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Le Noël de la môme Néant
Inviter quelqu’un pour Noël? La première personne qui me passe par la tête fait généralement l’affaire. Cette année : Jean Tardieu. Beaucoup de poètes que j’aime s’appellent Jean : Jean L’Anselme, Jean Follain, Jean-Pierre Verheggen… Il y a des exceptions. Des Raymond, des Géo, des Henri.
Coïncidence : c’est en sortant du film Henri (dont je vous ai annoncé la sortie le 28 mai dernier) que je me suis retrouvée accro à un poème qu’on y entend interprété par un comédien de la Compagnie de l’Oiseau Mouche. Dans l’histoire c’est la fête chez les Papillons blancs, un foyer de personnes handicapées mentales. Les résidents donnent un spectacle. L’un d’eux déclame ce truc épatant (ici récité par l'auteur)
La
Môme Néant
Quoi qu’a dit ? A dit rin.
Quoi qu’a fait ? A fait rin.
A quoi qu’a pense ? A pense à rin.
Pourquoi qu’a dit rin ?
Pourquoi qu’a fait rin ?
Pourquoi qu’a pense à rin ?
A’xiste pas
Cela me rappelait quelque chose. Queneau? Non. On s’est crêpé le chignon, mon chéri et moi pour deviner l’auteur. Lui tenait pour Michaux, moi pour Norge. A cause de l’ambiance belge du film sans doute. Où apparaît Noël Godin, le bien prénommé au jour d’aujourd’hui.
Monsieur I-Pad eut tôt fait de nous détromper. C’était Jean Tardieu l’auteur de ce poème dont le titre est : La Môme néant. Cette Môme néant, si métaphoriquement reliée au personnage de Rosette incarné par Candy Ming, risque fort de nous être utile l’année prochaine.
2014 s’annonce avec son cortège de bons sentiments à l’égard de ce qu’il est convenu d’appeler «les handicapés». Et son cortège de mauvais jugements à propos de leur art d’atelier que des confusionnistes voudraient faire passer pour de l’art brut.
Ce qu’il y a de bien dans le film de Yolande Moreau c’est qu’il montre combien une «handicapée légère», loin d’être totalement dépendante des autres, apporte de la consolation humaine à un triste névrosé porté sur l’alcool. Simplement parce qu’elle rêve sans malice d’amour et de normalité.
A l’opposé du sirop caritatif, la réalisatrice, par ses justes et émouvantes images, refuse comme Michel Thévoz «d’envisager le handicap en termes de déficit (…)».
Si comme je l’espère, vous avez trouvé, au pied de votre sapin, le petit livre de ce dernier sur Josef Hofer, plongez vous dans La Question du handicap, son premier chapitre. Il contient des considérations éclairantes sur le sujet.
Par exemple : «Il n’y a pas de caractéristique stylistique du handicap. Animer un atelier dans un cadre thérapeutique, c’est une chose; mais grouper, exposer et promouvoir le tout-venant de telles productions par sollicitude humanitaire, à l’instar des Jeux olympiques des handicapés, pour donner aux patients l’illusion d’être des artistes à part entière, cela procède d’un paternalisme humiliant».
Boire ensuite une Trappiste à la santé de Yolande Moreau et de Michel Thévoz n’est pas interdit. Echanger des propos de comptoir avec Andy Cap non plus.
25.12.2013 | Lien permanent | Commentaires (2)
BHN : Pas besoin de toi
Le Hors Les Normes, c’est comme le foie gras, faut pas en abuser. Quant à la sauce singulière, versée à la louche, ça finirait par faire gerber. On se réveille tout zarbi et quelque peu délirant à côté de sa plaque. On se ventile, on se disperse, on perd le sens des convenances. C’est ce que j’ai pensé en lisant la newsletter d’un événement bisannuel et rhône-alpin gratiné dans le genre.
Non seulement on m’y invite, sans rire, à «confectionner» des petites cucugnanteries de cabanes dont on me montre -toujours sans rire- quelques consternants modèles mais on me lance un «appel» pas piqué des hannetons. Emanant du pays de Guignol, on pourrait croire à une plaisanterie.
Mais non. On se frotte les yeux pourtant il faut admettre qu’ils ont osé. Oser nous conseiller de les contacter au cas où nous connaitrions un inspiré du bord des routes ou un créateur «dissimulé» (les guillements ne sont pas de moi).
De mieux en mieux dans le genre traqueur! Avec cette brillante initiative de la BHN (Biennale Hors Les normes), 2013 pulvérise in extremis le record du pire.
Les créateurs d’art brut n’ont plus qu’à bien se tenir. A peine éclos, ils grilleront aux feux des projecteurs brandis par des bonnes volontés qui risquent de tuer ce qu’elles prétendent aimer.
Je dis «bonnes volontés» pour le bénéfice du doute car je veux croire à la naïveté de cet appel cynique enrobé dans la sauce humanitaire et caritative. Mais si j’étais un créateur d’art brut, je me planquerais de peur d’être balancé.
23.12.2013 | Lien permanent | Commentaires (1)
Le mur de Martias
De Rouen à Sotteville-lès-Rouen, il n’y a qu’un pas et votre petite âme errante le franchit d’autant mieux qu’elle a reçu sur sa messagerie des tas d’ encouragements à poursuivre son bla-bla malgré la crève qui lui coupe le sifflet.
«J’ai été pas mal en accord spirituel avec toi» lui sussure-t-on d’un pays voisin.
«Ta note se rapportant aux travaux de Charbonnier est fascinante» lui murmure-t-on d’outre-Atlantique.
Quant à l’image du sieur Aulard dans son commentaire du 22 janvier à HP Réalités de 1955 : «un dessinateur qui ouvre des fenêtres très serrées les unes aux autres», elle provoque chez une de mes lectrices cette interrogation : «Faudrait-il voir aussi dans les sculptures de Martias, taillées sur les pierres du mur d’enceinte de son hôpital, des fenêtres ouvertes sur l’imaginaire, une tentative de désincarnation désincarcération ?».
Mais qui est ce Martias dont elle nous parle ? J’ai enquêté dans mon environnement de réducteurs de têtes et j’ai reçu des précisions tout ce qu’il a de claires de madame Béatrice Steiner, double-psy de son état. Comme c’est déjà tout rédigé, je vous en fait profiter tel quel parce que c’est l’heure de mon antitoussif.
Adrien Mesmin Martias a été admis à l’hôpital psychiatrique de Sotteville Lès Rouen le 4 février 1932 dans un pavillon «d’aliénés difficiles». Il y est mort de dénutrition comme des milliers de malades mentaux pendant la guerre, le 11 février 1943, à l’âge de 42 ans.
Après cinq années de tension et d’agressivité restées dans la mémoire des soignants de l’époque, un apaisement progressif se produit et s’installe de façon durable alors qu’il entreprend une activité de sculpture sur les pierres du mur fermant la cour du pavillon, ouvrant un espace de liberté au lieu même de l’enfermement.
Ce mur fut démoli en 1962 et nous devons à la vigilance du Dr Roland Beauroy la conservation d’une trentaine des pierres sculptées par Martias avec un simple silex, une clé de boîte de sardines ou un moignon de cuiller. Tous les renseignements médicaux ont disparu dans les destructions de la guerre. Ne restent que des témoignages et quelques informations administratives recueillies par le Dr Paul-Edmond Huguet et publiées en 1964 avec le Dr Beauroy aux Annales Médico-Psychologiques. Jean Dubuffet s’est intéressé à ces travaux comme en témoigne un courrier de 1965.
Le Dr Huguet a confié sept de ces pierres sculptées à la Section du Patrimoine de la Société Française de Psychopathologie de l'Expression et d'Art-thérapie. Elles ont été exposées à Athènes en 2004 lors de l'expositon L'autre rive
09.02.2007 | Lien permanent | Commentaires (3)
Le dur désir de Durette
Face au Saint-Laurent qui coule des jours majestueux en face de chez lui, Léonce Durette s’est aménagé un domaine pétillant de couleurs constitué par sa maison noyée sous les décorations et par son petit jardin foisonnant de sculptures jusque dans ses moindres détails. Il n’a qu’à traverser la route pour récolter ces bois de grève dont il tire un profit artistique immédiat pire que si c’était des trésors.
«Faut qu’tu réalises du moment qu’ça t’pogne» dit cet ancien menuisier québécois pour rendre compte de son incroyable facilité à se servir des bricoles de tous calibres que lui rabattent aussi ses concitoyens de Saint-Ulric en Gaspésie : bois flottés, mâchoires d’animaux, cailloux, coquillages, chutes de bois ou de fer, morceaux de plastique.
J’aimerais bien être comme lui et, pour commencer, trouver une utilisation aux monstrueux paquets de photos que j’ai prises avant l’arrivée de S.A.S. Le Numéric. Dernièrement, j’ai essayé de mettre de l’ordre dans ce bazar et naturellement j’ai succombé.
J’ai quand même pu extraire pour vous, mes Animuliens préférés, un petit album Durette. Allez pas me demander de quand ils datent ces clichés. Probable qu’ils sont contemporains (début 2000, je crois) du numéro 18 de Création Franche, revue (pas fanzine, comme on le prétend parfois à tort) qui invitait le lecteur français à suivre La Piste des Indisciplinés et des environnements d’art brut québécois.
03.12.2006 | Lien permanent
Qui a gagné le quizz de Noël ?
Antonin Artaud par Jean Dubuffet
Merci à tous les sympathiques animuliiiiiens qui ont répondu si viiiiite au grand Quiiiizz de Noël et bravo surtout à vous les fiiiilles qui vous êtes montrées si fiiiines mouches.
La gagnante du concours c’est Béatrice ex-aequo avec Teresa (et non «za», signor Decharme, vous confondez avec Terezie). Béatrice, la plus rapide et Teresa la plus précise.
Car il s’agissait bien d’Antonin Artaud dont je ne saurais trop vous engager à aller visiter l’exposition à la Bibliothèque Nationale de France (site François Mitterrand) ne serait-ce que pour le plaisir d’être fouillé par Sécuritas (comme dirait Chéri-Bibi) à l’entrée.
J’ai eu beau tricher en vous présentant la feuille à l’envers, nos deux lauréates ne se sont pas laissées prendre au piège. Teresa s’est même approchée très près de la source puisque ces dessins et ce texte hâtivement griffonné sont extraits d’un
Cahier Ivry, janvier 1948 dont Gallimard nous offre (enfin «nous offre», c’est 39 € quand même) un parfait fac simile accompagné d’une transcription typographique des textes.
Je vous restitue celle de notre page :
circonscrire
dont on peut discuter,
écrire
est un monde mort
les mondes vivants
sont invisibles
Parlons maintenant un peu du prix. En dépit de ma réputation d’incorruptibilité, je n’ai rien contre le commerce d’art et je me verrais bien marchande de soupe tant il est vrai qu’une soupe aux fanes de radis peut être un chef d’œuvre entre des doigts de fée.
C’est donc un cadeau soupe-surprise que nos deux gagnantes recevront très bientôt de notre part. Les garçons qui n’ont pas su se décider complètement et qui sont restés entre la chèvre et le chou devront se contenter de mes félicitations.
19.12.2006 | Lien permanent | Commentaires (8)
Vœux de tigre
Evidemment avec cette histoire de clé, c’était fatal, j’ai cassé la mienne dans la boîte aux lettres et j’ai dû supplier le serrurier pour qu’il vienne désincarcérer mes cartes de vœux qui criaient maman quand elles m’entendaient passer dans le couloir de mon immeuble. Parmi les vœux que je préfère il y avait ceux de Plein Chant. En fait une véritable brochure à la gloire de la typographie et d’un «graveur singulier», le dénommé Louis Bouton.
Edmond Thomas, le papa de Plein Chant a choisi pour nous une flopée de vignettes du Bouton en question extraites d’un gros catalogue de galvanos et clichés 1900. Pourquoi ? Mais simplement parce que le style de Louis Bouton «frisant souvent la maladresse (…) n’est pas sans évoquer ici et là (…) les productions de certains naïfs et autres officiants de l’art brut». Bon, il pousse un peu l’ami Thomas mais c’est bien gentil de sa part quand même.
Plus franchement brut sur son podium vert, le tigre jaune de Curzio Di Giovanni en provenance directe de la Collection de l’Art Brut. A rugir de plaisir, mâtiné stupéfaction décalée, ce dessin à la mine de plomb et crayons de couleur : La Tigrree giallaa.
Le redoublement des voyelles et des consonnes comme un feulement en surenchère venu du fond des os de la bestiole louche ! Os qu’on distingue aux rayons X dans le ballon du corps gonflé à l’hélium ! Le transport au cerveau d’une fusée bleue couronnée d’esquilles, vestiges d’un squelette éparpillé, entre deux yeux divergents ! Et les moustaches à côté de la plaque qui conquièrent tant d’indépendance qu’on se croirait devant le minet du Cheshire de Lewis Caroll ne laissant derrière lui que son sourire ! Franchement, on voudrait presque avoir des poils sur la figure pour apprécier le monde de cette façon là.
14.01.2007 | Lien permanent | Commentaires (1)
Quizz de Noël
Pour détendre un peu l’atmosphère alourdie par les controverses gallimardeuses,
un petit jeu.
14.12.2006 | Lien permanent | Commentaires (10)
De NYC à la FIAC
Votre petite âme errante a beau ironiser sur la Cour du Louvre dont la moquette sent le caoutchouc à plein nez, c’est tout de même dans cette partie de la FIAC qui regroupe les créations les plus contemporaines qu’elle a repéré le pétillant stand de la Virgil de Voldère Gallery. Avec un nom comme ça vous vous doutez qu’il y a de l’Européen derrière et c’est vrai que le jeune Français qui drive cette galerie résolument ouverte à de jeunes artistes internationaux possède une ascendance flamande branchée peinture classique.
Aux dernières nouvelles, V de V et sa compagne américaine, Susan Long, sculptrice de son état, crèchaient au 526 West 26th St, room 416, NY 10001.
Je n’ai pas craché quant à moi sur les drôles de petits engins électroniques du taïwainais Shih Chieh Huang qui gonflent et dégonflent des sacs en plastique tout en faisant de la lumière.
J’ai pensé, émue, que le cher Québécois Bill Anhang, dont j’avais très beaucoup aimé les œuvres à Montréal en 2003, avait soudain de la compagnie sur son arc-en-ciel (Riding the rainbow : new dimensions in spider culture, tel était le nom de son expo).
Egalement consommable parce qu’il y a de l’idée, la vidéo-palimpseste de Hung-Chih Peng. On y voit un gros chien blanc qui lèche un mur en faisant apparaître petit à petit des phrases de la Bible en arabe.
Mais bien sûr, question art brut, bernique. Alors si vous voulez quelque chose de ce genre du côté de New York, il vous faudra faire un (re)tour à la case Andrew Edlin. Du 2 novembre au 23 décembre, sa galerie, sise au 529 west 20 th st, programme Henry Darger The Vivian Girls Emerge.
Comme dit le dossier de presse que j’ai la flemme de traduire : «Among the show’s highlights : five similar and related drawing-collages of individual Vivian Girls (…) that appear to have been made early in the artist’s development of his epic tale, In the Realms of the Unreal. (…) The exhibition will also include one of the artist’s most important works, The Battle of Calverhine. Described by art historian John M. MacGregor (…) as the masterpiece of Darger’s work in collage».
30.10.2006 | Lien permanent
Une police de caractère
Méga-thé dimanche soir avec un tas de chouettes perruches dans une brasserie de Montparnasse. Le genre d’endroit enfumé où l’on distribue gratos ces cartes postales publicitaires qu’on prend toujours et dont on ne fait jamais rien. Je fais une exception pour celle-là parce qu’il suffit que la loi me regarde dans les yeux pour que je me sente coupable. Coupable de quoi? Mais de ne pas vous avoir tout dit sur le bateau d’Agostini (maçon de son métier, pas marin) dont je vous ai parlé dans ma note du 2 juillet (Surréalisme turbin …) et qui vogue déjà sur d’autres blogues. Me voilà obligée de me mettre à table.
Sachez donc que c’est dans une méchante brochure de Félix Benoit, assistant au Labo de police technique de Lyon que je l’ai trouvée.
Ce qui prouve qu’on dégote son miel partout. Ladite brochure, parue en 1938, s’intitule :
Le Dessin et la main-d’œuvre artistique des malfaiteurs (j’en vois qui salivent).
Comme j’ai un faible pour la police scientifique parce qu’elle sert parfois à disculper des innocents, je souligne que ces 22 pages (22, je vous jure!) de F. Benoit font partie de la Bibliothèque de la Revue internationale de criminalistique, dont le Dr Edmond Locard était rédac-chef.
Ce bateau, nous dit F.B., «est issu de croisements étranges. En biologie nous hésiterions à le classer comme hybride plutôt que comme métis». Intellectuel, non?
La petite étude de Benoit est pauvre en illustrations. Je vous colle quand même un dessin de la prison Saint-Paul. L’auteur le rapproche curieusement d’un tableau de Rouault.
Il est beaucoup plus généreux en descriptions et je vous fais volontiers Animulien(ne) de première classe si vous trouvez des images des œuvres qu’il évoque : la «guillotine en mie de pain», la «collection de grandes oreilles polymorphes, sculptées dans du bois», le «chandail d’homme couvert de broderies décoratives» exécuté par un détenu qui «avait fièrement reproduit, sur ce vêtement, les tatouages qu’il portait incrustés dans la peau».
![d1f732a0083b69505040a325fa517699.jpg](http://animulavagula.hautetfort.com/media/01/01/2c6de2797965392ba0b18fe25e1a95ff.jpg)
09.07.2007 | Lien permanent | Commentaires (2)
De Neter à Ernst
Pour les amateurs de passerelles (un nouveau blogue vient de naître à ce sujet), je signale celle-ci entre le Berger merveilleux (Wunderhirte), fameux dessin à la mine de plomb (1919) de la Collection Prinzhorn, dû à Neter (August Natterer) et la non moins fameuse couverture des Cahiers d’Art de 1937 : Max Ernst, Œuvres de 1919 à 1936.
13.06.2007 | Lien permanent | Commentaires (4)