11.09.2010
Corps accords dans la rue Haute
Corps accords, nouvelle expo de l’art & marges musée. J’y étais. Je dis pas ça pour vous faire bisquer : vous avez jusqu’à la Saint Sylvestre 2010 pour la visiter. Elle est très tendance. En plein les pieds dans le plat dans le débat contemporain sur l’art brut qui monte en mayonnaise au fur et à mesure qu’approche l’ouverture du musée d’art brut de Villeneuve d’Ascq. Non pas tant par son titre qui rappelle celui de l’expo abcd au Pavillon des Arts à Paris en 2004 (A Corps perdu). Ni par sa thématique «ancestrale»: dévoilement et exploration du corps. Mais par son parti pris de regrouper des œuvres d’artistes siders (out et in) comme si c’était du même tabac. Tout pour me défriser quoi! Comme si la pluie bruxelloisse ne s’y était pas déjà employée. Mais allez ronchonner quand tout le monde est gentil avec vous ! Quand Madame Carine Fol herself vous dit, non pas 2, mais septante, mais nonante mots. Quand des verres de jus d’orange vous tendent les bras. Quand des têtes connues vous font la bise : Gaëla Fernandez, par exemple. Elle entame le lendemain un pas de danse avec le Mad musée de Liège.
Ambiance empreinte de cette aimable bonhomie que nos amis belges savent mettre dans les vernissages. Pour une fois, les Français présents dans l’assistance en oubliaient de se tirer la bourre.
J’ai taillé une bavette avec Stéphanie et Loïc Lucas dont les couleurs chatoient sur les rabats du beau catalogue de l’expo.
Je venais d’user mes Converse à remonter la Chaussée de Waterloo jusqu’à la porte de Hal. La rue Haute montrait ses cicatrices comme ces nouvelles poupées colorées de Michel Nedjar où il inclut des objets, à la façon de Judith Scott.
Et c’était beau. Mais à 18h15, c’était la foule au 312-314. Pas fastoche de se faire une idée sur l’accrochage. Alors j’ai nagé de salle en salle, à chaque fois portée par une valeur sûre : Michel Nedjar, Lubos Plny, Loïc Lucas, à laquelle se greffe plus ou moins bien une œuvre autodidacte moins assurée (je ne parle pas de Marilena Pelosi qui tire son épingle du jeu).
De l’une à l’autre on a l’impression qu’on a sollicité je ne sais quel transfert de substance. Un peu comme si on demandait à une grosse cylindrée de prêter ses teuf-teuf à une mobylette et qu’en retour celle-ci soit invitée à se la jouer gros-cube. Mais il n’y à rien à gagner, à convoquer le fauvisme à propos des travaux de Dominique Bottemanne alors que ses linogravures (peut-être plus discrètes) paraissent plus mystérieuses que ses tableaux.
Pouf, pouf ! Tout cela pour dire que l’exposition nous mène en douceur vers son point d’orgue : un triptyque de gravures de Louise Bourgeois !!! Pas mal choisi certes : dans ces meilleurs moments l’art contemporain qui n’est pas-idiot se donne des faux-airs d’art brut. Est-ce que par cette pratique confusante on espère un peu naïvement que les «petits» vont jouer dans la cour des «grands» ?
Je me le demande.
Au moment où je mets en ligne, je tombe sur l’édito d’André Rouillé sur Paris Art n° 325 (9 sept. 2010) qui dissipe un peu ma perplexité.
Lisez-le-me-le à tête reposée, imprimez-le, conservez-le dans une liseuse en maroquin du Cap. C’est ce que j’ai lu de plus lucide ces temps derniers.
12:41 Publié dans De vous zamoi, Expos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, art & marge musée, loïc lucas, mad musée, michel nedjar, lubos plny, marilena pelosi, dominique bottemanne, louise bourgeois, andré rouillé | | Imprimer | | |
20.03.2010
Art Paris invite au Grand Pal.
Art Paris, c'est spécial! On entre au Grand Pal et on craque direct pour le sac rose-vernis-à-ongles de Beaux-Arts Magazine.
A l'intérieur le numéro avec la couv de Virginie Barré, Jean in Paris. On le lira plus tard. Mais on le feuillette tout en marchant vers le stand A1 où la Galerie Obsis montre Pierre Clementi avec une souris sur la tête et des photos de la Nouvelle Vague.
Page 61, un squelette d'or trempant dans une lessiveuse. Beaucoup de têtes de mort en effet sur la Foire. On fait dans la vanité en ce moment. Pages 62 à 67 (sautez si ça vous agace) Bozarts-Mag nous parle des prix. Dans sa sélection : 3 références sur 26 pour le genre de beautés qui m'intéressent. Comptez 7000€ pour l'œuvre d'un peintre d'Essaouira : Ali Maimoune présenté par la galerie Damgaard (Maroc).
Si vous mettez 53.000 de mieux, vous pouvez emporter à la Galerie Ritsch-Fisch un paquet de personnages ficelés sur un banc, c'est de Francis Marshall et de sa grande période (1974).
L'affaire du siècle c'est le dessin au crayon de couleur de Josef Hofer. Pour pas plus cher qu'une photo on peut attraper ce personnage ductile au graphisme si désarticulé que c'en est éblouissant comme une musique discordante.
On retrouve ses petits camarades, écrasés par le cadre jaune-orange que leur dessinateur aime à employer, toujours à la limite de sauter par la fenêtre en montrant leur zizi, au stand B6. Christian Berst y a invité Arnulf Reiner qui continue à crayonner des repros d'œuvres d'art brut dont une d'Hofer. Bon, si ça l'amuse!
Pour la partie dévolue à son espace proprement dit, C.B. a opté pour un accrochage clair, bâti autour d'un grand François Burland, ménageant des plages de respiration pour les visiteurs et organisant des confrontations entre le noir et la couleur, Hofer et Plny, les «fétiches vaudou» de Nedjar et les créatures lisses de Nek Chand.
En comparaison, la Galerie Ritsch-Fisch a cherché la lisibilité dans la densité. Son «guest» est le collectionneur Antoine de Galbert qui sort pour l'occasion quelques unes de ses munitions : un très ancien dessin de Crépin,
un Aloïse dans des tons bruns, enceint d'une image en couleur,
un Judith Scott comme un cétacé échoué sur la plage.
J'ai été bluffée par le Piège à œufs, un assemblage de bois et de plâtre d'A.C.M. pas du tout dans la manière de ses machines. On dirait le travail d'un termite parce qu'il y a de l'ermite dans cet insecte.
Et puis c'est tout? Non. Au hasard de mes tours et détours j'ai vu la plateforme Afriques et son mur avec 16 X 5 dessins de Frédéric Bruly Bouabré, artiste exposé en ce moment à la Collection de l'art brut de Lausanne.
Je suis tombée surtout sur un dessin de 1929 de Lubaki, précurseur de la peinture contemporaine congolaise, qui m'a laissé rêveuse.
J'emprunte à un collectionneur de paperasses -Monsieur Lanoux pour ne pas le nommer- un document ancien sur ce créateur dont on a si peu l'occasion de rencontrer les œuvres.
Et c'est ainsi qu'Animula est grande!
23:55 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : art brut, ali maimoune, francis marshall, josef hofer, françois burland, lubos plny, nedjar, nek chand, fleury joseph crépin, aloïse corbaz, judith scott, a.c.m., frédéric bruly bouabré | | Imprimer | | |
26.10.2009
Art brut puissance 4
Serge Gainsbourg a 41 ans et il prophétise : «demain, on achètera de l'aliéné!». C'est dans un film de Roger Benayoun que j'ai vu sur le câble. Un film de 1969 intitulé : Paris n'existe pas. Un drôle de film sur le délire rétroactif. Un jeune peintre, qui rame à contre-courant, discute le bout de gras avec ses amis artistes. En panne d'inspiration, il se met à remonter le temps ce qui n'est pas très bon pour lui. Ce morceau de dialogue proféré en plein courant pop m'a frappé. Et si c'était vrai aujourd'hui? Si «l'aliéné», autrement dit l'art brut (je pousse exprès le bouchon) était en train de devenir la dernière tendance à la mode? On le croirait presque si l'on considère le nombre d'expos d'art brut qui sont proposées sur la place de Paris en même temps. Vautrez-vous un instant avec moi dans le paradoxe et vous constaterez que j'ai raison.
Rue de l'Echaudé, quand on lèche les vitrines de Jérôme Dreyfuss décorées de sacs en argile par Caroline Rennequin, on a déjà l'impression d'être sur la piste.
Descendons la rue de Seine et allons nous fertiliser les yeux au 27.
Florilèges de l'art brut : la galerie annonce la couleur. Et au pluriel, s.v.p. : Gironella, Schröder Sonnenstern, Kopac, Domsic, Crépin, Lobanov, 2 petits Hodinos et un Lesage dans un cadre égyptien. J'ai remarqué pour ma part un A.C.M. du genre navire.
Comme l'accueil n'est pas intimidant et l'accrochage généreusement visible de la rue, j'ai chipé une ou deux images.
J'ai déjà parlé de l'expo aracinienne de l'INHA (Les Chemins de l'art brut), je n'y reviendrai pas. C'était jeudi dernier l'occasion d'hommager Madeleine Lommel. On croisa du beau monde. J'ai cru reconnaître Christian Berst dans l'assistance. Ce dernier reçoit toujours son public dans sa galerie proche de l'Opéra Bastille pour son expo Made in Holland. Allez pas confondre avec L'Âge d'or hollandais à la Pinacothèque (Rembrandt, Vermeer), chez Berst c'est bien d'art brut néerlandais pur et dur dont il s'agit. Le seul «classique» (si on peut s'exprimer ainsi) c'est Willem Van Genk, une locomotive qui sert de visuel de référence sur le carton d'invitation.
Allez-y surtout pour les autres créateurs présentés. Ce sont tous des découvertes. Chacun a son style particulier et il y a de vraies pointures. Les œuvres aux pastels de Roy Wenzel sont «chargées d'énergie graphique» comme dit Michel Thévoz qui rapproche ce créateur de Dwight Mackintosh.
Les trains haletants de Ron Oosterbroek circulent en réseau dense frénétiquement dans une lumière jaune tatouée de poussière.
Chouette catalogue comme d'hab. 1, 2, 3 : ça fait trois expositions si je compte bien.
Et si j'annexe Montreuil où la Galerie abcd montre de nouvelles œuvres du tchèque Lubos Plny véritablement à-tomber-par-terre, ça fait 4 expos d'art brut très estimables et accessibles par le métro qui s'offrent à vous. Petits veinards.
23:14 Publié dans art brut, Ecrans | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, a.c.m., christian berst, willem van genk, roy wenzel, ron oosterbroek, siebe wiemer glastra, lubos plny, abcd, serge gainsbourg, roger benayoun | | Imprimer | | |
08.01.2009
Vernis sages et Fous vernis
C’est fou ce que Vernissages disparaît vite dans les kiosques!
J’avais aperçu sa couverture noire sur la table basse de je ne sais plus quelle galerie et les mots «ART BRUT» en gras blanc, chapeautés du vocable «DECRYPTAGE» en petites caps, m’avaient sauté aux yeux. Mais après, j’avais beau le demander dans les beaux quartiers, on me répondait qu’il n’y en avait plus, qu’on venait de vendre le dernier, que ça c’était arraché comme des petits pains. J’ai donc dû m’aventurer dans des quartiers tellement pouraves qu’il n’y poussera jamais la moindre galerie pour en localiser un dans une survivante maison de la presse des confins glacés du périphérique (brrr…). Qu’est ce que je ferais pas pour l’art brut!
Il était tard et la marchande allait fermer mais j’avais l’air tellement en manque qu’elle a accepté de courir le risque de louper son RER qui la rapatriait dans sa banlieue enneigée (brrr..) pour me dépanner. Serrant contre mon cœur les 146 pages de Vernissages qui me protégeait du vent mauvais (brrr…), je suis rentrée dans ma tanière pour lire l’article de Christian Berst.
Car c’est encore lui qui s’y colle (ce garçon là n’arrête pas) en 5 pages sur 2 colonnes vachement bien illustrées de 6 repros couleurs visiblement choisies pour montrer au public des images auxquelles il n’est pas habitué. Pas de Wölfli, pas d’Aloïse, pas de Lesage, pas de facteurs chevaux mais un petit Zinelli (Carlo), un grand Domsic (Janko), un Plny (Lubos)
et un Fusco (Sylvain) -qu’on voit si peu d’ordinaire-
en bref : la bande des «O» à laquelle il faut ajouter un StOffers (Harald) au réseau de 1000 lignes minuscules et un Steffen (Charles) que personnellement je kiffe pas des masses (d’ailleurs il n’a pas de ô dans son nom).
Intitulé De l’art des fous à l’art brut, le texte, plutôt optimiste en ces temps gla-gla-déprime, part du constat que, à un an de l’ouverture en France du musée de Lille-Métropole, «le XXIe siècle paraît mûr pour offrir à l’art brut la place qui lui revient». Selon Christian Berrrrrst, «la pratique de la collection de l’art brut était jusque là réservée à des initiés». Mais du fait de la reconnaissance publique, d’une tendance à la quête de sens et de l’adoubement du marché, «il apparaît que de plus en plus de jeunes collectionneurs cultivés, lassés du dogme de l’art officiel, sont frappés par l’invention formelle et la richesse conceptuelle inhérente à ces productions (d’art brut)».
Puisse-t-il avoir raison, ce monsieur Berst, car c’est, plus largement, à toutes les nouvelles consciences qui s’éveillent au monde de l’art brut que votre petite âme errante aime s’adresser plutôt que de réserver sa corrida aux seuls afficionados blanchis sous le harnois!
23:55 Publié dans Gazettes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, sylvain fusco, lubos plny | | Imprimer | | |
02.01.2008
Que ferez vous en novembre ?
Et c’est reparti comme en 14. Voilà déjà du nouveau qui s’avance (veau qui s’avance, veau qui s’avance) pour 2008. Prenons les choses par la fin.
Du 21 novembre 2008 au 28 juin 2009, les œuvres bouleversantes de Lubos Plny seront montrées, en compagnie de celles d’Anna Zemankova, à la galerie abcd of Montreuil, si d’ici là les petits cochons ne la mangent pas.
Novembre, c’est loin mais débrouillez-vous pour pas oublier, mon petit doigt me dit que ça va être d’enfer.
Les dessins de ce Tchèque au nom imprononçable sont le prolongement d’une sorte de body art qui l’a conduit à soumettre sa personne à des expériences et des traitements très personnels.
Fasciné par les fluides corporels, il intègre tout naturellement dans ses dessins anatomiques et endoscopiques de la charpie colorée de sang ou de liqueurs pharmaceutiques. C’est cruel et beau comme un cœur ouvert, terrible et sublime comme une âme mise à nu par son scalpel même. On se sent pousser des griffes à regarder ça.
A propos de Plny, les petits Animuliens qui n’ont pas froid aux œils, trouveront une notice détaillée sur le site d’abcd et une autre plus rapide dans le n°1 de son journal intitulé Le chant des sirènes, l’automatisme dans l’art brut.
J’emprunte une partie de la sienne à la Cavin Morris Gallery de New York pour vous donner envie d’aller voir le reste et les deux impressionnantes reproductions qui l’accompagnent : «Plny audited several anatomy classes, and studied grave digging. His drawings, highly anatomized self portraits, contain careful notes about the presence or absence of bodily fluids.»
20:00 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, Lubos Plny, abcd | | Imprimer | | |
25.06.2006
Des fourmis et des livres
Avec les chaleurs, les fourmis volantes se croient tout permis et leurs escadrilles ont tenté de prendre possession du trois pièces-cuisine de votre petite âme errante, victime par ailleurs d’une autre invasion, celle des livres. Rien que cette semaine j’en ai tant acheté que je me demande comment je vais finir le mois, surtout avec les soldes qui pointent leur museau. Tout ça pour vous, voraces animuliens, car il faut bien vous tenir au courant des nouveautés. Comme vous vous doutez que j’ai pas eu le temps de lire tout ça, je me contenterai de vous signaler quelques incontournables en essayant de feuilleter quelques pages devant vos écrans insomniaques.
Parallel worlds - George Widener
Tout d’abord, en direct de chez les Tchécos, j’ai réussi à me procurer avant tout le monde le récent bébé praguois d’abcd. C’est écœurant ce qu’ils sont bosseurs dans cette asso! Cette fois, c’est le tandem féminin et bohémien, Barbara Šafářová et Terezie Zemánková qui s’y est collé avec la bénédiction de Bruno Decharme, le pape de la collec. Ce bô catalogue d’exposition, aux pages blanches, noires et grises, réussit l’exploit de n’être pas obèse tout en étant copieux (abcd aime le copieux).
Metamorphis of the body - Lubos Plny
A côté de Marie Rakušanová, "curator" de la City Gallery Prague, et de plumes confirmées, souvent associées aux réalisations abécédiennes (Vincent Gille et Jean-Louis Lanoux), Barbara Šafářová et Terezie Zemánková (qui signent aussi des textes) se sont assuré des collaborations nouvelles : Manuel Anceau et Patricia Allio que vous connaissez comme le loup blanc, du moins si vous avez lu ma note du 5 février 2006. Y’a une introduction, une chronologie, des bios, une biblio et bien sûr beaucoup d’images. Ouf !
Inner Voices - Anna Zemankova
Pour rythmer tout ça, Barbara et Terezie ont organisé les choses selon 3 thèmes : PARALLEL WORLDS, METAMORPHOSIS OF THE BODY, INNER VOICES. La maquette, par un système de repères noirs verticaux permet de s’y retrouver vite et bien. Si vous êtes capables de consommer ces 300 pages en tchèque, dites-le moi. Sinon, tardez pas trop à vous procurer la version en anglais (pour le français vous repasserez !) car il n’en a été édité que 700 exemplaires et mon petit doigt me dit que ça va trouver preneur de l’autre côté de l’Atlantique. Excusez ma «langue trop bien pendue» comme dit Lili, une bavarde qui trouve que je lui coupe trop souvent le sifflet. Je continuerai la prochaine fois. Si d’ici là le grand Cric me croque pas.
23:55 Publié dans Expos, Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lubos plny, george widener, art brut, anna zemankova | | Imprimer | | |