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Célébration de Chemellier et de Jules Mougin
Célébrons aujourd’hui Chemellier dans le Maine et Loire. Cette commune chargée d’histoire (il y en a toute une tartine sur Wikipédia) m’offre l’occasion d’un retour sur moi-même. Au lieu-dit La Motte, il y aurait des poèmes gravés dans le tuffeau, tendre pierre crémeuse du Saumurois.
C’est qu’à Chemellier vécut Jules Mougin à qui il n’y a pas si longtemps (le 8 novembre 2010 exactement) j’ai fait un p’tit coucou de départ. J’enrageais alors de ne pas être fichue de vous citer une jolie poésie manuscrite du Facteur Mougin à son confrère Ferdinand Cheval que j’avais achetée jadis à Drouot. Et bien ça y est, je l’ai retrouvée, glissée dans sa chemise jaune parmi un épais feuilletage de coupures de presse. Elle provient de vieilles archives de Frédéric Altmann qui fonda un musée d’art naïf dans le Var. Je vous en cite un chouïa :
Ma foi, c’est pas rien de saluer
un voyant ! (…)
Il faudrait pour bien faire,
Compter les jours et les jours
Du va et vient
Génial.
Pierre par pierre.
Une pierre comme ça,
Une autre qui chuchote à la coquille,
Et la plus belle – mais si lourde –
Qui, sans aucun doute, est une larme
D’étoile !
Cette poésie, rédigée d’une main ferme et d’une plume noire le 30 juin 1975 à 17 heures, est belle dans sa forme un peu échevelée comme peut l’être l’autographe de Mougin que reproduit Alain Paire dans sa note du 13 mai 2012.
Si je vous signale cette note c’est qu’elle est toute entière occupée par un beau texte du photographe Léon-Claude Vénézia sur Jules et Jeanne Mougin.
Et qui est annoncée la sortie imminente de la correspondance de Jules Mougin avec Gaston Chaissac.
31.05.2012 | Lien permanent | Commentaires (3)
La folie ouvre le bal à Fontainebleau
Croyez pas que Fontainebleau soit seulement synonyme d’adieux. C’est une ville, une forêt, un château tout plein de mystères auxquels l’éditeur Tchou a consacré un de ces guides noirs en 1967.
Je possède la version luxe réservée au Cercle du Livre Précieux. J’y fourre de temps en temps mon nez pour y revoir les roches curieuses et fantastiques, la Pièta manièriste du Rosso ou les Atlas body-buildés de la Grotte du Jardin des Pins.
Un mystère supplémentaire c’est le nombre de colloques prévus pendant 3 jours à Fontainebleau à l’occasion de la prochaine Première édition du Festival de l’Histoire de l’Art. Dans le style pur jus de cervelles ça promet!
Moi, généralement les Grosses têtes réfléchissantes, ça me fatigue un brin. Mais là, c’est la Folie qui «ouvre le bal»! On nous promet de «l’imagination débridée», des explorations de «toutes les facettes du rapport entre création et folie».
Alors pourquoi pas? Le seul problème, c’est qu’on sait pas où donner de l’oreille, tellement il est riche le programme de ce vendredi 27, samedi 28 et dimanche 29 du mois de mai 2011. Que les stakhanovistes de la chose sachent que ça commence dès 9 h 30 et que ça se termine à des heures où les carpes sont depuis longtemps couchées.
Enfin, c’est égal, si vous trouvez pas là-dedans des occasions de satisfaire votre addiction à l’art brut, je me convertis à la broderie ultra-patateuse. J’ai noté par exemple : La folie, une recette pour le génie ?, vendredi à 10 h, Zdenek Kosek, Convocations des orages
vendredi 27 à 15h 30, Exposer l’art des fous, galerie et collection, samedi à 10 h, La folie du point de vue de l’art brut, samedi à 14 h, Littérature et art des fous -Henri Michaux et les peintures d’aliéné- dimanche à 15 h. Commes les bla-bla sont entrelardés d’expos, de concerts, de lectures et de films, seuls ceux qui ont le don d’ubiquité pourront se faire la totale. Au chapitre cinéma, on pourra revoir les films de Claude et Clovis Prévost (Monsieur G, Le Facteur Cheval, La légende du silex)
Les Statues meurent aussi d’Alain Resnais et Chris Marker
Découvrir le San Clemente de Raymond Depardon. Et Jaime (Jaime Fernandes) d’Antonio Reis et Margarida Cordeiro.
22.05.2011 | Lien permanent
Bâtisseurs de Sicile
Coucou, me revoilou. Si votre petite âme errante a manqué à ses devoirs animuliens ces jours derniers, c’est qu’elle a fait comme les copines. Elle a profité du ouikène 8 mai-lundi de Pentecôte pour tailler la route, les doigts de pieds en éventail sur le tableau de bord et le nez dans sa crème solaire.
Direction la Sicile où elle s’est fait une indigestion de granite de limone et de temples grecs avec Reinette, Dominique que sa fille appelle tout le temps sur son portable et Lea qui est Romaine et bonne comme la salade du même nom.
Parties pour Segeste sous un soleil trop top, nous nous sommes retrouvées sous l’orage devant le théâtre antique. Trois feuilles de figuier pour s’abriter à 4, je vous dit pas le concours de T-shirts mouillés !
Voilà ce qui arrive quand on se vautre dans l’hellenisme.
Pour que le ciel nous pardonne nous avons pris le chemin de Mazara del Vallo où le Routard 2008/2009 signale «l’œuvre d’un Facteur Cheval sicilien».
Bon, d’accord, il exagère un brin, le Tardrou mais la maison de Giovanni S vaut quand même un coup d’œil puisque vous m’avez suivie jusque là.
«Vous pouvez pas la manquer», dit le pompiste quand il vous abreuve Bijou, la petite Fiat de location, à l’essence sans plomb et sans reproche. C’est sur la gauche quand on va vers Marsala.
En effet, comment la manquer avec ces crénelages à la grosse, ses seaux en plastique bleu, ses assiettes, ses miroirs, ses bombonnes, ses montants de lit en fer embourbés dans un ciment taloché sans précautions inutiles ?
L’essentiel du travail de ce bâtisseur de désastres volontaires se trouve là, dans ces prèlevement opérés brutalement dans la réalité (ou pour mieux dire : dans ses déchets).
On approche par un chemin de terre qui poudre la carrosserie et on repart de même après avoir demandé l’autorisation de tourner autour de la maison à deux maraîchers qui bossent au jardin.
Impossible de voir dedans au travers des portes surmontées d’images de Padre Pio (un nouveau saint très à la mode) mais ça sent le chaos choisi dans la cour intérieure.
Sur le pignon de la maison, un décor de cailloux alignés, avec le nom du propriétaire qui, trop vieux peut-être habite maintenant en ville. L’indication «vendesi» indique que la maison est à vendre. Son propritaire et ornementateur a-t-il voulu la faire remarquer de la route voisine. Allez donc savoir !
14.05.2008 | Lien permanent
Environnements bruts : restaurer, dérestaurer
11.12.2005 | Lien permanent | Commentaires (1)
A la recherche de l’Héritière perdue
AVIS DE RECHERCHE.
A Trélévern L’Héritière a disparu.
Beaucoup moins connue que la Vénus de Quinipily de Baud (Morbihan) dont elle a été parfois rapprochée
La Penheres (L’Héritière, en breton) est une imposante statue à la rudesse impressionnante. Dernier domicile connu : le parc de Kergouanton, un manoir discret du côté est de la baie de Perros-Guirec. Seul portrait en circulation : une carte postale 1900 dont la reproduction ne court pas le net.
Selon le témoignage d’une autochtone recueilli par votre petite âme errante, l’auteur du cliché a fait son possible pour suggérer des dimensions colossales. En réalité le beau moustachu cravaté qui est censé donner l’échelle n’est pas sur le même plan que La Penheres. Astuce de photographe. L’Héritière n’était sans doute «pas si grande que ça». Environ 1 mètre 72. Comme mon informatrice qui a eu l’occasion de se mesurer à elle. Le nez « cassé par des gamins » aurait été remplacé par du plâtre. Origine : rien ne prouve que La Penheres témoigne d’un culte ancien. Les visiteurs ont vite fait en Bretagne de voir des déesses celtiques partout.
Il pourrait tout aussi bien y avoir parfum d’art brut là dessous. Le «Jeu d’un artisan primitif?» comme se le demande le noir Guide de la Bretagne mystérieuse paru chez Tchou au temps de la Révolution Culturelle (1966).
Depuis, les Côtes du Nord sont devenues d’Armor, le manoir a été vendu et son dernier propriétaire d’origine (aujourd’hui défunt) aurait emporté la statue. Aux dernières nouvelles elle aurait été vue dans les parages de Pleumeur-Bodou, non loin de Saint-Uzec et de son menhir de 7 m de haut dont la christianisation naïve n’est bizarrement pas une catastrophe.
«Un peu abandonnée, dans une haie» m’avait-on dit et j’avais cru comprendre que c’était sur une voie parallèle au chemin de la corniche qui serpente entre Trébeuden et Trégastel. Mais j’ai eu beau explorer les parages de cette arrière-côte en face de l’Île Grande, je n’ai trouvé nulle trace de la mystérieuse Penheres.
La piste s’arrête là et pour reprendre l’enquête, il me faudrait de nouveaux indices. Aux lecteurs de mon blogounet, je lance donc à la mer cette bouteille : QUID DE LA PENHERES ?
Formidable ! Yaka demander ! Laurent Jacquy des Beaux Dimanches passait par là et ce dénicheur de rares images m’envoie une autre carte postale où figure en tout petit (mais quand même) la Penheres. La flèche rouge est de lui. Cliquer pour agrandir.
Bravo à son œil de lynx et bonjour au Facteur Cheval de Bernard Bras (voir le post du 29 juin sur son blogue).
29.06.2014 | Lien permanent
Regards d’automne
Bellon, Bellon, Bellon, «à ce prix là, vous m’en mettrez une bourriche!».
C’est ce que vous pouvez dire à votre soldeur si, comme moi vous avez la chance de croiser sa librairie en allant acheter votre salade.
Franchement, ce serait bête de se priver de ce bô bouquin d’Eric le Roy sur la photographe Denise Bellon(1902-1999) qui fut proche du Mouv Surr. Quand il est sorti en 2004 aux Editions de la Martinière, il coûtait plutôt bonbon (55 €), ce qui n’est pas choquant pour un album de cette qualité, reproduisant je ne sais combien de photos avec des entrelardages biographiques, éclairants mais pas pesants.
Aujourd’hui, il en arrive un petit stock sur le marché et vous pouvez vous en goinfrer sans mettre en péril votre budget d’étudiant ou de retraité de plus de 67 ans.
Cela tombe pile pour la dernière ligne droite (jusqu’au 18 octobre 2010) de l’expo Denise Bellon, Regards d’artistes sur le quai de la station St-Germain-des-prés.
Avec Denise Bellon, on entre dans une famille comprenant la comédienne Loleh, la réalisatrice Yannick (ses filles) et Jaime Semprun (fils de Loleh) qui vient de disparaître et qui fut l’âme de L’Encyclopédie des nuisances, «seul surgeon vivace» de l’aventure situ, selon l’article nécro de Jean-Luc Porquet dans Le Canard enchaîné du 11 août 2010.
Denise Bellon, son chemin croisa, au gré des reportages, une mariée gitane, de pauvres petites putes du quartier «réservé» de Casablanca, une danseuse de Côte d’Ivoire aussi bien que Salvador Dali, Marcel Duchamp, Joan Miro. Elle est aussi la belle sœur du cinéaste Jacques Brunius (voir mon post du 10 septembre 2005 : Violons d’Ingres). C’est surtout à ce titre qu’elle m’intéresse, obsédée par mon petit bout de lorgnette brute que je suis. Parce qu’elle a réalisé une centaine de clichés du Palais idéal du facteur Cheval en préparation du film de Jacques Brunius sur celui-ci. Cela se passait en 1936 et ses images, «largement publiées, contribueront à la notoriété du lieu». Vous en trouverez deux dans l’ouvrage d’Eric Le Roy. Je vous les reproduit pas pour vous inciter à l’acheter.
Comme il me reste un peu de place, j’en profite pour zoomer sur un livre d’un certain Christian Colas qui vient de sortir chez Parigramme. Intitulé : Paris graffiti, les marques secrètes de l’histoire, il nous offre pour pas cher (14 €) quantité de repros d’écrits furtifs et de figurations spontanées chinés dans des recoins-coins obscurs de la capitale.
Certains sont très anciens. Tous témoignent d’un besoin impérieux d’expression populaire, voire d’une pulsion artistique sincère qui se donne d’autant mieux libre cours qu’elle s’exerce en catimini. Attention : beaucoup de ces graffiti sont coton à prendre et il ne faut pas toujours s’attendre à une grande netteté de lecture mais l’auteur-photographe a rudement bien fait de ne pas écarter le diaphane au profit du pittoresque.
Dernière minute : vous vous souvenez du post Akkisuitok, Gérard Cambon dont votre petite âme errante vous avait régalé le 16 mars 2010? Et bien, voici que Regard, la petite revue d’art de Marie Morel consacre son n°109 (sept. 2010) à cet artiste chouchouté par la Galerie Soulié.
03.10.2010 | Lien permanent
Alain Gheerbrant, L’Homme troué
Rencontrer Alain Gheerbrant, je croyais pas ça possible alors j'ai rien préparé. Ma foi, tant pis, faut quand même que je vous dise que cet homme aux multiples casquettes (écrivain, éditeur, explorateur, cinéaste), fidèle toujours à la poésie, vous attend mardi 9 février 2010 à la Maison de l'Amérique latine, 217 bd St-Germain.
Venez à 18 h 30 pour la présentation de L'Homme troué, le récent livre de cet aventurier nonagénaire qui fit ami-ami avec les indiens Yanomami et Antonin Artaud dans les années cinquante, publia Arp et Benjamin Péret et -c'est surtout en quoi il intéresse les Animuliens- découvrit la «poésie naturelle» avec le peintre Camille Bryen à peu près au moment où Jean Dubuffet inventait «l'art brut».
Gheerbrant et Bryen en firent en 1949 une Anthologie qu'on a d'autant plus de plaisir à mettre sur ses rayons qu'elle est illustrée de photos de Brassaï représentant des vitres cassées et des lèpres de murs. Ce qui les cassait aussi, les vitres, c'était les drôles de textes réunis là dedans. Gaston Chaissac, le Facteur Cheval, le Douanier Rousseau, des «fous littéraires» (Auguste Boncors, Jean-Pierre Brisset), une médium-peintre (Hélène Smith).
Et puis des sortes de ready-made de l'écrit : liste de machines extraites d'un annuaire professionnel, prospectus d'un magasin d'articles de pêche, selon le principe que la poésie «pousse comme les truffes»
comme dit Alain Gheerbrant dans La Transversale, ses mémoires parus en 1995.
Je vous offre ci-joint un exemple de ces ready-made : le bonus jaune qui ne figure que dans la version luxe (sur beau papier) de L'Anthologie de la poésie naturelle.
Sur le cousinage des deux notions (Art brut/Poésie naturelle) , aux développements pourtant séparés, il faut lire l'entretien que Gheerbrant a donné il y a 10 ans au gros bouquin coédité par Actes Sud et abcd, intitulé : abcd une collection d'art brut. C'est aux pages 336 à 338.
Pour le reste, la vie d'Alain Gheerbrant est trop riche, je saurais pas par quel bout commencer.
Sans compter tout ce qu'il va faire encore. Je suis obligée de renoncer, excusez mais ce n'est qu'hier que j'ai trouvé le flyer annonçant la soirée à la Maison de l'Amérique latine en fouinant à la Librairie Gallimard, partenaire de l'événement.
Si vous voulez en savoir davantage, allez sur le site de Sabine Wespieser, l'éditeur de L'Homme troué. Mardi soir, elle tiendra compagnie, avec Raphaël Sorin (celui du blogue Lettres ouvertes), à Alain Gheerbrandt.
07.02.2010 | Lien permanent | Commentaires (2)
Aladin et le génie de Monsieur Tout-le-monde
Aladdin nous le dit : l'art brut est un sujet maudit.
Cherchant le calendrier des brocantes dans «le magazine des chineurs» du mois de juin (n° 251), je suis tombée sur un article de Bruno Delaine qui m'avait échappé à première lecture. Appartenant à la rubrique Il y a vingt ans, ce papier remonte le temps en direction du numéro 26 de ce canard qui a su se rendre indispensable, au fil des années, aux zamateurs et aux pros de l'antiquité (pas toc).
A cette époque qui date d'avant les téléphones portables (juin 1989), Aladin mettait déjà sa lampe merveilleuse sur son i mais il n'avait pas encore ce «double d» adopté depuis peu pour l'agrément de nos vacanciers-résidents anglo-saxons qui ne le lisent pas parce qu'il est en français.
Aladin ou Aladdin (prononcez comme grenadine) a toujours eu du mérite, on le voit. Ce n° 26, spécial Art brut et art naïf fut d'emblée un collector pour les petites fureteuses de ma trempe alors en pleine crise de croissance.
C'est qu'un support de grande diffusion qui consacrait son dossier du mois à notre dada chéri, ça courait pas les têtes de gondole alors. L'intérieur était tristounet avec des photos du Palais du facteur Cheval en noir et blanc (pardon, en black and white) et des caricatures qui avaient l'air de sortir du Hérisson.
Bruno Delaine décortiquait déjà les étiquettes, la peinture haïtienne était à l'honneur et Yankel donnait un coup de main pour le Musée de Noyers-sur-Serein, quasi inconnu au bataillon à ce moment-là. On restait sur sa faim mais c'était quand même pas mal.
Mais là n'est pas la question. Ce que je livre aujourd'hui à votre réflexion, dans le prolongement des commentaires pointus qui se sont portés sur ma note De l'art brut à l'art numérique, c'est la constatation à laquelle Delaine se livre dans sa chronique actuelle. Qu'ils soient «associés ou traités séparément», les sujets de l'art brut et de l'art naïf, «n'ont jamais marché» pour Aladdin. Ils ont toujours été synonymes de «bouillon», reconnaît sportivement B.D., fondateur du journal.
Ce qu'il ajoute révèle un étrange paradoxe: «quand nous programmons dans nos pages un sujet sur l'art spontané des non-initiés, nous sommes convaincus que nous n'aurons aucun mal à communiquer notre enthousiasme à nos lecteurs ébaubis. Mais caramba! (...) Les lecteurs-chineurs nous boudent, alors que les chineurs-lecteurs, dans les marchés et les foires, manifestent leur intérêt, voire leur fascination pour ces produits du génie de Monsieur Tout-le-monde. Allez comprendre». (...)
Bon entendeur salut à ceux qui croient que le dialogue entre l'art brut et l'art contemporain c'est vite-fait dans la poche !
28.06.2009 | Lien permanent
Des minous et des livres
Vialatte, Lévi-Strauss, Caradec et les autres : week-end-lecture pour votre petite âme errante. J’étais partie errer dans les rues glacées du côté de la Sorbonne qui est devenue un lieu de pèlerinage pour les cousins de province («mais voui, c’est là que ça se passait…») lorsque j’ai bifurqué vers les thermes de Cluny où se tient l’expo Celtes et scandinaves, rencontres artistiques VIIe-XIIe siècle que je voulais voir.
Hélas, le Musée National du Moyen-âge m’est apparu un peu rébarbatif avec sa porte défendue par un gardien qui n’a rien de Georges Clooney.
Et puis, j’en ai eu vite marre de faire le poireau devant des chiottes, installées dans un module de chantier qui défigure une cour vénérable, alors je suis allée photographier un minou du Poitou qui fait un tabac dans une librairie de la rue Saint-Jacques, voisine du Vieux Campeur.
De minou en minou, je suis allée lécher la vitrine du Dilettante où j’ai repéré les Chroniques de l’année 1968 d’Alexandre Vialatte qui viennent de sortir chez Julliard avec une préface de Philippe Meyer. Pour celles qui, comme moi, ont fait depuis longtemps des papiers du grand Alexandre leur livre de chevet, il n’y a peut-être rien à apprendre.
Mais ça fait jamais de mal de relire Vialatte et j’ai revisité avec plaisir certaines allusions au Facteur Cheval, certaines petites phrases sur Dubuffet et Jean Paulhan : «Dubuffet se grise de trottoirs, de bitumes et de macadams. Il a fait un portrait de Jean Paulhan en bitume. Les trente-deux dents (…) sont faites en vrai gravier de trottoir (…)».
Après ce joyau rouge, mon choix s’est porté sur un bijou noir, imprimé en bleu et édité par L’Herne. Ce petit bouquin de Claude Imbert s’intitule Lévi-Strauss, Le passage du Nord-Ouest.
Pour celles qui prennent soin de leur beauté, il a l’avantage de contenir la traduction en français (par Mark R. Anspach) d’un article de C. L.-S. parut en anglais dans dans le 1er n° de V.V.V. créée par André Breton, alors réfugié aux U.S.A, en 1941. Il s’agit de Indian Cosmetics, cette troublante cosmétique des indiens Caduvéo du Brésil que les habituées du chapitre XX de Tristes Tropiques connaissent bien. «Les femmes caduvéo ont une réputation érotique qui est solidement établie sur les deux rives du Rio Paraguay», nous dit Lévi-Strauss qui fête ses 100 ans vendredi. Avis à mes lectrices ! Comment les messieurs, emplumés ou non, ne craqueraient-ils pas devant ces parures de lèvres dessinées au jus bleu-noir d’un fruit du nom de genipapo.
C’est d’un sourire pareil que je souhaiterais saluer la sortie discrète de François Caradec, auteur (entre autres) de la désopilante et érudite Encyclopédie des Farces et attrapes et des mystifications, parue en 1964 chez le malicieux Jean-Jacques Pauvert. Des Arts incohérents aux fausses peintures du Tassili, de la Vierge à surprises de Notre-Dame du Mur de Morlaix à Glozel, on y serpente sur maints chemins de traverse qui croisent les sentiers de l’art brut.
Que toutes ces voies mènent au paradis des Christophe et des Allais, ça me paraît évident. Pas vous ?
24.11.2008 | Lien permanent | Commentaires (2)
Barcelona repetita
Evidemment, l’inconvénient avec Barcelona c’est que cette ville hyper-captivante baigne à mort dans la culture tout ce qu’il y a de plus culturante. Bon, ça a son charme d’accord. Et puis à tous les carrefours on se cogne à un art de rue, ma foi plutôt comestible.
En cherchant un peu on atterrit dans ce Museu Frederic Marés que j’adore. Une grande maison pleine à craquer de salles empilées et d’objets incroyablement accumulés. Demeure d’un sculpteur et d’un enragé collectionneur.
Moules à osties, globes de mariées, bénitiers, bretelles, chromos, ex-votos, alphabets brodés, étiquettes publicitaires … On se croirait chez 10.000 André Breton, chez un Alexandre Jacowsky à la puissance 16. Le musée a été fondé en 1946 mais il nous replonge dans une muséographie de papa, peut-être pas trop préoccupée de lisibilité mais d’une générosité sans rivages
Imaginez : des milliers de choses à voir, groupées par genre, ne différant parfois les unes des autres que par des nuances. Le pied. A chaque fois j’y passe des heures et je n’en viens jamais à bout. J’ai toujours faim avant. Il faudrait amener son sac de couchage et se laisser enfermer dans cette caverne d’Ali Baba
Cette fois j’ai repéré sur le toit d’une vitrine un drôle de jouet à roulettes, rugueux comme la branche d’où il a été tiré.
Comme j’étais encore en manque du fait de mon addiction au style brut, je me suis offert le détour obligatoire par le parc Güell avec ses faux-airs de Palais du Facteur Cheval.
Mais pourtant, la vraie découverte de ce voyage-éclair c’est CosmoCaixa, au pied du Tibidabo. Un musée de la science tout ce qu’il y a de récent et de pas chiant, ce qui est un exploit pour ce genre de truc.
Même les enfants des agrégées de lettres s’y amusent, c’est vous dire que l’on s’y émerveille et que l’on s’y instruit (en bonus). Les bébés de 2 ans, que laissent indifférents le fonctionnement du pendule de Foucault, adoreront faire tourner les tabourets métalliques.
Quant aux esthètes raffinés sexagénaires qui connaissent déjà le mouvement des marées reconstitué en labo, les plus blasés s’extasieront sur la grandiose installation du mur géologique, beau comme un tableau de Tapiès géant ou sur les moiteurs de la forêt amazonienne reconstituée avec anaconda en live.
Vous autres, Animuliens pur jus, vous y découvrirez une collection d’insectes emprisonnés dans l’ambre de leur vivant d’avant le déluge, des objets improbables genre ready-made bio, des agrégats géologiques mystérieux comme des sculptures médiumniques.
C’est que cette réalisation muséale d’avant-garde parvient à nous convaincre des tendances artistiques de la nature. Et de cela il faut lui dire : gracias.
24.03.2008 | Lien permanent | Commentaires (1)