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21.05.2013

L’abbé Fouré passe à l’Ouest

A peine quelques jours qu’un Animulien de bonne volonté nous signalait, par un commentaire, la sortie de l’ouvrage de Joëlle Jouneau sur L’Ermite de Rothéneuf dans la Collection L’Esprit du lieu éditée par les Nouvelles Editions Scala.

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Et déjà l’actualité nous rappelle au souvenir de ce diable d’abbé Fouré, l’ermite créateur des rochers sculptés. L’ermite et non l’hermite comme l’indique par étourderie le site de La Procurequi doit penser que l’art sacré s’écrit avec une hache.

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Soutane à part, l’œuvre de Fouré n’a pas plus à voir avec l’art sacré qu’avec les histoires de pirates dont la légende locale affubla ses rochers. C’est une belle et bonne vieille création d’art brut tout à fait impressionnante par son ampleur. Les deux pieds dans la matière ingrate du rocher. Ce qui ne l’empêche pas d’être fort visitée.

Aujourd’hui comme hier (du vivant même du sculpteur de tempêtes, avant 1910), par des promeneurs en quête de curiosités et de bons bols d’air. Une exposition des cartes postales éditées au début du vingtième siècle en témoigne jusqu’au 29 juin 2013 à la Bibliothèque municipale de Brest.

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Dans le cadre d’un «festival» intitulé L’Art brut à l’ouest où sont montrées aussi des sculptures de Pierre Jaïn et, parallèlement, des photos de Gilles Ehrmann à l’Artothèque que j’écrirais bien l’Artaud-thèque pour rigoler.

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Mais les rochers sculptés ce n’est pas de la rigolade et une asso se remue joliment pour la bonne cause de la falaise érodée par les marées, les fréquentations touristiques, les belles histoires sans fondement véridique et, depuis peu, par de romantiques lieux communs sur «la poésie des ruines».

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Un article récemment paru dans le journal numérique de Libération (18 mai 2013), sous le clavier de Bernadette Sauvaget, envoyée spéciale à Saint-Malo vous en dit plus. C’est de loin le meilleur papier que j’ai lu sur le sujet dans un quotidien depuis longtemps. Ironie du sort, la journaliste est en charge des sujets religieux à Libé. Non d’une rubrique artistique.

Bien documentée, elle n’en mène pas moins de front une présentation vivante et accessible de l’histoire de l’abbé, un aperçu précis sur l’œuvre et une enquête sur l’état actuel des problèmes posés par ce site indisciplinable. L’angle qu’elle a choisi pour intéresser ses lecteurs : le travail de proximité de l’association de protection et d’information.

joelle jouneau.jpgElle a, ce faisant, le mérite de brosser le portrait de l’animatrice de cette asso : Joëlle Jouneau elle-même.

Portrait qui manquait jusqu’alors.

 

08.05.2013

Le peuple des berges

La Seine monte. C’est le moment de lire Le Peuple des berges. Le moment d’acheter à pleines péniches ce récent titre de Robert Giraud pour en inonder vos amis.

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On y assiste avec trouble et attendrissement au «carnaval perpétuel» de Nénette. A cette époque (dans les années cinquante du siècle de l’auteur), on n’avait pas peur du mot «clocharde».

«La cloche en argot c’est le ciel» nous dit la quatrième de couverture de ce recueil de neuf articles parus jadis dans Qui ? Détective.

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A cette époque (8 octobre – 3 décembre 1956), les Nénette élisaient domicile sous les ponts de Paris. Cette âme errante abritait donc sa coquetterie guenilleuse «dans une alvéole du Pont-Neuf, au milieu de ses richesses» de carton. «Eté comme hiver, Nénette porte toute sa garde-robe sur elle» nous dit Robert Giraud. Et «sa toilette se complète obligatoirement d’un chapeau extrait, il y a une dizaine d’années, du plus profond d’une poubelle».

Nénette.jpgImage tirée de "La cloche et les clochards". Film réalisé en 1972 par Robert Bober pour l'émission d'Eliane Victor : "Les femmes aussi"

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Cliquer sur l'image pour voir un extrait

Rien de bien original jusque là. Aujourd’hui que sont revenus les temps mauvais, il suffit de faire un tour sous le périphérique au marché aux puces de Saint-Ouen pour avoir une idée de ce que Bob évoque.

Plus captivantes en revanche, les lignes que Giraud consacre à la pulsion de parure corporelle de ladite Nénette. Pulsion qui en fait presque la prêtresse d’un body art avant la lettre. «Les heures que [Nénette] ne consacre pas à la recherche et au tri de nouveaux haillons (…), elle les passe à faire et à refaire son maquillage». (…) «Un affreux plâtrage  dont le fond de teint est constitué par du Mercurochrome. Pour ses autres fards, Dieu seul sait dans quelles décharges publiques Nénette va en recueillir les ingrédients!».

Pouvoir de ce style ému mais précis du grand reporter littéraire! Giraud sait comme personne communiquer au lecteur sa fascination. Atteindre comme une balle le nœud du problème. Sans lui ôter de son mystère. «Nénette garde le secret du drame qui a dérangé sa cervelle».

Citons encore la relation de son jeu d’esquive facial: «De ce paquet de loques émerge le visage de Nénette, une face de gargouille peinturlurée où l’on ne remarque rien de ce que l’on regarde ordinairement : la couleur des yeux, la forme du nez, les dessins des lèvres…».

Les amoureux du vieux Paris, les amateurs de petits métiers insolites, ceux qui apprécient combien l’humanité et la créativité des gens du très-commun se dégagent du pittoresque, voudront lire ce recueil de chroniques nouvelles et néanmoins ressuscitées.

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Personne ne s’étonnera qu’il soit préfacé par Olivier Bailly. Ni qu’il soit édité par Le Dilettante qui ne cesse d’inscrire à son catalogue les Bob-sellers de l’«envoyé spécial au royaume de la nuit».

10.01.2013

Le voyage divers de Laurent Hasse

J’ai beau faire (ou ne pas faire), je reste une incomprise.

Prenez mon nom, c’est fou ce qu’on le charcute : «chère Anima» par ci, chère «Vague Hoola» par là (chez les surfeurs). Prenez mon titre, il est limpide! Pas de jours pourtant où l’on n’en restreigne la signification. Rives encore ça va mais dérives!

On croit toujours que je m’acharne sur ce qui cloche, que je stigmatise les déviations. Comme si l’art brut pouvait être une norme! Alors que ce soit une fois pour toute gravé dans le marbre : par dérives, j’entends aussi, j’entends surtout le passage hâtif à travers des ambiances variées. Point barre.

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Ces temps-ci comme naguère, on dérive dans sa tête et on dérive avec les pieds. C’est pourquoi je me suis dirigée d’emblée vers Le Lucernaire, attirée par Le Bonheur…, le film de Laurent Hasse.

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Question «ambiances variées», il s’y connaît, ce jeune réalisateur. Il a parcouru, 82 jours durant, une France d’hiver, pas trop vaillante mais où des gens aux accents différents s’efforcent quand même de «faire corps avec la vie». Laurent Hasse se sert de sa tête et de ses pieds à raison de 30 kms par jour. Sans laisser à l’une plus qu’aux autres le poste de commandement.

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Dans l’Aude, en Aveyron ou dans le Cantal, dans la Creuse, le Cher, sur les bords de la Loire, à Aubervilliers ou dans la Somme, il a emboîté le pas et la solitude de ceux qu’il a rencontré, qui lui ont offert un café, une place près de leur feu, de leurs souvenirs, de leurs regrets.

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«On ne s’improvise pas nomade, on le devient pas après pas» dit la belle voix off de ce témoin armé d’une caméra numérique et de la patience nécessaire pour laisser venir la parole de ses interlocuteurs.

 
Devant ces paysages gelés, ces panoramas ouverts, ces images de ponts suspendus qui rythment le temps au son de la guimbarde et alternent avec des entretiens cadrés dans une intimité libératoire, on pense naturellement au Sans toit ni loi ou aux Glaneurs et la glaneuse d’Agnès Varda. Et ce n’est pas mince compliment. Mais nulle fiction mêlée au documentaire et une interrogation récurrente plutôt qu’une fantaisie papillonnante. «C’est quoi, le bonheur pour vous?» cherche à savoir le réalisateur.

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Et le pâtissier, le soldat, la veuve, l’ornithologue, la fermière sans ferme de la Beauce agro-alimentaire finissent par lui communiquer leur conception de cette terre promise, seconde partie du titre de ce film. «Aucune idée» dit l’un, «être capable de se fabriquer de bonnes heures» dit l’autre. «Je cherche le calme», «c’est pas quelque chose d’universel», «le verre et le bonheur, ça casse très vite»… On imagine les quantités de rushes qu’il a fallu pour apprivoiser ces hommes, ces femmes, ce brouillard farouche, ce soleil timide qui caresse les grosses chaussures du marcheur.

paysage 2.jpgSoulignons le travail de Matthieu Augustin, le monteur. Les images sont limite japonisantes mais ce parti pris esthétique a de la grandeur : oh, les éoliennes! Pas le moindre patenteux parmi les personnages rencontrés. Encore qu’avec un bâtisseur qui ligature l’osier comme un oiseau avant de staffer, on n’en soit pas loin.


Sorti du coma où l’avait plongé une automobile qui l’avait renversé, Laurent Hasse s’est mis à marcher des Pyrénées orientales jusqu’à la mer du Nord, la mer toujours recommencée et son rire en ressac (dernière image).

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20.10.2012

Le Dépaysement : un tour de France

couv dépaysement.jpg C’est toujours pareil avec mes petites chroniques. Je cherche à dire des choses et puis je les trouve par hasard mieux exprimées ailleurs. Au fil de mes lectures désordonnées, je suis tombée (aïe !) sur un passage du livre de Jean-Christophe Bailly, Le Dépaysement, voyages en France qui vient de ressortir en édition de poche (Collection Points).


jean-christophe bailly,le dépaysementOn est dans la vallée de la Vézère et Jean-Christophe Bailly méandre un peu sur les mammouths, les Aurignachiens, les Magdalélions et les peintres caverneux qui vont avec. A propos de ces représentants de l’art paléolithique, il a ces phrases qui, je m’en avise, pourraient aussi bien concerner les créations de ce Joseph Courilleau dont je vous causais pas plus tard que dimanche dernier :

Joseph Courilleau

«Ces hommes avaient avec les bêtes – avec les mammifères en tout cas – des relations étroites qui relèvent, qu’on le veuille ou non, d’une intimité perdue : l’absolument différent (l’animal) était l’absolument intime – c’est lui l’animal, qui revenait dans la nuit humaine».


08.10.2012

Rendève avec Joinul au Dingoraminoir

Deux fois par an, j’ai des nouvelles de Joinul. Cet écrivain inclassable, sarcastique avec lui-même, énigmatique, persiste à dispenser ses bontés à celle qu’il appelle «Animula Volga».

couv navoujamé.jpgDe temps en temps il me fait une piqûre de rappel avec une de ses brochures réalisées avec le concours d’artistes : Federica Matta (voir ma note «sépulcrale» du 1er novembre 2011), JeCherryLaNuit pour des poèmes rouges et bleus intitulés na vou ja mé accompagnés de photomontages en surimpression.

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Je me tue à essayer de lire les dédicaces échevelées. Joinul écrit comme un toubib. Normal puisqu’il fut médecin dans une autre vie. Médecin-psychiatre même. Ce qui lui valut d’être le révélateur de 4 cas d’art brut. René Le Bedeau, François et, pour les plus importants, Emmanuel le Calligraphe, Pierre Jaïn. Ceux ksa intéressent trouveront tout ça dans les articles de Joinul parus dans les Publications de la Collection de l’Art Brut : fascicules 4, 8, 10, 16. En ce temps là, sous gouvernement thévozien, la CAB honorait ses sources.

joinul.jpgDrôle de médecin entre parenthèses, Pierre Maunoury alias Joinul qui partit en vrille en 1984 pour se consacrer corps et biens à la création littéraire et lettriste. Entré dans la carrière en novembre 1958. Jeune médecin-chef d’un hosto psy. S’en souvient encore, non sans malaise.

Ne l’appelez pas Docteur : «Univers d’aberration, encore plus asilaire que ceux fréquentés au cours de mes années d’internat». C’est que Pierre Maunoury a vécu la fin de ce monde fermé des institutions asilaires d’alors. De cette période où il s’usa le tempérament à mettre en place des lieux alternatifs, il a tiré en 1971 un livre hallucinant qui relate de l’intérieur la vie d’un hôpital psychiatrique : Dingoraminoir. C’est spécial!

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Cela fait penser au premier Prix Goncourt de 1903 : Force ennemie, le roman de John-Antoine Nau.

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Sauf que c’est écrit dans une langue plus délirante et calembourdesque et que Joinul mélange sans arrêt les personnages et le narrateur. On ne sait jamais si c’est un médecin ou un malade qui relate les extravagantes péripéties d’un quotidien aberrant. Fête à l’Art Sauvage, Graffiti sur ciment révélé par la salive, Statues fabriquées avec des dents, vocalisations : «A o iue e oi e oeau e ao», Jeu de la Libidoie, ex-votos de «fous du dimanche». Pour ne choisir que des exemples «artistiques».

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L’auteur, ami de Robert Tatin et de Jean Dubuffet, a lu Raymond Roussel. Il pousse celui-ci dans ses retranchements bouffons. Il se soucie comme d’une guigne de la lisibilité linéaire. A vous d’inventer vos chemins de traverse pour arpenter son opus. Dingoraminoir jusqu’à peu était introuvable. La première édition ayant été pilonnée à la demande de l’auteur : des collègues à lui s’en servaient pour torpiller ses efforts de réformes. Ce «roman rebelle» reparait chez L’Harmattan sous couverture ornée d’un collage «hourloupéen» de l’auteur sur morceaux de draps d’hôpital. Je soupçonne Joinul d’avoir un peu arrangé/augmenté le texte initial.

roger gentis.jpg Qui s’en plaindra?

Certainement pas Roger Gentis qui a donné ici à son ami Joinul une éclairante préface.

20:19 Publié dans Ecrits, Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre maunoury, joinul, john-antoine nau, prix goncourt | |  Imprimer | | Pin it! |

30.09.2012

Excentriques, entrez dans le Dansel

michel dansel.JPGGrand ménage aujourd’hui. Enterré sous une pile de coussins je retrouve Les Excentriques de Michel Dansel acheté au printemps dernier. Le genre de bouquin qu’on se promet de dévorer et puis… les yeux plus gros que le ventre! Je me souviens quand il est arrivé dans mon sweet home, je m’étais promis de consommer de A jusqu’à Z ses 830 pages. Quelques notices avalées en diagonale après, je me suis laissée emporter par d’autres aventures. La vie quoi! En fait c’est un ouvrage de référence qu’il faut attaquer par petits morceaux, un soir une notice, un soir une autre pour se distraire avant de s’endormir.

Il y a aussi les 37 cas d’excentriques anonymes, des considérations savantes sur la marge et les classifications et une anthologie de textes choisis pour illustrer la galerie de portraits. La densité des textes sur deux colonnes commandait la Collection Bouquins de chez Robert Laffont.

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Elle a l’avantage de stocker beaucoup mais ses volumes sont un peu mous à la main. N’était mon addiction aux versions papier, je kifferais bien Les Excentriques sur tablette si ça existait. Idéal pour lire au lit en évitant de réveiller son chéri qui pionce déjà! La catégorie des excentriques est large. Ce n’est que par moments qu’elle recoupe notre dada brutoïde.

Mais ces moments ont nom Jean-Pierre Brisset, Fulmen Cotton, Berbiguier de Carpentras, Ferdinand Cheval, Chomo, Henry Darger, Paulin Gagne, Raymond Isidore, Raymond Roussel. Une copieuse bibliographie ouvre des boulevards aux petits pisteurs de la curiosité. Entrez dans le Dansel!

23:35 Publié dans Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michel dansel, excentriques | |  Imprimer | | Pin it! |

29.09.2012

Gaston Chaissac : « LA SOUPE EST À CUIRE »

De loin, j’ai cru que c’était un livre de cuisine. Posé à plat sur la table d’une librairie de mon quartier où je contemplais d’un œil maussade les piles de madame Angot. Des livres de cuisine, j’en ai 243 au moins. Un plein placard de cuisine. Mais je m’en lasse jamais.

Alors quand j’ai lu sur la couverture couleur lentille claire : LA SOUPE EST À CUIRE en gros caractères, je me suis dit que ça tombait à pic vu la saison qui se rafraîchissait. Et puis il y avait cette petite tête de poireau triste dessinée dans le coin à droite.

Gaston Chaissac

En m’approchant, je compris mon erreur. «Mamma mia! mais c’est un nouveau Chaissac que j’ai devant moi», me dis-je. Il vient de paraître et on m’avait rien dit.

La Soupe est à cuire reprend les premiers mots de l’ouvrage qui n’est pas, comme on pourrait s’y attendre un recueil de lettres du grand soupier qu’était Gaston Chaissac. Des recueils de lettre du Gastounet, il y en a déjà des masses de parus. Mais là, c’est plus que ça, c’est mieux que ça.

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Les Editions Finitude qui ont publié 100 livres en 10 ans, émanant d’un tas d’auteurs au poil tels que Georges Darien, Eugène Dabit, Georges Perros, Henry Miller, Raymond Guérin, Henry David Thoreau, Robert-Louis Stevenson et Raphaël Sorin (voir ma note Produits d’entretien du 16.01.2006) ont eu la bonne idée de reproduire un livre unique fait à la main par le peintre de Sainte-Florence de l’Oie le 26 mais (sic) 1950.

Gaston Chaissac

Jean Dubuffet à qui il avait été adressé avait eu tout de suite envie d’en faire tirer 50 exemplaires mais en définitive le livre était resté inédit. Dubuffet, engagé lui-même, peu de temps avant, dans la réalisation de petits livres à la saveur rustique, ne marchande pas son admiration à Chaissac à propos de La Soupe est à cuire.

«Je mets cet ouvrage sur le plan des œuvres les plus précieuses que je connaisse au monde. Je trouve que cette œuvre de toi est ton œuvre maîtresse, une espèce de somme où tous les thèmes qui t’habitent se trouvent tous ensemble et d’un seul bloc projetés avec une force extrêmecitation.jpg

Collectionneurs, attention! Finitude n’a pas prévu, comme parfois, de tirage de luxe spécial. Cette édition qui restitue le manuscrit dessiné et calligraphié à la plume sur papier kraft ne s’éternisera cependant pas sur les rayons des libraires.

Toute basique qu’elle soit, elle est soignée et assortie d’une transcription typographique sur papier blanc ainsi que d’une préface de Dominique Brunet. Elle mérite donc de voisiner, pour ceux qui ont la chance de les posséder, avec Ler dla campane ou l’Histoire de l’aveugle.

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15:38 Publié dans De vous zamoi, Ecrits, Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gaston chaissac, jean dubuffet, editions finitude | |  Imprimer | | Pin it! |

17.07.2012

Imposteurs et farfelus à la BM de Cadenet

«En vacances on lit» me dit ma télé. Et votre petite âme errante d’applaudir à grand bruit! Alors mon odyssée luberonesque ne serait pas complète si je ne décernais pas mon prix spécial du jury à la Bibliothèque Municipale de Cadenet, la ville du petit Tambour d’Arcole.

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Merci à celle-ci pour sa clim, pour ses micros où je peux surfer sur les belles choses de la région, pour ses chaises bleues et jaunes et pour la qualité de son accueil. Non seulement le bibliothécaire a l’air d’aimer son métier mais il a lu ses livres. Et ça fait plaisir de voir les usagers de l’endroit qui viennent avec confiance lui demander des tuyaux.

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En plus il connaît Asphyxiante culture! Aussi ça ne m’a pas étonné que dans les choix que ce pro du bouquin collectif propose sur ses tables de consultation, se soient trouvées deux choses dignes d’intéresser la monomaniaque que je suis. Deux ouvrages qui avaient échappé –caramba– à la vigilance de mon blogounet d’amour et qui méritent pourtant d’être signalés.

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D’abord Les Plus grands farfelus français d’Hubert Delobette (2008) parce, dans sa galerie de 25 portraits, tous plus ou moins ébouriffants, il range Ferdinand Cheval et Chomo (qui n’aurait sans doute pas aimé être traité de «farfelu»).

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Ensuite Le Collectionneur d’impostures (2010) de Frédéric Rouvillois parce que je ne me lasse pas de lire l’histoire des 27.345 faux autographes littéraires et historiques fabriqués par Vrain-Lucas à l’usage d’un trop crédule savant de son temps.

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L’ouvrage qui se source visiblement à l’inénarrable Encyclopédie des farces et attrapes et des mystifications de François Caradec (1964) a le mérite d’être beaucoup plus léger pour lire au bord de la piscine (et oui, j’ai une piscine dans mon gîte rural) bien qu’il contienne environ 65 récits passionnants.

09.07.2012

Dans les pas de Louis Malachier, sculpteur et meunier

Suite à ma note précédente, 2 ou 3 choses encore sur le sculpteur-meunier de Lacoste. D'abord quelques images supplémentaires de ma «gargouille».

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Cette effrayante créature à tête de tortue, au dos batracien, doit sans doute sa conservation au fait qu'elle est compacte et lovée sur elle-même.

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Tient-elle une victime entre ses pattes? Difficile à dire mais on a, avec elle, une bonne idée de l'étrangeté qui devait émaner, pour ses contemporains, des œuvres de Louis Malachier.

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Du moins de certaines car il réalisait aussi des chevaux, des cavaliers, des paysans dansant, des bustes, des hommes barbus, des figures historiques ou allégoriques, tout un petit peuple de nourrices, gendarmes, pénitents, instituteurs etc.

art brut,louis malachier,evert lindfors,Pierre Deflaux,Yves Le Mahieu,LacosteDes centaines de pièces que Malachier exposait dans le jardin de sa maison en face du moulin, au dehors et dans un petit «musée secret», réservé à l'initiation aux choses de la vie pour les jeunes mariés. Ce qu'il en subsiste par ci par là dans la région est fortement érodé aujourd'hui.

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C'est que Malachier a eu la chance (et la malchance) de vivre près d'une carrière en exploitation qui lui fournissait une pierre tendre à travailler mais fragile.

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Autrement -je pèse mes mots- l'œuvre de Louis Malachier serait à mettre près de celles de l'abbé Fouré, du douanier Rousseau, du facteur Cheval.

malachier foyer rural.jpgMes lecteurs s'en convaincront facilement en se procurant auprès du Foyer Rural de Lacoste qui en est l'éditeur, un ouvrage de 180 pages, abondamment illustré et remarquablement documenté. Intitulé Louis Malachier, meunier et sculpteur 1823-1900, il synthétise plusieurs recherches, souvenirs et témoignages.

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Ceux d'Evert Lindfors qui a puisé à des sources orales, pris des photographies et publié dès 1973 sur le sujet dans Les Lettres nouvelles.

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Photo Lindfors

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Photo Lindfors

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Photo Lindfors

Ceux de Pierre Deflaux, descendant collatéral du meunier. Ceux d'Yves Le Mahieu qui a travaillé dans les archives départementales. Entre autres auteurs. Bibliographie, biographie, actes reproduits, rien ne manque.

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La couverture et plusieurs pages à l'intérieur reproduisent les dessins et portraits de Malachier en 1889 par le peintre (académique mais précis) Jules Laurens, également auteur d'une précieuse liste des œuvres du meunier. Celle-ci figure aussi dans l'ouvrage du Foyer Rural de Lacoste que les bonnes librairies des musées qui se consacrent à l'art brut (suivez mon regard!) proposeront, je l'espère, bientôt sur leurs rayons.

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13.03.2012

« Ecrivainer » à Contre-Courant

Bonus en vitesse à mon coup de projo précédent. Arrêtez tout et pointez votre radar vers la Collec de l’Art Brut de Lausanne parce que demain, mercredi 14 mars 2012, à 19 h, il y a la lecture-performance de Geneviève et de Mathias à l’occasion de la publication du bouquin de Vincent Capt à propos d’un fameux auteur d’écrits bruts : Samuel Daiber

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Ce monsieur suisse pratiquait la poterie et la peinture sur émail pour détruire ensuite ses œuvres soit-disant inspirées par Satan. La conviction de pouvoir arrêter les trams par la pensée, une tendance à mettre le feu aux vêtements de sa famille, d’autres bizarreries l’avaient conduit à l’internement permanent.

écrits bruts.pngMichel Thévoz explique tout ça dans Ecrits bruts, un recueil de 1979 (et ouais !!!). Il reproduit des lettres que Daiber écrivaient au directeur de l’asile, à ses parents et à tutti quanti pour réclamer sa liberté.

allio.JPGNotamment cette lettre du 9 janvier 1954 que Patricia Allio, passionnée de théâtre et d’art brut (voir ma note du 5. 02. 2006 : Jean Grard à l’abri) a mise en scène au Théâtre de la Roquette (75011) en 2008 dans un spectacle intitulé : sx.rx.RX au lieu de garder le silence, j’ai voixé.

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Auteur de plusieurs papiers et d’un doctorat sur les écrits bruts, Vincent Capt était tout à fait cap de nous pondre ce livre sur un langage si riche de néologismes «effrayantadiques». Il le publie, sous le titre Ecrivainer, la langue morcelée de Samuel Daiber, à l’enseigne de la CAB dans la Collection Contre-courant. Faudra voir à se le procurer!

Jean-Michel Adam, le dirlo de la thèse à Vincent, et Thévoz Michel ont donné un coup de main à la chose. Ils ont bien fait.