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31.05.2012

Célébration de Chemellier et de Jules Mougin

Célébrons aujourd’hui Chemellier dans le Maine et Loire. Cette commune chargée d’histoire (il y en a toute une tartine sur Wikipédia) m’offre l’occasion d’un retour sur moi-même. Au lieu-dit La Motte, il y aurait des poèmes gravés dans le tuffeau, tendre pierre crémeuse du Saumurois.

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cave jules mougin.jpg

jules mougin.jpgC’est qu’à Chemellier vécut Jules Mougin à qui il n’y a pas si longtemps (le 8 novembre 2010 exactement) j’ai fait un p’tit coucou de départ. J’enrageais alors de ne pas être fichue de vous citer une jolie poésie manuscrite du Facteur Mougin à son confrère Ferdinand Cheval que j’avais achetée jadis à Drouot. Et bien ça y est, je l’ai retrouvée, glissée dans sa chemise jaune parmi un épais feuilletage de coupures de presse. Elle provient de vieilles archives de Frédéric Altmann qui fonda un musée d’art naïf dans le Var. Je vous en cite un chouïa :

Ma foi, c’est pas rien de saluer

un voyant ! (…)

Il faudrait pour bien faire,

Compter les jours et les jours

Du va et vient

Génial.

Pierre par pierre.

Une pierre comme ça,

Une autre qui chuchote à la coquille,

Et la plus belle – mais si lourde –

Qui, sans aucun doute, est une larme

D’étoile !

signature jules mougin.jpg

Cette poésie, rédigée d’une main ferme et d’une plume noire le 30 juin 1975 à 17 heures, est belle dans sa forme un peu échevelée comme peut l’être l’autographe de Mougin que reproduit Alain Paire dans sa note du 13 mai 2012.

Si je vous signale cette note c’est qu’elle est toute entière occupée par un beau texte du photographe Léon-Claude Vénézia sur Jules et Jeanne Mougin.

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Et qui est annoncée la sortie imminente de la correspondance de Jules Mougin avec Gaston Chaissac.

12:36 Publié dans art brut, In memoriam | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : art brut, jules mougin, alain paire | |  Imprimer | | Pin it! |

28.05.2012

Crème de CrAB

Que se mettre sous la dent en ce mois de juin 2012 qui s’avance?

crème de crabe.jpgLa crème du CrAB évidemment. Je vous l’avais dit depuis le début que ce collectif de jeunes chercheurs constitué pour gratter autour de l’art brut avait du pied (ou de la patte) dans la chaussure.

Ceux de mes lecteurs qui auraient manqué une étape n’ont qu’à, pour s’en convaincre, jeter un œil sur ma note baptismale du 18 décembre 2010 : le CrAb en pince pour l’art brut. De l’eau a coulé depuis dans l’océan d’informations qui nous parvient tous les jours au sujet de cet art brut où j’ai du mal à reconnaître mes petits.

Mais la crème du CrAB a porté ses fruits. Au fur et à mesure que ses membres mûrissaient, ce collectif de sympathiques crustacés s’est imposé comme le principal pôle de production de matière grise française, suisse et savoyarde sur l’art brut. Déjà on les envie, déjà on les imite, déjà on les courtise.

Mais les têtes chercheuses du CrAB, si elles se sont dépouillées de leurs enveloppes juvéniles, n’en continuent pas moins leur petit bonhomme de chemin savant en déblayant, sans en avoir l’air, une quantité de plages impressionnante.

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Aussi ont-elles bien fait d’accepter l’invitation de la galerie abcd à venir jouer dans son bac à sable de Montreuil-les-Pins, rue CrABoltaire, métro CrABespierre (Monteuil-sous-bois, 12 rue Voltaire, métro Robespierre, vous aurez rectifié vous-mêmes ).

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Faut-il que la crème de CrAB ait des vertus revigorantes pour qu’une collection de l’importance de celle de Bruno Decharme lui ouvre ainsi la possibilité de jouer avec ses jouets! Car -et c’est à ma connaissance là que réside l’inédit- ce sont les membres du CrAB eux-mêmes qui se chargeront de la conception et de l’accrochage de l’exposition qui se déroulera chez abcd du 2 juin au premier juillet 2012. Pourvu qu’ils ne deviennent pas CrABêcheurs après ça!

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Le vernissage aura lieu le samedi 2 juin à 17h 30 mais comme le CrAB a le don d’ubiquité vous aurez pu avant aller écouter Fanny Rojat qui planchera sur les missives d’Henri Bessaud Narboux (un «écrituriste» brut révélé par Michel Thévoz) à l’Institut de Théologie Protestante (77 bd Arago) dans le cadre du séminaire de Lise Maurer.

Il est tentant aussi d’aller se goinfrer au brunch abécédien en accès libre qui suivra le 16 juin la huitième session du séminaire CrAbique à l’INHA.

Les accros à la crème de CrAB pourront aussi venir à Montreuil chaque week-end du mois de juin où des membres du collectif les chouchouteront et les pinceront gentiment s’ils s’assoupissent pendant que Pauline Goutain leur interprétera sa chanson du grand Wölfli

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que Vincent Capt leur fera la lecture ou que Baptiste Brun les initiera à la broderie bigoudenne qui vient de Mandchourie.

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La crème du CrAB, comme la manne, sera par ailleurs distribuée à droite et à gauche en ce printemps. A Fontainebleau, à Annecy, à Bruxelles, à Cergy-Pontoise. Pour plus de détails, voir la newsletter du CrAB de mai 2012. Vous verrez que, outre les crabes déjà cités, Emilie Champenois, Céline Delavaux, Déborah Couette, Roberta Trapani n’auront pas volé leurs vacances d’été. Ils auront bien mérité de Gaston Dufour et des autres.

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25.05.2012

Dubuffet métallisé

A force de parler de lui on le croirait immortel. Du moins ses idées sont si vivantes -bien que (ou parce que) réfutées, adulées, controversées, serinées, travesties, déclarées démodées ou indémodables, ratatinées, oubliées ou du plus pur acier inoxydable- qu’on a de la peine à l’imaginer mort. Même moi, votre petite âme errante, hourloupiste de la plus belle eau, je viens de me rendre compte que jamais, au grand jamais, je ne m’étais préoccupée de savoir où était sa dernière demeure.

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Grâce à Lars Ulrich, le batteur du groupe Metallica, je sais maintenant que Jean Dubuffet repose près de sa chère Lili dans le cimetière du village natal de celle-ci, Tubersent dans le Pas-de-Calais. Grâce à Lars Ulrich et grâce à La Voix du Nord.

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Dans le numéro 43 du 20 avril 2012 du magazine Rolling Stone, le musicien a, en cours d’interview, déclaré au sujet de Dubuffet : «Ah, mon artiste préféré de tous les temps! C’est le parrain de l’art brut, de tous ces artistes qui se sont dégagés de toute éducation superflue pour sortir un art essentiel, primitif, essentiel.»

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Ce qui lui vaut de la part de La Voix du Nord qui a remarqué ce propos, le commentaire un poil ironique suivant : «On est à deux doigts du pèlerinage du batteur californien à Tubersent, où repose le créateur de l’Hourloupe qui a également donné son nom à une rue.» Comme si c’était carrément incongru que le heavy metal croise la route de l’art brut!

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Comme si l’art brut n’avait droit qu’aux épousailles avec les conceptualités snobardino-contemporaines! Et si, petit doigt en l’air pour petit doigt en l’air, celui de Lars Ulrich, à tout prendre était préférable? Tubersent n’a pas de musée et Lars Ulrich pourrait bien être sincère quand il dit à propos de l’art brut : «ça me parle beaucoup, y compris en tant que musicien».

23:55 Publié dans art brut, Gazettes, In memoriam, Zizique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : jean dubuffet, lars ulrich, metallica | |  Imprimer | | Pin it! |

13.05.2012

Dématérialisation du V

démat.jpgTrop de papiers chez moi. Je froisse, je jette, je déchire, je dématérialise à tour de bras. J’ouvre de nouvelles fenêtres, je crée des dossiers. Je scanne des trucs zarbis qui tombent de l’air du temps.


Tel ce «recueil historique» consacré à la 22e lettre de l’alphabet : le V (de la Victoire, bien sûr).

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Je possède deux exemplaires, dans des formats différents, de cette brochure, publiée au début juillet 1945, que les marchands de raretés bouquinières ont tendance à classer dans la mouvance des productions relevant de la folie littéraire.

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Folie typographique plutôt puisque Pascal G. Dubonville, l’auteur-éditeur, qui se présente comme «prisonnier-déporté», a adapté son texte libératoire pour le saturer de V imprimés en cap et en gras par G. Granguillot, «maître-artisan F.F.I.». «Hitler-le-Vampire, le Verbeux Goebbels, Himmler-la Vipère et le Volumineux Goering» en prennent pour leurs grades et ce n’est pas dommage.

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Les plaies de la guerre sont encore ouvertes et les illustrations du peintre Robert Mahélin évoquent, dans un style narratif à l’expressionnisme teinté d’innocence, les crimes des Nazis et de leurs séides collaborationnistes, les combats des Alliés et de la Résistance, les bals de la paix.

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Vive la Vie Véloce, Véritable et Vibratoire donc! La beauté bordélique de l’art brut aux antipodes des austérités de l’uniformément laid! Rien de tel pour vous remettre un cœur fatigué à l’ouvrage.

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A trop dématérialiser, il arrive qu’on se dématérialise aussi. La rationalisation a du bon mais le désordre aussi. Du moins cette forme supérieure du désordre qui favorise les transversalités.

para.jpgVoici, tombés sur ma table d’opération comme le parapluie et la machine à coudre de Lautréamont, cette composition décorative d’Augustin Lesage et cette image du temple de Madurai qui orne la couverture de En Inde, un livre de Catherine Donzel (De Monza Editeur, 2007).

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Rien que pour le plaisir de suggérer aux amateurs de sources (ou de passerelles entre art brut et productions culturelles médiatisées) une piste photographique possible : celle du procédé Photochrom dont le brevet fut déposé en 1888 par le Suisse Orell Füssli. Ce procédé d’impression lithographique à base de photographie fut supplanté par l’invention de la photographie en couleurs et abandonné dès les années 1910. A cette époque, le mineur Lesage avait 34 ans. L’année suivante il entendra une voix lui annoncer son destin de peintre.

Augustin lesage

Le Photochrom avait la particularité de permettre un rendu des couleurs «d’une subtilité et d’une richesse inouïes» (opus cité). Il n’est pas impossible de penser que Lesage ait été sensible à l’ambiance poétique un peu irréelle qui caractérisaient ces photos-souvenirs en couleurs, commercialisées dès 1889 par Photoglob, la société créée à Zurich par l’inventeur du procédé. A condition bien sûr qu’elles lui soient tombées sous les yeux.

Hypothèse, Hypothèse. Hypothèse risquée, peut-être, mais qui porte à rêver.