05.10.2013
Jean Dubuffet en excursion à New York
La Légion saute sur New York. La Légion d’honneur s’entend. Où saute-t-elle? Mais à la boutonnière de la veste de Arne Glimcher, Président de la Pace Gallery. Chevalier depuis 2003, il accède au grade d’officier pour engagement exemplaire en faveur de la vitalité de l’art dans le monde et généreuses contributions à des institutions artistiques françaises.
Parallèlement et jusqu’au 26 octobre 2013 on pourra suivre Jean Dubuffet dans ses excursions au milieu de nulle part (Excursions en no man’s space) à la Pace of NYC. 52 œuvres sur papier de la dernière décade de l’artiste.
«From figurative to abstract», du noir, du blanc et des couleurs primaires par un homme qui cherche lucidement la sortie. Mondes improbables et figures de passants apportées parfois par collage.
C’est pas d’hier que la Pace s’intéresse à notre Dubuffet national puisque c’est dès 1968 qu’elle a représenté celui «who coined the term Art Brut». Pas mal de publications à l’actif de Glimcher.
Cette fois-ci encore c’est lui qui s’y colle pour le catalogue. Un catalogue en robe de pomme de terre et titre à la diable de traviole dans la droite ligne des conceptions maquetteuses du tonton Jeannot.
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30.08.2013
Folk art américain à Lyon comme à New York
On nous annonce pour bientôt (fin septembre – début octobre 2013), dans le cadre de la Biennale HLN, une exposition lyonnaise consacrée à l’American Folk Art doublée d’un numéro de Gazo. C’est le moment de faire le plein de super avant l’étape.
Même s’il faut pour cela faire un détour par New York. Jusqu’au 22 septembre 2013, l’American Folk Art Museum de la Grosse Pomme expose quant à lui le considérable Bill Traylor.
Bonne façon de commémorer le cinquantenaire du discours historique de Martin Luther King «I have a dream») du 28 août 1963.
C’est dans la ville de Montgomery en Alabama (qui sera en 1965 un des principaux théâtre des luttes pour les Droits civiques) que Bill Traylor termina sa vie en 1947.
On insiste généralement beaucoup sur le début de son existence car, né esclave en 1854, il fut affranchi après la Guerre de Sécession et il demeura ouvrier agricole sur la plantation de coton de sa jeunesse. Mais ce sont ses dernières années qui sont vraiment remarquables bien que marquées par la pauvreté, l’infirmité et la vieillesse. C’est que ce furent aussi d’intenses années de création au cours desquelles il réalisa, sur ses genoux et accroupi dans la rue, environ 1500 dessins extraordinaires.
L’expo de l’AFAM est constituée à partir de deux collections. Celle du High Museum of Art et celle du Montgomery Museum of Fine Arts. Environ 63 dessins et peintures.
A ces deux volets s’en ajoute, semble-t-il un troisième intitulé : Traylor in motion : wonders from New York Collections dont les commissaires sont Stacy C. Hollander et le Dr Valérie Rousseau. Pourquoi «en mouvement» (in motion)? J’avoue ne pas avoir très bien compris à la lecture du site du musée mais vous êtes sûrement plus forts en anglais que moi.
Dommage quand même que le Dr Rousseau qui a fait ses études à Montréal et à Paris n’ait pas songé à insérer quelque part un petit texte en français pour le public suisse, français, belge, québécois etc. qui s’intéresse aussi à Bill Traylor, figurez-vous.
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24.07.2013
Découverte dans un grenier autrichien
On cuit, on fond, on bout, on canicule. La température a beau faire que monter, la ferveur animulienne ne baisse pas. Un peu partout de par le monde mes fidèles lecteurs m’adressent, avec leurs coucous de vacances, des informations. Est ainsi tombée dans mon panier la peinture scotchante de Josef Karl Rädler.
Un joli cas artistiquement borderline comme on les aime. Un créateur à l’intersection de l’art populaire, de l’art naïf et de l’art brut. Transcendeur de catégories trop rigides. Un homme de métier dévié de son parcours professionnel. Un peintre sur porcelaine que la schizophrénie (ou l’épilepsie) propulsa sur une voie plus ambitieuse, celle du grand art qui cotoie le haut mal.
«Une trentaine d’œuvres inédites» de ce créateur qui produisit environ 8 à 900 aquarelles, «viennent d’être découvertes dans un grenier». Elles sont montrées à Salzburg, jusqu’au 14 septembre 2013, dans la Galerie de Heidi et Ferdinand Altnöder.
Ce n’est pas votre petite âme errante qui le dit, c’est mon informateur, l’artiste et collectionneur suisse Eric Moinat qui, vous le savez peut-être, a exposé ses œuvres de carton et de papier en 2009 à Genève, près des poyas de François Burland.
Compte tenu de son goût pour les matériaux modestes, les connotations populaires et la densité des matières, on peut lui faire confiance quand il nous invite à découvrir les images extraordinaires de Rädler : «mandalas, écritures, peintures naïves, documents sur la vie des malades mentaux en Autriche au début du vingtième siècle».
Question biographie, je vous la fait court mais vous pourrez toujours surfer ici ou là, ça musclera un peu votre anglais et votre allemand. Grosso modo : J. K. Rädler (1844-1917) est né en Bohême. Son œuvre, produite dans des asiles à partir de 1897, n’a été découverte que 50 ans après sa mort.
Par le truchement d’une infirmière, elle fut remarquée par Léo Navratil, le fameux animateur de Gugging qui acheta une centaine d’aquarelles de Rädler pour les montrer dans une expo au Niederostereichische Landesmuseum en 1994.
Ces œuvres à double face combinent une image relativement réaliste et des figures symboliques accompagnées de textes plutôt inintelligibles. Encouragé par le personnel soignant, Rädler réalisa beaucoup de portraits de ses compagnons d’hosto.
J.K.R. avait parfaitement conscience de sa valeur. Pacifiste, il se considérait comme un «lachender Philosoph». Les prix qu’il fixait pour ses œuvres étaient exorbitants, ce qui est peut-être une manière idéale de négocier l’art brut ...
16:56 Publié dans Ailleurs, art brut, Expos | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : josef karl rädler, eric moinat, galerie altnöder | | Imprimer | | |
13.07.2013
Fantastique Kenojuak Ashevak
En attendant que Paris Plages s’installe sur les bords de Seine, les Parisiens et les touristes feraient bien d’aller tremper leur robot-fish du côté du Quai d’Orsay.
Bon, d’accord, l’Esplanade des Invalides et la rue de Constantine, c’est pas vraiment le grand bain de l’art brut! Mais le Centre culturel canadien nous offre (gratuitement) jusqu’au 6 septembre 2013 une halte rafraîchissante dans la nouvelle chaleur de la ville, pourquoi ne pas en profiter?
Son exposition regroupe une quarantaine d’œuvres de la collection Claude Baud, un Français en charge de la Galerie douaisienne L’Iglou, Art Esquimau.
Elle est consacrée au parcours de l’une des figures majeures de la fameuse coopérative artistique inuit de Cape Dorset (pointe sud-ouest de l’île de Baffin, Nunavut) : Kenojuak Ashevak.
Le talent animalier de cette créatrice du Grand Nord, qui vient de disparaître à 85 ans, a pour bases le bestiaire de tradition locale et l’univers chamanique. Il a touché beaucoup de gens de par le monde dans les années 70 du 20e siècle.
La diffusion d’un timbre-poste reproduisant The Enchanted Owl, un dessin de 1960, en est la cause.
Kenojuak Ashevak interprète superbement les hibous et les oiseaux migrateurs.
Et, pourrait-on dire, « mi-grattés » car avec le temps, son entourage artistique l’a visiblement poussée, avec un professionnalisme très sûr, à s’accommoder de toute une palette de techniques interprétatives.
Depuis la gravure sur pierre, associée au pochoir, des débuts jusqu’à l’eau-forte, la pointe-sèche et l’aquatinte, en passant par la lithographie.
Il fallait bien vendre pour procurer des moyens à la communauté inuit. On ne pouvait se contenter les dessins originaux qui sont pourtant bien définitifs.
Le recours à la gravure s’imposa. La grande élégance de trait de KA autorisa le recours aux plus nobles procédés de l’estampe occidentale. Le résultat est loin d’être indifférent. Il reste assez de magnétisme naturel dans ces grandes gravures pour les apprécier.
Certaines même, tirées en noir, sont empreintes d’une instinctive poésie légendaire. Moi qui ne trouve jamais ma brosse à cheveux le matin, j’ai aimé Comparer les tresses, cette gravure qui fait penser aux sirènes de nos mythologies bien de chez nous.
On y reconnaît Sedna, déesse de la mer, tête et chevelure ondulante entre les glaces flottantes. Dépourvue de bras, ça l’énerve de ne pouvoir démêler ses cheveux. Kenojuak Ashevak, dans son enfance, l’avait vue de ses propres yeux.
17:41 Publié dans Ailleurs, Expos, In memoriam | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : kenojuak ashevak, art inuit, claude baud | | Imprimer | | |
20.05.2013
Ostie d’câlisse de tabarnak d’art brut
Pauvre Belgique! Animula te laisse tomber. Pourtant avec tous ces maudits Français qui ont colonisé Bruxelles, j’aurais dû signaler, chez Art & Marges, l’exposition d’art brut polonais intitulée -Dieu sait pourquoi- Une hostie dans une bouteille/Een hostie in een fles. «Art brut», je risque le mot bien qu’il soit tricard dans le matériel promotionnel de l’expo de la rue Haute organisée avec la collaboration d’un tas de chouettes partenaires de Pologne (galeries, musées et hostos psy).
On ne répugne pas en revanche du côté d’A&M à l’usage du mot «artiste». Ce qui nous donne un sous-titre aussi vague que le titre est obscur : Artistes polonais/Poolse kunstenaars. In english : Polish artists. On peut rien rêver de plus général? Dacodac comme dirait Alex dans Orange mécanique.
Aux dernières nouvelles, Dieu contacté m’a tout de même fait savoir que l’hostie et la bouteille provenaient d’une phrase de Maria Wnęk, l’une des personnalités présentes dans l’expo polono-bruxelloise. Sauf que la phrase est amputée de son début : «Du lait au lait»!
L’hostie, on comprend : ça plait aux cathos. Et la bouteille vous a un petit air si «art populaire» qu’on crache pas dessus. Mais les deux ensemble, c’est moins évident question communication. Heureusement que le public n’est pas obligé d’apprendre ce titre par cœur! S’il se souvient du contenu, ce sera déjà très bien. Car ce contenu le mérite puisqu’il conjugue des talents profondément variés sur l’échelle de la brutitude : Marian Henel
N’oublions donc pas qu’il ne reste que peu de jours pour se précipiter à l’exposition d’art brut polonais de Bruxelles/Brussel. Cela fait déjà un moment que des Animuliens vigilants me suggeraient d’y faire un détour.
Mais le temps tout pourrave… Mais le Père Cepteur qui a ratissé toute ma thune… Mais un certain désenchantement aussi dont je retrouve l’écho dans un article de Danièle Gillemon dans Le Soir m’ont détournée de ce «voyage vers les univers» d’une vingtaine de créateurs parmi lesquels le grand Edmund Monsiel.
Créateurs bruts ou brutoïdes dont on n’a pas souvent l’occasion de voir les œuvres. Et qui nous changent des «vedettes américaines» (certes incontestables) : Traylor, Ramirez, Darger, et maintenant Deeds dont le marché dominant de l’art brut nous impose la ronde -à force monotone- de New York à Lausanne City en passant par les salles de vente du huitième arrondissement de Paris.
A noter que j’emprunte mes images ci-dessus (hors vernissage) ainsi que celles des œuvres de Przemyslaw Kiebzak
à des sources extérieures à l’exposition bruxelloise car le leporello d’Art & Marges et son site Internet sont plutôt chiches en reproductions. Raison de plus pour avaler l’hostie et la bouteille en live si c’est dans vos moyens. Vous l’avez compris : c’est pas du petit lait.
18:57 Publié dans Ailleurs, art brut, Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art & marge musée, art brut polonais, maria wnęk, marian henel, adam dembiński, justyna matysiak, edmund monsiel, przemyslaw kiebzak, ksawery zarębski, danièle gillemon | | Imprimer | | |
19.05.2013
Prague 2013 : Jan Křížek sort de l’oubli
C’est une chose qu’on ignore parfois mais la Tchèquie existe et à Prague un Institut français où il se passe des choses. Tiens, le 6 mai dernier : on y présentait l’importante monographie d’Anna Pravdová sur Jan Křížek. Anna Pravdová, conservatrice à la Galerie Nationale de son pays, a des liens avec le nôtre et parle le français. Ce qui nous vaudra peut-être dans l’avenir des éclaircissements supplémentaires sur son travail.
Entretien d'Anna Pravdová avec Anna Kubišta
Sa monographie, qu’on dit nourrie et fort illustrée, accompagnera du 31 mai à la fin septembre 2013 une grande exposition Křížek (1919-1985), intitulée Jan Křížek et la scène artistique parisienne des années 1950.
Dans le Manège du Palais Wallenstein, grosse perle baroque du quartier de Malá Strana.
Occasion pour les Tchèques de se réapproprier l’œuvre de cet artiste qui, après le Coup de Prague en 1948, vécut chez nous. D’abord à Paris puis au fond de la Corrèze où il se bâtit une maison dans les bois. La notice Wiki sur Křížek est plutôt anorexique. Elle le décrit coincé entre surréalisme et art brut. Il serait surtout du genre inclassable et l’expo de Prague ambitionne de mettre en lumière sa captivante spécificité.
Qu’on le veuille ou non, il appartient cependant à la légende de l’art brut. Son nom reste attaché à la période pionnière où ce concept découvert par Jean Dubuffet s’affinait progressivement.
Avec Miguel Hernandez, Juva, Pierre Giraud et le controversé Robert Véreux, Jan Křížek eut les honneurs de l’une des 5 brochures historiques que René Drouin, galeriste de Dubuffet, édita pendant la période d’activité du Foyer de l’Art brut (15 novembre 1947/été 1948).
Le texte de Michel Tapié qui figure dans cette plaquette ne cache pas l’origine «culturelle» de la découverte du «cas» Křížek.
C’est le sculpteur cubiste espagnol Honorio Condoy qui lui signale (ainsi qu’à Henri Pierre Roché par ricochet) les sculptures du jeune tchèque, selon lui «tout à fait dans la même ligne» que les Barbus Müller.
Le destin de Křížek montre ensuite que Condoy, Tapié et Roché ne se trompaient pas tout à fait sur la nature «brute» du talent du sculpteur. Deux faits sont là pour en témoigner. Un épisode iconoclaste au cours duquel Křížek détruit certaines de ses sculptures sous prétexte qu’il n’a pas les moyens de les transporter à la campagne. Une phrase révélatrice qu’il prononce quand il renonce à la création sculpturale (1962) pour devenir apiculteur : «enfin je suis guéri, je peux arrêter mon travail artistique».
Photo tirée de la monographie d'Anna Pravdová
L’histoire retient que Dubuffet ôtera très vite les rênes de l’art brut des mains de Michel Tapié. Ce dernier, dans une note additionnelle à son texte de la plaquette Drouin, a conscience du problème posé par Křížek : «Tant pis pour ceux qui penseront que je brouille les cartes. Souvent trop des mêmes qui -avec raison- protestent contre les brimades, voire les honteux internements arbitraires des champions du verbe et de la vision ne voudraient, sans quoi ils ne marchent pas, voir en l’Art Brut qu’un asile ou une cage à singes (…)».
18:18 Publié dans Ailleurs, art brut, Expos, Gazettes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, surréalisme, jan krisek, anna pravdová, radio prague, rené drouin, michel tapié | | Imprimer | | |
13.03.2013
Ravenna Borderline
C’est un secret pour personne que quand on en a marre, faut se tourner vers l’Italie. Aussi me suis-je tournée en baillant vers le MAR, le MAR de Ravenne ouskil ya pas que des mosaïques. Il avait raison le vieux Goethe, le «Sehnsucht», il n’y a que ça de vrai, surtout quand on vient comme moi de déblayer la neige avec une pelle à gâteau!
Pas mieux que de Youtuber sur cette Mostra «poetica» qu’un de mes Animuliens suissounets vient de me jeter en pâture pour me faire sortir de ma léthargie oursonnesque.
Cette exposition, divisée en plusieurs sections, rythmées par l’omniprésence d’œuvres d’art brut, a pour cadre sublime (le cadre est toujours sublime en Italie) la loggetta lombardesca du cloître renaissant de l’Abbaye de Santa Maria in Porto qui abrite le Museo d’arte della Città (MAR, je vous dis!).
Son titre, Borderline, allusionne à ce terme de psychiatrie qui désigne de drôles d’états mentaux situés à la frontière du névrotique et du psychotique. Elle prétend explorer des frontières incertaines de l’expérience artistique, celles où se rencontrent (ou font semblant de se rencontrer) des gaillards et des bougresses du genre Goya, Madge Gill,
Corneille
Santoro
Zinelli
André Masson
Chaissac
Lorenzo Viani, Dubuffet, Ligabue
Aloïse
et j’en passe.
Pas sûr que cela mette en évidence, comme elle le voudrait, un espace de créativité spécifique mais l’accrochage en lumière mystérieuse a du moins l’avantage d’interroger le visiteur sur les affinités et les différences entre des créateurs que la critique et le marché ont traités comme des artistes plus ou moins patentés et d’autres plus marginalisés de leur temps.
Comparaison n’est pas raison et les limites du concept apparaissent dès l’affiche. On aurait pu choisir mieux en effet que ce Doux monstre angélique de Dali qui sert de porte-drapeau à l’expo.
Dans le genre débandade lamentable d’un glandeur paysagiste, on ne saurait faire mieux en effet! Aussi, n’écoutez pas Claudio Spadani, le directeur du MAR, qui trouve ce faible tablo «bellissimo». Regardez plutôt sa belle cravate jaune qui se chamaille dans l’ombre avec sa barbe et son écharpe.
Ecoutez aussi, l’autre commissaire de l’exposition, Giorgio Bedoni, un psy qui, même en italien, dit des choses très claires. Et puis, quand même, offrez vous le plaisir d’une visite virtuelle, les pieds au chaud dans vos charentaises comme votre petite âme errante.
En attendant celui d’un parcours en live peut-être.
20:15 Publié dans Ailleurs, art brut, Expos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, madge gill, corneille, eugenio santoro, carlo zinelli, andré masson, gaston chaissac, antonio ligabue, aloïse corbaz, glandeur paysagiste | | Imprimer | | |
16.02.2013
Un cri passage du Mississipi
La lasagne contemporaine au canasson roumain vous dégoûte? Alors : Jambalaya, crawfish pie, fillet gumbo! C’est la saison sud. Faut en profiter.
Sud, sud, sud : gros arrivages en ce moment! Sud des Etats-Unis s’entend. Les autres c’est pas class. Sud, sud, sud, même l’art brut s’y met. Il ne m’est art brut que du sud. Il n’est bon bec brut que du sud. Le sud, le sud, toujours renouvelé. Le sud, vous dis-je. Bon, c’est un peu agaçant ces campagnes promotionnelles. Sud par ci, sud par là, sud arrive, sud est là…
Quand tout le monde est poussé à regarder dans la même direction, on a envie de se faire une sortie de route. Mais on ne peut pas s’empêcher de suivre la musique quand même.
Et la musique, la musique du sud, est bonne chez Christian Berst. C’est la seule chose dont le galeriste ne parle pas sur son site super bien documenté, à propos de son exposition des œuvres de Mary T. Smith (jusqu’au 2 mars 2013). Elle prend pourtant dans ses bras consolants le visiteur qui franchit la porte du 3/5 passage des Gravilliers (75003).
Ce n’est pas la première fois à Paris que nous voyons ces tôles ondulées et ces panneaux de bois, bichromes ou monochromes mais toujours peints avec une autorité fervente qui semble venir d’un fond de lucidité sauvage, d’une histoire de labeur et de douleur où se conjuguent surdité, misère, ostracisme et expressivité.
Christian Berst lui-même en avait déjà présentées en 2009 dans American Outsiders I, une exposition collective. Et Mary T. Smith, aux belles robes très «peinture», figurait déjà dans Art Outsider et Folk Art des Collections de Chicago à la Halle Saint-Pierre en 1998.
J’emprunte à la biographie de cette créatrice, établie à cette occasion par Martine Lusardy et Laurent Danchin, ces lignes significatives : «Aujourd’hui, et depuis longtemps, il ne reste rien du musée en plein air de Marie T. Smith : le succès et les nombreux amateurs sont passés par là, obligeant même vers la fin cette étonnante artiste improvisée à produire sur commande des travaux de plus petit format, parfois le temps d’une simple visite et en présence du destinataire».
Je les emprunte pour souligner un mérite de l’exposition actuelle de la Galerie Christian Berst. C’est que, non seulement elle crée l’ambiance en nous berçant dans le blues feutré et enveloppant mais elle n’occulte pas ce fait essentiel : les productions de Mary T. Smith, loin de relever d’un art de chevalet, sont les pièces orphelines d’un véritable environnement d’art brut.
Des parties d’une œuvre globale qui leur donnait plus de force encore d’être inaliénable, c’est-à-dire non consommable dans l’acception commerciale du terme. C’est pourquoi j’ai trouvé beaucoup d’intérêt à visionner le diaporama qui passe en boucle sur grand écran dans la berstienne galerie.
Surtout avec mon séant (les petites âmes errantes en ont aussi) mollement enfoncé dans le canapé blanc antonionesque de ce vaste lieu. On y saisit au vol bon nombre d’images de cet univers de plein air si personnel, au temps où il fonctionnait à son plein régime.
C’est à dire à son usage exclusif. Pour ceux et celles qui aiment les souvenirs, ils ou elles pourront emporter le catalogue où cette impression se prolonge par plusieurs clichés.
18:11 Publié dans Ailleurs, art brut, Ecrans, Expos, Images, Musées autodidactes disparus, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, environnements bruts, mary t. smith, galerie christian berst, mississipi, delta blues, deep south | | Imprimer | | |
08.02.2013
Ça gaze à l’OAF
La tempête de neige arrive sur NYC. L’OAF l’a échappé belle! Les affaires sont faites à Chelsea. Le bruit court qu’on aurait vendu 3 fois plus que d’habitude. La presse de là-bas tresse des couronnes à Mr Edlin. Ses chaussures sont bien cirées pour l’hiver. Bravo. Evidemment, ça donne des idées. Et si on remplissait les musées avec les vieux stocks outsideux? C’est vrai, quoi, pourquoi se contenter des établissements spécialisés? Y’a du blé à s’faire, moi, je vous l’dis. Bien sûr faudra convaincre les institutionnels du monde entier de faire voisiner leurs petits trésors avec des autodidacteries plus ou moins mal coiffées.
Bien sûr faudra mettre tout en œuvre pour nier le gouffre qui existe entre l’art brut pur laine et la majorité du mainstream commercial. Mais où est le problème? Le temps qu’on nivelle tout et que le public n’y comprenne plus rien, on se s’ra fait un max de thune. Et quand on aura bien brouillé les repères, on passera à autre chose. On vendra des boules à la neige en été et du gaz hilarant en hiver.
Mais on en est pas là. Surtout chez nous où l’on graffite sur la Liberté. Surtout chez nous où ça sent mauvais dans les musées. On n’en est pas là. Et pour vous le prouver votre petite âme errante poursuit son debriefing de Fair grâce à l’un de ses envoyés spéciaux qui lui a rapporté quelques zimages du cru Outsider Art Fair 2013. Voici donc un petit défilé de mode en vrac. En commençant par les robes de Larry Calkins.
Près d’un Titanic de George Widener, un Joël Lorand chez Henry Boxer.
Bill Traylor dans la pénombre
Un bout du stand Judy A. Saslow : les Européens Christine Sefoloscha et Gérard Cambon
«Et le stand vue de face», me dit mon correspondant : «Traylor, Nedjar, Bourlier (…) et je ne sais plus qui».
Il poursuit par un de ses préférés: Terry Turrell à la galerie American Primitive (chez «ce vieux sage» d’Aarne Anton)
et Ramirez «chez Ricco/Maresca ou Carl Hammer», il ne sait plus bien.
Moi non plus. On me pardonnera les approximations. Il y a urgence.
La Gazette vient d’arriver et le Museum of Everything trône sur la couverture. Décidément on aime l’art brut à l’Hôtel Drouot! L’article de Patrick Le Fur est illustré d’une ronde de Darger et d’un emmaillotage de Judith Scott.
Il relate des propos pointus de Marc-Olivier Wahler sur «le software» qui «l’a emporté sur le hardware» auxquels je comprends que couic avec ma petite tête de piaf. Il oppose –ce qui n’est pas faux– «l’accrochage» everythingnoble (pardon, j’ai pas pu m’en empêcher!) à l’universel «white cube». Il feint de croire que l’éclairage de cave du Chalet Société est «volontairement sourd et diffus». C’est son droit.
Là où je le suis moins c’est quand il nous informe sans rire que l’entrée d’Exhibition #1.1 est «libre» et que les 5 € dont on vous taxe sans faiblesse pour voir le show Brett constituent un «don recommandé».
19:44 Publié dans Ailleurs, Blogosphère, Gazettes, Images | Lien permanent | Commentaires (4) | | Imprimer | | |
30.01.2013
Nouvelle édition de l’Outsider Art Fair à New York
Pour 100 balles ici t’as plus rien. Mais avec 100 balles aux States (20 U$D) on peut s’offrir une entrée à l’OAF 2013 qui commence le 31 janvier pour s’achever le 3 février.
L’OAF c’est l’Outsider Art Fair de New York. Chaque année je vous le répète parce que l’OAF ça revient comme les cerises sur le gâteau.
L’événement de cette 21e édition ce n’est pas la foire elle-même mais le fait qu’elle ait été achetée par l’un de ses participants, Andrew Edlin, un galeriste de la grosse pomme. Car l’OAF était à vendre et on ne le savait pas! Autrement, on aurait cassé sa tirelire.
Pas sûr que ça aurait suffi puisqu’on ignore le montant de la transaction. Mais quand on aime, on ne compte pas et, si j’ai bien compris, avec l’OAF Mr Edlin s’est offert un rêve de jeunesse.
A ses débuts, quand il se contentait de vendre les productions familiales de son tonton collagiste, l’entreprenant Andrew s’était vu refuser le privilège de figurer parmi les exposants de l’OAF : «I started exhibiting at the outsider art fair in 2003. I was a new art dealer and the first time I applied I couldn’t get in»
(recueilli par Abby Luby dans Whitehot magazine).
10 ans après et le négoce de quelques œuvres de Henry Darger à son actif, Andrew Edlin a le sentiment d’avoir pris sa revanche : «When I first opened my gallery, in 2001, I couldn’t even get into this fair. And now I own it» (Art in America, nov. 2012).
On est content pour lui. Pour un peu on partagerait cette bouffée d’orgueil libéral si représentatif des grandeurs de la civilisation américaine. Saluons le bel enthousiasme de l’acheteur qui n’a pas craint de faire cette acquisition à un moment où le mainstream bouffe l’oxygène de l’outsider art. Le changement de lieu de la manifestation, qui se retrouve cette année à Chelsea, «the city’s center of mainstream art», selon le reporter Matthew Katz, est significatif de ce point de vue.
Si l’originalité de l’art brut gêne le business aux entournures, nul doute qu’elle sera sacrifiée et tant pis si on tarit la ressource! Est-ce la raison pour laquelle les Européens ne sont pas légion dans la liste des participants? On ne saurait l’affirmer. Signalons cependant la présence, pour la première fois, de la Galerie du Marché de Lausanne.
Elle défendra les belles couleurs d’Aloïse qui n’a pas eu le temps, hélas, de se faire naturaliser par les USA. Autre Suisse au programme : le photographe Mario del Curto, «recipient of the Geneviève Roulin tribute» pour une expo et une causerie.
La direction du panel de discussions et la modération seront l’apanage de la Québécoise Valérie Rousseau dont Mr Edlin est l'époux.
Un récent communiqué (16 janvier 2013) de l’American Folk Art Museum, sponsor de l’Outsider Art Fair, nous apprend que cette historienne d’art, diplômée en 2012, vient d’y être nommée au poste de «curator of 20th century and contemporary art». Sa mission consistera à développer les initiatives de l’AFAM dans le domaine de l’art des autodidactes, du folk art et de l’art brut.
Dernière minute : pour abriter les débats, des tentes chauffées seront montées sur le toit de l’immeuble abritant l’OAF.
En ces temps de crise, un peu de confort c’est appréciable.
ATTENTION !
Méfiez vous des contrefaçons.
Site officiel de l’OAF : www.outsiderartfair.com
15:54 Publié dans Ailleurs, art brut, Gazettes, Parlotes | Lien permanent | Commentaires (0) | | Imprimer | | |