24.09.2012
Les photoportraits crépusculaires de Marie-France
Je parle sans savoir n’ayant pas vu de visu. Pourtant quelque chose m’intrigue dans le catalogue de l’exposition bèglaise Visions et Créations dissidentes dont le vernissage tombe cette année le samedi 29 septembre. Ce sont les photos de Marie-France Lacarce.
En ces temps où l’on cherche dans la photographie un moyen d’hypothétiques rencontres entre l’art brut pure laine et ses succédanés plus ou moins «contemporains», il se pourrait bien que cette créatrice de portraits chamarrés, surgis tout décalés de la nuit, ouvre une nouvelle piste funambulique.
J’ai cherché vainement sur le site du Musée de la Création Franche les détails biographiques qui pourraient permettre de statuer sur l’étrange «cas» de Marie-France Lacarce. Dans le catalogue, la notice de Pascal Rigeade nous en dit plus : Bordelaise, autodidacte de son art, retraite, solitude, méticulosité, goût du rangement. De quoi déduire un bon pronostic. Sans que cela suffise. Mais il y a le dangereux mystère de ces autoportraits auxquels cette novice de l’objectif a eu l’instinct très sûr de se cantonner.
«Ils s’affranchissent du photoréalisme et réinsèrent dans l’image les infinies possibilités de l’imaginaire», nous dit Pascal Rigeade. J’aurais même envie de dire qu’ils communiquent avec un plan plus abyssal qui déchire et qui fout la trouille. Sans en passer pour cela par la magie professionnelle qu’on sent à l’œuvre dans maints clichés surréalistes. Leur vénéneuse beauté plastique les inclinerait plutôt vers la peinture, celle empreinte d’un expressionnisme du malaise à la Fred Bedarride, par exemple.
J’arrête là mon délire. Ce qui me paraît bon signe chez Lacarce c’est que pour parvenir à ce résultat qui la fait naturellement pencher du bon côté (celui des forces intimistes et non celui du spectacle grand angle) elle invente ses propres procédés à partir des techniques proposées par la technologie contemporaine. Pascal Rigeade ne nous dit pas lesquels. Les connaît-il ?
On apprend simplement que Marie-France se sert de l’appareil de Madame Tout-le-Monde : un Kodak Easy Share C433, qu’elle a dû, comme vous et moi, se «débrouiller» avec le mode d’emploi pas des plus évidents. Qu’elle travaille au crépuscule, non en studio mais dans son «petit appartement».
La suite a tendance à me laisser sur ma faim : «Devant l’objectif, l’espace dans lequel elle se meut, proche de la transe; un presque vide qu’elle remplit du bricolage minutieux d’objets divers(…)». On aimerait en savoir plus tant ce visage, plusieurs fois décliné, nous arrive mis à nu et nimbé de noirceur, arraché au rêve et à la chair.
A quelle panoplie, à quels accessoires, à quel maquillage, à quels bidouillages sur des logiciels de retouches sont dues ces images non pareilles ? Je l’ignore mais, après tout, c’est très bien comme ça.
00:05 Publié dans Expos, Images, Oniric Rubric | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : marie-france lacarce, création franche, autoportraits, photographie, créateurs contemporains, kodak easy share c433 | | Imprimer | | |
03.03.2012
Ma postière est une sorcière
Cela me fait doucement rigoler de lire sur le prospectus de l’expo Sorcières que celle-ci «s’inscrit dans l’engagement de La Poste dans la lutte contre les discriminations (…)» etc.
Cet ex service public, qui transfère aux usagers le boulot de ses préposés qu’elle remplace par des machines n’acceptant jamais mes billets de banque fripés, n’est jamais en retard d’une auto-promotion.
Mais bonne fille comme je suis, j’oublierai un moment les crises de nerfs que je pique dans mon buro d’affranchissements et je vous vanterai les mérites de cette exhibition du Musée de la poste (près de la gare Montparnasse) rebaptisé L’Adresse (!) sans doute pour figurer en tête des listes.
On va voir Sorcières, mythes et réalités (jusqu’au 31 mars 2012) comme on irait se faire désenvoûter dans nos campagnes. Un conseil à ce propos : commencer par la fin en pénétrant directement chez Madame P, une «sorcière» qui officiait dans un hameau de la Creuse jusqu’aux années 50 du XXe siècle. Vous n’en prendrez que mieux la réalité (y compris artistique) de la chose en pleines mirettes sans passer par le filtre du parcours savant que le plan de l’expo tend à nous faire suivre.
Il sera bien temps de relativiser ensuite mais pour ces premiers instants mieux vaut faire avec sa sensibilité qu’avec son intellect. C’est qu’on est d’emblée de plain-pied avec une sorte de vaudou rural bien de chez nous.
Les vitrines sont pleines d’objets ayant accompagné des pratiques magiques. Objets découverts dans la maison de Madame P. après sa mort. Des têtes de diables, fabriquées sur commande par un potier local.
Des figures humaines ou des cœurs plantés de clous comme des fétiches africains.
Des souches d’arbres sculptées de formes fantastiques où l’on touche aux territoires de l’art brut.
Respect, respect, respect! C’est pas de la rigolade. Ces objets ont été recueillis par l’ethnologue Daniel Pouget. Ils proviennent de sa collection du Couvent de Chazelles sur Lavieu (Loire) qui m’a l’air bien passionnant.
La place me manque pour vous raconter les autres sections de l’expo mais il y a encore pas mal de curieuses choses à se mettre sous la paupière : statuette d’envoûtement, cannes de bergers, tuile faîtière, anti-sex-toys destinés à couper le sifflet d’un nouveau marié à qui on veut faire des misères (on appelait ça «nouer les aiguillettes»).
A la sortie, avant de vous précipiter sur le catalogue ou sur Le Mag qui contient un entretien avec Hugues Berton et Christelle Imbert, les deux ethnologues dont beaucoup d’objets figurent dans l’expo, n’oubliez pas de looker l’extrait de Häxan, le film muet du grand cinéaste danois Benjamin Christensen. C’est de 1920 et c’est magique.
23:51 Publié dans art brut, Ecrans, Expos, Oniric Rubric | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musée de la poste, sorcellerie, envoûtements, ethnographie populaire, daniel pouget, chazelles sur lavie, hugues berton, christelle imbert, benjamin christensen, häxan | | Imprimer | | |
24.06.2011
Laduz ou la clef des songes
Avis à la population animulienne avide de plan détente aux trémolos des p’tits oiseaux!
Si vous cherchez un point de chute à la campagne pour le ouikène ou une thébaïde pour une retraite studieuse, afin de rédiger votre mémoire qui n’avance pas sur Paris, allez faire de beaux rêves au Musée de Laduz.
On dit «Ladu» et c’est dans l’Yonne. Vous le savez bien car c’est pas la première fois que je vous cause de cet adorable musée rural des arts populaires. Des arts et pas des «traditions» car la maison n’est pas confite dans le folklore.
Si Raymond et Jacqueline Humbert ont passé plus de 30 ans à rassembler les milliers de témoignages des activités, des rêves et du sens esthétique des gens d’autrefois, c’est pour que ça serve à ceux d’aujourd’hui qui ne sont pas tous des bourriques.
La preuve, Jacqueline Humbert vient de prêter des objets de sa collection aux Morceaux exquis, une expo que je vous ai signalée pas plus tard qu’au début du mois de juin, petits veinards que vous êtes. Raymond Humbert n’est plus de ce monde mais sa présence bienfaisante plane toujours sur le beau jardin du musée où il aimait peindre et où les arbres, quand ils poussent de travers, reçoivent le secours de tuteurs et d’attelles comme on le fait au Japon.
Dans une salle à part meublée de stalles du 18e siècle, rescapées de l’autodafé où elles étaient destinées par leur église, une exposition des peintures sur papier de Raymond Humbert est organisée par son épouse du 26 juin au 18 septembre 2011. Le vernissage de cette exposition intitulée Paysages est prévue pour samedi, le 25 juin 2011 à partir de 18 h à Laduz.
Une occasion rêvée de vous offrir une nuit au musée, du moins dans sa chambre d’hôtes. Car, vraiment, je vous assure, ce n’est pas «foutage de gueule» de ma part, on peut maintenant dormir dans cette maison enchanteresse.
Dans une aile adjacente, deux pièces à l’étage, superbement poutrées,
un petit escalier avec une rampe en forme de harpe en fer forgé vous attendent.
Et, jouxtant l’entrée du musée proprement dit,
une petite cuisine avec des carreaux bleus et des confitures.
L’Usage du monde de Nicolas Bouvier sur une table
Un tableau en laine de Marie-Rose Lortet accroché dans la bibliothèque.
Un coffre paysan à décor gravé, des galoches à châtaignes sur une armoire
quelques beaux objets ou ustensiles populaires fixés au mur ou suspendus.
Et un p’tit déj bio au soleil le dimanche matin car il y en aura.
Avouez qu’il y a pire!
00:38 Publié dans De vous zamoi, Expos, Jadis et naguère, Oniric Rubric, Poésie naturelle, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musée de laduz, arts populaires, raymond humbert, jacqueline humbert, marie-rose lortet | | Imprimer | | |
13.03.2011
Le nid et le néant
Avec les portables que l’on suit partout à la façon des jeunes chiens qui courent après leurs queues, les cabines téléphoniques n’ont plus aucune utilité. Elles dressent dans le décor urbain leur allure un peu incongrue de mobilier de salle de bain.
Que s’y superpose, par une de ces illusions d’optique qui fait le charme d’une promenade, le chapeau pointu d’une colonne Wallace voisine et nous voilà soudain en face d’un bocal de bonbons de taille humaine.
On se précipite, l’esprit au vent et le cœur curieux, vers ce que l’on imagine être une installation d’artiste et l’on comprend son erreur.
C’est plutôt un nid de pie humaine qui s’offre à nous. La chose tient, si c’était possible, de la couchette verticale et de l’armoire de chantier.
C’est l’abri d’un sans-abri. La chambre à coucher-tanière, le fauteuil-repaire d’un homme qui y suspend des affaires et qui s’y repose.
Il n’était pas là quand j’ai photographié son nid de rêves et de méditation (ou de cauchemars et de délire). Mon daddy, souvent en goguette sur le Montparnasse, me jure ses grands dieux qu’il a rencontré cette personne inapprivoisée, vivant sur l’asphalte parisien comme au fond des bois.
Parions que, maintenant que j’en ai parlé, on risque de voir cette «installation» imitée dans des lieux consacrés aux arts contemporains. Mais le moyen de ne pas témoigner de cette création à l’état brut qui ne s’expose en vitrine que pour mieux nous renvoyer à notre néant ?
00:29 Publié dans De vous zamoi, Glanures, Oniric Rubric | Lien permanent | Commentaires (0) | | Imprimer | | |
25.09.2010
Cauchem’art brut
Il y a des gens au creux des lits qui font des rêves.
Moi je pourrais m’exclamer plutôt : «I have a nightmare!» en ce 25 septembre 2010.
Il faut dire que je me suis levée du pied gauche (le plus visionnaire des pieds), toute emberlificotée encore dans les maudites fantasmagories de la nuit.
J’aurais pas dû abuser hier du crumble aux pommes sous prétexte de me consoler d’une pluie de mousson essuyée avec ma copine Valentine dans un jardin de Suresnes où nous nous étions égarées à la poursuite d’une statue mousseuse signalée par une de ses élèves.
Mais c’est une autre histoire que je vous raconterai plus tard. Je n’ai pas d’images.
A la place, je vous régale de celle du Grand Chemin de la postérité d’après Benjamin Roubaud.
(cliquer sur l'image pour l'agrandir)
Customisée par les soins de votre petite âme errante, cette fameuse caricature où l’on voit un grand artiste médiumnique (Victor Hugo) caracoler à la tête de sa horde anti-scientifique, correspond parfaitement à la couleur effroyablement romantique de mon cauchemar.
Celles et ceux qui ne voudraient pas rester sur cette impression pénible n'auraient qu'à faire un p'tit tour sur ce champ de bataille :
19:24 Publié dans De vous zamoi, Oniric Rubric | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, cauchemar, grand chemin de la prosperité, victor hugo, la vie romantique | | Imprimer | | |
25.06.2010
7 dessins du prince Youssoupoff
L'Envie
Youssoupoff c’est du post post. Pas seulement parce que Félix Youssoupoff ça nous ramène à de l’histoire ancienne, à un temps d’avant Poutine, Brejnev et même Staline.
Au temps des tsars exactement où les princes russes qui n’avaient pas la chance comme le beau Félix d’emmener un gros diamant en exil se retrouvaient chauffeurs de taxis à Paris.
Post post, mon post d’aujourd’hui car c’est avec un mois de retard que je chrommunique au sujet des époustouflantes aquarelles du Prince Youssoupoff rencontrées l’avant dernier jour de mai 2010 en la Galerie L’Arc-en-Seine. C’est à l’occasion de la 12e édition d’Art Saint-Germain des Prés que je trainai mes guêtres rue de Seine ce jour-là et je frôlai la syncope en apercevant dans la vitrine de la galerie cette assez petite mais très dense trogne intitulée Le Doute.
De loin comme ça, j’avais cru que c’était un portrait hallucinant de Marguerite Burnat-Provins. De près, je pensais au comte (noblesse oblige) de Lautréamont. «Le Canard du doute», vous pigez?
Le Doute
Sinon, allez chez Wiki et renseignez vous aussi auprès du camarade Gougueule à propos de l’auteur de ce dessin visonnaire. Pour les allergiques du clic superflu, je dirai rapidement que Félix Youssoupoff (1887-1967) c’est, avec d’autres conjurés, l’exécuteur de Raspoutine, le gourou crado et partouseur qui avait hypnotisé la Tsarine de l’époque.
Le Flegme
Je vous passe les détails sordides de la mort de Raspou, un costaud de chez costaud sur lequel il fallut s’acharner. Ce terrible événement, par lequel Youssoupoff crut sauver la Sainte Russie, l’obséda toute sa vie d’autant que les journalistes n’arrêtaient pas de le questionner là-dessus. Et ça explique peut-être que 12 ans après ce meurtre, en 1929, il se soit trouvé atteint d’une fièvre art-brutifère.
L'étonnement
Alors qu’il villégiature en Corse, Youssoupov se sent soudain pris d’une violente envie de dessiner. La manière dont il relate la chose ne fait guère de doute. C’est bien à une crise impérieuse d’automatisme qu’il cède : «Mon travail s’exécutait comme en dehors de moi-même. Je ne savais pas ce que j’allais faire». Et encore : «Je me suis adonné à la peinture comme si j’avais été ensorcelé. Mais ce que je créais étaient des visions de cauchemar plutôt que des créatures de rêve. Moi qui n’aimais que la beauté sous toutes ses formes, je ne pouvais créer que des monstres. (…) Un jour j’ai arrêté de dessiner aussi subitement que j’avais commencé. Le dernier dessin eut pu être le portrait de Satan».
Pour cette expo de Sept dessins par Le Prince Félix Youssoupoff, la Galerie L’Arc-en-Seine a pondu un catalogue or et noir qui complète celui sur papier saumon de la Baltique qu’elle avait publié (avec un texte de Edmonde Charles-Roux) lors d’une précédente présentation en 1988 de ces dessins qui, pas plus que maintenant, n’étaient à vendre.
23:44 Publié dans Expos, Images, Oniric Rubric | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, prince félix youssoupoff, galerie arc en seine | | Imprimer | | |
01.11.2009
Ste Foy-la-Grande : réveil des créatures de la nuit
Pour le 1er novembre, je vous avais préparé un joli petit calavera mais voilà que les créatures de la nuit de Franc Barret pointent leur terrible museau dans la presse et je préfère vous inviter à regarder l’horizon. L’article de Jean-Claude Faure du 31 octobre 2009 dans Sud Ouest (actualités de Sainte-Foy-la-Grande) nous fait miroiter l’ouverture du nouveau musée Barret pour septembre 2010. Occasion de nous mettre en pleine lumière la Chauve-souris vampire et l’Homme de Cro-Magnon.
photo J.-C. F. pour Sud Ouest
En compagnie de monsieur Pierre Lamothe (en arrière-plan avec les lunettes), fondateur du Musée du Pays foyen et défenseur de l’histoire locale qui travaille avec son association à la résurrection de l’œuvre de Franc Barret.
Les Animuliens qui auraient un peu oublié qui est Barret peuvent se reporter à ma note du 11 juin 2008 : Souvenirs de Franc Barret et au commentaire de monsieur Philippe Lafaye.
15:38 Publié dans Gazettes, Musées autodidactes disparus, Oniric Rubric, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, franc barret, vampire, musée franck barret, créatures de la nuit | | Imprimer | | |
04.07.2009
HYPNOS : ne vous endormez pas!
Hypnos, hypnos! (ύπνος, ύπνος). C'est un peu comme : θαλασσα,θαλασσα! (thalassa, thalassa), ça me rappelle les îles grecques où de vieux moustachus agitaient ce mot sous le nez des touristes en quête d'une chambre chez l'habitant. Dormir, rêver peut-être... Mais pas sur ses lauriers comme votre petite âme errante a tendance à le faire.
Aujourd'hui Hypnos est à Lille, pas à Mykonos. Au Musée de l'Hospice Comtesse, pour une exposition éponyme (je fais dans le grec ce soir, c'est la faute aux Abribus mis en boîte par Langue sauce piquante).
Et un peu plus j'oubliais de vous rappeler que cette expo, tranquillement sous-titrée «images et inconscients en Europe (1900-1949)» (rien que ça) va se terminer le 12 juillet.
On ne verra plus bientôt les yeux charbonneux de la marquise Casati qui servent d'emblème visuel à la chose. Ils étaient pourtant bien jolis, bien médianimimis, même si le photographe avait bougé à la prise de vue. Je fais ma pouffe, bien sûr, puisque le photographe c'est Man Ray. Quoi de plus respectable que ce monsieur Ray?
A part ce monsieur Char qui frontonne le catalogue d'une de ces citations péremptoires et sublimes dont il a le secret : «Dans nos ténèbres, il n'y a pas une place pour la Beauté. Toute la place est pour la Beauté».
Tant de beauté m'intimide personnellement. J'aurais préféré une mocheté de Wölfli, une dégueulasserie de Jan Tóna, une kitscherie magnétique d'Elise Müller (prononciation restituée pour : Hélène Smith) mais ce n'est pas demain la veille que l'on accrochera le train de la culture à la locomotive de l'art brut. C'est toujours l'inverse qui se produit et cette expo n'innove pas sur ce point.
Soyons juste cependant. Elle ne se contente pas, comme d'ordinaire, de faire reluire notre avant-garde number one à nous. Le défaut des Français est de se croire universels mais à côté du surréalisme et des courants qu'il a cherché à satelliser, il y a Dada, le cubisme tchèque, le cinéma allemand de l'entre-deux-guerres, Freud et Jung, Prague, la Hongrie, la Roumanie, l'art brut, les spirites unis de tous les pays.
Elise Müller-Hélène Smith
J'en passe et des meilleures. L'expo Hypnos, basée sur le principe fromage et dessert ne nous fait grâce d'aucune de ces facettes.
Faupin, Boulanger, Surlapierre (Savine, Christophe et Nicolas), les commissaires de l'expo bataillent furieusement pour faire tenir tout ça ensemble avec le concours de gens méritants. Chacun touille du mieux qu'il peut et la cuiller en bois finit par tenir debout dans la casserole. Pour finir par atteindre le but recherché : «explorer la rencontre entre inconscient et modernité»? On se le demande.
J'aurais voulu aller sur zone pour me rendre compte par moi-même. Des informateurs animuliens m'ont dit grand bien des totems de Victor Brauner. Rester scotchée devant son Objet de contre-envoûtement, ça m'aurait plu.
Mais c'est la réunionite au bureau, je suis mobilisée par mes cellules de crise. Impossible de bouger. J'ai dû me contenter de consulter le copieux catalogue dont la couvrante est du peintre spirite F. Rofelin (un bon point).
«Tâche impossible» aurait peut-être dit le Dr Freud.
17:30 Publié dans Expos, Images, Oniric Rubric | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, inconscient, lille, martine aubry, villeneuve d'ascq, sophie lévy, science des rêves, sigmund freud, jan tona, hélène smith, elise muller, f. rofelin | | Imprimer | | |
24.05.2009
Les coquilles du rêve : Pierre et Yvette Darcel
Si je vous dis : «Mon rêve», c'est à celui de Pierre et Yvette Darcel que je pense, pas au mien. Au cœur d'une Bretagne, toujours belle et mystérieuse comme une toile de Paul Gauguin, ces deux vaillants septuagénaires se consacrent à la création artistique avec l'entrain et la patience dont ils faisaient naguère preuve pour élever leurs 700 porcs.
Toutes leurs forces vont aujourd'hui à la beauté qu'ils se sont mis spontanément à produire dans leur coin de campagne, déjà super joli au printemps avec la réserve d'or de ses ajoncs.
«On est pas mal connus », dit madame Darcel. Pas étonnant que les voitures et parfois même un car d'Italiens dont la commune est jumelée avec la leur s'arrêtent pour photographier leur parterre agrémenté de groupes de statues en ciment armé décorées avec des coquillages.
«Y'a Pierre qui fait sa vache !» s'exclame une petite voisine, en gambadant comme une gazelle autour de monsieur Darcel qui, mégot aux lèvres, joue de la truelle sur sa dernière réalisation, en écoutant l'accordéon à la radio.
«L'été, il travaille dehors, l'hiver à l'intérieur» me glisse Yvette en m'invitant dans l'ancienne porcherie transformée en atelier et en réserve de matières premières. Les coquilles Saint-Jacques viennent de St-Quay-Portrieux. Ils vont aux «moules-frites» récupérer les coquilles. «Beaucoup de bonnes gens leur en donnent»...
Moi qui fait dans la coquille depuis ma récente balade dans le bassin de Marennes-Oléon, vous pensez si j'ai flipé quand j'ai vu pour la première fois les merveilles d'élégance et d'évocation (rurale, rêveuse et populaire) concoctées par Pierre Darcel. Malgré une épaule qui «ne suit plus».
C'était sur les photos, prises un jour de pluie, que m'avait aimablement fait parvenir une familière de ce petit paradis. Promesse d'enchantements : sur les clichés de Michèle Merlin, mon informatrice, la laine moutonnait sur le dos d'une des premières créatures réalisées par Pierre Darcel.
Photo : Michèle Merlin
Dame Merlin -on peut le dire- avait eu l'œil. La statue de Bretonne à son lavoir valait 10.
Photo : Michèle Merlin
Ils étaient vraiment trop les danseurs en costume folklorique!
Photo : Michèle Merlin
Excitée comme une puce, je profitais du premier week-end pour aller me rendre compte par moi-même.
Maintenant que j'ai vu la fileuse de Pierre Darcel : «ma maman l'hiver, elle filait la laine pour mettre du beurre sur le pain»,
maintenant que j'ai admiré l'extraordinaire mur décoré qui sert de toile de fond à son «show-room» en plein air,
je sais comment la lumière est magiquement attirée par les motifs solaires
et les scènes d'une poésie toute naturelle qu'il y a inscrits.
Axé autour d'une liberté totemique, le jardin de Pierre et Yvette Darcel est encore un «work in progress».
D'ores et déjà, pourtant, il se hisse au niveau des meilleures réussites du genre : les sites de Fernand Chatelain, Emile Taugourdeau, Gabriel Albert, Lucien Favreau.
23:55 Publié dans Glanures, Oniric Rubric, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : art brut, pierre darcel, bretagne, habitants paysagistes | | Imprimer | | |
18.12.2008
La maison aux fenêtres qui rient
C’est un giallo. Un «jaune» si vous préférez. Nous on dirait un «blême» ou un «noir» par allusion aux séries du même nom. Enfin c’est du glauque, quoi. Un thriller horrifique à l’italienne puisque «giallo» fait référence à ces romans policiers populaires en usage chez nos voisins de la botte.
C’est le genre de film que je regarde du coin de l’œil sur le câble dans les intervalles où j’attends que se télécharge le mickey que je cherche depuis 10 minutes à incruster dans ma note. Avec cette méthode, je loupe des trucs mais c’est idéal pour me protéger quand la télé fout trop la trouille. C’est que ça peut être angoissant un giallo! Surtout quand il est super-efficace comme cette Casa dalle finestre che ridono (La Maison aux fenêtres qui rient) du réalisateur Pupi Avati.
Ce film pictural et zarbi qui date de 1976 repasse sur Cine FX, samedi prochain, 20 décembre 2008 à 16h10. Branchez-vous dessus, vos cadeaux de Noël attendront dans leurs magasins vigi-piratés. C’est beau comme du Dario, Dario Argento of course.
Mais si je vous en parle, c’est pas parce que je sais que vous aimez l’hémoglobine.
Faut que ça saigne, d’accord et ça saigne très fort dans la Casa mais c’est surtout dans la peinture que l’on nage. De la peinture qui se confond avec de la folie. Vous me voyez venir? Car la peinture, une peinture folle qui fait dire au peintre : «les couleurs, elles coulent de mes veines» c’est ça le sujet du film.
On la croise par ci par là : des tableaux du style surréaliste fantastique autodidacte décalé, post années soixante. On aimerait bien d’ailleurs (cinéphiles à vos claviers!) savoir qui les a fait, à quel accessoiriste nous les devons. Le peintre est mort. Il s’est suicidé, d’un suicide pas propre. Dans une église de campagne de l’Emilie-Romagne, il a laissé une fresque, un martyre de Saint-Sébastien auprès duquel ceux de Mantegna ont l’air d’être des bizounours.
Une scène de meurtre sauvage en fait, comme le découvrira petit à petit le héros principal, un jeune restaurateur raffiné (on est en Italie) venu pour réparer les injures du temps (ou du vandalisme) infligées à la peinture. Obsessionnellement, le film revient à cette peinture, c’est que le peintre fou, son plaisir c’était de peindre des personnes en train de mourir.
On l’avait baptisé «le peintre des agonies» dans son village. Et comme il avait des sœurs assez garces pour lui procurer des modèles et des occasions … Stefano, le restaurateur de tableaux, reçoit de l’aide comme tout héros qui se respecte mais elle lui fait vite défaut. Son copain se fait défenestrer. Quant à la trop belle institutrice avec laquelle il ne tarde pas à faire zig-zig, on peut pas compter dessus. Pourquoi se laisse-t-il enfermer dans une grande baraque habitée par une vieille dame crépusculaire ? Mystère. Mais ça nous vaut des petits plans étroits comme des lames de couteaux.
Un vieux magnétophone, des volets peints de bouches au sourire ensanglanté, la présence-absence de l’artiste morbide sature l’ambiance. Il paraît que le réalisateur a collaboré avec Pasolini sur Salo. Je vais vous dire une chose : ça se voit.
00:38 Publié dans Ailleurs, Ecrans, Images, Oniric Rubric | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : giallo | | Imprimer | | |