26.03.2012
J.D.J. ouvre l’œil
Iris Clert dans la Gazette de l’Hôtel Drouot, forcément ça fait tilt. Surtout si son portrait est l’œuvre de Gaston Chaissac qu’elle exposa dans sa galerie au beau temps du pop.
Aujourd’hui, ce qui fait boum c’est la vente publique où figurera samedi 31 mars 2012 cette gouache-missive réalisée au verso de dessins d’enfants.
Je dis «boum» parce que cette vente intitulée L’œil de J.D.J est incontestablement l’événement de la semaine pour ne pas dire plus. Les petits détectives ne devraient pas avoir trop de mal à deviner le nom de celui qui se présente sous ces initiales. Laissons lui l’avantage de cet anonymat qu’il partage d’ailleurs avec un des dessinateurs représentés dans le catalogue : Dominique le tricoteur, pour ne pas le nommer.
Le catalogue qu’on peut feuilleter sur le site du commissaire-priseur C.J.D. (Christophe Joron-Derem) profile de cette manière ledit J.D.J. : «historien d’art passionné, commissaire d’expositions, a conseillé pendant plus de 30 ans un groupe de collectionneurs». L’ensemble d’œuvres de la vente qui comprend de très beaux Macréau
un Scottie qui fait peur tellement il est sublime de mystère
des Nitkowski très bien choisis, un Aloïse pas banal, des Boix-Vives qui se laissent super bien regarder et des Chaissac que je mettrais volontiers dans ma cambuse) provient de ces collections particulières.
La démarche me rappelle celle de La Peau de l’Ours, cette asso de collectionneurs qui, au début du 20esiècle, s’étaient constitué un joli stock de cubistes, nabis et autres fauves pour s’en délecter un certain temps avant que celui du business soit venu.
Sauf que là c’est plutôt aux frontières de l’art brut, sur les terres de la Figuration narrative, de l’Art naïf et de la grande Singularité inclassable que cette éphémère collection a été constituée avec Patience et Circonspection, petites sœurs d’un goût très sûr. Evidemment, il vaudra mieux être thuné samedi si vous voulez vous aligner car m’est avis qu’il y aura de la concurrence. Mais comme c’est la fin du mois, vous aurez touché vos petits sous. D’ailleurs, l’étude est bonne fille et certains lots sont loin d’être inaccessibles pour qui veut absolument repartir avec un petit souvenir de la vente. De belles photos de Chaissac prises en 1962 par la journaliste Renée Boullier sont estimées ainsi dans les 300/600 zorros. Cliquez bien sur «Lire la suite» quand vous consulterez les descriptions des 57 lots proposés à votre rapacité. Cela vaut le détour.
Surtout la première, un autoportrait d’Alexandre Lobanov. Pour la bonne raison que c’est là que vous trouverez l’avant-propos (assez touffu car à plusieurs voix) de la vente. Je vous recommande surtout la partie centrale, bien torchée car philosophique et onirique. Cette réflexion-méditation sur l’œil et le regard, qui cite J.-B. Pontalis et Roland Barthes, est due à un jeune chercheur du nom d’Olivier Jacquemond. Bon, je vous ai mis les points sur les i alors maintenant, tous à l’expo, tous à la vacation!
23:49 Publié dans art brut, Encans, Gazettes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, iris clert, gaston chaissac, michel macréau, scottie wilson, anselme boix-vives, la peau de l'ours, alexandre lobanov, olivier jacquemond | | Imprimer | | |
23.03.2012
DRAWING NOW, Dan Miller à Paris
On m’écrit de New York. Les magnolias sont en fleurs.
Ici, le printemps fait ce qu’il peut mais il a du sang sur la tête et cela plombe l’atmosphère. Je me réfugie dans le rêve. Dans un paysage vert et vallonné qui fait penser à une Suisse normande quelque peu américaine, je roule en dormant derrière un cycliste coiffé d’un casque tout blanc. «Dan Miller!» me dis-je, en ouvrant les yeux parce que suis pas en avance vu qu’il est déjà 8h.
Dan Miller, vous savez, c’est ce peintre-dessinateur qui tresse les lettres de l’alphabet et superpose les lignes de mots en échappement libre pour aboutir à des sortes de mille-feuilles graphico-insignificatoire.
Il fait partie des 5 d’Oakland dont je vous ai parlé, il y a 5 ans, dans ma note Montreuil California. Dan Miller, dont la tête est toujours protégée parce que l’épilepsie dont il souffre risque de le faire chuter, fréquente le Creative Growth Art Center.
Celui-ci exposera pour la première fois au salon du dessin contemporain qui se tiendra au Carrousel du Louvre du 28 mars au 1er avril (ce n’est pas une blague!). Trois de ses vedettes au programme : Donald Mitchell, Dwight Macintosh et… Dan Mimi himself.
On conçoit que pour le creative Growth la semaine prochaine sera très excitante puisqu’un autre événement majeur se profile pour lui, relativement à Dan Miller encore. Il s’agit de l’expo à la galerie parisienne Christian Berst qui sera vernissée samedi 24 mars 2012 de 16 à 20 h, entre le goûter et l’apéritif.
Le message-annonce du CGAC ne dit pas si les viennoiseries et les cacahuettes seront au rendez-vous. Cependant je le cite : «Dan Miller’s first solo show in France, Graphein, wild be held at the prestigious art brut gallery, Galerie Christian Berst. The title of the show is greek for «mark-making» or writing/painting and perfectly depicts Miller’s tireless creativity-superimposing considerable layers of writing to the point abstraction».
Quasi dans les mêmes heures, au fond de la cour et au 2e étage du 50 rue d’Hauteville dans le 75010, on fêtera la sortie du nouveau numéro de la revue Area : Artiste, un métier ?
La revue d’Alin Avila s’interroge «sur le statut de l’artiste et son rôle dans la société».
Cela a son charme aussi.
En se démerdant bien on peut facilement se faire les deux vernissages, pas si éloignés sur Google maps.
23:48 Publié dans Ailleurs, art brut, Expos, Miscellanées | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, galerie christian berst, daniel miller, creative growth art center, salon du dessin contemporain, revue area, alin avila | | Imprimer | | |
17.03.2012
La Chine et la Corée exposent leur « art brut »
Vous connaissez le Nanjing Natural Art Center?
Et le Korea Art Brut de Séoul?
Et bien moi non plus!
Je viens de découvrir en bidouillant sur le net que le premier était une institution chinoise toute récente (novembre 2011), dédiée –paraît-il– à l’art brut et située à Jiang Xin Zhou (du diable si je sais où c’est).
œuvre de Monsieur Li
Le second est un organisme social créé en 2008 et dirigé par un Professeur du nom de Tongwon Kim, auteur d’un livre sur l’Art brut coréen dont j’ignore tout.
Tous deux «à but non lucratif», le NNAC et le KABS ont pour mission d’encourager la création de personnes mentalement différentes des pékins ordinaires que nous sommes et de suspendre des passerelles entre les premières et les seconds.
Pour la première fois chez nous, des œuvres provenant des collections de ces deux centres vont être exposées du 19 au 30 mars à Lyon. Et dans 3 lieux, svp! L’Alliance Française où aura lieu le vernissage le 19 mars à 20 h, la Mairie du 7e et la Bibliothèque U Chevreul.
Ceci à l’initiative d’un Collectif des mardis bruts, réunion de 9 étudiants (ça me rappelle quelque chose) de l’Université Lumière Lyon II, originaires de 6 pays différents dont la Chine et la Corée du Sud of course. Ce sera le premier bal du Lybr, autrement dit Lyon brut. Le soir de l’inauguration, une Table ronde, modérée par le chevalier Baptiste Brun, planchera vers les 18h30 sur la diffusion de l’Art brut au delà de l’occident.
Quelques jours plus tard, on retrouvera Monsieur Brun, plus du tout lyonnais mais dijonnais. Cet homme passe autant de temps dans le TGV qu’un preux du Cycle arthurien sur son palefroi! Il officiera de bon matin le mardi 27 mars 2012 à la Nef de Dijon, place du Théâtre. Son intervention intitulée Du Populaire au Brut s’insérera (et ri et ra) dans une Journée d’étude sous l’égide de la Biennale organisée par l’asso Itinéraires Singuliers.
Consultez le programme pour zyeuter les noms des intervenants parmi lesquels j’ai noté au vol : Denis Humbert de Laduz, Bruno Gérard de La Pommeraye, Karine Fol of Bruxelles et Barbara Safarova(bcd) de Paris.
J’avoue qu’à la lecture de l’intitulé de la journée : «Brut, populaire, contemporain : faites vos jeux!». Penser l’art hors catégories, j’ai failli grimper dans les tours.
Je fulminais toute seule devant mon kir bien frais (apéritif d’ambiance) que, nom d’une Hourloupe, l’art brut ne pouvait pas être réduit à une vulgaire catégorie comme les autres. Que c’était un concept, une philosophie, une rage de vivre. Et patati et patata.
Mais le soufflé est retombé très vite à la lecture du préambule, probablement inspiré par Céline Delavaux, une des têtes pensantes de ce colloque : «L’art brut détient la capacité de dépasser des catégories aussi disparates et périmées qu’art des fous, art médiumnique ou art populaire, aussi floues qu’art autodidacte ou art spontané. Aujourd’hui encore, cette expression, que Dubuffet a finalement élaborée en concept, nous permet de penser (…) l’art dans son rapport à la société».
«Ma vieille Ani, tu t’es fait avoir!» me suis-je dit. «Ce titre là c’est du teasing et tu es tombée dans la provoc».
11:23 Publié dans Ailleurs, art brut, Expos, Miscellanées, Ogni pensiero vola, Parlotes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, art brut chinois, art brut coréen, nanjing natural art center, korea art brut, tongwon kim, lybr, art populaire contemporain, itinéraires singuliers, baptiste brun, céline delavaux | | Imprimer | | |
13.03.2012
« Ecrivainer » à Contre-Courant
Bonus en vitesse à mon coup de projo précédent. Arrêtez tout et pointez votre radar vers la Collec de l’Art Brut de Lausanne parce que demain, mercredi 14 mars 2012, à 19 h, il y a la lecture-performance de Geneviève et de Mathias à l’occasion de la publication du bouquin de Vincent Capt à propos d’un fameux auteur d’écrits bruts : Samuel Daiber.
Ce monsieur suisse pratiquait la poterie et la peinture sur émail pour détruire ensuite ses œuvres soit-disant inspirées par Satan. La conviction de pouvoir arrêter les trams par la pensée, une tendance à mettre le feu aux vêtements de sa famille, d’autres bizarreries l’avaient conduit à l’internement permanent.
Michel Thévoz explique tout ça dans Ecrits bruts, un recueil de 1979 (et ouais !!!). Il reproduit des lettres que Daiber écrivaient au directeur de l’asile, à ses parents et à tutti quanti pour réclamer sa liberté.
Notamment cette lettre du 9 janvier 1954 que Patricia Allio, passionnée de théâtre et d’art brut (voir ma note du 5. 02. 2006 : Jean Grard à l’abri) a mise en scène au Théâtre de la Roquette (75011) en 2008 dans un spectacle intitulé : sx.rx.RX au lieu de garder le silence, j’ai voixé.
Auteur de plusieurs papiers et d’un doctorat sur les écrits bruts, Vincent Capt était tout à fait cap de nous pondre ce livre sur un langage si riche de néologismes «effrayantadiques». Il le publie, sous le titre Ecrivainer, la langue morcelée de Samuel Daiber, à l’enseigne de la CAB dans la Collection Contre-courant. Faudra voir à se le procurer!
Jean-Michel Adam, le dirlo de la thèse à Vincent, et Thévoz Michel ont donné un coup de main à la chose. Ils ont bien fait.
14:35 Publié dans art brut, Ecrits, Lectures, Parlotes, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, écrits bruts, samuel daiber, vincent capt, michel thévoz, patricia allio | | Imprimer | | |
12.03.2012
Le printemps vient, l’art brut pousse
C’est trop la mauvaise période pour un blogounet comme le mien ce printemps des musées d’art brut qui s’annonce! A Lille, à Lausanne, à Paris, voilà que ça crépite en expos, en conférences, en séances de ciné diverses et variées.
A tout seigneur, tout honneur, je commence par la Maison mère : la CAB de l’Avenue des Bergières, située à 10 mn chrono de La Riponne. L’institution (entre guillemets) lausannoise donne la parole à celui qui 25 ans durant (1975-2001) fut son conservateur. J’ai nommmmmmé (comme on dit au catch) Michel Thévoz. Ce sera le 29 mars à 19 h. Attention, on manquera de chaises! Le titre de sa causerie : Le Miroir onaniste ne laisse guère de doute sur l’angle d’attaque. Il s’agit bien sûr de l’œuvre de Josef Hofer dont le côté zizi-panpan gêne aux entournures de distingués commentateurs soucieux de la rendre présentable aux amateurs d’art dit-contemporain (voir mon post du 2/12/2011)
Le carton de l’expo Josef Hofer et le miroir (qui se terminera le 13 mai 2012) enfonce le clou : «la sexualité est au cœur de la représentation et constitue l’unique thème, central et obsessionnel de l’œuvre». Point barre.
Du côté de Villeneuve d’Ascq, les Animuliens feraient pas mal d’orienter leur GPS en direction du LaM et de son expo «Théma Art Brut» Collectionneur de mondes . Date de mort : 13 mai 2012, ça laisse de la marge. Cette expo présente 250 œuvres sur les 5000 rassemblées par les collectionneurs suisses Korine et Max E. Anmann. On nous promet de l’art brut, de l’art naïf, du folk art, des singuliers. Le tout enrôlé sous la bannière de l’«art différencié». Du moins si j’en crois le gros livre qui accompagne cette expo déjà montrée en 2011 à la Chartreuse d’Ittingen en Suisse.
Merci à l’Animulien sympa qui me l’a rapporté de là-bas. Ce bouquin pèse son poids avec ses nombreuses repros en couleurs! Selon lui, l’art différencié serait un terme «relativement neutre» permettant de parler, en plus des catégories citées plus haut, «d’art populaire, d’images réalisées par des personnes handicapées mentales et d’autres phénomènes marginaux de la production artistique (…)».
Ce qui nous vaut des rencontres surprenantes avec une tonalité brute en fond de sauce. Allez-y voir, la place me manque. Les «mondes» du titre font référence à 7 divisions (Hommes et émotions, progrès et machine, enchevêtrement de lignes et ivresse de couleurs etc.) rendant compte de la «richesse prolifique» de la collection qu’on aurait souhaitée cependant plus concentrée.
Il semble qu’on se donne un mal de chien en ce moment pour éviter d’employer le mot «art brut».
Aussi l’expo de la Halle Saint-Pierre qui commence le 22 mars 2012 (vernissage avec invit) s’appellera Banditi dell’arte et non «L’Art brut italien» bien qu’il y soit question de ça et que son emblème soit ce «Nouveau monde» de Francesco Tosi dont je vous ai déjà touché deux mots dans mes Notes d’art brut du 7 juillet 2010.
Le ouikène du 24-25 mars, des films seront projetés dans l’auditorium de la HSP, sur Podesta, Ghizzardi, Buffo, Barbiero, Bosco notamment. Cerise sur le gâteau : la présence de Lucienne Peiry est promise dans ce fief de Martine Lusardy.
23:55 Publié dans art brut, Expos, Miscellanées | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut, art brut italien, michel thévoz, josef hofer, collection de l'art brut, lam, korine et max e. anmann, halle saint pierre, francesco tosi, lucienne peiry, martine lusardy | | Imprimer | | |
05.03.2012
James Castle : une première en France
Ouf, ça y est! La campagne est retournée chez elle et nos pauvres candidats n’ont plus besoin de flatter le cul des vaches pour grapiller des voix. Déjà, nos amis éleveurs se retroussent les manches dans les prés car on manque de bœuf, figurez-vous (raison de ma note précédente). De bœuf qui fait le bon bouillon.
Mais je graisse, je digresse et si ça continue vous allez cliquer ailleurs. Vous auriez grand tort car vous manqueriez les petites images concentrées de James Castle.
«J’en ai encore les yeux qui piquent» m’avait dit l’Animulien Matthieu (voir son commentaire sur mon post du 11 février 2012) en évoquant l’exposition des dessins de cet Américain de l’Idaho à la super-class Galerie Karsten Greve de Paris jusqu’au 17 mars 2012.
J’ai voulu en avoir le cœur net. La Galerie KG, rue Debelleyme dans le 3e, est un écrin de choix pour ces petits formats tout à la fois denses et silencieux. Les grands espaces blancs de l’endroit, le gris mat du sol servent particulièrement bien ces compositions pour la plupart réalisés dans une gamme allant du noir de la mine de plomb, à la sépia et aux couleurs froides.
L’accrochage en série ou en ligne renforce, s’il en était besoin, le pouvoir de ces scènes intimistes, rurales et mentales, explosantes et fixes comme un gaz comprimé.
Que vous dire d’autre? Je n’en sais guère plus que ce que nous apprend la notice, stricte et pas chichiteuse, distribuée par la galerie pour cette première rétrospective en France. Que James Castle (1899-1977) récupérait des emballages et des prospectus parce que son fermier de père tenait aussi un magasin et un bureau de poste dans le village de Garden Valley où James vécut avec sa famille.
Qu’il «préparait sa palette en mélangeant de la suie, du papier crépon et de la salive». Qu’il «dessinait à l’aide d’une baguette de bois taillée ou d’un carton souple roulé».
Que cet analphabète n’en réalisait pas moins des objets avec des collages de lettres. Qu’il n’en couvrait pas moins de ses dessins les pages des livres. Que son œuvre discrète et personnelle avait tout de même, de son vivant, attiré l’œil d’un «cercle restreint d’amateurs d’art»
Que James Castle ne pouvait pas faire autrement que de dessiner, que ses œuvres étaient un «moyen de communiquer avec son entourage et plus encore de réfléchir sur le monde», vous l’avez deviné, grands fans de l’art brut que vous êtes.
Ah, j’oubliais : James Castle était sourd de naissance.
23:45 Publié dans art brut, Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, james castle, galerie karsten greve | | Imprimer | | |
28.02.2012
L'abbé Fouré au Laminoir
Des photos, des articles de presse, des extraits de documents officiels… J’apprends -un peu tard mais vous avez quand même jusqu’au 11 mars 2012- que ça bouge encore du côté de l’Abbé Fouré dont le site s’érode, dont le site s’efface, dont le site retourne à l’océan…
Sans que se lèvent le dixième des étendards qui flottent en ce moment au vent pour la conservation (certes souhaitable) d’une «cathédrale» (entre guillemets) new-ageuse, celle de Jean Linard pour ne la point nommer. Certes côté Rochers sculptés, il n’y a rien à sauver. On ne lutte pas avec la nature et l’abbé, en dur de dur de l’art (brut), n’a jamais prétendu sortir vainqueur de la confrontation dans laquelle il s’était fourré. Il se contentait de faire. Son œuvre, limée par la vague, nous le rappelle.
L’Association Les Amis de l’œuvre de l’Abbé Fouré a donc d’autant plus de mérite de faire son possible contre les lichens, l’air marin et l’oubli. Avec Joëlle Jouneau, sa présidente, pour porte-parole, elle organise une petite exposition sur le site historique des Forges de Paimpont (Ille-et-Vilaine).
Pas vilaines du tout ces forges qui ont eu la chance d’être classées, elles, monument historique. L’article de Leïla Marchand (Ouest France.fr, 24 février 2012), où je puise mon information, nous allèche de «hautes charpentes en bois massif» du laminoir, tout juste restauré, lui.
L’expo montre aussi des cartes postales anciennes. On sait qu’elles sont nombreuses. L’asso n’oublie pas, à ce propos, le travail fondateur de Frédéric Altmann et c’est à mettre à son crédit.
Warning donc, Bretons, Bretonnants petits et grands, voyageurs de passage et visiteurs curieux qui n’hésitent pas à prendre la route de l’ouest!
Tous à Paimpont, Paimpont, Paimpont.
19:14 Publié dans art brut, Expos, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : art brut, abbé fouré, paimpont, brocéliande | | Imprimer | | |
26.02.2012
Mars à Lugdunum : 2 vernissages
Une photo sympa de notre Robi national, ça ne se refuse pas. J’emprunte ce portrait (avec claironnant tromblon) de notre cher assembleur, toujours adepte du ruban adhésif bleu, à la MAPRA de Lyon. Jusqu’au 17 mars 2012, cette Maison Arts Plastiques Rhône-Alpes sera la maison d’André Robillard.
Sinon sa maison, du moins son show-room puisque la MAPRA (puisque MAPRA il y a) montrera -et ri et ra- des fusils et des dessins à lui. Ceci dans le cadre d’une biennale de zique puisque Robi touche aussi au territoire de la muse Euterpe, «la toute réjouissante». Le vernissage est samedi prochain 3 mars 2012. A 12 h 30. Vous pourrez vous coucher tôt. On sortira pour l’occasion un nouveau concept, celui de «recycling attitude». Libre à vous de sourire finement comme Robillard au gars (ou à la meuf) qui a trouvé ce bazar là sous son bonnet!
Il est recommandé de commencer votre ouikène à Lugdunum dès le vendredi 2 mars au soir. A 18 h, en effet, la Galerie Dettinger-Mayer (Art primitif, Art Contemporain), place Gailleton, vernira de son côté les dessins de Ruzena, chapeautés d’un segment de phrase de l’écrivain portugais Antonio Lobo Antunes qui exerça la psychiatrie dans sa jeunesse : «parce que ce que j’écris peut se lire dans le noir».
Pour ceux que cette citation laisserait perplexes, je m’aventurerai à dire qu’elle nous fournit peut-être une clé de la porte des songes où cette artiste discrète sinon secrète (ce sont là des qualités) heurte et se heurte. A bien des égards, ses créatures enceintes, ses ondines flottantes aux grands yeux clos sur leur blancheur, ses poupées-ludions me paraissent filles de l’eau qui coule sous nos paupières avant le désiré naufrage du sommeil.
Il y a du bébé dans l’air, ajouterais-je, car la composition baigne dans un liquide amniotique autant que graphique. A la manière d’un Fred Deux qui n’a cessé de raffiner les méandres de son crayon, Ruzena superpose les chairs fuselées et métalliques d’une grande précision aux fantomatiques apparitions en filigrane.
Les papillons, les anémones de mer, les éléments floraux qui dérivent en profondeur mêlent leurs tonalités rousses aux gris très précis des premiers plans. Une savante exactitude du trait, une gestion calculée des blancs se met ici au service d’une certaine approche du fantastique qui m’entrainerait à penser à Rodolphe Bresdin ou à Charles Meryon si je ne me retenais pas. Et si Ruzena faisait de la gravure ?
21:36 Publié dans art brut, Expos, Miscellanées | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, andré robillard, ruzena, antonio lobo antunes, lyon | | Imprimer | | |
24.02.2012
Storr, j’adore !
Faites pas comme moi. Abordez par le haut l’exposition Marcel Storr, bâtisseur visionnaire. J’avais oublié combien remontante est la rue de Ménilmontant, pleine de cornes de gazelle dans ses pâtisseries. Total : à partir de la station de métro du même nom, j’en ai bavé tellement c’est en pente.
D’autant que gourde comme je suis, j’ai mis du temps à comprendre qu’on pouvait choper le bus 96 pour arriver au 121, adresse du Pavillon Carré de Baudouin.
Préférez donc la voie pyrénéenne puisque cette petite folie palladienne se trouve presque à l’intersection Ménilmontant - Pyrénées.
L’intérieur est un peu tarabiscoté d’accès mais il y a un ascenseur (qui fonctionne) pour les Animuliens dont la mobilité serait réduite. «C’est gratuit» a écrit une jeune main dans le Livre d’or. L’autre bonne nouvelle c’est que l’exposition est prolongée jusqu’au 31 mars 2012.
A l’intérieur, c’est Marcel Storr lui-même qui nous accueille dans son gilet orange qui devait pas déplaire à ce peintre épris de tonalités automnales. On nous le dit farouche et on sait par Liliane Kempf, la découvreuse de son œuvre, que ses yeux étaient «noirs, fixes, perçants».
Mais là, ça se sent pas trop. Presque gracieux il est, devant son fond de gratte-cieux, sur cette photo datant des années 1970.
L’ère Pompidou (des sous!) c’était bien pour Marcel Storr. On y construisait des tours à tour de bras. Et «les tours, les tours, j’aime ça» disait Storr qui aime aussi les églises et les cathédrales.
L’expo montre aux visiteurs comment ce créateur tout entier passionné par la réalisation (pas par le souci de montrer et de conserver) est passé des unes aux autres.
Pour aboutir à de vertigineuses mégapoles qui fourniront au Président des Etats-Unis de bons plans pour reconstruire Paris quand la capitale aura été rayée de la map par la bombe atomique.
Comme j’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de délirer sur Marcel Storr que j’admire très beaucoup, je vous en fais pas une tonne. Au surplus, on commence à en parler partout de cette expo et même Parismatch.com délaisse un peu la première dame pour lorgner sur cette perle d’art brut.
C’est à dire d’art tout court. Si vous êtes raide en ce moment, contentez-vous d’emporter en souvenir le leporello des familles très choucard.
Mais si vous avez 24 zorros dans votre kangourou, offrez-vous comme moi le catalogue avec une chrono très pratique et des textes de Liliane et Bertrand Kempf, Françoise Cloarec et Laurent Danchin, le commissaire de cette exposition qui fera date parce que c’est la première d’envergure sur le sujet. Les infos biographiques n’étant pas trop abondantes, elles ont tendance à se répéter dans ces diverses contributions mais comment faire autrement ? Contrairement à certains visiteurs, je serais portée à l’indulgence aussi envers les reproductions de détails qui «meublent» certains coins des généreuses cimaises du Carré parce qu’elles participent du rythme de l’expo.
Storr, je t’adore, ne serait-ce que pour tes fourmis humaines au pied de tes mégalo-édifices, en écho aux nuées d’oiseaux pointillés dans tes ciels!
00:05 Publié dans art brut, Expos, Lectures | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, marcel storr, liliane et bertrand kempf, françoise cloarec, laurent danchin | | Imprimer | | |
18.02.2012
Les dernières demeures de Marcel Landreau
Déjà l’hiver nous lâche la grappe, nous laissant son cortège d’images immaculées. Ce moment de redoux a paru propice à Freddy pour gratifier sa vieille Animula d’un petit reportage photographique récemment réalisé chez Marcel Landreau. Quand je dis «chez» c’est à la maison où il a passé sa retraite que je pense.
C’est à sa dernière demeure aussi puisque Freddy Tavard est allé saluer Marcel au cimetière. Je dis «Marcel» parce que Freddy a tendance à se servir uniquement du prénom de ce remarquable créateur. Au delà du respect que Freddy a toujours montré pour le «Caillouteux», c’est une véritable affection qu’il ressent pour lui à force de chouchouter ses œuvres. Résultat : Freddy était ému en dégainant son kodak devant la tombe à Landreau et il lui a légèrement flouté le portrait.
On lui pardonne. La chose n’en a que plus de poésie et Marcel Landreau, des brumes de l’au-delà, adresse son pâle sourire aux Animuliens. Le temps, depuis que Marcel a quitté le monde, a passé. Entre 1992 et 2012, le crucifix qu’il avait confectionné a perdu l’essentiel de son corps terrestre. Ne reste que ses petites mains accrochées au dessus d’un bouquet fané. Ironie du sort, Marcel Landreau repose sous le marbre rose. Ensevelir les morts sous un amas de silex, ça ne se fait pas dans nos contrées. Dommage!
La nature, qui fait bien les choses, protégeait cependant, ce jour-là, le sommeil de Marcel de son édredon blanc des grands jours. L’ex maison de Landreau jouit, selon Freddy, «d'une vue superbe sur la vallée». L’atelier, «dans lequel il a créé ses dernières sculptures» possède un appentis en tôle où elles étaient exposées. Cet atelier «donne sur un petit jardin en pente sur lequel il avait construit un viaduc».
Il y avait une locomotive dessus. Dans le fond du jardin on apercoit un pont sur lequel passe une ligne ferroviaire. Marcel Landreau, ancien cheminot, avait probablement choisi la maison pour ce voisinage.
«Il avait également construit un élément de fortification : deux tours et une grande table (où il devait casser la croûte) entre les deux» nous dit Freddy. Les tours font près de 2 m de haut.
Après enquête auprès d’un membre de la famille de Landreau, Freddy Tavard me précise que ces éléments encore visibles aujourd’hui sur son terrain «sont des éléments rapportés de Mantes-la-Jolie et qu’il a remis en situation». Tout n’aurait donc pas été démoli au bulldozer, après son départ de cette ville, comme on l’affirme un peu vite parfois.
Selon l’informateur de Freddy, après avoir quitté Mantes, Landreau «a déménagé par le rail deux wagons à bestiaux remplis de sculptures et de grosses pièces. A l’arrivée (…) Marcel a pris la décision de détruire beaucoup de pièces qui avaient très mal voyagé». Selon la même source, Marcel Landreau, ensuite, «aurait surtout restauré et peu créé entre 89 et 92».
17:38 Publié dans art brut, In memoriam, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, marcel landreau, freddy tavard | | Imprimer | | |