02.07.2012
Pascal Verbena : ça déménage !
L’été m’a rattrapée à Aix-en-Provence où l’on travaille malgré la chaleur comme le montre cette photo prise dans la rue du Puits Neuf. En dépit des apparences, ce ne sont pas des déménageurs qui livrent ici un frigo à la Galerie Paire. Alain Paire possède déjà un réfrigérateur dont il tire, pour ses visiteurs, des verres d’eau fraîche. Il est aussi le propriétaire d’un diable qu’il prête à Pascal Verbena quand celui-ci vient chercher un de ses enfants confiés, le temps d’une exposition, à la maison Paire.
C’était le cas ce jour-là où je suis tombée en plein décrochage de l’exposition Ex-voto. Votre petite âme errante en a profité pour cuisiner Alain Paire au sujet d’Odette Ducarre. A.P. m’a parlé de Cioran, de Mandelstam, de Philippe Jacottet que je ne connais guère, du fait de mes œillères brutes.
Heureusement Pascal Verbena est arrivé avec sa casquette violette et sa chemise-kimono africaine. Avec une simplicité communicative, il a réconcilié, s’il en était besoin, le monde de la culture littéraire la plus raffinée et celui de l’art moins dans les normes. C’est que Pascal Verbena navigue entre des courants qui s’ignorent comme un poisson dans l’eau du Vieux-Port de Marseille.
De ses débuts d’autodidacte, du temps de l’Atelier Jacob, à ceux de sa maturité d’artiste fort estimé des collectionneurs, du temps a passé mais Verbena n’a pas noyé la sardine pour autant. S’il n’a plus ce look de christ hippie qu’on lui voyait sur les catalogues d’Alain Bourbonnais, il abrite toujours son sourire dans un soleil de barbe.
Sans se faire prier, il a posé, pour les lecteurs d’Animula, près d’une armoire à secret dont je désespère de vous évoquer la finesse d’exécution règlant la juxtaposition des bandes de bois de diverses nuances.
Elle appartient à Alain Paire et il faudrait avoir une armure de Dark Vador pour ne pas saisir ce qu’elle recèle de pudeur, d’exhibition furtive et de sentiment caché avec son petit personnage protégé par des volets.
C’est peut-être plus vrai encore avec ce reliquaire dont Verbena ne se sépare pas parce qu’il espère «ne plus jamais refaire» une pièce pareille. Quand je vous aurai dit que les yeux de Sainte-Lucie, dans le bas de la composition, ont été triés comme des lentilles sur une plage, que la forme de bois qui flotte au dessus de ces porte-bonheur a servi de matrice pour des dessins, que la pierre de volcan au centre a été ramassée près du Vésuve, je ne vous aurai dit que peu de ce qui fait la charge de cette œuvre émouvante qui s’intitule Je suis venu te dire…
Les premiers mots peut-être d’une lettre de rupture reçue par l’artiste. Lettre qu’il a déchirée avant de la clore pour jamais avec sa souffrance, sa nostalgie et tout l’amour du monde dans sa composition sous de petites fenêtres à claire-voie.
18:46 Publié dans De vous zamoi | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : pascal verbena, neuve invention, art singulier, alain paire, dark vador | | Imprimer | | |
22.06.2012
Des festivals de fil et d'aiguilles
Ani vous l’avait bien dit : Nicole Bayle irait loin. Son grand tricot sur lequel j’avais attiré vos respectables attentions animuliennes il y a 3 ans déjà (voir ma note du 3 août 2009 intitulée : Dieppe au tapis) est arrivé à Lausanne.
C’est Nicole elle-même qui me l’écrit : cette œuvre de 35 m de long est «depuis 2010 à la Collection de l’Art Brut» (Neuve invention). On peut dire que j’ai du flair! Mes bonnes idées ne restent pas lettre morte. Tant mieux! Illico presto, Nicole Bayle, armée d’une patience digne de Pénélope, s’est remise au travail.
Son nouveau petit tricot (7 mètres de long tout de même) a été exposé récemment au festival Art et Déchirure à la Halle aux toiles de Rouen.
«Si cela vous intéresse», me dit Nicole, «il sera visible au festival du lin et de l’aiguille à La Chapelle-sur-Dun le 8 juillet 2012 avec l’alphabet Mon lapin et mes poupées».
C’était mon trou normand.
«Tire, tire, tire l’aiguille, ma fille…».
15:40 Publié dans De vous zamoi | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nicole bayle, neuve invention, tricot | | Imprimer | | |
11.06.2012
Ursula aux Yeux Fertiles
Après Rosemarie, Ursula. Je promenais mon perfecto rouge, emprunté à une copine bikeuse, dans les vernissages Juin d’art de la rue de Seine quand je suis tombée sur Ursula. J’étais un peu pompette rapport aux quelques coupes avalées ici et là mais la Galerie Les Yeux Fertiles m’a dégrisée. Ce n’est pas souvent qu’on a l’occasion de rencontrer Ursula et là, une exposition lui est consacrée.
Du moins en partie, étant donné que son chéri Bernhard Schultze -plus célèbre- occupe la moitié des cimaises. Avec tout le respect que je dois à celui-ci, j’ai moins d’élan pour son «art informel abstrait» que pour les «confins de l’Art Brut» d’Ursula, artiste inclassable que l’art naïf pourrait aussi revendiquer, au risque toutefois d’un contresens.
Rentrée chez moi, quelques verrines et rondelles de saucisson plus tard, j’étais presque sûre de posséder quelque part d’anciennes paperolles au sujet du cas d’Ursula Bluhm. Dans mon souvenir, c’était mince : style invitations, flyers ou mini-catalogues. Mais macache bono, j’ai eu beau crever deux ou trois cartons de bagatelles de cette sorte, je n’ai pas pu remettre la main sur quoi que ce soit.
J’ai donc dû me contenter de la notice Wikipedia en allemand interprétée en charabia fransoze par Gougueule-translate. C’est mieux que rien. Cela m’a permis de constater que, un an avant son mariage avec Herr Schultze, cette autodidacte de la poésie et de la peinture avait déjà été remarquée pour son travail par l’œil sagace de Jean Dubuffet, toujours lui.
L’Animulien moyen qui s’intéresse à l’œuvre d’Ursula aura intérêt à se reporter à la notice d’Harry Bellet qui figure dans le gros bouquin jaune des Donations Daniel Cordier (Le regard d’un collectionneur) publié par le Centre Pompon en 1989.
Ledit Harry n’hésite pas à rapprocher les toiles d’Ursula de celles d’Augustin Lesage : «comme le peintre-mineur, Ursula (…) raconte ses histoires selon des procédés proches de la transe médiumnique sur laquelle la deuxième génération surréaliste a pu se pencher, non sans réticences (…)».
Et Bellet de souligner combien les rêves colorés d’Ursula avaient par contre «de quoi ravir le fondateur de la compagnie de l’art brut».
Plus modestement, moi j’avoue avoir été attirée, dans les vitrines des Yeux fertiles, par les fourrures d’Ursula. Car cette dame, qui ne répugne pas aux «techniques mixtes», n’hésite pas à coller des bouts de vison sur ces compositions. Cela m’a fait penser à Meret Oppenheim. Surtout, le petit coffre peint, fourré et emplumé par Ursula dont je n’ai pas l’image mais dont j’ai trouvé un petit frère sur le net.
«La douceur apparente des matériaux contrastant avec une agressivité latente» comme le dit si bien Elisabeth Paoli-Lafaye dans la notice Ursula du Dictionnaire général du surréalisme et de ses environs de Biro et Passeron.
16:15 Publié dans art brut, Expos | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : ursula, neuve invention | | Imprimer | | |
30.10.2010
Art brut et Neuve invention : résultats de la vente
«Si j’étais pétée de thune, je me ferais bien un gros bordereau dans la vente Tajan!». C’est ce que je me suis dit en feuilletant internetiquement puis, sur papier aidant, le trop beau catalogue de la vacation du 25 octobre 2010 dans l’espace égypto-art-déco de la rue des Mathurins.
Puis je suis allée à l’expo et j’ai commencé à avoir des réserves. Est-ce parce que ledit espace ressemble à une belle piscine des années trente et que l’emplacement du bassin était occupé par une exhibition de bijoux qui ont distrait mon attention? Toujours est-il que je me suis mise à me demander ce qui valait vraiment le coup là-dedans.
Beaucoup de vedettes : Madge Gill, Janko Domsic, Augustin Lesage, Joseph Crépin, Anselme Boix-Vives, Donald Mitchell, Dwight Mackintosh, Anna Zemankova, Paul Duhem, Alexandre Lobanov… mais pas forcément représentées par des pièces de premier plan.
Des noms vraiment pas courants dans les salles de vente, tels que ceux de Zdenek Kosek, Yassir Amazine, Fernand Desmoulin mais des œuvres pas toujours figurant dans le Top 50 de leurs productions.
Le très rare Jaime Fernandes (n° 75 du catalogue) et le très miniaturiste Chiyuki Sakagami (n° 84) m’ont laissé sur ma faim. J’ai eu l’impression d’en avoir vu (je ne sais plus où) de plus bizarres autant qu’étranges mais c’était peut-être dû à ma fièvre rhino-pharyngitale commençante.
Le délire aidant je me suis mise à regarder les Madge Gill présents d’un œil torve, à trouver pâlichon le 57 B (Aloïse), à froncer le museau devant les Scottie tardifs occupant les numéros 16 et 17. «Tout de même, y’en a qui ont de la chance de se séparer de ces créations» me suis-je dit in petto.
«Car ça prouve qu’ils ont mieux!» me suis-je ajouté en pensant aux collectionneurs chanceux qui s’allègeaient ainsi de quelques tout de même belles choses.
Un des mérites du catalogue c’est qu’il divisait nettement la marchandise proposée : Art brut/Neuve invention. Un autre de ses mérites c’est qu’il en faisait des tonnes sur la traçabilité. Un pedigree impressionnant accompagnait certaines œuvres. Trop des tonnes parfois puisque pour le Kurt Haas (n°143)
et l’Ody Saban (144), la provenance indiquée : «Musée de la Création Franche, Bègles» était rectifiée le jour de la vente en «Collection particulière». Chacun sachant que les œuvres entrées dans ce musée demeurent inaliénables. Pour finir, je me serais bien voté un budget de : 40 700 € (sans les frais) pour m’acheter les numéros 20 (Ratier)28 (Domsic)
39 (Podesta)51 (Lesage), 60 (Boix-Vives)
125 (Chaissac)
et pourquoi pas 153 (Carmeil)
On peut rêver, non? Pour le détail des prix, consulter les résultats officiels ou demander à l’Animulien qui a assisté pour moi à la vente. Il m’a dit que plusieurs de mes lecteurs et lectrices assistaient au spectacle et que certains ont poussé bravement leurs enchères. Selon lui, malgré les vigoureux encouragements de menton prodigués à l’assistance par la commissaire-priseuse, c’est surtout les téléphones qui marchaient et comme il n’est pas très à l’aise dans ce genre de manifestations, il n’est pas certain que tout ait été réellement adjugé.
14:04 Publié dans art brut, Encans, Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : art brut, neuve invention, jaime fernandes, chiyuki sakagami, kurt haas, emile ratier, janko domsic, anselme boix-vives, gaston chaissac, louis carmeil, giovanni battista podesta, tajan | | Imprimer | | |
08.03.2010
N’oublions pas Van Der Steen
Bonus à ma note Tajan en guise de rebondissement aux observations dominicales d'un Animulien de bonne volonté. Il est juste de faire observer que la vente du 9 mars 2010 propose aussi plus d'une vingtaine de Van Der Steen. C'est vrai aussi qu'avec sa façon bien à lui de se tenir le derrière entre la chaise de l'art naïf et celle de l'art brut, cet artiste estimable, disparu en 1965, gêne aux entournures nos petits classements confortables.
On nage toujours avec ces gus de la Neuve Invention (VDS en fait partie), une notion un peu en déshérence et qu'il faudrait peut-être réactiver, élargir ou exploser (?), en tous cas redéfinir ou carrément bannir plutôt que de l'oublier comme un croûton de pain derrière un meuble. Là, j'ai trop de pain sur la planche pour me lancer sur la piste de Germain Van Der Steen. Espèrons que l'actualité me fournira plus tard l'occasion d'en dire davantage.
Tant que j'y suis, j'en profite pour vous transmettre un autre fait sur lequel Bertrand Lacy (décidément en verve!) attire mon attention : il lui arrive de lire des romans policiers. Et il me recommande celui de Jesse Kellermann qui s'intitule Les Visages. Non content de mettre en exergue une citation-vedette de Dubuffet (Le vrai art est toujours là où on ne l'attend pas...) ce polar traduit de l'américain traite du monde de l'art contemporain à New York.
Page 174, l'œil de lynx de Bertrand Lacy a repéré qu'un critique britannique était cité pour avoir traduit en anglais l'expression «art brut» inventée par Jean Dubuffet. Le nom de ce critique, mais c'est à vous de le deviner, of course...
00:05 Publié dans Gazettes | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : germain van der steen, art brut, neuve invention, bertrand lacy | | Imprimer | | |