18.08.2011
Adieu prison, bonjour palace
La zonzon d'Avignon, plus personne n'y tourne en rond. Le 30 mai 2010 déjà, je vous en avais touché deux mots mais par ouï-dire. Cette fois-ci c'est en live que je vous adresse quelques images du mur votif de la rue Banasterie prises en ce mois d'août 2011.
Il s'est un peu dégradé depuis et seules les niches du haut sont encore occupées mais il a de beaux restes.
Bientôt la zonzon d'Avignon sera convertie en hôtel 5 étoiles.
Les people festivaliers pourront remplacer les damnés de la terre, protégés du vulgum pecus par de hauts murs, des chevaux de frise et des caméras partout. Bonjour l'ambiance.
En attendant des photographes ont organisé une expo couleurs de plein air sur les murs extérieurs de la maison d'arrêt.
Cela m'a rappelé les clichés qu'un petit débrouillard de mon équipe était parvenu à sortir de l'intérieur de l'univers carcéral avignonnais quand celui-ci avait été désaffecté, vers 2003, je crois.
"A la fin, ils laissaient les détenus s'exprimer sur les murs", me disait Boris, mon reporter de choc. Je vous laisse juges du résultat.
Autre ambiance mais qui vaut bien la précédente! Pour ce bon mouvement, Boris méritait d'avoir sa rue. C'est fait!
19:20 Publié dans Glanures, Poésie naturelle | Lien permanent | Commentaires (2) | | Imprimer | | |
16.07.2011
Musée autodidacte disparu : Batz-sur-mer
Aux amants de la mer : le titre m’a paru tomber pile en ces temps vacanciers où les apollons des plages et les sirènes de piscine ne songent qu’à se mouiller le string ou l’itsy bitsy petit bikini. C’est aussi qu’avec le mauvais goût tordu qui me caractérise, j’ai été séduite par la couverture chromolitho-naïve de ce Guide des baigneurs le long des grèves lorsqu’il m’a sauté dans les bras en criant «maman!» à la dernière brocante où je suis allée traîner mes sandalettes.
Bon, il ne date pas d’hier puisqu’il est de 1896 mais c’est ce qui fait son charme. Alors je l’ai acheté bien que je ne compte pas me farcir les excursions décrites, le grand ouest n’étant pas à mon programme cet été. Seulement, «faut pas être égoïste, ma p’tite Ani!» je me suis dit. Il y aura bien des Animuliens pour faire du camping chez les Batziens. Et ce guide, écrit par un écrivain-voyageur avant la lettre, piquera sûrement leur curiosité.
En effet, parmi les souvenirs de cet aimable Berrichon qui signe du pseudo de Jules Sincère, le très intéressant chapitre 12 les documentera sur Les musées de Batz et l’église. Pouf, pouf. Laissons tomber l’église. N’importe quel dépliant de l’Office de tourisme de Batz-sur-mer, balnéaire station du sud de la Bretagne, vous en dira plus.
Mettons même de côté le musée des «Antiques» de Mademoiselle Pichon. Non sans apprécier au passage les exemples de chansons locales collectées par cette pionnière de la défense du patrimoine immatériel. Si je comprends bien, ses collections de costumes et de meubles de paludiers se retrouvent aujourd’hui peu ou prou au Musée intercommunal des marais salants.
Arrêtons-nous par contre sur le musée de Pierre-Marie Lehuédé (1849-1901), «cordonnier naturaliste» comme il aimait se présenter. Arrêtons-nous et faisons lui une place dans ce Panthéon des musées autodidactes disparus (je sais que mes suceurs de roue vont me piquer l’idée mais tant pis!) où flotte allégremment le parfum de l’art brut dans son état naturel, celui d’avant baptême par Jean Dubuffet.
Le musée de monsieur Lehuédé avait l’air d’un beau capharnaüm dans le genre cabinet de curiosités sauvages. S’y côtoyaient un squelette de vache, ceux d’un squale et d’un boa, des algues, des cailloux du fond de l’océan, des centaines d’oiseaux empaillés, des haches de pierre, des armes celtiques. Ce que j’aurais aimé voir ça même si le cordonnier-savant classait tous ses échantillons avec la précision maniaque de l’époque!
Son jardin minéral, rempli de roches disparates, «artistement superposées», la tombe de Remy, son caniche blanc «entourée de coquillages et de polypes», la façade de sa maison «enjolivée de quadrilatères et losanges en coquillages variés, d’oiseaux de mer aux ailes tendues»… tout me laisse à penser qu’il y a là inspiré sous roche. Bien sûr, il faudrait la confirmation des images mais je n’ai pas trouvé, sur le ouaib, de repros à ce sujet, même dans les sites sur les cartes postales.
Alors, avis aux collectionneurs en la matière! Il s’en trouvera peut-être un pour avoir un document sur le musée Lehuédé dans ses albums.
11:14 Publié dans Glanures, Jadis et naguère, Musées autodidactes disparus, Poésie naturelle | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : musée autodidacte disparu, jules sincère, pierre-marie lehuhédé, cordonnier-naturaliste | | Imprimer | | |
24.06.2011
Laduz ou la clef des songes
Avis à la population animulienne avide de plan détente aux trémolos des p’tits oiseaux!
Si vous cherchez un point de chute à la campagne pour le ouikène ou une thébaïde pour une retraite studieuse, afin de rédiger votre mémoire qui n’avance pas sur Paris, allez faire de beaux rêves au Musée de Laduz.
On dit «Ladu» et c’est dans l’Yonne. Vous le savez bien car c’est pas la première fois que je vous cause de cet adorable musée rural des arts populaires. Des arts et pas des «traditions» car la maison n’est pas confite dans le folklore.
Si Raymond et Jacqueline Humbert ont passé plus de 30 ans à rassembler les milliers de témoignages des activités, des rêves et du sens esthétique des gens d’autrefois, c’est pour que ça serve à ceux d’aujourd’hui qui ne sont pas tous des bourriques.
La preuve, Jacqueline Humbert vient de prêter des objets de sa collection aux Morceaux exquis, une expo que je vous ai signalée pas plus tard qu’au début du mois de juin, petits veinards que vous êtes. Raymond Humbert n’est plus de ce monde mais sa présence bienfaisante plane toujours sur le beau jardin du musée où il aimait peindre et où les arbres, quand ils poussent de travers, reçoivent le secours de tuteurs et d’attelles comme on le fait au Japon.
Dans une salle à part meublée de stalles du 18e siècle, rescapées de l’autodafé où elles étaient destinées par leur église, une exposition des peintures sur papier de Raymond Humbert est organisée par son épouse du 26 juin au 18 septembre 2011. Le vernissage de cette exposition intitulée Paysages est prévue pour samedi, le 25 juin 2011 à partir de 18 h à Laduz.
Une occasion rêvée de vous offrir une nuit au musée, du moins dans sa chambre d’hôtes. Car, vraiment, je vous assure, ce n’est pas «foutage de gueule» de ma part, on peut maintenant dormir dans cette maison enchanteresse.
Dans une aile adjacente, deux pièces à l’étage, superbement poutrées,
un petit escalier avec une rampe en forme de harpe en fer forgé vous attendent.
Et, jouxtant l’entrée du musée proprement dit,
une petite cuisine avec des carreaux bleus et des confitures.
L’Usage du monde de Nicolas Bouvier sur une table
Un tableau en laine de Marie-Rose Lortet accroché dans la bibliothèque.
Un coffre paysan à décor gravé, des galoches à châtaignes sur une armoire
quelques beaux objets ou ustensiles populaires fixés au mur ou suspendus.
Et un p’tit déj bio au soleil le dimanche matin car il y en aura.
Avouez qu’il y a pire!
00:38 Publié dans De vous zamoi, Expos, Jadis et naguère, Oniric Rubric, Poésie naturelle, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musée de laduz, arts populaires, raymond humbert, jacqueline humbert, marie-rose lortet | | Imprimer | | |
24.04.2011
Les sylvistructures d’un plombier provençal
«Branchée» comme je suis, il était écrit que je m’intéresserais à la Maison de l’amandier qui regorge de «sylvistructures». Pierre Leron-Lesur, l’inventeur de ce joli mot savant qui désigne des «œuvres originales provenant de la nature» a installé dans sa maison de Saint-Rémy-de-Provence un très captivant musée personnel de poésie naturelle.
Il est constitué de troncs, de loupes et de branches (nous y voilà) aux formes suggestives, aéoridynamiques ou mystérieuses, belles comme tout.
Elles sont pour la plupart empruntées à des amandiers séculaires, morts naturellement, carbonisés par le feu ou détruits par le gel. L’amandier, que voulez-vous, fleurit avant tous ses petits camarades, ce qui lui vaut quelques ennuis en cas d’offensive tardive du froid. Il mérite bien une association pour le défendre et celle-ci loge dans l’ancien Hôtel de Lubières où Pierre abrite cette collection probablement sans égale, constituée patiemment au cours du dernier demi-siècle.
A 88 ans, il reste des heures debout pour recevoir les visiteurs. Puis il glisse en souriant sa longue silhouette un peu voûtée (il finirait presque par ressembler à un amandier!) dans son atelier qu’il appelle pour rire «l’antre du diable».
Dans ce laboratoire, interdit au public mais où il a bien voulu que je le photographie, il socle, cire, rafraîchit et chouchoute ses objets raffinés et subtils que lui prodigue la campagne provençale.
Bien que doté, derrière ses grosses lunettes, d’un «œil» que nombre d’antiquaires lui envieraient, bien que visiblement pourvu d’un goût très sûr, Pierre Leron-Lesur, petit-fils de tonnelier, ne se veut qu’artisan.
Si on lui fait observer que ses sylvistructures sont plutôt des «sylvisculptures», il récuse ce terme carrément.
Il met à ne pas se vouloir artiste la même énergie que mettent certains créateurs d’art brut à refuser tout label d’ordre esthétique. Pourtant il me semble que les objets de sa collection relèvent pour la plupart du ready made et même pour beaucoup du ready made aidé.
Ce que semble dire avec ses mots à elle, Jacqueline de Romilly : «Mais le vrai miracle n’est pas là. Il est dans le fait que ces fragments de troncs morts deviennent entre ses mains, sans qu’il n’y change rien d’essentiel, des œuvres d’art. Il élague seulement; il n’ajoute rien. On pourrait dire qu’il libère la forme encore prisonnière dans le bois».
Au bois, Pierre Leron-Lesur doit la vie et il la lui rend bien. Grâce aux sabots isolants de son grand-père, il a pu échapper à une grave électrocution dans sa jeunesse. Il raconte cet accident et beaucoup d’autres anecdotes pleines d’un savoir technique disparu dans un livre de souvenirs où il fait preuve d’un très moderne sens de la valeur de l’eau : Fils du Rhône, Tribulations et mémoires d’un plombier provençal.
On comprend que son activité professionnelle lui ait permis d’arpenter ce pays qu’il aime et qu’il connait sur le bout des doigts. Il est aussi l’auteur d’un bouquin bien illustré consacré à ses œuvres. Chimères du bois, Les sylvistructures de Pierre Leron-Lesur, tel est son titre.
Il paraît que les magasins Nature et Découverte le vendaient mais maintenant il est épuisé parce que paru en 1994 à 1000 exemplaires seulement. Alors je le cherche.
23:55 Publié dans Glanures, Images, Poésie naturelle | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : pierre leron-lesur, sylvistructures, poésie naturelle, saint-rémy-de-provence, hôtel de lubières, maison de l'amandier | | Imprimer | | |
29.11.2010
Bulletin, Tintamarre, Marabout, Bout de papier
Tout le monde les a eu entre les mains ces petits morceaux de poésie naturelle distribués à la sortie des métros dans les quartiers pas trop BCBG :
authentique sorcier détenteur de secrets
venus du fond des ages véritable
marabout une main
tendue à tous les désespérés celui qui saura quelque
soit le problèmes vous apportera une solution
tous vos Problèmes sur N’importe quel domaines Venez
le Consultez ou téléphonez il parle Parfaitement Français
il aiderez Travail Amour durable et sincère Affection
Heureusement que je viens d’arriver d’Afrique Médium
Africain je Travaille n’importe quelle difficultés même si
Vous avez du mal qui circule dans votre corps
Résout tous les problèmes sans exception
Défaillances mentales et sexuelles renforcement de
La clientèle chance amour, protextion contre
Les accidents réussites.
Aujourd’hui, la langue employée sur ces petits bristols imprimés a tendance à être plus disciplinée, la ponctuation est apparue et les robots-correcteurs réduisent les savoureux écarts orthographiques. Subsiste encore un certain bonheur du coq-à-l’âne qui fait qu’on hésite à les jeter. Et puis ça sert à marquer la page de son polar quand on arrive à la station Stalingrad! Depuis des décennies que mon daddy les accumule dans une boîte de havanes, je n’ai vu personne en faire grand cas.
Du moins sur le papier : je ne me suis pas lancée dans une grande enquête sur le web. A peine si, aux alentours de 1997, il s’est trouvé une Agence conseil en communication pour s’en inspirer (avec un esprit qui dénotait une certaine fréquentation de Dubuffet) et donner des «preuves fatales» de son savoir-faire.
Aussi suis-je bien aise de vous signaler l’article de Joël Gayraud qui vient de paraître dans le n°16 (octobre 2010) de la revue Empreintes. D’abord parce qu’il est bien écrit et qu’il cite beaucoup et puis parce qu’il a le mérite d’envisager le phénomène dans son parcours historique.
Joël Gayraud, qui ne se considère pas comme un collectionneur, s’est intéressé à ces messages de voyants depuis le printemps 1977. Sans forcer les choses, «par une simple collecte passive dictée par la curiosité», il a réuni plus de 2000 flyers maraboutiques, tous différents. Joli corpus pour une littérature à première vue si éphémère. Cerise sur le gâteau, l’article porte un titre clair et pas ronflant : Cartes de marabouts, une collection d’art populaire.
La revue Empreintes habite au 102 bd de la Villette à Paris 19e.
08:18 Publié dans Ecrits, Poésie naturelle, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : joël gayraud, marabout, revue empreintes | | Imprimer | | |
14.11.2010
NOUVEAU MONDE POÉSIE
La retraite est passée, la Parenthèse est restée et bientôt le gouvernement remanié. «Manifester c’est pour vos pieds!» : telle est la morale de l’histoire.
Heureusement les cortèges ont du bon. Ils font sortir de drôles de citoyens sur les bords.
Dans mon post du 17 octobre 2010 (20 ans après, la Création franche cataloguée), je vous avais montré une image d’un pur sachem de notre air du temps.
Voici maintenant celle d’un courageux explorateur du pavé parisien, en bonnet de Noé et imperméable bleu façon blouse cantalouse. Je l’emprunte au blogue de l’illustrateur Philippe Bucamp. Si vous vous y reportez, vous trouverez d’autres photos représentant cet original protestataire qui hisse haut ses pancartes typographiques dans la tempête automnale.
En cherchant bien, vous verrez encore des images de ce «Michel Godin Des Mers» (c’est comme ça qu’il se signale à l’attention des passants) sur le poil à gratter ou l’oasis de paix.
De vieux spectateurs diurnes et nocturnes de notre bougonnante capitale avaient déjà signalé à votre petite âme errante ce créateur de machine cyclable et envoilurée mais ce sont le genre de vieux gars qui se baladent le nez au vent, sans téléphone portable!!! et donc sans petit kodak non plus. Alors, je suis bien contente de partager avec vous ce beau moment de révolte d’un Tinguely de ruisseau qui sonne sans doute plus emblématique du ras-le-bolisme français actuel que le mannequin d’Ariane Mnouchkine tout droit sorti de la naphtaline de l’agit prop.
15:16 Publié dans Blogosphère, De vous zamoi, Glanures, Poésie naturelle, Vagabondages | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : art brut, poésie, révolution, michel godin des mers, typographie | | Imprimer | | |
08.11.2010
Jules Mougin n’est plus, il nous manque une étoile
C’est à devenir chèvre! J’étais sûre d’avoir dans mon fourbi un poème autographe du Facteur Mougin sur le Facteur Cheval et pas moyen de remettre la main dessus. Toutes les rombières de la terre me comprendront, c’est vexant d’être victime de son désordre. Demain, c’est promis, j’y verrai clair. Il sera temps de devenir une bonne ménagère.
En attendant voici, sans tarder un télégramme de Jules Mougin reproduit pour Robert Morel sur la reliure maquettée par Odette Ducarre en 1960 qui abritait un recueil imprimé de 143 lettres, poèmes et cartes postales de l’auteur.
Et son portrait, par je ne sais qui, figurant en tête du même recueil. Que le photographe me pardonne cet emprunt, «un livre ne doit pas être un cimetière».
Jules Mougin écrivait naturellement de la poésie naturelle. Par exemple ces belles lettres anonymes publiées confidentiellement par PAB (Pierre-André Benoît).
Le titre exact c’est : Les Belles lettres ou les anonymes et je résiste pas à vous en citer la moitié d’une adressée à un commissaire :
«Un locataire a-t-il le droit d’avoir chez lui des ossements humains? Une personne dont je ne tairai pas le nom, qui habite dans l’immeuble (…) possède des crânes et des squelettes. Je vous demanderais, Monsieur le Commissaire, d’ouvrir une enquête. Les appartements ne sont pas des ossuaires, que je sache! Et ce nécrophore –je pèse mes mots– peut aller assouvir ses passions ailleurs, au Musée de l’Homme par exemple».
Un gars qui écrit des choses comme ça mérite bien de vivre jusqu’à 98 ans. Mais ce soir le comptable de la terre «a beau compter et recompter, il lui manque une étoile» et cette étoile c’est Jules Mougin.
23:55 Publié dans art brut, Ecrits, In memoriam, Poésie naturelle | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, poésie naturelle, jules mougin | | Imprimer | | |
07.02.2010
Alain Gheerbrant, L’Homme troué
Rencontrer Alain Gheerbrant, je croyais pas ça possible alors j'ai rien préparé. Ma foi, tant pis, faut quand même que je vous dise que cet homme aux multiples casquettes (écrivain, éditeur, explorateur, cinéaste), fidèle toujours à la poésie, vous attend mardi 9 février 2010 à la Maison de l'Amérique latine, 217 bd St-Germain.
Venez à 18 h 30 pour la présentation de L'Homme troué, le récent livre de cet aventurier nonagénaire qui fit ami-ami avec les indiens Yanomami et Antonin Artaud dans les années cinquante, publia Arp et Benjamin Péret et -c'est surtout en quoi il intéresse les Animuliens- découvrit la «poésie naturelle» avec le peintre Camille Bryen à peu près au moment où Jean Dubuffet inventait «l'art brut».
Gheerbrant et Bryen en firent en 1949 une Anthologie qu'on a d'autant plus de plaisir à mettre sur ses rayons qu'elle est illustrée de photos de Brassaï représentant des vitres cassées et des lèpres de murs. Ce qui les cassait aussi, les vitres, c'était les drôles de textes réunis là dedans. Gaston Chaissac, le Facteur Cheval, le Douanier Rousseau, des «fous littéraires» (Auguste Boncors, Jean-Pierre Brisset), une médium-peintre (Hélène Smith).
Et puis des sortes de ready-made de l'écrit : liste de machines extraites d'un annuaire professionnel, prospectus d'un magasin d'articles de pêche, selon le principe que la poésie «pousse comme les truffes»
comme dit Alain Gheerbrant dans La Transversale, ses mémoires parus en 1995.
Je vous offre ci-joint un exemple de ces ready-made : le bonus jaune qui ne figure que dans la version luxe (sur beau papier) de L'Anthologie de la poésie naturelle.
Sur le cousinage des deux notions (Art brut/Poésie naturelle) , aux développements pourtant séparés, il faut lire l'entretien que Gheerbrant a donné il y a 10 ans au gros bouquin coédité par Actes Sud et abcd, intitulé : abcd une collection d'art brut. C'est aux pages 336 à 338.
Pour le reste, la vie d'Alain Gheerbrant est trop riche, je saurais pas par quel bout commencer.
Sans compter tout ce qu'il va faire encore. Je suis obligée de renoncer, excusez mais ce n'est qu'hier que j'ai trouvé le flyer annonçant la soirée à la Maison de l'Amérique latine en fouinant à la Librairie Gallimard, partenaire de l'événement.
Si vous voulez en savoir davantage, allez sur le site de Sabine Wespieser, l'éditeur de L'Homme troué. Mardi soir, elle tiendra compagnie, avec Raphaël Sorin (celui du blogue Lettres ouvertes), à Alain Gheerbrandt.
23:02 Publié dans Ecrits, Lectures, Parlotes, Poésie naturelle, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : alain gheerbrant, l’homme troué, camille bryen, poésie naturelle, auguste boncors, fous littéraires, yanomami, truffe, jean-pierre brisset | | Imprimer | | |
24.01.2010
Deux Sèvres insolites
Je comptais sur mon équipe de reporters de choc barcelonnaise pour nourrir la vorace Animula mais Violette et Reinette se sont laissé engourdir par la froidure catalane. Au lieu d'enquêter dans le Raval, elles sont restées à siroter des Cuba Libre au bar de l'hôtel.
Bon, comme votre petite âme errante doit tout faire par soi-même, il faut qu'elle puise dans son stock perso. Alors permettez que je rouvre ma photothèque deux-sèvrienne. C'était avant les girouettes que je vous ai montrées au début de l'année. J'étais déjà torturée par le canard du doute.
J'avais moyen envie de m'arrêter toutes les dix minutes pour kodaker de ravissantes flaques glauques, une ombre fantômatique sur la route ou un ours blanc dans un vieux mur. Mais mon-chéri-que-j'ai était d'humeur photographieuse. Je vous dis pas l'ambiance!
«Si ça continue, on va leur servir nos petits riens-du-tout à la gomme aux Animuliens... Pourquoi pas nos cadavres-exquis des familles tant qu'on y est ?» aboyais-je avec fureur.
«Ma pauvr'Ani, tu capteras jamais rien aux mystères subtils de l'insolite de base !» me rétorquait mon kéké favori.
Limite de s'traiter, on a arrêté le tacot pour bouder sur un parking de la rue des Epinettes à Sainte Verge, sympathique bourgade, jumelée avec l'Espagne. Hoy-hoy-Os! Je vous dis pas le fou rire! Les Sainte-vergeois me le pardonneront puisqu'ils ont eu assez d'esprit pour inscrire leur ville à l'Asso des Communes de France aux noms burlesques et chantants.
Sainte Verge ne brille pas que par son nom. Elle possède aussi des châteaux, des moulins et une église à devise républicaine.
Mais je n'étais pas là pour les beautés de la culture. Rôdant dans les parages, je me suis paumée dans les rues de la Thouars voisine. J'ai croisé un petit pisseur-à-gauche, signe qu'on ne manquait pas d'humour ici non plus.
Un peu plus loin, deux faisans dorés et un cygne hand made ont attesté des talents animaliers d'un habitant du coin.
Mais la ville de Niort nous attendait et nous nous sommes jetés dans ses bras pour pas manquer la visite du Musée Bernard d'Agessi qui est installé dans un ancien lycée où l'élite du Poitou baccalauréait naguère à tour de bras.
Le M.B. d'A. ne possède pas seulement la plus belle rampe d'accès du monde. Il est relooké moderne à l'intérieur avec des échappées bleues sur les collections d'histoire naturelle.
La cafet est somptueuse et le menu varié : bôzarts, arts déco, objets scientifiques, cabinets de curiosités.
J'aime le Conservatoire de l'éducation pour ses pupitres en liberté
et la partie contemporaine où on m'aperçoit devant les vitrines Eliane Larus.
Une grande salle est réservée aux expos temporaires et ça me vénère d'avoir loupé celle de Marie-Rose Lortet qui s'est terminée fin octobre 2009. Heureusement, il y a un chouette catalogue pas cher du tout.
Dernière splendeur pour la route : un petit Landreau à casquette, croisé durant ce voyage.
22:19 Publié dans De vous zamoi, Glanures, Miscellanées, Poésie naturelle, Vagabondages | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : eliane larus, marie-rose lortet, marcel landreau | | Imprimer | | |
23.09.2009
Arts de l’enfance, enfances de l’art
Arts de l'enfance, enfances de l'art : le nouveau Gradhiva est arrivé. J'ai traversé «la jungle» pour aller le chercher. Non celle de Calais où l'on bouscule le pauvre Tiers Monde mais celle du Musée du Quai Branly «là où dialoguent les cultures». La jungle du Quai Branly est un jardin touffu où l'on entend feuler, barrir et cui-cuiter.
Elle mène directo à la librairie du musée où pour la somme de 22 € TTC, je me suis offert le n°9 de chez Gradhiva (avec une H), revue créée par Jean Jamin et Michel Leiris. C'est dire si c'est du sérieux! Un peu trop pour moi peut-être. Mais c'est une belle bête, cette revue. Textes trapus mais typo lisible. Des biblios, et des images super. Et puis ça faisait un moment que je l'attendais ce 9.
Exactement depuis que j'avais été parachutée dans le séminaire de Daniel Fabre (voir ma note du 20 novembre 2006, Les enfants du Traouc del Calel). D.F. c'est lui qui est aux manettes de ce Gradhi là. Dans sa présentation, il se creuse les méninges à propos de l'art moderne qui n'a cessé de faire bouger ses limites en incluant «l'autre de l'art» dans son espace. Il se demande comment on est en venu à étudier les productions des enfants. Le reste du menu comprend une entrée (Les enfants de l'art), un plat de résistance (Œuvre de l'art et objet de science : le dessin d'enfant), un dessert (Ethnologues sur le terrain de l'enfance). Aux fourneaux, divers chefs de cuisine : Emmanuel Pernoud, Pierre Georget, Michèle Coquet, Franck Beuvier, Earl Barnes, René Baldy, Eric Jolly.
J'ai déjà parlé en nov. 2006 des dessins des petits mineurs du Moyen-âge. Mais il est passionnant aussi de constater que les libres dessins de nos chers moutards avaient fait l'objet de centaines d'expos à travers le monde entre 1890 et 1915.
Suivre le travail de Corrado Ricci en Californie sur des milliers de dessins d'enfants n'est pas mal non plus. Le bouquin (car c'en est un) reproduit une tapée de crobarts, graffiti et peintures de nos chères têtes blondes.
Il les mélange avec des repros de tableaux divers où les artistes ont fait figurer des dessins d'enfants. Cette recherche icono commande le respect et il y a vraiment des trucs à découvrir.
Gravure de Trichon d'après Evariste Carpentier (vers 1890) - détail - Musée national de l'Education, Rouen
Rubrique ethno, on reste scotchée devant les dessins «indigènes» glanés par Thérèse Rivière chez les Ath Abderrahman Kebèche de l'Aurès lors d'une mission en 1935-1936.
Comme il y a des résumés en bilingue français/anglais, je vous le fais dans la langue de Lady Di : «Drawn in ink by boys and adult men, they reproduce scenes from daily and ceremonial life or derived from the religious graphic repertoire intented to illustrate the Koran and for therapeutic formulae».
Toutes les illustrations sont extraites de l'ouvrage
23:55 Publié dans Images, Lectures, Poésie naturelle, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art des enfants, revue gradhiva, anthropologie des arts, daniel fabre, musée du quai branly | | Imprimer | | |