09.12.2012
Mon salut au Mont-Salut
C’est plus fort que moi, faut que je cède à la pub ! Alors quand j’ai vu qu’un «service Digital Solutions» me proposait pour un «prix spécial Noël» de redécouvrir mes souvenirs en les transférant sur DVD, j’ai fouillassoné dans le tas de diapos et autres vieilles pelloches en déshérence chez mon daddy. Non pour le plaisir de me voir avec quelques années et kilos en moins dans des fringues pas possibles mais dans le but de me lancer rétrospectivement à la poursuite du diamant vert de l’art sans entraves.
D’un mois de mars breton, gla-gla à souhait et bruineux à cœur, j’ai retrouvé des images qui ont déjà l’âge d’une teenageuse d’aujourd’hui. En clair : elles datent de 1996 et ont été récoltées près d’Auray dans le Morbihan.
On m’avait traînée dans ces parages pour voir -culture oblige- la basilique de Sainte-Anne. Je m’étais intéressée surtout au Trésor d’objets offerts en remerciement à la sainte.
A cause des épingles à nourrice rouillées, avalées puis regurgitées sans dommage par des bébés de la fin du 19e siècle. Sur la route du retour, un petit bar dans une petite commune avait attiré notre attention par sa population de géants avoisinants.
Les créatures de souches assemblées là par vissage et clouage étaient plus exubérantes que leur créateur qui finit par se manifester quand il comprit qu’on s’éternisait devant. Plutôt du genre taiseux, l’artiste! Menuisier de formation, natif du lieu, André Morvan possédait l’art de disparaître sans qu’on s’en aperçoive.
Quand il fut question de portrait, il s’éclipsa pour changer de chandail et se munir d’une casquette. A nos questions, il répondit brièvement, en gars qui n’a rien demandé.
Le tapis roulant de la route à 3 voies devant sa porte lui convenait bien. Généralement, les touristes n’avaient que le temps d’apercevoir ses musiciens, ses danseuses, ses animaux d’une rusticité préhistorique. Pas celui de s’arrêter pour leur parler.
«On lui demande de les acheter ou de les prêter pour un théâtre», nous lâcha Morvan du bout des lèvres en parlant de ses statues qu’il n’appelait pas «des statues». «Mais il ne les laisserait pas partir» ajouta-t-il, au cas où nous aurions eu besoin d’un avertissement.
Il a tenu parole puisqu’il s’en occupe encore aujourd’hui comme un reportage récent sur le blogue de Jean-Michel Chesné nous l’a montré. Pas plus loquace sur ses techniques que sur le reste, André Morvan consentit tout de même à nous apprendre qu’il usait d’huile brûlée pour la conservation de ses sujets en bois exposés à tous les caprices du ciel.
Quand il nous quitta subitement, la lumière baissa. On s’acharna cependant à mitrailler le site de nos kodaks. Déjà le crépuscule venait qui révélait le côté fantastique de celui-ci.
18:44 Publié dans art brut, Images, Jadis et naguère, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, andré morvan, environnements bruts et spontanés, mont-salut, 1996 | | Imprimer | | |
26.10.2012
Beautiful dolls of the desert
Selon que l’on est mod ou rocker, bourgeois bohême ou caillera, amateur d’art sincère ou snobinet, on détestera ou on adorera le show Everything dont je vous ai touché deux mots le 3 octobre dernier. Vous avez jusqu’au 16 décembre pour y assister. Du moins je crois. Même les dates ne sont pas claires.
C’est vrai que l’accrochage, pourtant minutieux, est terrifiant, que la lumière est calamiteuse, que c’est encadré à la va comme je te pousse et que l’encombrement niveleur, poussé à ce point là, on se demande si c’est manque de respect pour les œuvres ou preuve de désinvolture excentrique comme seuls les Anglais savent faire.
Mais qu’on trouve ça déprimant ou exciting, il faut courir à l’Everything, suivre la flèche rouge, gravir les escaliers d’incendie, déambuler dans des couloirs gais comme la R.D.A. et des espaces bas de plafonds qui n’ont pas été repeints depuis l’Occupation.
Non pour croiser les machines de Ratier dans les douches, non pour admirer entre deux portes les aquarelles d’Alexandre Lobanov éclairées par des ampoules de 25 watts, non pour se retrouver scotchée à 20 cm (il n’y a aucun recul) de 24 dessins-collages de Dellschau, «pages déchirées» d’un livre (par qui ?).
Non, pas pour ça, pour lequel on plaint les prêteurs, mais pour une chose. Une seule chose mais quelle chose! Un environnement d’art dans le désert mojave, commencé dans les années 50 du 20e siècle.
et Ruby Black
à Yermo (Californie) : Possum trot.
En vrai, il n’existe plus mais il est évoqué ici dans ce qui semble être une ancienne salle des fêtes de ce séminaire en friche du boulevard Raspail. D’accord on a mal au derrière sur les chaises en bois de caisse, on se tord le cou parce que la scène est trop haute, le regard chavire sur le drap mal tendu où est projetée la vidéo mais chez Calvin et Ruby c’était sans doute pas très confortable non plus.
Et on oublie vite ses courbatures tant c’est extraordinaire. Rien de comparable en France à part le manège de Pierre Avezard. Imaginez une petite cité délabrée au milieu de nulle part, peuplée d’une centaine de poupées en bois dans des vêtements poussiéreux, hailloneux et somptueux.
Chacune accomplissant une tâche.
Imaginez des micros derrière les têtes et le créateur du lieu interprétant un spectacle de son invention, à base de chroniques, avec une voix de fausset et en s’accompagnant à la guitare.
De la route proche qui apportait les visiteurs on pouvait voir des pièces tourner comme des radars sur des kiosques balayés par le vent.
L’organisation Everythingneuse étant un peu parano question photo, je n’ai pas pu vous rapporter des images.
J’emprunte celles que je vous montre à des sites américains qui traitent de ce chef d’œuvre d’invention, de bricolage inspiré, de poésie populaire et de scénographie spontanée.
Après la mort de Calvin, concepteur principal de cette ambiance féérique pour road movie, son épouse Ruby, qui l’assistait pour les costumes, ne voulut pas détruire Possum trot comme le lui avait demandé son mari.
C’est donc le temps qui s’en est chargé non sans que des sculptures se retrouvent chez des collectionneurs.
Elles valent très cher aujourd’hui.
Sources :
18:19 Publié dans Ailleurs, art brut, Expos, In memoriam, Musées autodidactes disparus | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut, environnements populaires spontanés, environnements bruts et spontanés, calvin et ruby black, désert mojave, museum of everything | | Imprimer | | |
14.07.2012
Léopold Truc, un paradis non truqué
Le Luberon, «ce taureau qui fait la sieste au pied de son berger le Ventoux» (dixit Yvan Audouard), je suis allée le prendre par les cornes.
Après le marché paysan de Coustellet dont je vous recommande les bigarreaux Napoléon, je suis montée chez monsieur Truc, le créateur d’un jardin conçu à grand renfort de ciment, de mosaïques et de tessons de poterie.
© Ani (2012)
Pour le seul agrément des chanceux qui le trouvent sur un chemin caillouteux réfractaire aux bagnoles. Ni visites guidées, ni spectacles, ni concerts chez monsieur Truc. Ni conférenciers post-millénaristes non plus. Rien que les cigales.
© Mon daddy (1989)
Aucun ministre de la culture en campagne électorale n’est jamais venu sur son terrain. Terrain oublié à l’écart d’un village escarpé qui sent bon le cèdre. Tout au plus Pierre Bonte l’a-t-il jadis interwievé pour FR3. Léopold Truc ne bâtissait pas des cathédrales.
© Ani (2012)
Le Paradis, il y était déjà puisque c'est comme ça qu'il appelait son espace ludique, cette pure excentricité qu'il avait su en douceur faire accepter à son paysage provençal et à ses contemporains.
© Mon daddy (1989)
© Ani (2012)
Un Paradis où ne flotte aucun relent de bondieuserie plus ou moins fumeuse mais le parfum d’un tranquille bonheur créatif.
© Ani (2012)
A son isolement naturel, le Paradis de monsieur Truc doit encore aujourd’hui d’être présentable à des Animuliens qui ne détestent pas le travail du temps sur la floraison brute.
© Mon daddy (1989)
© Ani (2012)
Tout au plus a-t-il perdu des couleurs ce Paradis. Tout au plus est-il un peu mangé par le lierre.
© Ani (2012)
Même s’il a viré au pain d’épice trop cuit , il a grosso modo conservé son allure ordonnée en pente douce et ses 6 allées de circulation parallèles. La borie de pierres sèches décorée
© Ani (2012)
© Mon daddy (1989)
le «bordj» pour la chasse,
© Ani (2012)
© Mon daddy (1989)
la chapelle grande comme une cabine d’essayage,
© Mon daddy (1989)
© Ani (2012)
la tour au sommet de laquelle Léopold Truc aimait faire grimper les visiteurs, sont toujours là.
On le doit à la famille de monsieu Truc qui veille toujours sur ce patrimoine d’un genre particulier.
© Ani (2012)
La fontaine est muette mais son auteur, de son vivant, ne la mettait guère en route, l’eau de la commune étant «plus chère que le pinard» selon lui.
© Mon daddy (1989)
De son tombeau-mémorial qui voisine sans complexe avec des toilettes en forme de guérite, monsieur Truc disait malicieusement : «quand ça sera fermé, vous saurez pas si j’y suis ou si j’y suis pas».
© Ani (2012)
© Ani (2012)
© Mon daddy (1989)
Un homme a vécu là, c’est à dire qu’il s’y est diverti au plus noble sens du terme. Sans qu’il soit nécessaire pour autant d’évoquer je ne sais quel «sacré» devant lequel il faudrait s’agenouiller, il a marqué de sa présence cette parcelle.
© Mon daddy (1989)
Du moins c’est ce que j’ai ressenti. Du moins c’est ce que m’a dit mon daddy qui, le veinard, a croisé Léopold Truc en 1989, trois ans avant que celui-ci ne disparaisse.
© Mon daddy (1989)
J’ai fait des pieds et des mains pour que mon daddy retrouve dans ses tiroirs les photos de vacances qu’il avait prises alors. Parce qu’il est toujours bon de comparer.
© Mon daddy (1989)
© Ani (2012)
Parce qu’il est toujours bon de témoigner. Parce qu’il est légitime de documenter même si avec l’art brut ou avec ce type de «truc» populaire et superbement individuel, on ne puisse qu’être incomplètement satisfaits.
© Ani (2012)
23:55 Publié dans art brut, Jadis et naguère, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : art brut, environnements bruts et spontanés, léopold truc | | Imprimer | | |
04.09.2011
Loulou et moi, 6 ans après
«Wo es war, soll ich werden». Y’ a des moments où je m’demande si j’ai un inconscient! Heureusement, la PQR est là pour m’en tenir lieu. D’une édition charentaise de Sud Ouest, en date du 17 août 2011, j’ai eu l’émotion de voir surgir de mon passé monsieur Loulou (André) Degorças, «sculpteur cagouillard».
Quelle reviviscence! Rappelez-vous. C’était au début septembre 2005. Je n’étais pas encore la «Grande Timonière» que je suis devenue. Celle dont Mr Alain Bouillet, dans le n°34 de la revue Création Franche (mai 2011), dit que son blogue est –je cite– «bien connu des amateurs d’art brut». La gloire ne poudrait pas encore les ailes de votre Petite âme errante et ses chevilles n’étaient pas enflées. J’étais rien qu’une âmelette nouvelette, mal assurée sur ce qui lui tenait lieu de jambes sous sa mini-robe. Elles ont grandi depuis, grâce à vous, chers lecteurs et lectrices, qui m’avez fortifiée de votre attention et de vos informations. Elles m’ont portée jusqu’à mon sixième anniversaire que j’ai le plaisir de placer aujourd’hui sous les auspices de Loulou de Genté, petit bourg situé près de Segonzac. Loulou c’est le genre de gars qui ne demande rien à personne et qu’on découvre par hasard. Leur création mérite d’être protégée et leur tranquillité respectée. C’est pourquoi j’avais évité de le localiser en 2005 quand j’en parlé pour la première fois.
Je m’imaginais que les stakhanovistes du bord des routes, qui traquent le «singulier de l’art» comme l’orpailleur de Guyane ses pépites, finiraient par le trouver. Mais non. Mes photos étaient trop petites. Alors, à l’occasion de mon sixième anniversaire, c’est moi qui vous fait un cadeau en les élargissant un peu.
Place d’abord à ces personnages en ciment teinté, grandeur nature, qui veillent à l’entrée de la maison de la mère de Loulou.
Il y en a 4 dont une représente «sa» Sheila, chanteuse dont Loulou est fan depuis qu’elle l’a invité à la teuf donnée pour ses 20 ans. Elle chante Ecoute ce disque.
Un maçon (Loulou ?), sur le pilier symétrique, présente ses outils.
Loulou aimait trop l’invention pour en rester là. Son brevet pour une taloche en plastique trône chez lui sous une vitrine. Dans sa cour, il a vu un soir des extra-terrestres, «petits et transparents».
Et il s’est bricolé un petit musée de science-fiction avec des comètes peintes sur des bâches noires et une ronde d’aérolithes sur tiges de métal.
Au supermarché du coin, il cherche des idées dans les revues sur les soucoupes volantes.
Au rayon des viandes limousines, il achète des bas morceaux pour «son drôle», un vieux chien pour lequel il a conçu une rampe d’accès pour monter au premier étage de sa maison.
Sans doute Loulou n’entretient-il avec l’art brut que des parentés assez lointaines. Il fabrique des souvenirs pour les mariages, de petites stèles avec visages de profils d’après photo.
Ce qu’il voudrait c’est en réaliser pour des hommes politiques auxquels il voue une innocente considération. Mais les ministres ne se bousculent pas pour venir se faire portraiturer au fotomaton local pour lui. Cela ne fait rien, on l’aime bien quand même et je suis heureuse d’avoir, il y a 6 ans, commencé par lui et par son copain Lucien Favreau à qui il avait conseillé «de mettre de la couleur».
18:37 Publié dans art brut, De vous zamoi, Gazettes, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, environnements bruts et spontanés, andré degorças dit loulou, loulou le cagouillard, sheila, anniversaire | | Imprimer | | |
29.03.2010
Que cent lieux s’épanouissent
Les guides c'est bien gentil mais ça se périme vite ou alors ça concerne jamais la région où on va. Aussi faut-il saluer l'initiative de la revue Artension qui dans son numéro d'avril 2010 a eu la bonne idée de publier un cahier (malheureusement inamovible mais on peut se le découper pour voyager plus léger) présentant brièvement 100 lieux insolites en France.
J'insite sur «brièvement» parce que ce canard a eu le bon goût de ne pas nous accabler d'un tas de blablas qui prétendent nous prendre par la main pour organiser nos petites excursions. Une photo, l'adresse, éventuellement téléphone et adresse électronique, courte présentation maquettée sans chichis mais avec le souci de la lisibilité. Tout ce qu'on aime.
Y'a que les fonds framboise et moutarde choisis pour mettre en valeur certaines notices pour les sites-phares du journal que je kiffe pas des masses mais c'est un détail.
A user sans modération pendant vos pérégrinations mais pas en petits ravageurs des steppes, s.v.p. En prenant soin de goûter à vos découvertes. Ce n'est pas parce qu'il y en a 100 que vous devez toutes vous les faire. L'inconvénient avec les chiffres, c'est qu'ils nous poussent dans notre mauvais génie : celui de la canulante mentalité industrielle.
Ne faites pas comme Animula : prenez le temps de vivre brut et cool.
11:29 Publié dans Gazettes, Vagabondages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : la fabuloserie, environnements bruts et spontanés, art brut, lieux insolites, abbé fouré, france insolite | | Imprimer | | |