19.04.2008
Regard, une revue à cent pour cent
Ce n’est pas parce que l’on a 100 ans qu’on ne pourrait pas faire la teuf !
Marie Morel n’a pas 100 ans mais son petit Regard arrive à son 100e numéro.
Pour les celles et les ceux qui ne le sauraient pas encore, Marie Morel, non contente d’être la fille de son père (l’éditeur) et de sa mère, la géniale maquettiste Odette Ducarre, est un peintre qui a 2 expos sur le gaz. Au Musée Faure, à Aix-les-Bains (18 avril-16 juin 2008) et chez Paul Gauguin, à Pont-Aven, à la Galerie B (31 mai-27 juin 2008).
Et figurez vous que ce peintre édite depuis des… un amour de petite revue à glisser dans la poche intérieure de son kangourou quand vous partez on the road again vous refaire des mollets d’acier et perdre les fatals kilos de trop gagnés à vous gaver du cake aux olives concocté par votre copine Sophie.
Regard accompagne votre vie durant les mornes stations de métro qui séparent votre nid d’amour du lieu de vos exploits bureautiques.
Regard est surprenant comme un bonbon sous un papier qu’on défroisse. Régalant souvent, décevant parfois, suivant que vous vous intéressez plus ou moins aux artistes dont MM fait pour vous la rencontre, un par un, chaque numéro traitant un cas de ses attachantes figures qui forment sa tribu.
Acidulé et divers, Regard poursuit opiniâtrement son bonhomme de chemin car on sent chez sa maman quelque chose d’inaltérable, d’inflexible même. Certains diront qu’on ne lui connaît pas d’ennemis. Elle doit bien en avoir pourtant, comme tous les gens qui osent manifester des choix, dire leurs préférences, mais elle préfère les ignorer.
Les créateurs qu’elle interroge avec une sorte de naïveté charmante et désarmante aux faux-airs de zazie en première communiante, n’appartiennent pas tous à la famille nombreuse de l’art brut, éloignés cousins et arrières-cousines compris.
Comme Marie a beaucoup d’amis, elle peut se permettre de jouer avec les nerfs du lecteur.
Marie nous enchante, Marie nous désespère, au fur et à mesure que nous trouvons ou non chez elle notre tasse de Lapsang Souchong. On s’abonne, on faiblit, on oublie, puis on se bonne et rabonne à Regard.
Si comme votre petite âme errante, vous avez un peu perdu le fil du Regard, c’est le moment d’une bonne piqûre de rappel.
A la Halle Saint-Pierre (on ne présente plus) le jeudi 24 avril 2008 de 18 h 30 à 21 h 30, vous pourrez compléter votre collec de Regard, vous en prendre pour 10 ans, vous faire dédicacer les anciens numéros par certains des artistes regardisés, avoir une pensée pour ceux qui nous ont quittés mais dont les ombres danseront joyeusement le rock’n roll dans le show qui ce soir là réunira musicos, glapisseurs de micro, émules de David Copperfield (pas le vrai, le magicien), gugusses et clowns blancs (il y en a toujours à la HSP), acrobates (c’est haut de plafond), poètes et papouètes.
Car faut-il prendre une sono pour vous le dire : chez Saint Pierre, c’est la fête à Marie, c’est la fête à Regard !
P.S. ouaf, ouaf ! (lu et approuvé) mais la P.A.E. oublie de vous dire qu’il y a un bouquin sur Regard qui sort à cette occasion.
Il y aura du canigou.
Signé : Louping
17:42 Publié dans Ecrits, Expos, Gazettes, Images, In memoriam, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, chomo, simone le carré-galimard, francis marshall, louis pons, marie morel | | Imprimer | | |
16.04.2008
Petit florilège des lecteurs
Régulièrement quand je vais rendre visite à ma belle-mimine qui vieillit doucement près du Cirque d’hiver, je fais un saut à la Librairie du Monde Libertaire, rue Amelot (145) où je lorgne sur les T-shirts révolutionnaires et les nouvelles publications sur des tas de faits de société qui nous ravagent l’existence. C’est le genre d’endroit où on vous laisse musarder en paix parmi les livres et où de jeunes messieurs effroyablement barbus vous tutoient gentiment quand vous passez à la caisse même quand je porte ma parka en agneau à col de bête sauvage. Evidemment, ce que je regrette, c’est qu’ils ne s’intéressent pas davantage à l’art, les camaradanars. Alors, une fois n’étant pas coutume, comme les voilà programmant une Exposition Jean Granier, intitulée 20 ans sous le vent de l’art brut, j’ai pensé que ça valait l’coup de vous en faire part, même si je sais pas qui est ce Jean Granier qui porte un nom de philosophe. C’est demain jeudi 17 avril 2008, le vernissage, et ça dure jusqu’au 17 mai (lundi-samedi, 12-19 h 30 grosso modo). Vous me direz.
Tant que vous êtes dans le 11e, poussez rue Jean-Pierre-Timbaud où au 64, une Galerie porteuse de ce chiffre montre les intérieurs minutieux de Ronan-Jim Sévellec. C’est pas de l’art brut mais ça se laisse voir. C’est même un peu scotchant si on se prend pour le héros du Diable boiteux.
Encore quelques nouvelles qui me viennent de vous et que je vous retourne. Les principaux courants d’art sont garantis «représentés» à la 1e Foire Européenne d’Art Contemporain à Lille Grand Palais. C’est du 24 au 27 avril 2008, vernissage le mercredi 23 avec preview (oh, les priviligiés !) à 17h. Votre petite âme errante a noté la présence de la Galerie Ritsch Fisch.
Quoi encore? L’anniversaire de la Galerie du Marché à Lausanne (Escaliers du Marché, 1) qui s’offre pour l’occasion une expo Aloïse, du 17 avril au 24 mai 2008. «un événement tout-à-fait exceptionnel» nous promet Jean-David Mermod, le collectionneur (ou ex-collectionneur qui drive cette galerie. On veut bien le croire.
Enfin, si vous êtes dans les environs de Los Angeles, on me signale : 35 International Visionary Artists, du 12 avril au 3 mai, Track 16 Gallery à Bergamot Station (Santa Monica, CA). Et c’est tout pour aujourd’hui.
23:11 Publié dans De vous zamoi, Ecrits, Expos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, aloïse corbaz | | Imprimer | | |
06.04.2008
Henry Darger au Salon du dessin contemporain
Au menu d’aujourd’hui, un cliché de la chambre de Henry Darger par le photographe japonais Keizo Kitajima.
Elle provient du carton d’invitation de l’Andrew Edlin Gallery de New York qui présente jusqu’au 7 juin 2008 une sélection de ces photos, prises 25 ans après la disparition du créateur et 6 mois avant que «the apartment was finally dismantled».
L’expo nouillorkaise qui s’intitule Darger Discoveries and Henry Darger’s Room (Photographs by Keizo Kitajima) montre aussi des pièces significatives de l’œuvre de Darger.
«Darger Discoveries features newly available, emblematic works from the artist’s œuvre that have been shown in important exhibitions in the U.S. (…), Europe and Japan».
On retrouvera bientôt à Paris cette galerie, dont le boss n’hésite pas à se se servir de la langue française, au Salon du Dessin Contemporain qui ouvrira ses portes le jeudi 10 avril 2008 au 4 rue du Général Foy dans le 75008 pour se terminer le lundi 14 avril.
Quand elle vous aura dit que le vernissage est le mercredi 9 avril de 19 à 23 heures (7 p.m.-11 p.m.) et que Andrew Edlin, outre Henry Darger, viendra avec ses poulains :
Tom Duncan
Marc Lamy
Charles Steffen
Chico MacMurtrie et Chris Doyle, votre Petite âme errante vous aura tout dit et vous en saurez autant qu’elle.
20:15 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, henry darger, tom duncan, marc lamy, charles steffen | | Imprimer | | |
02.04.2008
L’art brut se donne en spectacles
Un coup d’œil sur ma feuille de route et je m’aperçois que j’allais manquer de respect -moi la muse de l’art brut- à mes copines Melpomène et Thalie, les Muses (avec un grand M) du théâtre.
C’est fou comme le théâtre se branche sur l’art brut en ce moment.
Dernièrement, c’est André Robillard qui s’est retrouvé enrôlé, en février 2008 à Orléans dans la salle de répétitions du Centre dramatique et en mars à La Fonderie au Mans, dans une «performance» de théâtre musical (Tuer la misère) où sa pratique de l’accordéon râleur et de l’harmonica amplifié par un seau constituèrent le clou du spectacle.
Le spectacle, le cher spectacle, le voici, le voilou de retour, grâce aux efforts conjugués du réalisateur Bruno Decharme, de Kate France, «musicienne, metteur en scène, vidéaste et comédienne» (je cite le tract-annonce contenu dans le livret Théâtre et Variations des Rencontres de La Villette) et à Sylvie Reteuna de la Compagnie La Sybille, autre metteur en scène. Leur commune réalisation s’intitule L’Appartement.
Rien à voir avec le film de Billy Wilder.
«Les spectateurs sont invités à visiter l’appartement où six colocataires en errance déambulent au rythme de leurs songes et des œuvres d’art brut qui peuplent leur univers» nous éclaire la présentation de cette déambulation théâtrale.
Ce n’est pas limpide ? Vous pensiez comme moi que c’est plutôt dehors qu’on erre ou qu’on étagère (pardon, j’ai pas pu m’en empêcher) ? Et que les songes, c’est quand on dort, ce qui n’est pas propice à la déambulation ?
Mais attendez, la suite est plus claire. Il s’agit simplement de «fragments de lettres, écrits ou délires (…) d’hommes et de femmes ayant connu l’enfermement psychiatrique» dits par des acteurs, au milieu (qu’on me corrige si je me trompe) de tableaux exposés dont les auteurs ont le même profil.
Un beau profil puisqu’ils proviennent de la Collection de Bruno Decharme. Pour une fois, ce n’est pas à Montreuil, l’aimable cité néoécologiste, que ça se passe mais, vous l’avez deviné, au studio 1 de la Grande Halle de la Villette où l’on ne tranche plus le lard comme dans la chanson de Jacques Lanzmann et Jacques Dutronc.
Les séances sont le 17 et 24 avril à 19 et 22 h, les 18, 19, 25 et 26 du même mois à 17 h, 18h 30 et 21 h. Vous trouverez bien une fenêtre de tir : allez-y, c’est sûrement très bien puisque Mme Sandrine Mens du Service des Publics et de la Médiation du parc de la Villette m’a envoyé (merci !) 2 courriels et une bafouille pour que je n’oublie pas.
En guise de zakouski, une rencontre-lecture est organisée vendredi 4 avril 2008 à 19 h à l’Espace Librairie Actes Sud de la Big Halle de La Villette où on se demandera ce qui dans les textes bruts «résiste à la représentation» et si on peut «sans les trahir les exposer sur la scène».
01:19 Publié dans Parlotes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : andré robillard, art brut | | Imprimer | | |
30.03.2008
Expos à ne pas rater
Ce n’est pourtant pas l’envie qui m’en manque : mon pote François m’en a dit que du bien, malgré qu’il renaude un max parce que, crèchant dans le 9e arrondissement voisin, il ne bénéficie pas du demi-tarif réservé aux habitants du 18e.
Dès que possible, je reviendrai sur le sujet mais en attendant ce rendez-vous avec Animula, vous pouvez passer 200 secondes en compagnie de Martine Lusardy qui pilote la Sainte Halle.
Si j’ai rechigné à escalader les contreforts de la Butte Montmartre ce n’est pas parce que mes escarpins neufs me bousillent les orteils. C’est, vous l’avez compris, que je suis plutôt surbouquée en ce moment.
J’étais à Lyon pour le bizeness et je comptais bien me faire au passage la rétrospective Keith Haring au Musée d’Art Contemporain mais un étourdi avait oublié son « colis suspect » (une banale mallette genre trousse à outils améliorée) et le TGV. a pris une heure dans les gencives.
J’ai décidé de me rabattre sur la place Gailleton mais la Galerie Dettinger-Mayer venait de fermer quand j’y suis parvenue (toujours mes escarpins neufs !) et c’est seulement de l’extérieur – mais on voit pas mal de choses derrière la vitrine – que j’ai aperçu une partie de l’expo Marilena Pelosi qui se termine le 19 avril.
Pour Keith Haring, à l’affiche pétante, que vous soyez gone, lascar ou titi, c’est confort : vous avez jusqu’au 30 juin 2008.
16:33 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut | | Imprimer | | |
18.03.2008
Brute de caricature !
Au rayon des convergences possibles entre l’art tout court et l’art brut, en voici une digne de figurer en tête de gondole. Cette extraordinaire image qui représente un moustachu dressé devant un monstrueux crapaud dont chaque pustule est une tête hurlante m’a littéralement envoyée par terre quand je l’ai découverte. Elle fait la une du catalogue d’une vente d’objets, tableaux et archives qui aura lieu à l’Hôtel des Ventes des Salorges à Nantes le samedi 29 mars 2008.
Bravo à ce monsieur Eric Séguineau expert qui a su la choisir dans les affaires d’Aristide Briand sur le point de subir le feu des enchères. Reproduire cette lithographie de Jean Véber plutôt qu’une médaille de la chambre des députés, chapeau, il fallait le faire !
Cette caricature délirante m’a immédiatement fait penser à un dessin d’Edmund Monsiel. Où, sinon là, se trouver confrontée à un tel fourmillement glauque de regards?
Bien sûr les palpitantes prunelles viennent chez Monsiel de l’intérieur de l’âme, tandis que l’orateur dans la litho de Véber) a devant lui les venimeux gros yeux d’adversaires extérieurs, ceux de ses chers collègues de l’Assemblée nationale.
L’étrange talent du peintre et dessinateur Jean Véber (1864-1928), qui bossait pour les journaux satiriques type Assiette au beurre, nous rappelle qu’il y a quelque chose à chercher du côté de la caricature parce qu’elle ne fait pas barrage aux forces obscures de l’inconscient dans ses meilleurs moments. Et puis c’est à l’Aristide -assez Briand pour avoir décroché le Prix Nobel de la Paix en 1926 – que l’on doit la Loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905. Cela mérite que vous vous chargiez les neurones de son nom, mes chers Animuliens. De son nom, de celui de Jean Véber qui mourut en 1928 d’avoir trop respiré les gaz de la guerre de 14-18. Pour le crapaud j’ignore comment il s’appelle.
17:16 Publié dans Gazettes, Images | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : edmund monsiel, jean véber, art brut | | Imprimer | | |
14.03.2008
Perdere la testa a Alessandria
Puisque je tresse en ce moment des couronnes aux postiers, j’en profite pour vous dire qu’un bel objet est tombé dans ma boîte aux lettres animulienne et sous sa jaune enveloppe matelassée, il m’est apparu comme Cendrillon dans sa pantoufle de vair.
Je vous en ai déjà touché 2 mots puisque c’est l’ouvrage qui accompagne la Mostra du Museo del Cappello Borsalino d’Alessandria (jusqu’au 4 mai 2008). Si j’en remets une louche aujourd’hui ce n’est pas seulement pour souligner que le concept de cette expo va encore plus loin que ce que son titre et son sous-titre en ont l’air.
Perdere la Testa. Il cappello tra moda e follie s’élève en fait, par dessus le chapeau, jusqu’à interroger les rapports de la mode et de la folie («Che relazioni si possono stabilire tra moda e folia?») car il y a certainement un dandysme brut comme votre Petite Ame Errante s’est cassé la nénette à vous le glisser dans le tuyau de l’oreille à plusieurs reprises.
Ici, il s’y sont mis en 4 pour vous en administrer la preuve : Elisa Fulco et Teresa Maranzano, historiennes d’art, Marco Pedroni, sociologue, Giovanni Foresti, psy. Que du beau monde et qui écrit une langue claire mais évidemment tout ce qu’il y a d’italienne. Il faudra donc vous munir de votre petit lexique si vous vous procurez cet objet de collection (infos sur http://www.edizionidipassaggio.it). Vous n’en aurez l’air que + intelligent(e)s. Et puis ça peut pas nuire pour vos futures vacances dans la péninsule. Donc, discutez pas, procurez-vous-le, j’vous dis. Caressez votre libraire dans le sens du poil pour qu’il le fasse venir sur ses rayons.
C’est du nanan pour happy-few car c’est pas tiré à des millions d’exemplaires et ça va s’épuiser vite, foi d’Animula. C’est en effet le genre de message qui va droit au cœur des amoureux du beau bouquin. Il ne pouvait venir que du pays du grand designer Bruno Munari, dont on sent l’heureuse influence sur la maquette.
On aimerait, de ce côté des Alpes, feuilleter de tels catalogues à surprises typographiques. Il est sorti tout droit de la tête d’Elisa Fulco en charge de l’expo et de celle de Mari Conidi, graphiste milanaise. C’est à cette dernière que l’on doit toutes les inventions qui l’enrichissent. Inventions dont mon pauvre petit scan des familles ne vous restitue qu’une faible part.
Impossible par exemple de vous donner une idée valable de la couverture qui se déplie comme une affiche sur une image de Silvano Balbiani. Triple hourra (les choux sont gras!) pour l’imprimeur (Grafiche Omnia, Milano) qui a su donner corps à tous ces télescopages féconds entre des images de la mode et les œuvres des créateurs de l’Atelier di Pittura Adriano e Michele, San Colombano al Lombro (MI) dont l’époustouflant Curzio di Giovanni qui m’en bouche toujours un fameux coin.
00:05 Publié dans Ailleurs, Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : curzio di giovanni, silvano balbiani, art brut | | Imprimer | | |
24.02.2008
L’Entre-Deux d’Yves Bélizaire
En ce monde de division, la Réunion est un beau mot, n’est-ce-pas ? Aussi me suis-je jetée comme une bête sur le n°345 du magazine Géo (novembre 2007) qui consacre un dossier à l’île du même nom.
Et voilà-t-il pas qu’au milieu des fougères géantes, des cascades paradisiaques et des paysages volcaniques à la Jules Verne, je tombe sur le Jardin des Rêves d’Yves Bélizaire qui habite le village de L’Entre-Deux.
Et oui, que voulez-vous ? n’en déplaise à de récents clichés touristiques, La Réunion n’est pas seulement terre de Miss France, c’est aussi un haut-lieu de l’art libre, de l’art vivant et naturel. En un mot : de l’art brut.
C’est à M. Bélizaire qu’elle le doit. «Le regard clair, aimant le contact, quelque peu habité, Yves Bélizaire s’exprime beaucoup en créole». J’emprunte ces lignes à une carte postale (en bois) expédiée de là-bas par Violette que j’avais envoyée en mission sur les traces de ce créateur exceptionnel.
Entrée du jardin des rêves
Elle m’a ramené une série de photos de ce site nouveau, prises par son fils Olivier pendant qu’elle faisait son possible -elle qui ne parle que le français métropolitain- pour ne pas perdre une miette de ce que lui racontait Bélizaire sur ses sculptures embâchées, plastifiées, ligaturées, noyées dans un décor végétal, amalgamées à des clous, du bois mort, des bouts de tôles, des matériaux divers.
Impossible de soustraire cette installation grouillante au contexte de L’Entre-Deux. Jadis refuge pour les esclaves en fuite, ce village garde du temps où il était à l’écart du développement côtier, une authenticité indéniable.
Le Jardin des rêves et La Jungle qui va avec, sont aménagés près de l’église, au dessus de la case (la maison) d’Yves Bélizaire.
A l’exception d’oiseaux de couleurs dans les arbres, le blanc domine dans les sentiers balisés.
De fausses caméras de surveillance reliées à des écrans de télé H.S. semblent nous inviter, en dépit de leur aspect sauvagement dérisoire, au respect des lieux, peuplés de rudes oratoires, de Vierges à l’enfant, de Joseph et de Marie, de Notre-Dame de Lourdes rustiques et modernes à souhait.
Si M. Bélizaire met en avant aujourd’hui cette «magie» blanche , c’est que des événements récents l’ont conduit à un changement de palette. J’ai appris qu’en septembre 2007, il avait dû, à l’invitation du voisinage, sacrifier par le feu son précédent Jardin des épouvantails en raison du Chikungunya. La lutte pour la destruction des gîtes larvaires commandait cette mesure.
Dommage, bien sûr, puisque dans ce site, référencé dans le Guide du Routard, proliféraient des créatures bariolées, improbables ou monstrueuses qu’il n’était pas recommandé de visiter la nuit car ça faisait vraiment peur.
A la place de M. Bélizaire beaucoup se seraient découragés. Lui, sans se plaindre, s’est remis aussi sec au boulot, changeant sagement de thématique, par égard pour son entourage, mais restant intraitable sur la technique, ne cédant rien de ce qui fait l’attrait puissant de son expressionnisme allusif et hasardeux au sens noble du terme.
Après Bélizaire 1 d’avant le Chik, Bélizaire Le Retour vaut le détour.
23:20 Publié dans Ailleurs, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, yves bélizaire | | Imprimer | | |
16.02.2008
San Lazzaro de 1895 à 1985
Cerise sur le gâteau, j’ai gardé pour vos fines bouches le catalogue de l’expo de l’hosto psy San Lazzaro de Reggio Emilia. Je le trimballais dans mon sac en (fausse) autruche en attendant de trouver le temps de vous en causer. C’est pas le genre «bling-bling» avec débauche de thune à la clé. C’est une publication sobre quoique bien illustrée mais attention, y’a du contenu ce qui veut pas dire que c’est un casse-croûte.
Le texte principal, dû à Teresa Maranzano, nous tire en douceur au-dessus des pâquerettes. Loin d’être une brodeuse laborieusement descriptive comme on en lit trop souvent, cette signora-là a le don des formules justes qui n’ont l’air de rien mais qui font tilt.
Je cite : «ce qui étonne dans ces productions, c’est la capacité des auteurs de bouleverser les traditions représentatives avec si peu de moyens, d’introduire l’inattendu et l’imprévisible dans leurs figurations, bref de se jouer de la normalité».
En quelques mots, des choses subtiles et contradictoires sont prises en compte. Mame Maranzano a l’esprit clair et elle est documentée.
Ce n’est pas comme votre Petite Ame Errante qui oublie de vous rappeler que ce que Follie italiane propose à l’Espace Abraham Joly à Genève, c’est une sélection de 80 œuvres de 10 créateurs différents réalisées entre 1895 et 1985.
La Collection San Lazzaro est un exemple en Italie pour la qualité et la quantité des pièces parvenues en bon état jusqu’à nous.
T.M. cependant ne s’endort pas sur cette constatation. Elle se pose la question de savoir si un label "Made in Italy" pourrait être attribué à ces «œuvres de la folie». Elle scrute au fond des yeux la difficulté que l’on éprouve à les situer dans un contexte historico machin chose. «Dans la plupart des cas», nous serine-t-elle judicieusement, «ce n’est pas aux sources officielles que nous devons faire appel, mais à une mémoire visuelle plus assoupie et moins influencée par le formatage médiatique propre aux Beaux-Arts. (…) Ce n’est donc pas uniquement à la culture bourgeoise que l’on doit se référer pour lire ces œuvres, mais aussi à la culture paysanne et populaire.».
Nom d’une Hourloupe, c’est chouette à entendre ! Cela nous change des tentatives visant à faire rentrer absurdement le pied de Cendrillon brut dans la grosse grolle du mainstream. Teresa Maranzano est une affaire à suivre et j’espère pour les Animuliens qu’elle va brûler les étapes.
Je sais déjà qu’elle travaille du chapeau pour le Musée de la Fondation Borsalino à l’occasion de l’expo Perdere la testa (La mode dans l’art outsider). Vernissage le 24 février.
Je blablate et le temps me manque pour vous en tartiner un max sur les vedettes de Follie italiane :
Federico Saraceni,
Giuseppe Righi,
Clarenzio Spadoni,
Radmila Peyovic,
Ernesto Cacciamani,
Giuseppe Fornaciari
Etc., etc. Leurs images parleront très bien d’elles mêmes. Et puis je compte sur vous pour aller dévorer les notices bio du catalogue FI qui est publié par La Baconnière et les Hôpitaux Universitaires de Genève (Hug).
Pour une drôle d’indienne comme moi, Hug(h)! est un bon mot de la fin.
Hugh !
Hug
01:10 Publié dans Expos, Jadis et naguère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, federico saraceni, giuseppe righi, clarenzio spadoni, radmila peyovic, ernesto cacciamani, giuseppe fornaciari | | Imprimer | | |
15.02.2008
Le ciel est bleu, Der Himmel ist blau
Retour chez nos petits Suisses adorés qui chôment pas, c’est le cas d’le dire, foi d’Animula. Je vous ai déjà parlé de Totor à l’Hermitage, de la Sardine collée au mur de Genève et de San Lazzaro la Belle-Idée. Sur cette dernière expo, je m’étalerai bientôt because je viens de recevoir (merci) le catalogue, d’une avenante couleur qui me rappelle le saumon à l’oseille, un de mes plats préférés.
Tout de suite, faut que j’vous dise que ça crépite aussi du côté de l’ours de Berne, au Kunstmuseum pour rien vous cacher. Ce Musée des Beaux-Arts de la capitale helvétique présente (en binôme avec le musée psychiatrique de la Waldau) une sélection inédite d’œuvres issues de la Collection Morgenthaler.
Walter Morgenthaler, vous savez bien, c’est ce petit malin qui occupa la pole position en 1921 devant tonton Prinzhorn avec son livre sur un Geisteskranker als Kunstler (malade mental et artiste) appelé à une renommée internationale : Adolf Wölfli, s’il vous plait !
Psy-chef à la Waldau de 1913 à 1920, Morgenthaler ne se contenta pas d’encourager l’œuvre de ce grand peintre «coiffé des grelots» pour m’exprimer comme Dubuffet (je me refuse rien). Il rassembla plusieurs milliers d’œuvres réalisées dans le contexte Waldausien.
C’est un panorama sélectif de cette Collection, d’une importance comparable à celle de de la Sammlung Prinzhorn d’Heidelberg, que le Kunstmuseum de Berne propose à nos yeux ébahis sous l’enseigne de Le Ciel est bleu. Ce titre est emprunté à Constance Schwartzlin-Berberat qui créait exclusivement des lettres.
Si vous me croyez pas allez voir le fascicule 19 des Publications de l’Art brut.
Pour les organisateurs, cette phrase quelque peu Georges-Bataillienne symbolise l’infinitude du monde mental car l’accent est mis (c’est une bonne chose) sur la diversité des mondes créatifs.
Sachez que vous avez loupé le début du film, l’expo a ouvert ses portes le 1er février, mais ça va durer juqu’au 18 mai 2008.
Parallèlement une rétrospective Wölfli occupe aussi les cimaises : Adolf Wölfli Universum, qu’elle s’appelle même.
Selon les infos dont je dispose, il y aurait un catalogue en allemand seulement. L’HT quand même.
Autre motif d’allégresse (Hourra, Cornes au culs, Vive le Père Dubu !), le Musée d’Ethnographie de Genève a mis sur orbite une expo sur un sujet insensé : Le Vodou, un art de vivre. Le lancement s’est effectué le 5 février mais nous aurons jusqu’au 31 août 2008 pour nous approcher avec infiniment de respect, beaucoup d’admiration et sans malsain voyeurisme, de la chose dont on sait peu, si ce n’est les caricatures zombiques proposées depuis des décennies par le cinéma.
Le catalogue que j’ai déjà entre les mains est une merveille. Il faut saluer le travail du photographe Jonathan Watts dont les prises de vues, les éclairages ne sacrifient pas le mystère au profit de l’âpre beauté et réciproquement. L’impression, la mise en page, la typo sont super-chiadés. Presque trop des fois : certains textes en blanc sur brun sont traités pour évoquer l’ombre de l’illustration en face de laquelle il sont placés. Cela ne facilite pas vraiment la lecture mais c’est un parti-pris esthétique compréhensible dans un si bel objet.
00:20 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut, Collection Morgenthaler, Constance Schwartzlin-Berberat, Adolf Wölfli | | Imprimer | | |