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Foisonnements et Overvloed chez Art en marge
Et maintenant, tous derrière Ani en direction du ciel. C’est que la Sicile c’est pas que du bain de mer en maillot panthère, ça monte, ça monte et un peu vite, je vous jure, dans la région de Trapani. A Erice, village de montagne où l’on accède par une route en lacet qui fait des nœuds dans les estomacs de Reinette et Léa, indifférentes aux splendeurs des précipices, les nuages, « les merveilleux nuages » s’approchent en foule pour vous faire la fête.
Quand vous ouvrez la portière, ils pénètrent dans la voiture et quand vous ouvrez la bouche, vous les mangez à la cuiller .
Bon, c’est pas Neuschwanstein mais l’ambiance cotonneuse sur les remparts de la période normande m’a fait penser aux fantaisies médièvalesques de ce bon vieux Louis II de Bavière.
Vous me voyez venir ? On se rapproche de mes dadas. On s’en rapproche par des ruelles pavées de galets-savonnettes, sans pitié pour les fragiles escarpins (j’ai gardé le sac) que Dominique s’était offert le matin même. Et en haut, que trouve-t-on ? Une librairie bien sûr. Bourrée de souvenirs pour touristes mais où j’ai quand même trouvé, soldé pour un prix ridicule, le catalogue d’une exposition du début 2006 intitulée Gloria in excelsis Deo (toujours le ciel !).
Comme cette expo était consacrée à la tradition céroplastique (la tradizione ceroplastica natalizia di Erice, Alcamo, Trapani e Salemi) et que les bouquins sur ce sujet courent pas les ruelles par chez nous, je m’arrête un peu sur cet ouvrage de Maurizio Vitella, plein de photos de jésus en cire présentés sous globes ou dans des ébénisteries vitrées.
Pourquoi ? Mais parce que productions d’un catholicisme, populaire et baroque à la fois, ne sont pas indifférentes à certains créateurs d’art brut pur laine. Giovanni Battista Podesta, par exemple, pour rester dans la sphère italienne.
Quittant maintenant les brumes du sud, je vous invite à cingler avec moi vers des climats plus nordiques pour vous dire qu’un autre Italien, Anacleto Borghi, figurera au tableau de la prochaine manifestation (Overvloed/Foisonnements) d’Art en marge dans la capitale de la patrie de Salvatore Adamo, le plus fameux des Belgo-siciliens francophones.
Intéressez vous surtout aux éphémères sculptures de papier scotché et peint dudit Anacleto.
Et pour finir à rebrousse-poil, suivez Les Papillonnages de Véronique (un autre "blogue de fille") parce que cette petite nouvelle, tombée du dernier mois de mars, vous a une façon bien à elle d’aborder la question de l’art brut qui nous change des révérences, des contresens ou des délectations moroses assez habituelles en ce domaine, même si son coeur penche par trop pour l'érotisme, cette voie royale de la culture des plus cul-turantes.
01.06.2008 | Lien permanent | Commentaires (1)
Mémoires au présent à Laduz
Les grands esprits se rencontrent, dis-je, parce que, peu de temps après avoir souri à vos «canivets et autres paperolles», j’ai reçu le carton d’invitation de Jacqueline Humbert pour la nouvelle expo du Musée de Laduz. Mémoires au présent qu’elle s’appelle. On y montrera des reliquaires à papiers roulés XVIIe, XVIIIe et début XIXe siècles.
Ces «Trésors de ferveurs» proviennent de la Collec au Docteur Thierry Pinette pour lequel je suggère que l’on joue de l’épinette le soir du vernissage, le vendredi 20 juin 2008 à partir de 18 h.
Compagne de route de ces minutieuses réalisations de l’art pop des couvents, Lucile Moroni, une artiste d’aujourd’hui qui ne semble rien ignorer des techniques en usage chez les fabricants de pop-up, montrera ses broderies récentes et ses missels à papiers pliés.
Tout ceci du 21 juin au 14 septembre 2008.
Et quand à ceux qui s’étonneraient que je n’ai pas dit un mot de l’European Outsider Art Fair qui s’est tenu fin mai–début juin à l’Austrian National Library de Vienne (en Autriche), je répondrais que je ne me suis pas des masses sentie concernée par le côté «Outsider de chez Outsider» de la chose. En plus le site internet était bavard et confus et puis les «symposium» avec duo de «Professor», non vraiment ça me gonfle.
J’attendrai donc la prochaine party chez Christian Berst, avenue des Objets trouvés pour m’éclater un max (vernissage le 5 juin).
En attendant, je retourne fumer ma moquette au lieu de cracher mon venin.
En ce moment mon stupéfiant, c’est Pierre Desproges : «En cas de morsure de vipère, sucez-vous le genou, ça fait marrer les écureuils».
![1447356531.jpg](http://animulavagula.hautetfort.com/media/00/01/1560222587.jpg)
04.06.2008 | Lien permanent | Commentaires (4)
Une Sardine à la découverte
La Sardine ne fait pas de vagues. Elle n’ambitionne pas de boucher le port de Genève. Depuis la rue des Bains, elle part tranquillement à la découverte de 4 créateurs, «encore peu ou pas connus du public, mais dont certains font déjà partie de la Collection de l’Art Brut à Lausanne et de quelques prestigieuses collections privées».
Parmi ces mousquetaires, j’ai aimé surtout les dessins de Jakob Morf, un ouvrier agricole suisse (on est en Suisse) qui toutes les nuits, dans la maison de retraite où il passait la sienne, couchait délicatement ses rêves et ses impressions diurnes sur des blocs de papier quadrillé tout ce qu’il y a de plus ordinaires. Quand il en eut accumulé beaucoup, son travail fut exposé et il vendit, ce qui lui permit de se payer une folie : le survol en avion de la chaine des Alpes.
C’est Flora Berne, la galeriste de La sardine collée au mur qui m’a expliqué tout ça, d’abord avec une réserve bien compréhensible avec la canicule qui nous était tombée soudainement sur le coin du lac et puis en s’animant progressivement au fur et à mesure qu’elle se passionnait pour ses poulains :
Gabrielle Decarpigny et ses compositions, cernées fragmentées-imbriquées qui m’ont fait penser aux marbrures savantes du peintre radiesthésiste Jules Godi,
Charles Boussion et la virtuosité de ses jeux de perles (un peu trop) psychédéliques,
Ilmari Salminen et sa forêt de signes finlandais où il emprisonne des portraits. De celui-là, Flora me montra le portrait dans son atelier, une photo de Veli Granö, publiée dans le n°59 de Raw Vision et je n’ai plus eu de doute sur sa brutitude.
Mais j’en revenais toujours au bon Jakob Morf tant j’étais bluffée à la fois par l’évanescence de son propos et par sa volubilité multicolore.
Les doigts de Flora Berne, pour trouver le mot juste, dessinaient en l’air des guillemets imaginaires et votre petite âme errante n’en finissait pas de poser et de déposer son chapeau de paille n’importe où sauf sur sa tête en nage.
Si vous croyez que c’est facile de rendre compte de cet effacement d’une personnalité devant la poésie du monde, par les moyens sans cesse renouvelés de la couleur, allez-y ! Aller voir l’expo de la Sardine mais attention ça se termine le 5 juillet déjà.
28.06.2008 | Lien permanent | Commentaires (1)
Leonora Carrington, la fiancée du vent
Pour plus de détails sur cette période délirante dont Leonora Carrington a témoigné dans un beau texte poétique intitulé En bas, jetez donc un coup d’œil dans le rétroviseur animulien. Votre petite âme errante, qui aime à jouer les pythonisses, pas plus tard qu’à la fin de l’année dernière (30.12.2007) vous avait gratifiés d’une jolie note à ce sujet.
Les 3 dessins de l’éphémère folie Carrington sont reproduits dans le catalogue coédité avec Gallimard : Chimère, page 29, La seis, seis de septiembre, p. 42, Sans titre (car comment titrer ça ?) p. 48.
Il n’est pas vraiment donné, en ces temps de pouvoir d’achat défaillant et de «Cadeau-Bonux», mais vous en aurez pour vos 30 € si vous l’offrez à votre chéri(e) because la préface d’Annie Le Brun -pas mal ficelée, il faut le reconnaître- et les jolies images en couleurs des tableaux. Sans oublier les portraits photo de la dame Leonora (jeune et plus ancienne) et les nombreux souvenirs et documents, telle cette Carte d’En-Bas provenant du n°4 de la revue VVV de février 1944.
29.06.2008 | Lien permanent
Lesage, Trenkwalder : confrontation à la Maison rouge
«L’œil du collectionneur» est dans la Gazette de l’Hôtel Drouot n°24 (20 juin 2008) et il nous regarde par le biais d’un portrait de Bruno Decharme accompagné de ses «propos recueillis» par Geneviève Nevejan. Un long métrage est sur le gaz, le marché de l’art brut U.S. est florissant, «George Widener (…) mémorise les dates des catastrophes aériennes depuis quatre cents ans (…)». Rien de vraiment neuf dans cet entretien, si ce n’est qu’il marque l’émergence d’un concept tout droit sorti du chapeau de l’article, celui de collectionneur-conseil : «le cinéaste est depuis vingt-cinq ans l’observateur des artistes mais aussi le conseiller du marché de l’art brut».
Des œuvres d’Augustin Lesage appartenant à Monsieur Decharme figurent dans l’exposition qui commence à la Maison rouge à Paris.
Et là, votre petite âme errante pousse son cri primate : «iiiiiiiiiiiiiiiiii». Elle y est allée et elle en est toute retournée. Des accrochages de cette qualité, vous êtes pas prêts d’en voir souvent. J’étais partie boulevard de la Bastille avec mes préjugés en bandoulière, bougonnante contre la détestable mode qui consiste à fourrer les pépites de l’art brut et l’orfèvrerie chichiteuse de l’art contemporain dans le même sac. Je croyais me farcir encore le mariage de la carpe et du lapin, du bouquetin Van Dongen et d’Hélène Smith, la gazelle de l’au delà et puis je suis tombée sur le troublant binôme Augustin Lesage/Elmar Trenkwalder. Je suis restée scotchée. Un orage pouvait tomber sur la cage des tourterelles (Birdhouse café) près de la salle principale, j’ai du me rendre à l’évidence. Là il se passe quelque chose. La confrontation des deux univers produit, mieux que du dialogue, des questions au spectateur.
Comme je connais mieux les œuvres de Lesage que celles de Trenkwalder qui s’exprime par des assemblages de céramiques émaillées, serpentines, fluides, torsadées et colorées, c’est d’abord les tableaux du mineur que je me suis mise à looker avec un max d’intensité.
La présence perturbante des stèles de guimauve, des totems phalliques épluchés de l’artiste autrichien me conduisant à redécouvrir les larves blanches qui roulent en vague dans certaines des toiles de Lesage.
Inversement la contemplation de ses vertigineuses symétries est comme stabilisée par les structures architecturales de Trenkwalder, moitié mobilier d’église baroque, moitié palais martien. Dans une salle en bas un petit format de Lesage avec 2 rosaces multicolores répond (ou interpelle) une cathédrale trenkwalderienne qui tient du poële germanique.
Sans abuser de ces parentés de formes et de couleurs, l’expo favorise l’écho entre les deux œuvres. Façon de nous dire que chacun des artistes (on peut employer le terme pour Lesage qui a fait carrière) s’abreuve à une même source souterraine. Une source à laquelle Augustin accède par les voies d’un automatisme souverain et ingénu tandis qu’Elmar y touche par le recours à des stratégies patiemment calculées.
Si cette trop belle expo nous apprend une chose, c’est que l’art brut génère sa propre compatibilité avec un certain art contemporain. Le confronter avec n’importe quelle production platement ordinaire sous prétexte qu’elle est d’aujourd’hui (ou hier) n’a d’autre intérêt que de faciliter sa consommation sur un marché international.
Se creuser le ciboulot pour découvrir les bons compagnonnages (il y en a), c’est ça le truc. Même si on triche un peu. Car, si j’ai bien compris, non seulement Trenkwalder connaissait Lesage avant de participer à ce pacsage mais son travail semble payer tribut au médiumnisme. Voir par exemple ci-dessous WVZ87, tumultueux dessin inclus dans un cadre meringué façon pâtisserie viennoise exaspérée.
Toutes les photos sont tirées du catalogue et/ou du dossier de presse
22.06.2008 | Lien permanent | Commentaires (5)
Murs à la sicilienne
Le retour du temps gris, ça m’déprime. Je pense à mes récentes vacances et je pleure dans le gilet du téléphone de Dominique pour lui dire : «Je m’ennuie, je m’ennuie».
C’est que la Sicile, je n’en suis pas encore revenue! Surtout si je me mets à regarder les photos de ces extraordinaires peintures et inscriptions murales prises, à l’heure propice de la sieste, dans le quartier mi-ancien, mi-rénové, d’une petite ville de l’île aux trois jambes.
Un vrai mystérieux peintre a œuvré ici, dans l’irrépressible urgence d’un besoin d’expression sans égal et avec l’évidente tolérance de ses concitoyens, pourtant peu confrontés au phénomène des tags ordinaires, plutôt rares dans leurs rues.
Le sourire en coin des quelques vieux messieurs somnolant aux terrasses bistrotières quand ils évoquent, mi-figue, mi-raisin, leur «Van Gogh» local suffirait à nous faire comprendre que nous sommes en présence d’un cas d’art brut de la plus belle eau, si les formes inusitées, si le traitement instinctif des couleurs, si le mélange inextricable des graphies et des images n’étaient là pour nous en convaincre.
Grosses taches ovoïdes qui s’avèrent être des visages gonflés comme des ballons, macules galbées en cœur ou en pomme qui servent de supports à des listes de villes, à des prénoms, à des chiffres…, si je m’écoutais je vous en dresserais tout un répertoire.
J’avoue que j’ai un faible pour ces sortes de limaces body-buildées et mélancoliques dont le créateur détaille avec ferveur les biceps. Il les aime si fort qu’elles contaminent parfois la lettre C dans ses écrits.
Il y aurait tant à dire sur ses yeux-horloges à 4 aiguilles,
sur ses cibles tirant des flèches,
sur ses robots constitués de morceaux cernés et agglomérés, toujours prêts à prendre leur indépendance,
que je préfère me la fermer. Je me sens devenir chiante.
La peinture de ce subtil, émouvant et inapprivoisé créateur demande en effet qu’on n’oublie pas la façon originale dont elle s’intégre dans un environnement de lézardes et de somptueux vieux crépis qui se la jouent Jean Fautrier naturellement.
En enfant du pays, l’auteur de ces fresques se sert en virtuose d’une géographie de badigeons superposés et de fissures-crevasses, emblématiques, à leur manière, de l’histoire sicilienne et de la culture du sud de l’Italie.
Pas étonnant qu’il affectionne les violentes coulures rouges et les airs du chanteur napolitain Mario Merola. Il en transcrit les paroles, en dialecte, dans une orthographe approximative (Chitarra rossa), en suivant le tracé de lignes pointillées qui représentent pour lui la ligne mélodique.
25.05.2008 | Lien permanent | Commentaires (4)
L’art outsider à la pompe
«Allez les filles, c’est encore possible!», lis-je sur mon paquet de cornflakes du petit déj.
Possible de quoi ? Mais de rentrer dans mon itsi-bitsi petit bikini!
C’est pas gagné mais comme je n’ai pas ma pareille pour vous débiter des salades, je ne désespère pas de me contenter d’en manger quelques feuilles - et c’est tout - pendant la semaine qui nous sépare du grand rush aoûtien. C’est vous dire que je vois la vie en vert.
Aussi n’ai-je point été trop esbaudie de voir monsieur Pascal, le libraire de la Halle Saint-Pierre, déballer sous mes yeux une cagette d’appétissantes plaquettes d’un vert frais à cœur. J’ai reconnu tout de suite Singular Visions, the essence of Ousider Art, le bouquin japonais sur lequel j’avais flashé à Genève lors de ma visite à la Galerie Une Sardine collée au mur.
La couverture est belle à tomber avec sa tache en miroir où vous pouvez vérifier au passage si vos charmantes joues de pêche n’ont pas sournoisement pris 200 calories. Et puis c’est pas tous les jours qu’on peut harmoniser ses lectures à son régime, alors j’ai acheté ce très classieux ouvrage avec ses beaux effets de pages façon laque rouge, bijou en jade et impression jaune sur fond noir, même si, comme son nom l’indique, il est plus question là-dedans d’art dit singulier que d’art brut pur huile d’olive.
Edité par la Galerie Miyawaki de Kyoto, ce livre accompagnait une expo que j’ai su trop tard qu’elle se terminait le 15 mai 2008. Elle présentait au public japonais 13 «artistes autodidactes» européens «qui tiennent la réalité à distance et lancent sans cesse leur défi amer».
Parmi eux, j’ai retrouvé avec plaisir le Finlandais Ilmari «Imppu» Salminen et découvert avec intérêt les books en accordéon de Gene Mann.
Il y a aussi là-dedans des peintres et dessinateurs dont la carrière artistique est maintenant solidement établie : Carol Bailly, François Burland, Ignacio Carles-Tolrà, Kurt Haas et d’autres qui travaillent encore à l’établir : Claudine Goux, Danielle Jacqui, Jean-Pierre Nadau, Gérard Sendrey. Ce dernier s’est chargé de la préface, parfaitement lisible puisque Yutaka Miyawaki, l’éditeur, a eu la courtoisie de joindre des traductions en anglais et en français.
27.07.2008 | Lien permanent | Commentaires (2)
Arts pathogènes, arts contaminés
Expédition des affaires courantes. Les vacances c’est joli mais si tu crois, ma pauvre Ani, que ça va durer ! Ta boîtolettres a profité de ton absence pour engraisser et tu croules sous les i-mêles de ta copine Sophie. Heureux tout de même qu’il y a les messages animuliens mais que de news à traiter alors que t’as pas déballé ta valise !
D’abord, pour les fidèles de ma note du 21 octobre 2007 relative à Pierre Della Giustina, un petit tour en Auvergne pour vous animuler de source sûre que cet artiste trop rare sera présent le mardi 20 mai 2008 à la Galerie Arkos de Gérard Gubbiotti (25, rue du Port à Clermont-Ferrand) pour le vernissage de son expo qui sera visible jusqu’au 21 juin.
Côté Genève, c’est déjà samedi 17 mai, de 14 à 18 h, la conférence : Relations et contaminations entre art contemporain et art outsider à la salle Ajuriaguerra du Domaine de Belle Idée, 2 chemin du Petit Bel Air (1225 Chêne Bourg). C’est dans le cadre de Follie Italiane, une expo dont je vous ai dit du bien le 23 janvier 2008.
Parmi les conférenciers Teresa Maranzano, Elisa Fulco, Rhomas Röske et Bénedicte Merland du MAD de Liège. «Contaminations» me paraît pas le mot idéal en ces temps d’OGM mais pourquoi pas jouer avec l’idée de maladie.
Qui est l’agent pathogène de «l’art contemporain» et de «l’art outsider»? On serait tenté de s’en tamponner le coquillard puisque l’un n’est qu’une variété de l’autre mais je sens mes griffes pousser quand je lis dans la présentation de la conférence que «L’art brut est resté longtemps enfermé dans l’enceinte rassurante des définitions établies par Jean Dubuffet et Michel Thévoz».
«Rassurante», mon œil ! L’art brut, puisqu’il est finalement question de lui, c’est comme l’inconscient, il a apporté la peste et il a pas fini.
Alors, pour ma part, je préférerais parler de «capillarité», surtout parce que l’art con (j’abrège pour aller vite) et son compère l’art out (ou ce qui se donne pour tel) se gênent pas pour jouer les éponges avec le sang neuf de l’art brut. La réciproque étant infiniment moins vraie.
Enfin, c’est égal, ça fait plaisir de voir des gens réfléchir sur le statut de l’art brut dans un contexte bien différent de celui de sa création. Même si la notion de «décloisonnement» autour de laquelle rôdent ces hardis explorateurs me paraît bien mince pour la complexité du problème et, pour tout dire, un retour à la case-départ.
A Paris, Chaissac a droit à la couverture d’un luxueux catalogue de vente publique. Livres, dessins et autographes de deux collectionneurs : François Jolivet et Ivan Bonnefoy, expertisés par Claude Oterelo. Beaucoup de choses par ci par là pour les Animuliens parmi lesquelles128 lettres du Gastounet à Dubuffet.
Une phrase parmi d’autres : «Ce matin j’ai confectionné deux statuettes avec les souches que Pierre Giraud et moi avions rapportées» m’amène, par capillarité sans doute, à vous inciter à l’achat de Paris, mon pote, le nouveau livre de Robert Giraud paru chez Le Dilettante même si Le Copain de Doisneau vous en a déjà parlé.
16.05.2008 | Lien permanent
Animula et les Animos
Oyez, oyez ! Animoyez !
Une méga-nimo rétrospective Michel Nedjar se concocte à Wien en Animautruche (pardon, Autriche) au Gugging Art Brut Center ainsi dénommé depuis qu’on parle anglais dans la patrie de L’homme sans qualités et de Robert Musil réunis. On ne sait plus très bien ce qu’est devenu le «Klosterneuburg» qui faisait vraiment trop germanique mais l’adresse de Gugging est la même qu’avant : Haupstrasse (Main street), 2 . C’est du 31 mai 2008 au 22 février 2009, donc vous avez tout le temps d’y anim-aller ou de vous procurer le catalogue de Johann Feilacher faute de mieux.
Tant pis pour vous si l’english et le deutsch sont du chinois pour vous et si vous ne lisez que le français, la langue de l’artiste. Il faudra vous contenter des 290 images en couleurs ou apprendre en 3 mois les animu-langues étrangères grâce à la méthode à Mimile rectifiée Internet.
De toutes façons, c’est un «rendez-vous à ne pas manquer» comme nous le certifie la Galerie parisienne Polad-Hardouin (86, rue Quincampoix dans le 3e) qui -comme ça se trouve- expose simultanément Marcel Katuchevski et… Nedjar Michel du 24 avril au 31 mai 2008.
C’est qu’au Gugging, il y aura «poupées et dessins de toutes les époques». Par «toutes les époques», il faut entendre aussi celle -maintenant lointaine- où Michel Nedjar était un créateur d’art brut pur laine et non cet estimable artiste expérimenté que l’on croise dans les vernissages et sur lequel le marché américain louche. En ce temps-là, il ne serait venu à personne de traiter les bouleversantes, bitumeuses et torturées créatures nedjariennes de «poupées».
Le mot qui venait à la bouche c’était plutôt «momies» et ceux qui avaient voyagé, ça les faisait penser à ces Danois étranglés, retrouvés intacts dans les tourbières où on les avait jetés au Moyen-âge.
Aujourd’hui encore, il n’y a qu’à jeter un coup d’œil sur la couvrante du catalogue de l’expo Nedjar à Gugging pour que ce vocabulaire de nursery rhymes nous vénère un brin. Le travail de Nedjar reste trop chargé pour être enterré sous les sucreries, quoi! Mais admettons, il faut vivre avec son temps, c’est à dire avec son langage. Donc, en avant pour les poupées! Ambiance Barbie à tous les étages! Avec tout de même un palier où ça coince. Celui où le site de Gugging nous virgule sans vergogne sa petite phrase qui tue : «Michel Nedjar is undisputedly one of the most important living artists of the French Art Brut movement». Je t’en ficherai, moi, des mouvements!
Neuilly-sur-Marne, 1984-1997
Michel Nedjar, qui fut un des fondateurs de L’Aracine aux côtés de Claire Teller et de Madeleine Lommel, doit bien savoir qu’il n’y a pas de «mouvement Art Brut», fransoze ou non. Les mouvements c’est bon pour les ismes : outsiderisme, singulièrisme, dissidentisme. Les créateurs d’art brut sont d’enragés individualistes, indifférents au collectif, fût-il créatif.
Les créateurs d’art brut sont seuls au monde dans leur coquille
Et Gugging pour l’avoir oublié mérite un bref passage par la case Nos amies les bêtes.
N O S iiA M I E S iiL E S iiB Ê T E S
03.05.2008 | Lien permanent | Commentaires (4)
C’est l’Impaire que je préfère
Des merles, des enfants qui courent, une cheminée d’usine surplombant, comme un phare, ce joli hâvre «voué à l’art brut qui s’attache aussi à accueillir des artistes du monde entier» (communiqué de presse) et le décor est planté.
Avec la Galerie Impaire, le Creative Growth Art Center d’Oakland (voir mon post du 29 avril 2007 : Montreuil, California) a choisi d’installer son antenne européenne dans notre capitale. Vive les Américains quand ils ont des idées pareilles! Qu’on ne nous dise pas qu’ils n’aiment pas la France.
Tom di Maria, le directeur du Creative Growth, qui fait des efforts de lion pour parler notre langue, administre la preuve du contraire. Il prévoit de venir chez nous plusieurs fois par an pour dorloter les expositions qu’il compte y monter régulièrement.
A ces créateurs confirmés s’ajoutent des nouveaux que votre petite âme errante ne connaissait pas : George Wilson et Kerry Damianakes. De ce dernier j’ai aimé le poisson au rouge à lèvres et les «turkey sandwiss cheese and tomato and mushrom…» aux formes si éloquemment réduites à l’essentiel.
Kerry Damianakes
Les œuvres sont accrochées dans la salle de bal. J’appelle ainsi l’espace principal de la galerie à cause de son parquet blond. Cette salle de belle proportion, sans être gigantesque, est flanquée de deux ailes.
L’une, où Cheryl Dunn, une photographe new yorkaise, montre une série de portraits du Creative Growth, servira plus tard à exposer des œuvres d’artistes contemporains.
L’autre qui constitue un bureau-boutique très sympa. On peut y acheter des bouquins, des T-shirts et choisir, pour des sommes pas faramineuses (mais suffisantes pour engendrer chez l’acheteur le respect du travail des créateurs) des œuvres de qualité. «La galerie dispose également d’une chambre qui servira de résidence aux artistes de passage».
Dwight Mackintosh
C’est que souffle à Paris, l’esprit californien de la Maison mère. On sent qu’il a fallu des tonnes d’énergie pour aboutir à ce miracle inattendu : a «Paris-art gallery, exhibiting the artwork of artists with disabilities, self-taugt artists from around the world». Il reste à améliorer la communication : ça manque un peu de cartels et je ne suis pas sûre que le terme «artistes handicapés autodidactes» soit très heureux.
Judith Scott (détail)
A voir l’autorité plastique qui se dégage des dessins et peintures présentées 47 rue de Lancry, c’est plutôt nous qui nous sentons handicapés. Mais la gracieuse décontraction qui accompagne si bien la compétence et le respect qui règnent chez Impaire, pourvu qu’elle «doure» comme disait la maman de Napoléon !
15.06.2008 | Lien permanent