’est imposé dans le monde de l’art brut et de ses apparentés». Pascal Rigeade, le directeur, évoque «l’homme du commun à l’ouvrage de Dubuffet». Gérard Sendrey rappelle que «la direction du musée se réserve le droit d’accepter ou de refuser les propositions de dons, même émanant de créateurs confirmés, si elles ne leur paraissent par choisies par les donateurs avec suffisamment de soin».
Alexandre Lobanov
On a envie de leur dire : «Encore un effort, camarades, l’heure de la retraite n’a pas encore sonné!». Vous avez peut-être eu tort dans le passé de céder sur votre désir d’art brut sous prétexte que Lausanne prétendait s’en réserver le label. Aujourd’hui que celui-ci n’est plus ostracisé par personne, qu’on assiste même à son institutionalisation (à ses dépens), des structures comme la vôtre peuvent jouer un rôle bénéfique pour défendre et préserver sa vraie nature. A condition de vous recentrer sur lui.
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12.10.2010
Les forêts intimes de Sandra Martagex
Pouf, pouf! (comme disait Desproges). Parenthèse, si vous aimez mieux. Je me sentais un peu déprimée alors je me suis fait : «allo, les copines, bobo». A l’heure du thé, je suis allée placoter avec Séraphine et Clémence dans leur bureau. «Placoter» c’est blablater. Pardonnez cet emprunt au lexique québécois. Séraphine s’appelle pas Séraphine ni Clémence, Clémence mais elles me grifferaient si je donnais leurs vrais noms vu que ce sont des dadames sérieuses du monde de l’art. Bref, on a placoté
des zigouigouis de Larry Clark ;-)
des zomards gonflables de Jeff Koons ;-),
des 193 souvenirs de la Biennale de Venise par Boltanski (glop, glop!).
Pour finir, elles m’ont raccompagnée au métro et on a ri comme des folles en partageant la même écharpe parce que la fraîcheur tombe vite en cette saison. Avec tout ça, j’ai oublié de leur parler de l’expo de Sandra Martagex à la Galerie Frederic Moisan. Moi, z’en aurais bien dit le bien que j’en pense… Faut savoir prendre de la distance avec l’art brut de temps en temps! Sans pour autant tomber dans les koonneries et les zigouigouis. Mais je dois préparer la soupe alors je préfère passer le volant de cette chronique à l’un de mes nègres (au sens littéraire du terme)
22:37 Publié dans Ecrits, Expos | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sandra martagex, jean-louis lanoux | | Imprimer | | |