26.01.2006
Vive Jean L’Anselme, vive la poésie
Plus la deadline du 31 janvier approche et plus les vœux tombent comme à Gravelotte dans ma boîto lettres et dans celles de mes informatrices.
L’une d’entre elles me communique le feuillet de Bêtises adressé par le poète Jean L’Anselme à quelques privilégiées dont hélas je ne suis pas. Comme c’est trop jouissif pour qu’on en interdise la manipulation (comme on interdit à la Bibliothèque Nationale celle de 700.000 livres amiantés) je ne résiste pas au plaisir de vous en livrer quelques morceaux qui ne sont pas piqués des hannetons
Plus on pense léger moins on a l’esprit lourd
L’indiscipline faisant la force principale désarmée, pour être forts soyons indisciplinés
Depuis que les femmes sont nos moitiés, nous n’avons jamais réussi à être leurs doubles
Le cyclamen n’est pas un vélo de curé, comme on pourrait le croire
Lu sur un poème-affiche de la RATP
«Au lieu de vos poèmes à la con, vous feriez mieux de nous mettre des rames aux heures de pointe.»
Autrement dit,
«au lieu des rimes, des rames, car la poésie n’en fout pas une»
Pour celles et ceusses qui seraient désireux d’en savoir plus sur le cas de ce défenseur de la poésie à l’état sauvage, signalons que l’Université a rattrapé l’auteur du Ris de veau et de La chasse d’eau. Les actes d’un colloque tenu à la Bibliothèque U d’Angers sous la direction de Jacques Lardoux ont été publiés en octobre 2003. Plus ancien mais plus léger aussi, je recommande le n°2 (hors-série) de La Nouvelle Revue Moderne publiée à Villeneuve d’Ascq en décembre 2002. Ne serait-ce que parce qu’il contient une bibliographie complète de Jean L’A. Vous n’aurez plus aucune excuse d’ignorer que Ler dla canpane, le livre de Dubuffet gravé sur boîtes à camembert en 1948, est dédié à L’Anselme. Ni de faire comme si vous ne saviez pas que L’Anselme a dessiné de la main gauche les dessins illustrant son Histoire de l’aveugle tiré au duplicateur pour L’Art brut en 1949. Toujours dans l’esprit brut pur jus, vous raffolerez des Poèmes à la sourieuse rose et du Caleçon à travers les âges. Vous n’oublierez pas comment chez un grand «petit éditeur» (Rougerie) Jean L’Anselme développe depuis bientôt 50 ans, une œuvre personnelle et décalée, fidèle mais pas esclave de ses goûts de jeunesse, poursuivant la poésie jusque sur le terrain glissant du calembour et de la très actuelle idiotie.
15:15 Publié dans Jeux et ris, Poésie naturelle | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : Jean L'Anselme | | Imprimer | | |
11.12.2005
Quand Michel Valière rencontre Gabriel Albert
N’allez pas croire que votre petite âme errante a gaspillé tout son ouikène à Lille chez les restaurateurs. Je ne parle pas des sympathiques hôtes du Bistrot lillois de la rue de Gand (un peu bruyant les soirs de banquets britanniques mais bonne Duvel et waterzoï garantis).
Je fais référence à ma note précédente à propos de la journée d’études sur les environnements bruts (Habiter poétiquement) au M.A.M.L.M. Après une matinée d’intense lèche-vitrines dans le quartier autour du théâtre et de la vieille bourse et le repérage d’une jolie cape ethnique multicolore et hors de prix pour Noël, j’ai donc pris le métro, où Michel Sardou m’a hurlé dans les oreilles, direction 4 Cantons et arrêt à Pont de Bois. Petit 100 mètres ensuite pour attraper au vol le bus 41 qui m’a déposée au Parc urbain à l’orée d’une pente glissante, étroite et boueuse que j’ai descendue comme j’ai pu en me félicitant qu’il fasse jour. Promenade hygiénique d’un bon demi-kilomètre ensuite à travers le parc de sculptures par une allée taillée au cordeau menant à la porte du musée et la récompense était là en la personne de l’ethnologue Michel Valière qui était au micro. Justement, il était question du jardin de Gabriel à Nantillé dont je vous avais montré une image le 6 septembre à mon retour de vacances. Il y a du soleil dans l’accent de Michel Valière. C’est un savant qui sait se montrer sensible à la poésie d’une lumière d’été dans une treille muscate quand il visite le domaine d’un créateur tel que Gabriel Albert. Je me suis positivement régalée avec l’entretien des deux hommes dont l’ethnologue nous a livré quelques passages. Du beau boulot où le questionneur ne fait pas les demandes et les réponses mais restitue les vraies paroles de l’interviewé. Gabriel Albert cessait d’être un objet d’études. Il était bien vivant avec nous. Je cite de mémoire : «Je passionne pas la mort, moi»… «Je peux pas tuer. Un cochon, un poulet, je peux pas. Moi, je peux pas encaisser la mort. Enlever la vie et la souffrance, voilà ce que je déteste». Rien que pour cette parole de Gabriel, Michel Valière devrait donner le plus de retentissement possible à cet entretien. En attendant, voici l’album de ma visite du 13 août 2005 à ce jardin de sculptures qui conserve sa grandeur dans l’abandon.
Je fais référence à ma note précédente à propos de la journée d’études sur les environnements bruts (Habiter poétiquement) au M.A.M.L.M. Après une matinée d’intense lèche-vitrines dans le quartier autour du théâtre et de la vieille bourse et le repérage d’une jolie cape ethnique multicolore et hors de prix pour Noël, j’ai donc pris le métro, où Michel Sardou m’a hurlé dans les oreilles, direction 4 Cantons et arrêt à Pont de Bois. Petit 100 mètres ensuite pour attraper au vol le bus 41 qui m’a déposée au Parc urbain à l’orée d’une pente glissante, étroite et boueuse que j’ai descendue comme j’ai pu en me félicitant qu’il fasse jour. Promenade hygiénique d’un bon demi-kilomètre ensuite à travers le parc de sculptures par une allée taillée au cordeau menant à la porte du musée et la récompense était là en la personne de l’ethnologue Michel Valière qui était au micro. Justement, il était question du jardin de Gabriel à Nantillé dont je vous avais montré une image le 6 septembre à mon retour de vacances. Il y a du soleil dans l’accent de Michel Valière. C’est un savant qui sait se montrer sensible à la poésie d’une lumière d’été dans une treille muscate quand il visite le domaine d’un créateur tel que Gabriel Albert. Je me suis positivement régalée avec l’entretien des deux hommes dont l’ethnologue nous a livré quelques passages. Du beau boulot où le questionneur ne fait pas les demandes et les réponses mais restitue les vraies paroles de l’interviewé. Gabriel Albert cessait d’être un objet d’études. Il était bien vivant avec nous. Je cite de mémoire : «Je passionne pas la mort, moi»… «Je peux pas tuer. Un cochon, un poulet, je peux pas. Moi, je peux pas encaisser la mort. Enlever la vie et la souffrance, voilà ce que je déteste». Rien que pour cette parole de Gabriel, Michel Valière devrait donner le plus de retentissement possible à cet entretien. En attendant, voici l’album de ma visite du 13 août 2005 à ce jardin de sculptures qui conserve sa grandeur dans l’abandon.
18:10 Publié dans Poésie naturelle | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : gabriel albert, michel valière, art brut | | Imprimer | | |
27.11.2005
L'homme qui racontait des histoires
Je sais parfaitement que je vous ai déjà parlé de la littérature de cordel mais je ne peux pas passer sous silence la vitrine du carrefour de la Croix-Rouge.
Pour les Parisiens, ce sera une découverte. Quant à ceux qui auraient déjà vu l’expo de Marseille, ça fera une piqûre de rappel. Quand vous venez de la rue du Dragon pour vous engager dans la rue du Cherche-Midi où vous avez répéré cette paire de bottines rouges qui vous rappelle si fort Aloïse, c’est tout de suite sur votre droite. En face du très couillu (pardon viril) centaure de César. Une vitrine pleine de gravures sur bois. La Maison de Natura Brasil, dans le cadre de l’année du Brésil en France, a fait, parmi ses produits cosmétiques, un peu de place à ces images populaires du nordeste. Au premier étage sont exposés estampes (hélas souvent coloriées aujourd’hui) et bois originaux ayant servi à la réalisation des livrets de colportage. Certains de ces livrets, restés dans leur jus, sont en vente ainsi qu’un ouvrage documentaire de Pascal Baneux sur les gravures du sertao brésilien : L’Homme qui racontait des histoires (Editions Alternatives).
On est bien reçu, on vous fait de jolis paquets jaunes et on a offert à votre Animula un petit savon en forme de tomate. Cela mérite bien qu’elle cite quelques vers d’Antonio Klévisson Viana, poète populaire, qui célèbre la malle du colporteur, dans une brochure de cordel, bien sûr
Na mala do folheteiro
Tem romance de bravura,Onde o vaqueiro valente
estampa sua figura…
No seu cavalo alazoa,
Rouba a filha do patrao
Sem temer a pistoleiro
Em defesa da amada,
Tem sua estoria rimada
Na mala do folheteiro
Dans la malle du colporteur,
il y a des récits de preux
où le vacher courageux
montre toute sa valeur,
chevauche son alezan,
ravit la fille du patron
et sans craindre les bandits
sauve l’élue de son cœur etc.
01:55 Publié dans Poésie naturelle | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Cordel | | Imprimer | | |
26.11.2005
La vie est de toutes les couleurs
Pour ma copine Violette, qui vient de se casser la cheville et qui se morfond sur son fauteuil roulant de douleur, cette petite fleur de poésie naturelle tombée en 1933 d’un petit recueil de «faits divers» imprimé sur du papier bleu par le typographe Guy Lévis Mano et intitulé La Vie est de toutes les couleurs.
A F F I C H E
É L E C T O R A L E
:
CANDIDATURE DE L’INFOR-
É L E C T O R A L E
:
CANDIDATURE DE L’INFOR-
TUNÉ P…S… DÉMOCRATE
INDÉPENDANT, PROMOTEUR
DU REGNE PUBLIC
PROGRES DE GOUVERNE-
MENT PROGRESSIF JUSQU'
AU POINT DE RENDRE LES
ÉLECTEURS POSSESSEURS
DU MANDAT IMPÉRATIF.
CE QUI FERA
QUE LE PEUPLE SERA
SOUVERAIN
ET DONT LES INFORTUNÉS
Y TROUVERONT UN
MEILLEUR BIEN-ETRE
23:55 Publié dans Poésie naturelle | Lien permanent | Commentaires (1) | | Imprimer | | |