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De Nostromo à la Môme Moineau
Bon sang ce que les cartes de vœux me gonflent !
On a peur d’oublier celle pour Tata Irma. Elle ne me le pardonnerait pas. Et puis, celles qu’on reçoit sont trop pouraves avec leurs paysages badigeonnés au canon à neige.
Pourtant, cette année y’en a une qui sort du lot. C’est celle de Nostromo (« tout ce qui s’écrit »). Nostromo c’est le vaisseau dans Alien, c’est aussi une agence de com écrite, drivée par 3 savants fous de langage.
En 2008 ils font fort. Ils nous «surbillent une année maguirante, sigeoleuse, pleine d’épiclattes».
Si, comme moi, vous kiffez ce genre de choses, vous irez lire, dans le catalogue d’une vente publique du vendredi 25 janvier 2008, la mortelle lettre d’amour de la Môme Moineau, une chanteuse à succès des années 20 qui débuta comme vendeuse de fleurs au Fouquet’s où le grand couturier Paul Poiret la remarqua en 1925.
Cette femme-là n’a pas sa pareille pour vous tirebouchonner l’orthographe. Je cite : «Tu sai mon Bob que j’embrasse ta photo tout les soir quand je me couche je te mais à côté de moi et ment dort toute en pensent à toi mon Bob (…) Je rêve que tu es à côté de moi et que je t’embrasse sur ta bouche que j’adore et sur ton corps que j’aime mais voilà quand je pensé que tout les jours que tu me repoussait avec mépris si tu savais à quel point que tu me fessait soufrire».
Quittant l’ingrat Bob, je me suis tournée vers le gentil Damouré, l’acteur, l’informateur, le compagnon et l’ami du regretté Jean Rouch.
Jean Rouch, Damouré Zika en 1977 - Photo Philo Bregstein
Sur la tête de mon daddy, son Journal de route le long du fleuve Niger en 1948-1949 est un régal ! Damouré Zika est plutôt décomplexé du style. Maître pêcheur, chasseur d’hippopos, infirmier de santé, il a appris à lire contre son gré. Il «écrit tout naturellement, au fil de la plume» disait Rouch, «c’est simplement un Africain qui raconte ses aventures dans un français qui est une traduction très proche de la langue parlée». Comme c’est paru aux Editions Mille et Une Nuits et que ça coûte que 3 € vous seriez impardonnables de pas vous l’HT.
En tête du volume, Eric Dussert (celui qui fait l’Alamblog), a concocté cette édition et repris Les Aventures de Mekoy, l’histoire du petit tirailleur noir qui figurait en 1949 dans l’Anthologie de la Poésie naturelle de Camille Bryen et Alain Gheerbrandt. En compagnie de textes de Gaston Chaissac, Jean-Paul Brisset, Ferdinand Cheval et (entre autres) d’Auguste Boncors.
A propos de ce dernier, qui se voulait le sauveur du lyrisme et qui fut repéré par Robert Desnos et Louis de Gonzague-Frick, votre petite âme errante n’est pas peu fière de vous montrer un portrait, arraché de haute lutte, aux enchères. Il complète les 3 photos reproduites pp. 944, 946 et 947 par André Blavier dans Les Fous Littéraires, version de l’an 2000.
19.01.2008 | Lien permanent | Commentaires (4)
Des œufs de Pâques à Noël
Les petits fûtés et les grosses malignes étant bien entendu majoritaires dans le peuple animulien, il y a gros à parier que certains ou taines d’entre eux ont déjà découvert le secret des mains qui se baladent ces temps-ci sur certaines de mes images.
Cela fait deux mois en effet que je vous glisse en douce et en prévision de Noël des œufs de Pâques dans l’icono.
Pour vous mettre sur la voie, je vous balance le plus récent d’entre eux sous le nez. Dans Les Musées de la drague, cliquez sur les bons points et vous verrez, et vous entendrez. Fun garanti.
Au premier ou à la première d’entre vous qui trouvera les 5 autres œufs de cette demi-douzaine planquée par les soins de votre Petite Ame Errante dans ses notes de novembre et de décembre 2007, il sera adressé (pour peu qu’on me communique des coordonnées sur mon adresse électronique) un Père Noël en chocolat.
24.12.2007 | Lien permanent
L’inuksuk de Marnay
Faudrait pas croire que vot’ p’tite âme errante ne jure que par le lait de la treille. Elle n’a rien contre le jus de pommes et, pour vous le prouver, elle vous en offre une pleine bassine d’un joli bleu remplie directement au sortir du pressoir d’un sympathique Viennois des environs de Civray (86).
Avec un nom comme ça, vous comprendrez que je ne vous mens pas.
C’est pourquoi vous me suivrez, j’espère, si je vous dis que sur la route de Vivonne, j’ai rencontré l’inuksuk de Marnay.
Bon, j’exagère un peu, les inuksuit ce sont des accumulations de pierres utilisées par les Inuits pour effrayer les caribous et ici c’est des bottes de paille, de la bâche en plastic et de la peinture couleur cobra qui ont été joyeusement combinées ensemble par des agriculteurs soucieux que les automobilistes ne loupent pas leur foire locale.
Mais ça se voit de loin aussi, c’est situé sur une éminence (pas un évêque, une petite butte) aussi et ça produit de loin son petit effet d’évocation sommaire d’une silhouette humaine. Aussi.
14.11.2007 | Lien permanent | Commentaires (1)
Une vie pleine de viennoiseries
Vous sortez de la grève avec des mollets de maillot jaune ? Super, ça tombe au poil. Enfourchez votre petite reine, je vous emmène à Retraite-World. C’est pas loin. Au coin de la rue. Pédalez jusqu’au kiosque et demandez le n° 258 de Pleine Vie, «nouvelle vie, nouvelles envies» (whoa, le programme !).
C’est ouf le nombre de jolies mamies nudistes qui ont testé pour nous la crème anti-âge dans ce mensuel. Et de papis musclés à dos argentés et soupçon de ventres ronds, pêchant la truite dans des torrents glacés.
Il y a même des «sexagénaires» de la dernière pluie qui s’amusent à porter des fourmis sur leur tête.
Aussi neige pas été trop ébabahie d’y trouver l’ethnologue Michel Valière pointant son doigt ciceronique vers des villages du genre de Chez Bernardeau (oui, comme le muet valet de Zorro) près de Champniers dans la Vienne.
Il fait découvrir sa région à des Parisiens stressés. Rien que pour le fun et dans la décontraction. «Je ne fais jamais de circuits de fil jaune, rouge ou bleu», dit-il, «Plutôt des moments d’opportunités, en mettant l’accent sur un point d’histoire, un élément ethnographique comme un lieu de dévotion sur une tombe de saint avec ses graffiti (…)».
« Graffiti », un de mes dadas. Cela me rappelle que dans un de ses malicieux commentaires déposés sur ma note Calaveras, le pilote du Jardin de Belvert osa me demander si je connaissais le trop mimi musée des graffiti anciens de Marsilly en Charente-Maritime.
Mais vouiii, bien sûr, voyons. C’est près de la Rochelle. J’y ai même fait provision d’un bouquet de brochures savantes réalisées par les Amis dudit musée sous des couvertures acidulées comme des bonbecs.
Je me suis fait aussi l’ascension du clocher avec mon chéri qui peinait derrière parce qu’il avait mangé trop de moules arrosées au vin blanc.
La preuve : mon billet d’entrée rose.
C’est pas fastoche à photographier mais j’ai pourtant ramené un tas d’images dont je vous donne un échantillon puisque vous insistez.
D’ailleurs, si vous aviez été attentif, cher professeur, vous auriez remarqué que dès mes débuts, quand je n’étais pas la star blogouilleuse que je suis devenue, j’avais déjà réussi à glisser, le 6 septembre 2005 pour être précise, un cliché de l’un des moulages que ce vaillant musée (non, le mot n’est pas trop grand) expose du mieux qu’il peut.
Donc une révision s’impose. Pour la prochaine fois, vous me ferez le plaisir, cher Seigneur de Belvert et vous aussi chers Animuliens, de feuilleter d’un clic distrait toute l’année 2005 de votre Animula Vagula préférée.
Je suis vache ? Non : cette année là n’a que 4 mois.
24.11.2007 | Lien permanent
Tiercé gagnant rue de Fleurus
En sortant de l’expo Arcimboldo où j’ai dû ruser («c’est pour ma p’tite nièce!») pour me procurer le livret-jeux distribué uniquement aux «nains» sur présentation de leur bonne mine de petits «pervers polymorphes» de moins de 14 ans, je suis tombée dans la boutique du Musée du Luxembourg où ce qu’on vend des tas de légumes en carton permettant de se faire une tronche potagère.
Au rayon livres, une affaire à suivre : un nouveau livre sur Le Jardin de Bomarzo avec un texte de Jessie Sheeler (traduit de l’anglais par Christine Piot) et des photos de Mark Edward Smith. Malheureusement, y’avait trop de monde. Est-ce que votre petite âme errante a une tête à faire la queue? C’est paru chez Actes Sud, je tâcherai de le choper ailleurs.
A travers le parc, j’ai rejoint la rue de Fleurus en direction de l’arrêt du 83. Là, au 1 précisément, il y a une petite vitrine dont le propriétaire, pour la pure et simple distraction des passants, monte des installations d’objets divers, réunis avec un sens certain de l’insolite et sans délivrance de message évident.
C’est un lieu modestement magique bien connu des vieux Parisiens et c’était fatal que mon daddy me le fasse découvrir. Ce jour-là, au milieu d’un tas de jolies cartes avec des dessins abstraits et/ou primitivesques, qu’est-ce que j’avise pas? Une photo de groupe avec Michel Thévoz. Si, si, je vous jure! M.T. himself! Au milieu d’une bande de copains dont un jovial moustachu qui pourrait bien être l’auteur de l’installation.
Comprenant que Vagamay, le petit dieu de l’art brut veillait sur son Ani en cette froide et soleilleuse après-midi, j’ai musardé dans les librairies du coin juqu’à ce que je trouve une occase. A l’intérieur d’une Histoire illustrée de la psychiatrie et la psychanalyse (10 € au lieu de 275 F à sa parution en 2000) publiée par Hazan sous le titre Au delà du conscient, il y avait cette photo d’un monsieur, vêtu de dignité candide et chapeauté de feuillages artistiques, qui m’attendait et vous aussi, chers lecteurs, par conséquent. Je sais pas qui c’est, ni d’où il sort, ce dandy.
La pancarte qu’il tient à la main proclame en belle calligraphie : «Le Sauveur, fils adoptif du Divin Créateur qui est sur la Terre pour protéger tous les peuples de l’univers et délivrer tous ces peuples du joug des oppresseurs».
Le trio de psys auteurs du livre : Pierre Morel, Jean-Pierre Bourgeron, Elisabeth Roudinesco pourraient peut-être nous en dire plus, le cliché provenant de leurs collections.
28.10.2007 | Lien permanent
Les yeux ouverts de Christine Sefolosha
Vous vous souvenez de la rétrospective «Séfolo» à la Sainte Halle Pierre de Montmartre (cf. ma note Lip, Lapp, Lop du 26 juillet 2007) ? Alors filez les yeux fermés mercredi 5 décembre à 18 h à la galerie Polad-Hardouin, 86 rue Quincampoix à Paris 3e. Comment pourquoi ?
Mais pour le vernissage de l’expo Christine Sefolosha, Les yeux ouverts, nom d’un p’tit bonhomme !
On nous promet «une mise en regard» de ses œuvres «avec quelques pièces d’art primitif». Avouez que c’est le genre de confrontation qui est toujours une prise de risque assumée pour l’artiste.
La gouache sur le carton d’invitation est comme un métal en fusion. Un alliage téméraire entre des forces obscures émergentes et un fond de couleurs savantes très travaillé, épais comme une lave mais mouvante aussi.
Son titre : L’Appenzelloise ne nous aide pas vraiment. Jusqu’à présent, l’Appenzell, ce canton du nordest de la Suisse, c’était plutôt pour nous du bon fromage, du yodel et de jolis costumes traditionnels.
Il se pourrait bien que la vaguelette blanche sur le front bombé du personnage (qui a l’air de nous reprocher quelque chose) dans la gouache de Sefolosha soit un souvenir des chapeaux à bords de dentelle en usage chez les dames folkloriques de ce ch’tiot morceau de notre voisine helvète. Et que les contours serpentins, l’empilement d’inquiétantes entités à crocs pointus qui servent de couvre-chef à cette figure hermétique soient frères et sœurs de ces masques «Silvesterklaüsen» qui se baladent là-bas dans la coutume hivernale.
Mais que dire de l’effrayant roquet à 6 pattes qui semble prêt à bouffer un œil du résigné comme un escargot au beurre? Que Christine Sefolo est habile à construire ces compositions qui procèdent par hybridation plutôt que par simple juxtaposition de morceaux plus ou bien venus dont se contentent trop d’autres peintres. Chaque élément conserve sa petite personnalité mais si on souhaite isoler celle-ci, pour se défendre un peu de l’étrangeté de l’ensemble, on est quand même tétard parce que ces composants du tableau cachent à leur tour des abîmes de peur et de mystères captivants.
Mais je mousse, je mousse et si ça continue vous allez voir ma petite âme errante à nu.
01.12.2007 | Lien permanent | Commentaires (1)
Derniers souvenirs de Chaïm Kac
Sur ce blogue naviguant au fil des rencontres, il a été assez souvent question de bateaux (voir les notes du 6 juin 2007, 2 juillet 2007, 7 octobre 2007) pour que je n’hésite pas à ajouter, de retour de l’exposition Derniers souvenirs au Musée du Mémorial de la Shoah, celui de Chaïm Kac à cette flottille.
Certes, ce cadeau, réalisé pour une petite fille par son père interné à Beaune-la-Rolande dans le Loiret en 1942, ne peut être considéré comme une œuvre d’art brut.
Cet objet fabriqué dans un des ateliers du camp serait seulement une honnête production d’art populaire, n’était la charge d’émotion qui s’y attache.
Mais même s’il était possible de faire abstraction de celle-ci, il y a dans cette superposition du paquebot à un poisson étrangement représenté à une semblable échelle, quelque chose de l’espoir d’une nage assez véloce pour échapper aux mailles du filet. Espoir bien mince si l'on considère le poids qui lui pèse sur les écailles.
C’est en ce sens peut-être que le bateau de Chaïm et celui d’Auguste Forestier nagent dans la même mer.
Un nom à retenir : CHAÏM KAC.
Derniers souvenirs, objets des camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande, 1941-1942.
Mémorial de la Shoah, 1, rue Geoffroy-l'Asnier, Paris 4e.
18.02.2008 | Lien permanent | Commentaires (1)
Valeurs privées…de complexes
22.11.2005 | Lien permanent | Commentaires (6)
De l'art pour les ”scolaires”
14.11.2005 | Lien permanent | Commentaires (4)
Le voyage divers de Laurent Hasse
J’ai beau faire (ou ne pas faire), je reste une incomprise.
Prenez mon nom, c’est fou ce qu’on le charcute : «chère Anima» par ci, chère «Vague Hoola» par là (chez les surfeurs). Prenez mon titre, il est limpide! Pas de jours pourtant où l’on n’en restreigne la signification. Rives encore ça va mais dérives!
On croit toujours que je m’acharne sur ce qui cloche, que je stigmatise les déviations. Comme si l’art brut pouvait être une norme! Alors que ce soit une fois pour toute gravé dans le marbre : par dérives, j’entends aussi, j’entends surtout le passage hâtif à travers des ambiances variées. Point barre.
Ces temps-ci comme naguère, on dérive dans sa tête et on dérive avec les pieds. C’est pourquoi je me suis dirigée d’emblée vers Le Lucernaire, attirée par Le Bonheur…, le film de Laurent Hasse.
Question «ambiances variées», il s’y connaît, ce jeune réalisateur. Il a parcouru, 82 jours durant, une France d’hiver, pas trop vaillante mais où des gens aux accents différents s’efforcent quand même de «faire corps avec la vie». Laurent Hasse se sert de sa tête et de ses pieds à raison de 30 kms par jour. Sans laisser à l’une plus qu’aux autres le poste de commandement.
Dans l’Aude, en Aveyron ou dans le Cantal, dans la Creuse, le Cher, sur les bords de la Loire, à Aubervilliers ou dans la Somme, il a emboîté le pas et la solitude de ceux qu’il a rencontré, qui lui ont offert un café, une place près de leur feu, de leurs souvenirs, de leurs regrets.
«On ne s’improvise pas nomade, on le devient pas après pas» dit la belle voix off de ce témoin armé d’une caméra numérique et de la patience nécessaire pour laisser venir la parole de ses interlocuteurs.
Et le pâtissier, le soldat, la veuve, l’ornithologue, la fermière sans ferme de la Beauce agro-alimentaire finissent par lui communiquer leur conception de cette terre promise, seconde partie du titre de ce film. «Aucune idée» dit l’un, «être capable de se fabriquer de bonnes heures» dit l’autre. «Je cherche le calme», «c’est pas quelque chose d’universel», «le verre et le bonheur, ça casse très vite»… On imagine les quantités de rushes qu’il a fallu pour apprivoiser ces hommes, ces femmes, ce brouillard farouche, ce soleil timide qui caresse les grosses chaussures du marcheur.
Soulignons le travail de Matthieu Augustin, le monteur. Les images sont limite japonisantes mais ce parti pris esthétique a de la grandeur : oh, les éoliennes! Pas le moindre patenteux parmi les personnages rencontrés. Encore qu’avec un bâtisseur qui ligature l’osier comme un oiseau avant de staffer, on n’en soit pas loin.
Sorti du coma où l’avait plongé une automobile qui l’avait renversé, Laurent Hasse s’est mis à marcher des Pyrénées orientales jusqu’à la mer du Nord, la mer toujours recommencée et son rire en ressac (dernière image).
10.01.2013 | Lien permanent | Commentaires (3)