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30.05.2010

Sauven la muraio dis óufrèndo

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En Avignon, les murs de prison peuvent être aimables. Celui de l'enceinte de l'ancienne taule de la ville suscite un murmure qui fait tache d'huile sur le net et même un peu partout, y compris au-delà de la région PACA.

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C'est vrai quoi, y'a qu'a pas toucher à la mémoire collective! Pas toucher à la culture populaire spontanée qui est, à notre cœur, comme une province et beaucoup davantage.

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Depuis 1994, les trous dans les parpaings qui masquent une ancienne entrée ont été convertis en niches votives où les familles des prisonniers ont déposé nounours, cannettes, cartes à jouer, DVD, sopalin à bisous, messages d'amour, poussins coincés, petites peintures et plein d'autres objets d'art modeste.

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ancienne prison.jpgLa prison a eu beau déménager en 2003, le manège créatif a continué, preuve qu'il répond à un besoin profond. De mur d'offrandes symboliques aux incarcérés, ce mur situé sur la voie publique près du rempart classé, est devenu support d'ex-votos modernes où l'on se fait des cheveux pour son bac.

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Peu importe que, selon la légende urbaine, un plasticien ait revendiqué l'idée de départ, le fait est que tout un chacun s'en est emparé et tout-un-chacun à l'ouvrage c'est toujours hyper-émouvant.

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Là ce qui est bluffant, c'est que l'œuvre reste la même tout en changeant toujours. Au gré des saisons et des intempéries, des objets se détériorent mais il se trouve toujours des gens pour les remplacer.

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Inutile de dire aussi que cette œuvre d'art (car c'en est une qui vaut largement celle des musées d'art contemporain) est un puissant stimulant pour les photographes et même pour les simples touristes du monde entier qui peuvent emporter une image insolite purement avignonnaise dans leur petit kodack.

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C'est pas toujours évident pour une municipalité, déjà en charge de prestigieux témoignages du passé, de faire entrer l'art populaire dans son champ de vision. Souhaitons que celle d'Avignon sera sensible à ce patrimoine de mémoire et qu'elle saura défendre pour ses citadins du futur cet espace de liberté expressive et affective de ses citoyens d'aujourd'hui. Une pétition circule qui vise à l'y inviter.

Sauven la muraio dis oufrèndo!

La plupart des photos sont empruntées à la galerie de marq.tardy

28.05.2010

Le Japon hors norme sort dans Télérama

telerama3150.jpgUn Japon hors norme, c'est à vous faire sortir de votre petit for intérieur, non? Donc, même si vous n'êtes pas une grande télérameuse devant l'Eternel, même si vous ne regardez jamais la télévision ou que vous avez bousillé votre écran plat depuis un certain soir de mai 2007, n'attendez pas la grève des Maisons de la presse pour aller vous procurer le dernier en date des numéros de Télérama. Le n°3150 couvrant la période du 29 mai au 4 juin 2010, pour être exacte. The Télérama et surtout son supplément Sortir qui «ne peut être vendu séparément». Sur la couv de ce sup vous reconnaîtrez une des œuvres présentées en ce moment à la Halle Saint-Pierre dans le cadre de l'expo Art brut japonais.

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A l'intérieur, un article de Bénédicte Philippe à propos de cette expo. Le Japon sort des règles de l'art, tel est son titre. Et cet article vaut le détour. D'abord parce qu'il est bien documenté, B. P. s'étant donné la peine de s'abreuver à plusieurs sources parmi lesquelles celles de Jean-Pierre Klein qui touche sa bille en art-thérapie, Yves le Fur, Directeur du Patrimoine et des Collections au musée du Quai Branly, Céline Muzelle qui a contribué au catalogue de l'expo à la Sainte-Halle. Ensuite parce que cet article sur 4 colonnes point trop longues se donne les gants de ne jamais oublier de parler des œuvres et des créateurs tout en éclairant le grand public (sans avoir l'air d'y toucher) sur la notion d'art brut, son passé et son nouveau visage.

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Surtout, surtout, l'article de Bénédicte Philippe ne cède jamais à la facilité des présentations déficitaires, genre : dansons avec la poussière puisque l'art brut ne fait jamais le ménage. Elle n'a certes pas peur d'employer les mots vrais : «autistes, trisomiques ou psychotiques» mais c'est toujours pour rappeler que les créateurs japonais concernés par ces mots sont simplement «mentalement différents» et qu'ils tirent de cette différence des avantages certains : «Employant des moyens détournés pour s'exprimer, ils nous forcent à sortir des a priori, des connaissances figées en nous-mêmes. (...) ils nous rendent justes plus vivants». Cela s'appelle le tact, une vertu indispensable quand on prétend parler d'art brut. Le tact, c'est pas si répandu dans le grand (et le petit) journalisme. Sans doute parce qu'il demande un travail d'écriture supplémentaire. Cela mérite donc d'être salué au passage.

23:55 Publié dans Expos, Gazettes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, art brut japonais, halle st pierre, télérama, bénédicte philippe | |  Imprimer | | Pin it! |

24.05.2010

Le jardin de pierres de monsieur Esfandiarpou

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Photo Atousa Taghavi

Du brut d'Iran ? Mais bien sûr, y'a qu'à demander ! Là comme ailleurs, l'art brut creuse son trou. On se demande pourquoi un si ancien et si beau pays en aurait été indemne sous prétexte que ses dirigeants ont tendance à gaver le pauvre monde avec leur très personnelle culture autoritaro-religieuse.

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Photo Fardad Ghanei

Certes, ce n'est pas en Iran que les Athéniens s'atteignirent, ni que les Satrapes s'attrapèrent par la barbichette de la démocratie mais c'est évidemment là que les Perses se percèrent, la suite le démontre.

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Balvard map.jpgLà, c'est dans le village de Balvard à 45 kms de Sirjan dans la province de Kerman au sud-est du pays. En Iran comme ailleurs, il y a (il y avait) des bergers qui gardent leurs chèvres dans des déserts.

A la fin des années 60 du siècle précédent, ils avaient pas de i-pod ni même de transistor et puis en plus ils étaient sourds et muets de naissance parfois. C'est le cas de Darvich Khan Esfandiarpou, un habitant de Balvard.

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Photo Atousa Taghavi

Rien d'autre à faire que de regarder les pierres qui tombent du ciel et de gambader comme un cabri tout autour. La chance c'est qu'un cinéaste du nom de Parviz Kimiavi croisa la route sinueuse de ce grand créateur d'installations de bois mort et de caillasses percées associés. Il en résulta 2 films. Un de 1976 où l'on voit Darvich Khan improviser avec grâce et vélocité des danses soufies de sa composition au cours desquelles il embrassait ses œuvres au passage.


Un autre de 2004, une vidéo réalisée peu de temps avant la mort de Darvich Khan. Le vieil homme a toujours une allure folle même s'il s'appuie maintenant sur une canne.

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Photo Ahmad Nadalian

Il entretient encore son Jardin de pierres (titre du film) commencé dans sa jeunesse après avoir été témoin de la chute d'une météorite. Son coup de génie (ou son coup de folie) ce fut d'accrocher cette météorite aux branches d'un arbre mort.

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Photo Yashar

Il a continué tout naturellement ensuite, porté par une inspiration mystique et par les gens de son village qui le prenaient pour un prophète.

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CHN Photo Agency Hasan Ghafari

Creusait-il des trous dans les pierres ou choisissait-il des cailloux transpercés par Mère Nature? Je l'ignore mais son truc ce fut de récupérer des fils métalliques ou des fils de lignes téléphoniques pour ligoter les caillasses et les pendre comme des fruits minéraux dans des arbres  à jamais improductifs.

Darvich Khan photo CHN.jpeg

CHN Photo Agency

Le résultat est étonnant et d'un contemporain à tomber à la renverse.

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J'ai envie de faire pareil avec la magnifique pierre trouée que m'a offert en cadeau un ramasseur de champignons berrichon. Comme je n'ai pas d'arbre sous la main, je vais accrocher ce ready made en forme de visage à la balustrade de mon balcon avec un solide câble d'acier pour les cas de tempête.

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19.05.2010

Camille Renault inédit à la BnF

Je reviens de la BnF avec du nouveau sur Camille Renault. C'est pas tous les jours que ça arrive, l'environnement de ce fameux créateur d'art brut ayant été ratiboisé. Il ne reste que des miettes par ci par là, à Lausanne, du côté de L'Aracine, dans la Collection abcd. Camille Renault, maintenant il a sa notice Wiki donc je me fatigue pas pour vous dire qui c'est.

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Il refait timidement surface à l'occasion d'une exposition à la Galerie des donateurs qui se prolongera jusqu'au 20 juin 2010. Son titre : La Collection Alain et Jacqueline Trutat (livres et manuscrits). Les fans de notre Johnny Hallyday national pourront y voir une photo du rockeur bébé. Le père de celui-ci, un certain Léon Smet, comédien belge évoluant dans les cercles surréalistes (il a tourné un Fantômas en 1937 avec Ernst Moerman) fut en effet le premier mari de Jacqueline. Le père de Johnny est mort en 1989 et son parrain qui n'était autre que Alain Trutat, le deuxième époux de Jacqueline, disparut en 2006. atelier_de_creation_radiophonique.jpgAlain Trutat, pour aller vite est un homme de radio, l'un des fondateurs de France Culture et le papa de l'ACR (Atelier de Création Radiophonique). paul-and-nusch-eluard-1944.jpgLui et Jacqueline se sont trouvé mêlés à la vie de Paul Eluard après la mort de Nusch (28 novembre 1946).

C'est eux qui dissuadèrent le poète de se flinguer et qui firent des pieds et des mains pour lui remonter le moral après la disparition subite de son amour.

Nusch et Paul Eluard en 1944

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Paul Eluard encadré par Jacqueline et Alain Trutat

A force de se balader dans la bibliothèque de Paul Eluard, ils eurent envie de collectionner les beaux livres et les écrits. C'est cette collection que Jacqueline Trutat vient de donner à la grande dame du Quai François Mauriac. Je furetais pendant le vernissage de l'expo (qui présente ici quelques uns des fleurons de la collec du couple), en me demandant si je pourrais pas trouver des traces de ce roi d'Auguste Forestier que Paul Eluard avait juché sur sa cheminée, quand je suis tombée sur Camille Renault. Pour préciser, deux petites photos prises vraisemblablement par Jacqueline lors d'une visite au Jardin des suprises à Attigny un jour de 1951 en compagnie d'Alain et d'Emmanuel Peillet, grand manitou du Collège de Pataphysique et auteur d'une petite monographie sous pseudo sur le Camille.

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Deux photos ça vous paraitra pas beaucoup mais, vu qu'elles sont inédites, qu'elles font sans doute partie d'une série existante et que les documents d'époque sur le jardin de Camille Renault sont hyper rares, ça vaut le coup de courir à la BnF pour les voir. Malheureusement, je ne peux pas les reproduire mais croyez-moi pour sur parole si vous voulez faire preuve de positive animulattitude.

16.05.2010

De MaM en LaM, le voilà le joli LaM

Art brut lillois, à quand le plan media? Pour bientôt peut-être. Pour l'instant ça remue, ça bourdonne, ça s'active dans la PQR mais surtout à propos du chantier «art moderne» du futur méga-musée de Villeneuve d'Ascq.

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Si vous voulez voir un conservateur en bloudjinzes (comme dirait Zazie), allez voir Madame Sophie Lévy qui mouille sa chemise ici pour Calder et Miró, ça vous donnera un aperçu de l'avancée des travaux et des petits soucis de l'accrochage.

C'est sans doute parce qu'il y a trop à faire qu'elle n'a pas le temps de nous glisser un mot sur les nouveaux espaces infinis qui s'ouvriront bientôt pour la Collection de l'Aracine gonflée à l'hélium de nouvelles acquisitions.

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Vue virtuelle d'une future salle dédiée à l'art brut

Il faut la comprendre : il reste encore quelques wagons de terre à betteraves à pelleter. Heureusement, l'administration elle est gentille, elle a acheté le Pliz Johnson.

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Alors un p'tit coup de psitch-psitch sur les vitres et le LaM (j'ai du mal à me rappeler ce que cette abréviation très tendance signifie) sera prêt à l'emploi.
Si Animula n'était pas si paresseuse, elle proposerait ses modestes talents de technicienne de surface autodidacte pour encourager l'équipe muséale avec son plumeau et son chiffon plutôt qu'avec sa mauvaise langue!

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Ceux que ça tentent peuvent d'ores et déjà organiser un apéro géant pour l'inauguration qui est programmée pour le 25 septembre 2010 (notez bien l'année).

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14.05.2010

Nuit des musées : délire et sauvagerie

Nuit2010_HD.jpgLa Nuit des Musées à Biarritz : si je commence comme ça, n'allez pas croire que je m'acharne sur les institutions culturelles ou que je manque de respect au Pays Basque.
planete musee du chocolat 1.JPGJ'avoue que me fait rire le mot de Christian Dotremont : «Et je ne vais dans les musées que pour enlever les muselières» mais je suis comme tout le monde, une bonne tasse de chocolat devant l'océan, je suis pas contre.
C'est vous dire combien j'aimerais descendre gratuitement dans la crypte Sainte-Eugénie, le samedi 15 mai, de 19 à 22 heures, avec ma petite laine, pour visiter l'Expo L'œil à l'état sauvage dans le cadre de la NDM.

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Au cas où vous le sauriez pas, Eugénie c'est la Première Pouffe du Second Empire. Elle convertit son Petit Napoléon à la prestigieuse station balnéaire de la côte atlantique.
Et au cas où vous l'auriez oublié, c'est notre André Breton national qui a clamé le premier que «l'œil existe à l'état sauvage». Aucune mention de cette citation fétiche (dont une défunte revue fit jadis à peu près ses choux gras) dans les présentations de l'expo biarrote.

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Pour faire bon poids les organisateurs en ont rajouté une couche en sous-titre : Les Délirants de la création. Nom d'un Badinguet, ça ferait presque peur! Avec pareil label, on s'attend à du lourd : des zinzins, des fêlés, des barrés, des z'hors-les-normes.

public enfantin à l'expo.jpgEt bien pas tout à fait. L'exposition a beau être vendue au public captif des écoles comme une «exposition d'art brut et singulier», on nous promet surtout un cheval de «grands noms de l'art contemporain» et une alouette d'«artistes emblématiques de l'art singulier» pour une pincée d'art brut (limité dans les énumérations existantes au seul cas d'Anselme Boix-Vives).
Je suis pas sûre que Michel Macréau dont une image sert à l'affiche aurait été ravi d'être enrôlé sous la bannière «délirants» mais ne boudons pas notre joie : une soixantaine d'œuvres de 28 artistes de la trempe de ceux qu'apprécient les grands collectionneurs, style Daniel Cordier,  c'est toujours bon à prendre.
Bien que Gaston Chaissac, Louis Pons, Fred Deux :

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Robert Combas, n'aient depuis longtemps (ou depuis toujours) rien à voir avec le soit-disant «art singulier», surtout tel qu'il se pratique de nos jours.

Bien que, Paul Rebeyrolle (!) :

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Zoran Mušič (!!) :

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Vladimir Velickovic (!!!) ne puissent être rapprochés de l'art brut et de ses alentours que par tout un système de poulies, de ficelles, de courroies de transmissions, de précautions.
L'exposition de Biarritz me semble encline à en faire l'économie. Ce qui peut se comprendre : présenter un bon choix d'œuvres fortes en espérant infléchir le regard du public local, c'est déjà pas mal. Nul besoin alors du renfort de la «sauvagerie» et du «délire». Mieux aurait valu élucider l'intention sous-jacente au rassemblement de ces tableaux et sculptures.

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Je sais bien que l'art brut aujourd'hui c'est médiatiquement porteur et que certains (ou certaines) croient bien faire en accrochant le mainstream à sa remorque mais parer le meilleur de l'art contemporain des plumes multicolores de l'art brut cela ne rend service à personne. Sauf à ceux qui se réjouissent de trouver là une occasion de mettre en doute la spécificité foncière de ce dernier. Il n'est qu'à faire un tour sur le net en rôdant autour de Biarritz, de ses états sauvages et de ses délirants de crypte pour s'en rendre compte.

13.05.2010

Le mammuth et la fée

Faire des films «à la manière de l'art brut» : beau programme! Gus Kervern et Benoît Delépine y croient. Le duo grolandais, réalisateur de ce Mammuth qui pétarade si printanièrement sur nos écrans ne perd pas une occasion de dire, combien il n'en a rien à battre de la perfection. Gustave et Benoît lui préfèrent la vie et ils ont bien raison. La vie, quitte à semer gentiment sa zone.

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Comme le dit G.K. dans un entretien avec Pierre Daudin : «Je n'aime pas que les films soient trop parfaits, quand le décorateur a tout bien fait. Ca me donne envie de casser quelque chose (...)». Faisons comme lui et brisons tout de suite un peu de la couronne de lauriers que je m'apprêtais, après beaucoup, à tresser sur les têtes hirsutes des deux réalisateurs du film mammuthique que -soit dit en passant- j'ai vu dans un MK2 plein de bobos chauves qui mangeaient des esquimaux.

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La vie, ça a l'air simple. C'est tout entier dans ce genre de détail qui en dit long sans avoir besoin de démontrer quoi que ce soit. Le contraire de l'écoeurante pédagogie gouvernementale, la vie : un animal timide, sauvage et frémissant. Certes, l'art brut ne se limite pas à l'absence de fignolage. Et la fréquentation des studios de télé n'autorise guère Kervern et Delépine à se prétendre «étrangers aux milieux artistiques professionnels».

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Il se peut même que leurs sketches ne soient pas toujours «fortement inventifs» (pour causer comme Dubuffet). Il n'en demeure pas moins que les deux responsables de Mammuth, parviennent à le faire manger dans notre main, cet animal vital.

Avec leur histoire de retraité motard qui aime son épouse mais ne le lui dit pas, qui se projette le fantôme d'un amour mort (Isabelle Adjani) sur l'écran noir de ses nuits blanches, qui croise des cons et des malfaisants qui le prennent pour un bon à baiser dans une France pourrie où les rapports sociaux sont ravagés par une maladie à visage d'hydre économique et financière, ils nous émeuvent et ils nous attristent, nous désespèrent et nous requinquent avec leur casting d'enfer. D'abord parce qu'il y a Yolande Moreau encore toute auréolée du pollen de Séraphine. Et ensuite parce que Serge Pilardosse, le retraité «géant à l'extérieur, tout doux à l'intérieur» rencontre une nièce qui s'avère être une fée.

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Une fée qu' on n'embauche pas parce qu'elle rédige son C.V. sur du papier-cul avec le sang de ses règles. Une fée avec laquelle Pilardosse découvre que «c'est bon, rien faire aussi». La fée c'est Miss Ming, une tête à aimer les fraises tagada, une élocution ralentie qui décale tout, un comportement si aveuglément poétique qu'il remet à lui seul le monde sur ces vrais rails : bonheur, tendresse, nonchalance. Même un monstre sacré comme Gérard Depardieu retrouve la spontanéité de sa jeunesse valseuse quand Miss Ming lui attrape délicatement le nez.

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Miss Ming (Solange dans le film) habite un pavillon dont les abords ressemblent à chez Chomo. C'est à Lucas Braastad, un artiste du Musée d'Art Contemporain Inutile d'Angoulême que Gus et Ben ont emprunté les œuvres accumulées là.

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Certaines ont été exposées à la Halle Saint-Pierre pendant le vernissage sur L'art brut japonais.
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Les deux réalisateurs aiment bien ce lieu qu'ils appellent «le musée de l'art brut». Au point d'y avoir donné des interviews pour leur promo. Ecoutez-les mais filez d'abord voir le film car, mieux qu'aucun court ou long métrage documentaire, cette œuvre de fiction nous en apprend beaucoup sur l'art brut en tant qu'il se confond avec la pulsation de la vie elle-même. 

08.05.2010

Art brut et alentours ...

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Art brut et alentours .... Vous avez reçu le carton de cette expo qui se tient à la grande petite Galerie Chave jusqu'à la fin juin 2010? Elle a commencé le 27 mars mais Vence c'est pas la porte à côté. Faut trouver du temps pour y aller. Raison pour laquelle je ne l'ai pas vue. C'est dommage. vence_galerie_chave1.jpg

J'aime bien la Galerie Chave, grande par son histoire et par ses trois étages et petite par son abord toujours modeste de boutique de village.

 

J'attendais le catalogue pour vous en parler. Le voilà.

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C'est un objet qui fleure bon l'épicerie d'enfance dont parle Jean Follain, celle où on emballait les choses, dans la jeunesse folle de mon daddy, avec du gros papier chamois. C'est du papier de ce style qui a servi à réaliser ce catalogue sauf que là c'est plutôt l'encre qui lui a communiqué son parfum, vu qu'il est imprimé «sur des feuilles intercalaires appelées macules, utilisées dans des ateliers de lithographie depuis une centaine d'années pour les tirages de chromolithographies, d'images pieuses, de cartes postales, d'affiches de Carnaval, de tickets de rationnement ... et plus récemment d'estampes originales d'artistes contemporains». catalogue 59.jpg

En voilà une idée qu'elle aurait plu à Dubuffet! Cela tombe à pic puisque le catalogue 2010 des Chave la joue discrétement «cinquantenaire» de l'expo historique de la Galerie Les Mages : Alphonse Chave présente l'art brut, qui vit Dubuffet relancer grâce à A.C. sa collection chérie. Aussi ne jetez pas votre catalogue Art brut et alentours à la poubelle, sous prétexte qu'il contient des pages à traces, à plis, à manques marginaux. C'est fait ek-se-près!

Cela l'empêche pas de redonner la lumineuse préface du Jeannot que vous feriez bien de copier 100 fois si vous la connaissez pas par cœur. Au moins les deux premières phrases : «Le parti de l'art brut c'est celui qui s'oppose à celui du savoir, de ce que l'occident nomme (un peu bruyamment) sa culture. C'est le parti de la table rase».

L'expo Chave de mai-juin 2010 montre les œuvres de 36 créateurs autodidactes dont certains (Aloïse, Jacqueline B., Marthe Isely, François Ozenda, Francis Palanc) figuraient déjà dans l'expo de la fin 1959. Mais là, y'en a en a un tas en plus que vous découvrirez en allant vous balader sur le site chavounet ou directement dans le catalogue orné de repros-couleurs collées sur la page-support.

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Jean Deldevez

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Jacqueline B

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Jules Godi

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Francis Palanc

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Thomas Grégoire

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François Ozenda

Je vous donne en prime une page noire qui chapeaute le tout.

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Toutes les reproductions d'œuvres sont extraites du catalogue - ©Galerie Chave

En ces temps de confusions généralisées où l'on mélange l'art brut avec n'importe quel pastis, le court texte de présentation de M. et P. Chave paraît rafraîchissant dans le genre remise des pendules à l'heure. Vous serez pas plus de 300 happy-few à posséder cet ouvrage parce que son tirage est limité et numéroté. Alors, soyez pas des cavounets et grouillez vous de l'acheter. C'est que 20 € et l'euro baisse.

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12:25 Publié dans Expos, Images, In memoriam | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, galerie chave | |  Imprimer | | Pin it! |

02.05.2010

Mirsky appelle Tromelin

Le comte de Tromelin est «appelé» par Eugen Mirsky. C'est bizarre comme les choses se font sur mon blogue! Voilà-t-il pas qu'à l'occasion de ma note précédente, Tromelin, mathématicien et lauréat de l'Institut, montre le bout de son nez comme s'il n'attendait que votre petite âme errante pour se manifester.

Renseignement pris, il a peut-être trouvé qu'il était victime d'une injustice. J'avais encore jamais parlé de cet auteur de dessins «semi-médianiques» (comme il dit) qui sont connus parce que certains figuraient dans la Collection du Dr Marie, laquelle a trouvé refuge à la Collection de l'Art brut à Lausanne.

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Collection de l'art brut

Tromelin nous ramène à la préhistoire de l'art brut puisque né à l'époque romantique (1850). Il disparaît en 1920 de mort naturelle (bien que souvent incité au suicide par des esprits auxquels il résiste quand ils lui murmurent : «Que fais-tu dans cette vie de misères? Tu végètes et tu mènes une vie misérable. Tu n'a qu'à te tuer, pour trancher le fil de ton destin fatal».

En fait de «vie misérable», Tromelin a découvert le spiritisme en 1903 alors qu'il a déjà 53 balais (de sorcières, bien sûr). Comme Fernand Desmoulin, il dessine dans le noir, la nuit, sur un tableau qu'il garde près de son plumard pour y faire des calculs en cas d'insomnie.

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Collection de l'art brut

C'est aussi parce que le sommeil la fuyait qu'une de mes infatigables petites fourmis animuliennes m'a envoyé un courriel pour me dire : «je me suis rappelé à propos de Mirsky (anagramme Rimsky ?) cette nuit un vieil article de revue Aesculape et j'ai retrouvé des reproductions (la revue doit être à Sainte-Anne), c'est un supplément de novembre 1913 où je pense qu'il y avait un article de Jean Vinchon sur le Comte de Tromelin et un de (sic) Dr Ch. Guilbert sur la voyance».
Merci à vous, Béatrice Steiner, puisque c'est vous l'industrieuse informatrice (avec tout le respect qu'Ani réserve au savant docteur que vous êtes) à laquelle mes lecteurs vont devoir ces troublantes images de

Démons et démones

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Marchande de plaisirs

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Princesse des enfers et de la luxure (Asmodée)

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Culte de la beauté

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Rites magiques

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C'est aux pages 64-65 et 66 du numéro de la revue que vous citez qu'on les trouve. J'en ajoute quelques-unes dont la place n'est pas précisée et d'autres tirées en bleu qui proviennent sans doute de l'article du Dr Guilbert.

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art_brut9.jpgCeux et celles qui veulent en savoir + n'ont qu'à lire la contribution de Michèle Edelmann sur les dessins tromelinesques dans la section Collection du Docteur A. Marie paru en 1973 dans le fascicule 9 des Publications de l'Art brut.

Un sacré numéro où voisinent Fulmen Cotton, Hodinos, Tromelin, le Voyageur français et d'autre vedettes. On y apprend que le Dr Papus, dans sa revue spirite L'Initiation a donné un texte de Tromelin où celui-ci explique comment il faisait naître les formes d'une feuille de papier vue en transparence.

A ce propos si quelqu'un pouvait me montrer l'ex-libris de Papus, je serais aux anges car il est dessiné par Tromelin à ce qu'il paraît. Là-dessus, bonsoir car vous croyez pas des fois qu'on va faire toutes les nuits office de médiums, Béatrice et moi, Ani!