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29.11.2010

Bulletin, Tintamarre, Marabout, Bout de papier

Tout le monde les a eu entre les mains ces petits morceaux de poésie naturelle distribués à la sortie des métros dans les quartiers pas trop BCBG :


authentique sorcier détenteur de secrets

venus du fond des ages véritable

marabout une main

tendue à tous les désespérés celui qui saura quelque

soit le problèmes vous apportera une solution

 

tous vos Problèmes sur N’importe quel domaines Venez

le Consultez ou téléphonez il parle Parfaitement Français

il aiderez Travail Amour durable et sincère Affection

 

Heureusement que je viens d’arriver d’Afrique Médium

Africain je Travaille n’importe quelle difficultés même si

Vous avez du mal qui circule dans votre corps

 

Résout tous les problèmes sans exception

Défaillances mentales et sexuelles renforcement de

La clientèle chance amour, protextion contre

Les accidents réussites.

 

Aujourd’hui, la langue employée sur ces petits bristols imprimés a tendance à être plus disciplinée, la ponctuation est apparue et les robots-correcteurs réduisent les savoureux écarts orthographiques. cigares.jpegSubsiste encore un certain bonheur du coq-à-l’âne qui fait qu’on hésite à les jeter. Et puis ça sert à marquer la page de son polar quand on arrive à la station Stalingrad! Depuis des décennies que mon daddy les accumule dans une boîte de havanes, je n’ai vu personne en faire grand cas.

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Du moins sur le papier : je ne me suis pas lancée dans une grande enquête sur le web. A peine si, aux alentours de 1997, il s’est trouvé une Agence conseil en communication pour s’en inspirer (avec un esprit qui dénotait une certaine fréquentation de Dubuffet) et donner des «preuves fatales» de son savoir-faire.

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Aussi suis-je bien aise de vous signaler l’article de Joël Gayraud qui vient de paraître dans le n°16 (octobre 2010) de la revue Empreintes. D’abord parce qu’il est bien écrit et qu’il cite beaucoup et puis parce qu’il a le mérite d’envisager le phénomène dans son parcours historique.

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Joël Gayraud, qui ne se considère pas comme un collectionneur, s’est intéressé à ces messages de voyants depuis le printemps 1977. Sans forcer les choses, «par une simple collecte passive dictée par la curiosité», il a réuni plus de 2000 flyers maraboutiques, tous différents. Joli corpus pour une littérature à première vue si éphémère. Cerise sur le gâteau, l’article porte un titre clair et pas ronflant : Cartes de marabouts, une collection d’art populaire.

La revue Empreintes habite au 102 bd de la Villette à Paris 19e.

08:18 Publié dans Ecrits, Poésie naturelle, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : joël gayraud, marabout, revue empreintes | |  Imprimer | | Pin it! |

23.11.2010

La Collection particulière de Gérard Farasse

Comment résister à un livre quand sa couverture est ornée d’une photo prise dans le jardin de sculptures de Gabriel Albert à Nantillé?

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J’ai donc acheté chez Tschann, où je venais pour autre chose, le bouquin de Gérard Farasse tout frais pondu par le Temps Qu’il Fait, éditeur à Cognac. Collection particulière, c’est le titre de ce volume de textes littéraires en diable mais de langue limpide. chez audebert.JPGIl administre la preuve par l’image que les Charentes ont bel et bien ouvert un œil sur l’œuvre de ce rêveur de campagne qui n’en finit pas d’attendre l’autobus de la patrimonialisation au carrefour de Chez Audebert.

Georges Monti, le photographe, s’est mis à genoux devant pour prendre en contre-plongée la galerie circulaire de bustes souriants. C’est avec le même respect et le même sens du témoignage que l’écrivain s’est approché, de biais, des tapisseries de Jules Leclercq qui, elles, sont à l’abri.

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Le premier texte de son recueil (qui traite de tableaux, de photos de famille, de cartes postales jaunies, de vieilles pubs, de baba au rhum, de souvenirs, de mots rares et de correspondances naïves) leur est consacré.

Avec une sorte d’humilité poétique qui magnifie vachement ses sujets sans se départir d’un sens aigü de l’observation, Gérard Farasse touche au cœur de la question hautement paradoxale de la conservation de l’art brut.

Selon lui, Jules Leclercq, avec ses tapisseries, avait su se ménager «une chambre secète» dans l’hôpital de briques où il résidait. Farasse en conclut que Leclercq «n’aurait pas aimé, on le suppose, que n’importe qui puisse y pénétrer et qu’on expose à tous les yeux, comme aujourd’hui, ces œuvres de survie».

Cette pertinente remarque, quand on l’a lu, trotte dans le ciboulot. Raison de plus pour lire Collection particulière.

21.11.2010

Fous à lier, fous à lire

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Même si vous êtes dans le droit fil et que vous ne yoyotez jamais de la touffe, vous raffolerez d’apprendre que les fous se portent bien. Les fous littéraires s’entend. On n’a que des bonnes nouvelles à leur sujet en ce moment. Jamais catégorie n’a été autant gâtée que les F.L.

On dirait que les prises de chou, les excentricités de pensée et les théories fumeuses stimulent les taxinomistes. Rien qu’au XIXe siècle, on peu citer un tas de gus : Charles Nodier,

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Octave Delepierre, Gustave Brunet sous le pseudonyme croquignolet de Philomneste Junior, Louis Greil, Charles Monselet  charles monselet.jpg

Quant au XXe, il se propulse au royaume de Madopolis au moyens de deux locomotives. Raymond Queneau qui laissa en plan Les Enfants du limon, le roman où il avait investi ses recherches sur la question

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Raymond Queneau chez Raymond Isidore en 1974 ®

et André Blavier qui prolongea ses travaux.

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Le Blavier, c’est pour ainsi dire la Bible des Fous littéraires. Il faut avoir les deux éditions parues chez l’héroïque Henri Veyrier (qui essuya les plâtres en 1982) et aux Editions des Cendres en 2000 pour la version «considérablement augmentée» sur papier Bible justement. fous litteraires blavier bleu.jpgles fous litteraires André Blavier rose.jpg Et maintenant, car c’est l’objet de ma note d’aujourd’hui, va falloir vous procurer Graines de folie, le Supplément aux Fous littéraires d’André Blavier qui va paraître incessamment sous peu aux éditions Anagrammes à Perros-Guirrec.

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Dans le genre, vous seriez nuls aussi de pas vous jeter sur le petit dernier de la Collection Gens singuliersqui sort chez Plein Chant.

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D’abord parce que c’est Plein Chant et puis parce que ce livre de Paule Adamy éclaire La Vie et les griffonnages de François Grille (1782-1853), un fou littéraire sur lequel Gérard Oberlé avait dès 1985 attiré l’attention dans son catalogue historique intitulé Fous à lier (lire), fous à relier (relire) publié par sa librairie du Manoir de Pron.

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Paule Adamy cite Oberlé au début de son ouvrage. Elle le fait avec le ton objectif, raisonnable et pour tout dire un peu scrogneugneu que beaucoup de chercheurs se croient obligés d’adopter face à un effet de style. Ce n’est pas sans raisons mais c’est un peu rasoir. Adamy croit qu’Oberlé s’est égaré dans sa notice à propos des relations épistolaires de Grille avec un autre allumé dénommé Van Den Zande. Elle ne semble pas comprendre qu’il donne simplement du relief à son propos pour que son lecteur n’aille pas se pendre d’ennui.

Citons la prose oberléenne «un jour (Barbier) offrit à Grille un exemplaire des Fanfreluches de Van den Zande. Grille riposta par l’envoi de ses Fables et ce fut le point de départ d’une invraisemblable correspondance poétique qui passa par tous les stades de la folie amoureuse : simple flirt et politesses échangées, promesses de s’aller voir, joutes poétiques, badinages mais jamais de rencontre».
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C’est peut-être un peu désinvolte mais que voulez-vous, chère Paule A, moi je trouve ça poilant!

 Avant de développer la carrière d’écrivain que l’on sait, Gérard Oberlé a été un grand rénovateur de la fiche bibliographique. Il a tiré celle-ci des abîmes soporifiques où elle végétait.

Ce serait dommage de ne pas s’en rendre compte.

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03.10.2010

Regards d’automne

bourriche-belon.jpgBellon, Bellon, Bellon, «à ce prix là, vous m’en mettrez une bourriche!».

C’est ce que vous pouvez dire à votre soldeur si, comme moi vous avez la chance de croiser sa librairie en allant acheter votre salade.salade_verte.jpg

Franchement, ce serait bête de se priver de ce bô bouquin d’Eric le Roy sur la photographe Denise Bellon(1902-1999) qui fut proche du Mouv Surr. Quand il est sorti en 2004 aux Editions de la Martinière, il coûtait plutôt bonbon (55 €), ce qui n’est pas choquant pour un album de cette qualité, reproduisant je ne sais combien de photos avec des entrelardages biographiques, éclairants mais pas pesants.

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Aujourd’hui, il en arrive un petit stock sur le marché et vous pouvez vous en goinfrer sans mettre en péril votre budget d’étudiant ou de retraité de plus de 67 ans.

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Cela tombe pile pour la dernière ligne droite (jusqu’au 18 octobre 2010) de l’expo Denise Bellon, Regards d’artistes sur le quai de la station St-Germain-des-prés.

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Avec Denise Bellon, on entre dans une famille comprenant la comédienne Loleh, la réalisatrice Yannick (ses filles) et Jaime Semprun (fils de Loleh) qui vient de disparaître et qui fut l’âme de L’Encyclopédie des nuisances, «seul surgeon vivace» de l’aventure situ, selon l’article nécro de Jean-Luc Porquet dans Le Canard enchaîné du 11 août 2010.

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Denise Bellon, son chemin croisa, au gré des reportages, une mariée gitane, de pauvres petites putes du quartier «réservé» de Casablanca, une danseuse de Côte d’Ivoire aussi bien que Salvador Dali, Marcel Duchamp, Joan Miro. Elle est aussi la belle sœur du cinéaste Jacques Brunius (voir mon post du 10 septembre 2005 : Violons d’Ingres). C’est surtout à ce titre qu’elle m’intéresse, obsédée par mon petit bout de lorgnette brute que je suis. Parce qu’elle a réalisé une centaine de clichés du Palais idéal du facteur Cheval en préparation du film de Jacques Brunius sur celui-ci. Cela se passait en 1936 et ses images, «largement publiées, contribueront à la notoriété du lieu». Vous en trouverez deux dans l’ouvrage d’Eric Le Roy. Je vous les reproduit pas pour vous inciter à l’acheter.

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Comme il me reste un peu de place, j’en profite pour zoomer sur un livre d’un certain Christian Colas qui vient de sortir chez Parigramme. Intitulé : Paris graffiti, les marques secrètes de l’histoire, il nous offre pour pas cher (14 €) quantité de repros d’écrits furtifs et de figurations spontanées chinés dans des recoins-coins obscurs de la capitale.

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Certains sont très anciens. Tous témoignent d’un besoin impérieux d’expression populaire, voire d’une pulsion artistique sincère qui se donne d’autant mieux libre cours qu’elle s’exerce en catimini. Attention : beaucoup de ces graffiti sont coton à prendre et il ne faut pas toujours s’attendre à une grande netteté de lecture mais l’auteur-photographe a rudement bien fait de ne pas écarter le diaphane au profit du pittoresque.

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Dernière minute : vous vous souvenez du post Akkisuitok, Gérard Cambon dont votre petite âme errante vous avait régalé le 16 mars 2010? Et bien, voici que Regard, la petite revue d’art de Marie Morel consacre son n°109 (sept. 2010) à cet artiste chouchouté par la Galerie Soulié.

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20.04.2010

L’Art brut, un fantasme de peintre

Retour aux fondamentaux. Art brut, Art brut et encore Art brut. «L'Art brut c'est l'art brut et tout le monde...» n'a peut-être pas très bien compris. C'est pour ça qu'on n'arrête pas d'écrire des livres sur le sujet. Le dernier en date c'est celui de Céline Delavaux paru à la Palette. Non, pas le bistrot de la rue de Seine. Palette l'éditeur. L'Art brut, un fantasme de peintre que ça s'intitule. Et ça se sous-titre : Jean Dubuffet et les enjeux d'un discours, vu que cet assez gros bouquin (350 pages) «est issu de la thèse de doctorat»  de l'auteur «sur les écrits de Jean Dubuffet».

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Je guillemette parce que j'emprunte ces lignes à la 4e de couv qui nous signale aussi : «Révéler la force poétique du concept d'art brut et l'évidence de la valeur littéraire de l'écrit de peintre : tel est l'enjeu de cet essai». «Concept», «valeur littéraire», moi ça me va. Même si, en l'absence d'illustrations c'est forcément un peu austère. Si les volcans ne s'étaient pas mis en travers, j'aurais certainement dépassé la page 63 marquée par ma carte d'embarquement. Mais la lecture n'est pas vraiment permise aux pauvres rescapées de l'espace. Allez donc vous concentrer en attendant que la poussière retombe et que votre avion décolle!

Non que le livre de Céline Delavaux soit difficile à lire. Il est écrit dans une langue limpide et pourvu de belles marges que j'ai commencé à couvrir de repères au crayon. Mais retrouvez donc votre crayon quand vous revenez de Chateauroux dans un train plein comme un œuf! C'est de ma faute aussi, j'ai trop eu la bougeotte ces temps-ci. Pourtant j'avais bien commencé puisque Céline m'avait dédicacé son travail (Pour Ani «dont je trouve la verve ...») quand nous nous sommes rencontrées le 25 mars 2010 à la journée d'étude de Dijon sur laquelle Aurelie Linxe, jeune et efficace doctorante en muséologie saupoudrait sa bonne volonté et sa bonne humeur réunies. Et oui, j'y étais en chair et en os à ce colloque, aux côtés de Mr Baptiste Brun qui roule si finement sa cigarette d'après le repas et de Mr Bruno Decharme dans la collection duquel l'éditeur de C.D. a emprunté son image inaugurale.

Et puis, je suis partie sur les routes de Corse et je me suis contentée de rôder autour des 1000 petits accès ménagés par Céline pour entrer dans son livre : index des auteurs et des notions (le rêve!), bibliographie (15 pages!), tables des matières super-chiadée, préface de Gérard Dessons, notes en bas de pages (et pas au diable vauvert).

Dans les limites qui sont celles d'un blogounet comme le mien, il est exclu que je vous décortique en détail un aussi scientifique bouquin qui va s'imposer comme un instrument de travail incontournable pour les initiés. l'art brut lucienne peiry.jpg

Et comme un état de la réflexion actuelle qui va prendre le relais 13 ans après le L'Art brut de la citoyenne Lucienne Peiry.

Il faut donc que je me pose pour lire à fond le Céline Delavaux nouveau.

Vous aussi, naturellement.

23:52 Publié dans Ecrits, Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, céline delavaux, lucienne peiry | |  Imprimer | | Pin it! |

07.02.2010

Alain Gheerbrant, L’Homme troué

Rencontrer Alain Gheerbrant, je croyais pas ça possible alors j'ai rien préparé. Ma foi, tant pis, faut quand même que je vous dise que cet homme aux multiples casquettes (écrivain, éditeur, explorateur, cinéaste), fidèle toujours à la poésie, vous attend mardi 9 février 2010 à la Maison de l'Amérique latine, 217 bd St-Germain.

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Venez à 18 h 30 pour la présentation de L'Homme troué, le récent livre de cet aventurier nonagénaire qui fit ami-ami avec les indiens Yanomami et Antonin Artaud dans les années cinquante, publia Arp et Benjamin Péret et -c'est surtout en quoi il intéresse les Animuliens- découvrit la «poésie naturelle» avec le peintre Camille Bryen à peu près au moment où Jean Dubuffet inventait «l'art brut».

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Gheerbrant et Bryen en firent en 1949 une Anthologie qu'on a d'autant plus de plaisir à mettre sur ses rayons qu'elle est illustrée de photos de Brassaï représentant des vitres cassées et des lèpres de murs. Ce qui les cassait aussi, les vitres, c'était les drôles de textes réunis là dedans. Gaston Chaissac, le Facteur Cheval, le Douanier Rousseau, des «fous littéraires» (Auguste Boncors, Jean-Pierre Brisset), une médium-peintre (Hélène Smith).

Et puis des sortes de ready-made de l'écrit : liste de machines extraites d'un annuaire professionnel, prospectus d'un magasin d'articles de pêche, selon le principe que la poésie «pousse comme les truffes»

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la transversale.jpgcomme dit Alain Gheerbrant dans La Transversale, ses mémoires parus en 1995.

 

Je vous offre ci-joint un exemple de ces ready-made : le bonus jaune qui ne figure que dans la version luxe (sur beau papier) de L'Anthologie de la poésie naturelle.

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Sur le cousinage des deux notions (Art brut/Poésie naturelle) , aux développements pourtant séparés, il faut lire l'entretien que Gheerbrant a donné il y a 10 ans au gros bouquin coédité par Actes Sud et abcd, intitulé : abcd une collection d'art brut. C'est aux pages 336 à 338.

Pour le reste, la vie d'Alain Gheerbrant est trop riche, je saurais pas par quel bout commencer.

Sans compter tout ce qu'il va faire encore. Je suis obligée de renoncer, excusez mais ce n'est qu'hier que j'ai trouvé le flyer annonçant la soirée à la Maison de l'Amérique latine en fouinant à la Librairie Gallimard, partenaire de l'événement.

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Si vous voulez en savoir davantage, allez sur le site de Sabine Wespieser, l'éditeur de L'Homme troué. Mardi soir, elle tiendra compagnie, avec Raphaël Sorin (celui du blogue Lettres ouvertes), à Alain Gheerbrandt.

25.10.2009

L'Aube se lève pour l'art brut

André Breton, des fois tu me vénères avec ta façon de poser pour la gloire sur les photos. On dirait une statue du Commandeur et le marbre c'est froid. Aussi, faut-il saluer l'Aube, ta fille, qui a donné le feu vert à ces messieurs Gallimard pour la publication des lettres que tu lui as écrites entre 1938 (elle avait 2 ans) et mai 1966 (4 mois avant ta disparition). Tu l'appelles «ma jaguarine», «ma petite papillonne», «mon petit lion d'or» et c'est grave beau. Pour elle, tu signes Ada, ce tendre compromis d'André et de papa qu'elle a inventé ton Aube chérie.

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Et toi qui proclamait en 1928, dans l'enquête des surréalistes sur la sexualité, ton opposition farouche à la paternité («si cela m'arrivait malgré tout je m'arrangerais pour ne jamais le voir. L'Assistance publique a du bon») te voilà 10 ans après qui fond de partout. Et c'est très bon parce que tu sais le faire avec les ressources de ta poésie à toi : «je te serre de tout le lierre du monde». Te voilà soudain loin de cette image de «pape» qu'on te colle souvent sous les pieds comme une peau de banane.

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Tu restes un écrivain mais tu es aussi un père qui voudrait que sa fille soit bonne en classe, qu'elle ne manque pas de cadeaux pour son anniversaire, qu'elle soit assez gentille pour écrire à son grand-père. Tu lui demande des nouvelles de son petit chien. Tu la recommandes à ceux que tu aimes : Elisa, Dora, Benjamin et tu lui parles comme à une grande de ce qui te tient à cœur sur le moment. Par exemple : cet almanach d'«art brut» auquel tu travailles ce 12 octobre 1948 : «Tu te demandes peut-être ce que ça peut être que l'art brut ? Cela groupe tous les tableaux et objets que font quelquefois des gens qui ne sont pas artistes : par exemple un plombier zingueur, un jardinier, un charcutier, un fou, etc. C'est extrêmement intéressant».

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Bref, tu existes ! Tu n'es plus André Breton, le septembriseur mais un brave type qui a oublié son chapeau de paille et qui en as besoin pour bricoler autour de sa maison de Saint-Cirq-Lapopie. Et ça te va peut-être mieux au teint qu'une libellule sur le front ou que l'aigrette de vent aux tempes. Cela nous rappelle que quelque part tu es notre petit Ada à toutes (n'en déplaise à mon daddy perso).

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14:45 Publié dans Ecrits, Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : art brut, andré breton, aube breton-elleouet, st cirq lapopie | |  Imprimer | | Pin it! |

08.10.2009

L’Art sans le savoir

Céline Delavaux, votre petite âme errante vous a déjà parlé de cette madame-là à propos du Plancher de Jeannot. Le 25 novembre 2007. Secrétaire de rédac de la revue Cassandre qu'elle est. Les rapports de l'art, de la folie, de la littérature : voilà son chantier de fouilles. Elle vient de publier en août 2009, aux Editions Palette, un bouquin pour les enfants qui est presque trop beau pour être mis entre les petites mains pleines de pâte à tartiner. Surtout qu'à mon avis c'est autant aux «grands commençants» qu'il s'adresse. Une supposition que vous ayez été élevé(e) dans du coton, que vous ayez été nourri(e) à la mamelle de la Joconde mais que, rassasié(e) de la Culture culturante, vous cherchiez à savoir qu'est-ce que c'est que cet «art brut» dont on vous chante tant et tant... Et bien c'est par ce bouquin-là que vous devez commencer.

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Cela vaut tout les digest, toutes les introductions, les vulgarisations, les résumés et autres «partons à la découverte». Justement parce que ça ne veut pas tout dire. Seulement quelques exemples et deux ou trois choses essentielles mais exprimées sans vouloir faire Prix Nobel qui se met à la portée des pauvres noix de base. Exprimés dans une langue claire surtout. Avec des phrases françaises et des mots pas fiers qui prouvent qu'on peut faire court et précis sans faire débile pour autant. Donc, si vous m'en croyez, mignonnes perdrix de l'année et vous nouveaux Animuliens fraîchement tombés dans le bocal, lisez ce : L'Art brut, tout simplement sous-titré L'art sans le savoir.

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Accrochez-vous aux branches des têtes de pages : Des peintres qui entendent des voix, Un art clandestin et solitaire, Au delà du bricolage du dimanche..., Il n'y a pas d'âge pour créer, Les pouvoirs magiques du langage. Beaucoup d'images en couleurs, de la typo sage mais pas trop. Quant au texte, je vous le répète, c'est pas de la daube dans le genre je vous emballe en douceur des notions difficiles. Pour preuve, cet échantillon : «Pour les artistes bruts, le langage ne se réduit pas à un simple instrument pour communiquer. Avec eux, la langue et l'écriture gagnent une valeur de code secret». Putain, exactement ce que j'allais dire !

23.09.2009

Arts de l’enfance, enfances de l’art

Arts de l'enfance, enfances de l'art : le nouveau Gradhiva est arrivé. J'ai traversé «la jungle» pour aller le chercher. Non celle de Calais où l'on bouscule le pauvre Tiers Monde mais celle du Musée du Quai Branly «là où dialoguent les cultures». La jungle du Quai Branly est un jardin touffu où l'on entend feuler, barrir et cui-cuiter.

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Elle mène directo à la librairie du musée où pour la somme de 22 € TTC, je me suis offert le n°9 de chez Gradhiva (avec une H), revue créée par Jean Jamin et Michel Leiris. C'est dire si c'est du sérieux! Un peu trop pour moi peut-être. Mais c'est une belle bête, cette revue. Textes trapus mais typo lisible. Des biblios, et des images super. Et puis ça faisait un moment que je l'attendais ce 9.

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Exactement depuis que j'avais été parachutée dans le séminaire de Daniel Fabre (voir ma note du 20 novembre 2006, Les enfants du Traouc del Calel). D.F. c'est lui qui est aux manettes de ce Gradhi là. Dans sa présentation, il se creuse les méninges à propos de l'art moderne qui n'a cessé de faire bouger ses limites en incluant «l'autre de l'art» dans son espace. Il se demande comment on est en venu à étudier les productions des enfants. Le reste du menu comprend une entrée (Les enfants de l'art), un plat de résistance (Œuvre de l'art et objet de science : le dessin d'enfant), un dessert (Ethnologues sur le terrain de l'enfance). Aux fourneaux, divers chefs de cuisine : Emmanuel Pernoud, Pierre Georget, Michèle Coquet, Franck Beuvier, Earl Barnes, René Baldy, Eric Jolly.

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J'ai déjà parlé en nov. 2006 des dessins des petits mineurs du Moyen-âge. Mais il est passionnant aussi de constater que les libres dessins de nos chers moutards avaient fait l'objet de centaines d'expos à travers le monde entre 1890 et 1915.

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Suivre le travail de Corrado Ricci en Californie sur des milliers de dessins d'enfants n'est pas mal non plus. Le bouquin (car c'en est un) reproduit une tapée de crobarts, graffiti et peintures de nos chères têtes blondes.

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Il les mélange avec des repros de tableaux divers où les artistes ont fait figurer des dessins d'enfants. Cette recherche icono commande le respect et il y a vraiment des trucs à découvrir.

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David Allan, Le génie inculte (1775) - détail - National Gallery of Scotland, Edimbourg
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Gravure de Trichon d'après Evariste Carpentier (vers 1890) - détail - Musée national de l'Education, Rouen

Rubrique ethno, on reste scotchée devant les dessins «indigènes» glanés par Thérèse Rivière chez les Ath Abderrahman Kebèche de l'Aurès lors d'une mission en 1935-1936.

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Comme il y a des résumés en bilingue français/anglais, je vous le fais dans la langue de Lady Di : «Drawn in ink by boys and adult men, they reproduce scenes from daily and ceremonial life or derived from the religious graphic repertoire intented to illustrate the Koran and for therapeutic formulae».

Toutes les illustrations sont extraites de l'ouvrage

09.06.2009

Eric Dussert Fabrique des Icebergs

an 1.JPGPair, Impaire et manque. J'ai du mal avec les anniversaires. Aussi ai-je étourdimulement manqué celui de la Galerie Impaire. Un premier anni pourtant, ça aurait du marquer votre Ani! D'autant que la soirée du 5 juin, rue de Lancry, était sous le signe de 2 icônes.
Du côté américain, un certain George. A la veille de la visite d'un certain Barack sur les plages de la liberté en Normandie, c'était tout indiqué un Washington. Du côté français, pouvait-on mieux choisir que de choisir la Parisienne la plus people, quoiqu'un peu italienne sur les bords. J'ai nommé ... (non, pas celle-là !) Mona Lisa.

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Mona et George,

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George et Mona,

idéales figures tutélaires pour l'an 1 d'une Galerie américano-française. Un doigt de Bourbon, un doigt de Beaujolais, un doigt de Cinzano. Et un peintre pour mélanger un peu tout ça. Ike Morgan dont on pouvait voir les œuvres ce soir-là, le temps d'un vernissage exeptionnel, est du genre à s'acharner sur ces deux-là : Washington et Lisa.

ike et mona.JPG

Du moins sur leurs images. Du fin fond de son atelier du Texas (en fait son hosto psy où il vit depuis pas mal de temps), il travaille dur à créer des tableaux à la ressemblance acérée et lacérée.

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Allez pour en savoir plus et hissez vous ici pour visionner les photos de la teuf impairiale. Vous y reconnaitrez plusieurs Animuliens et Liennes dans l'assistance. Donc tout baigne.

Et si vous préférez une personnalité qui soit à la fois parigote et yankee, tournez vous vers Benjamin Franklin qui donnait la parole aux mouches.
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Eric Dussert vient de postfacer, dans la Collection des Mille et une nuits, un recueil de ses Bagatelles, malicieux et philosophiques petits textes que l'ambassadeur Franklin imprimait lui-même et distribuait à ses amis de Passy et à la veuve Helvétius dont il était amoureux. invit OT.jpg
Voilà encore que je perds mon sujet de vue.
Et bien non puisque vous retrouverez Eric Dussert à l'Objet Trouvé, une autre Galerie de votre connaissance, le vendredi 12 juin 2009.
Qu'est qu'il y fabrique? Mais des icebergs, bien entendu.
Des icebergs on en a bien besoin.
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