25.08.2015
Le loup et « l’art brut »
En ces temps post caniculaires, une réaction à chaud s’impose. Car il n’y a pas, sachez-le, que des raisons d’espérer! Un papier anonyme du 19 août 2015 sur le site de La Nouvelle République Indre est là pour nous en convaincre. Franchement, je vous le recommande si vous avez besoin de vous casser le moral en cette rentrée radieuse.
De quoi s’agit-il? Mais des jeunes espoirs de l’avenir, voyons! Si j’ai bien compris il s’agit d’un atelier d’été au Musée de l’Hospice Saint-Roch à Issoudun. Une photo montre une demi douzaine de sympathiques fillettes et garçonnets bien propres sur eux représentant sagement des araignées au moyen de brimborions en barquettes baptisés «objets naturels».
Sous la houlette d’une pédagogue qui fait ce qu’elle peut pour occuper les tipeus. Le loup car il y a un loup c’est qu’ils sont censés apprendre «à travailler l’art brut».
Cette remarque montre bien que l’auteur de l’article n’y connaît rien. Ce que confirme sa conclusion au clairon : «Plus de secret avec l’art brut». Si justement, monsieur l’issoldunois journaliste! Que des secrets avec l’art brut. Jamais élucidés. Et de la trouille épaisse à côtoyer sans faire comme si c’était une tartine de Brutella.
Je n’ai rien contre l’idée qu’on puisse aider les enfants à exorciser leurs cauchemars.
Quand ils le demandent. Et non quand les institutions ont besoin de justifier leur existence devant les parents qui trouvent commode de s’adresser à elles. Mais faire croire aux minots qu’ils font de l’art brut en classe dirigée, c’est du foutage de leur innocence. Même si on cherche pour cela la caution de Pierre Bettencourt et de Monique Apple.
Même si on prend prétexte de l’exposition (jusqu’au 30 août 2015) des Veilleurs de Brigitte Terziev, une artiste qui mérite visiblement mieux. Beaucoup mieux.
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20.07.2015
Fraîcheur de vivre : Matija Skurjeni
Ce qui me rafraîchit c’est Skurjeni. En ces temps chauds bouillants, rien de tel que les dessins de ce peintre croate pour me tirer de ma torpeur. Skurjeni Matija, comme il aimait signer de cette scolaire façon qui place le prénom après le nom. Skouryéni (c’est ainsi que ça se prononce), fit un passage sur terre entre 1898 et 1990. Au moment où j’écris, il fait soleil à Veternica, le village où il est né. Dans cette région, il y a des cavités souterraines où il fait frais. Faut-il y voir l’entrée de cet univers onirique skurjenien qui a si fort impressionné le poète Radovan Ivsic?
On peut se poser la question devant ces Adam et Eve modernes sortis de la tête ronde de Matija. Mais qu’est-ce qui est dangereux ? Le mystère -presque sexuel- de cet orifice, buissonnier comme de l’art topiaire, qui aspire les personnages? Ou «le rets des routes [qui] guette le voyageur sorti de la grotte» dont parle Ivsic ?
Créateur de l’interstice s’il en est, Matija Skurjeni campe ainsi comme chez lui sur la frontière entre intérieur et extérieur. Avec une capacité poétique étonnante de ramener dans ce monde-ci des images implacables venues de l’autre. Tel ce prémonitoire et toujours ravageur Ange de la Guerre.
Une guerre dont ce berger, plus tard mineur puis cheminot, eut le malheur de boire la coupe empoisonnée entre 1916 et 1922. Aucune actualité n’est pendue comme une chauve souris au plafond du souvenir de Skurjeni. C’est reposant. Dans une maison de poupée géante à Zapresic son œuvre se laisse voir.
Souvent elle tire son épingle du jeu de ce naufrage de la peinture naïve yougoslave des années 60/80. C’est ce qui me plait à moi.
C’est donc sans raison que j’en cause. Exceptée celle fournie par le hasard. Celui d’une rencontre avec un ch’ti catalogue de rien du tout à l’Emmaüs d’Arles. Quatre méchantes reproductions, une couverture et des dessins de l’artiste en décoration.
Ça date du pic de l’intérêt parisien pour Skurjeni : 1962. Chez Mona-Lisa dans le 7ème arrondissement. L’ouverture de cette galerie fréquentée par l’intelligentsia de l’époque (1957) étant contemporaine des premières expos de Skurjeni (1958-1959) dans son pays. Après qu’il se soit, la retraite venue, consacré à la création d’art.
Ce que j’aime dans ce catalogue c’est qu’on y sent une complicité-simplicité entre le peintre et Radovan Ivsic son préfacier.
Et que l’iconographie dénote un choix respectueux de la verdeur inaugurale de cette œuvre qui, au beau temps de l’art brut et de l’art naïf s’installe comme un «canard du doute» dans le paysage.
19:57 Publié dans art brut, art naïf, Expos, Glanures | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : matija skurjeni, radovan ivsic, art naïf, art brut | | Imprimer | | |
07.06.2015
Caroline’s day à la Fabu
D’ici à Dicy, il n’y a guère. Et ce guère fut franchi en car le 30 mai 2015. Un autocar affrété par la Fabuloserie pour la Journée Caroline.
Mémorable samedi d’avant chaleur! Avec les visiteurs de cette collection de plein air, il ne cessa de jouer à un, deux, trois, soleil. Le ciel leur vaporisant malicieusement des gouttes à la façon de Pierre Avezard arrosant les spectateurs de son manège.
Ambiance studieuse durant le trajet. Le paysage n’était pas folichon.
Les têtes se penchèrent sur les dossiers de presse dont on nous avait pourvu.
Ou s’abîmèrent dans la conversation avec des airs cinématographiques qui faisaient penser -lunettes noires aidant- à Marcello Mastroianni et Anouk Aimée.
Arrivé rue des Canes,
le gros de la troupe des pélerins se fit désigner le lieu du rendez-vous pour le retour : un petit square Nek Chand à se mettre à genoux devant.
Puis tout le monde s’égailla. Non sans avoir bisé 14 fois Agnès et Sophie Bourbonnais, plus Déborah Couette, organisatrices de l’événement. En attendant les festivités officielles chacun se bricola ensuite son programme de variétés perso.
Qui s’offrant un p’tit tour dans la collection permanente dont l’accochage était renouvelé pour l’occasion. Qui cherchant son âme d’enfant dans le petit train de Marshall.
Qui préférant le carrousel et les baraques de Petit Pierre.
Qui se précipitant dans l’expo Des jardins imaginaires au jardin habité (Des créateurs au fil des saisons)
où l’on retrouvait des personnages connus : un couple de Marcel Landreau,
la Blanche Neige de Charles Pecqueur près de son créateur sur une ancienne photo.
J’optais pour ma part pour le tour de lac que Caroline Bourbonnais ne manquait pas d’effectuer chaque jour.
Saluant au passage ses coqs et ses poules,
ses zèbres et ses éléphants,
l'élan d’Alpo Koivumäki documentés maintenant par de commodes cartels.
Laissant derrière moi l’îlot aux vire-vent
pour cingler vers l’atelier d’Alain Bourbonnais.
Bien sûr je m’attardai au passage à papoter avec Claude et Clovis Prévost, avec Doriane la petite-fille de Gaston Mouly, avec Marie-Rose Lortet, ici près de Loli.
C’était déjà le temps des discours. Ceux de Sophie et d’Agnès.
Sans nostalgie mais avec une émotion qui rendait toute sa présence à leur mère.
Celui de Déborah dont le vent tournait les pages. Un speech aimable de madame Vuillermoz, le maire de Dicy, couronna le tout. Avant que l’ange Francis ne s’empare du micro.
Parmi les auditeurs attentifs, le peintre Pierre Della Giustina.
Dans un texte publié dans le livre collectif accompagnant cet hommage à Caroline Bourbonnais, il précise le rôle décisif qui fut le sien dans la restauration du manège d’Avezard. C’était nécessaire.
«Un matin d’août, Caroline Bourbonnais a oublié d’ouvrir les yeux» a dit sa fille Agnès. Tous ceux qui étaient dans l’assistance ce jour là et tous ceux qui auraient aimé y être ne sauraient cependant oublier le regard de sa mère.
13:14 Publié dans art brut, Expos, In memoriam, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, art hors-les-normes, caroline bourbonnais, alain bourbonnais, agnès et sophie bourbonnais, la fabuloserie, jardins imaginaires, jardins habités, pierre avezard, francis marshall, marie-rose lortet, alpo koivumäki, charles pecqueur, marcel landreau, nek chand | | Imprimer | | |
24.04.2015
Le comte de Tromelin se trouve au Salon
On peut dire ce qu’on veut mais le monde est bo. Et la découverte extraordinaire. Il suffit d’aller la chercher. Où? Au Grand Pal ce ouikène. Jusqu’à dimanche 26 avril 2015 à 20h. L’événement c’est le Salon international du Livre rare & de l’Autographe.
Vous pourriez me dire que c’est pas votre truc de vous vautrer dans la Culture avec un grand cul. Qu’en guise de lecture vous vous contentez des rézos socios. Vous auriez tout faux. Ce salon des beaux bouquins de collection n’est pas qu’une affaire de thune. C’est aussi du fun. A chaque coin d’allées on y a des rencarts avec de super images qui sortent pas toutes des vieux grimoires d’un film d’aventures médiévales de série B.
Celles de Tromelin, par exemple. The comte de Tromelin himself. J’espère que ce nom là résonne comme un tambour dans vos mémoires animuliennes. Sinon propulsez vous vite fait sur mon post du 2 mai 2010 titraillé Mirsky appelle Tromelin. Tromelin c’est le genre de gus dont on désespère d’avoir des nouvelles quand on est comme moi une fondue de la Chose brute. C’est miraculeux que des infos sur lui et à fortiori des œuvres de lui apparaissent sur le marché.
Du diable si je m’attendais donc à le rencontrer là sur le très chicos stand de Pierre Saunier (A8 sur le plan). Pour ceux qui savent pas, je rappelle que P.S. s’est fait connaître par sa sympathie pour le devil symboliste.
Sa capacité de chineur et son goût de l’éclairage des beautés obscures l’ont mené ensuite à l’exploration tout azimut de territoires gromantiques, surréalistes, avant-gardistes vierges ou méconnus. C’était donc fatal que le catalogue de ce libraire-esthète, pas plus bavard que Félix Fénéon mais de plume acérée comme l’était ce grand écrivain et/ou marchand d’art, s’ouvre aux merveilles de l’art brut. Sous les numéros 129 et 130 de celui du salon qui s’intitule C’est les bottes de 7 lieues (clin d’œil au poète Robert Desnos), le flirt est même poussé très loin.
Nous est proposé un dense et grouillant dessin original de Tromelin à la mine de plomb sur «papier épicerie fine» et daté de 1904. Bluffant de chez bluffant! Un méli-mélo crépusculant et vertigineux, plus qu’envoûtant : terrible et délicieux.
Ce dessin est précédé d’un attrayant et conséquent paquet comprenant 62 photographies inédites représentant des dessins médiumniques résultant d’une fièvreuse activité tromelinesque datant de la période 1902-1909.
Ces photos sont annotées et légendées (sur le fond cartonné où elle sont montées) par le Capitaine Quenaidit, «premier admirateur fervent» de Tromelin dixit Pierre Saunier.
Si, comme votre petite âme errante, vos moyens économiques ne vous permettent pas de vous aligner pour l’acquisition de ces deux jolis lots, consolez vous en achetant le catalogue PS. Il est parfaitement documenté et facile à identifier avec sa couverture au collage de Prévert. Que vous soyez collectionneurs, simples amateurs d’art brut ou institutionnels concernés par le sujet, vos archives s’en trouveront bien.
14:45 Publié dans art brut, Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : comte de tromelin, pierre saunier, salon du livre rare, grand palais | | Imprimer | | |
18.04.2015
Dragées, Idéal et Frénousie
Envie d’un selfie? Souvenir d’excursion? Séance de pose en habit un jour de cérémonie?
Photographiez vous ou demandez qu’on vous tire le portrait devant les monuments de l’art brut!
En compagnie de vos amis, de vos groupies, de vos zombies.
Avec votre binôme, votre colocataire ou votre copain de régiment.
Avec votre petite sœur ou votre tonton Pomme-de-terre si ça vous chante.
Animula publiera les meilleurs clichés. En attendant voici, sorti tout chaud de son album perso, un mémorable tirage la représentant frénousant de concert avec son daddy dans le jardin de Robert Tatin.
Et si d’aventure vous décidiez de déposer, sur la langue du dragon de ce petit dieu de la Mayenne à l’ouvrage, une de ces dragées au poivre bénit qui datent de votre dernière communion, ne vous gênez surtout pas! La tendance est à la dévotion.
Bientôt l’Ascension!
15:41 Publié dans art brut, Expos, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ferdinand cheval, bruno decharme, antoine de galbert | | Imprimer | | |
12.04.2015
Louis Pons fait sa mise en plis
Mes peintres préférés sont Érik Satie
Lewis Carroll
Alfred Jarry
Ce n’est pas moi qui le dit c’est Louis Pons. J’ai déniché cette sémillante phrase dans les profondeurs d’un plus tout jeune catalogue du Point Cardinal.
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Avouez qu’elle monte à la tête! Reliefs, objets, assemblages, écrits, dessins, les œuvres de cet artiste octogénaire (mais on ne dirait pas) ont toujours ce pouvoir d’entraîner l’esprit vers des voies surprenantes et des sentiers de traverse lumineux. Par la manière unique qui est la sienne de pincer les cordes de notre sensibilité.
Quitte à faire grincer la harpe existentielle. On rêve de Pons. On digère Pons. Pons nous gratte la peau de l’âme. Bon, on ne présente pas Pons. Il est trop connu pour que je me donne ce ridicule. Lisez par exemple ses souvenirs sur Joë Bousquet transcrits par Alain Paire. Quant à ce que Polysémie dit de son actuelle exposition dans la galerie du même nom, je ne vous le copierai pas.
Je laisse ce genre de facilité à cette Suzon Grisou qui, dans la blogosphère «brute», abuse du droit de citation en se faisant duplicatrice de communiqués qu’elle n’a pas écrit. Je préfère penser que vous êtes capables de suivre un lien. Et bien assez fines mouches pour distinguer le réchauffé au micro ondes de la cuisine maison mitonnée par Animula.
«Repos, vous pouvez fumer!» comme dit mon martial daddy quand il sent qu’il faut passer à autre chose. Sans me laisser défriser davantage, je reviens donc à Snop.
A Pons si vous aimez mieux car il lui arrive de signer à l’envers. A Louis Pons et à la poste. A ce noble moyen de communication, il semble que Pons ait été depuis longtemps associé. En 1971 déjà le catalogue mentionné plus haut offrait au lecteur des reproductions de ses oeuvres sous forme de cartes postales détachables.
Quiconque a eu l’occasion d’approcher l’artiste dans un vernissage sait qu’il sacrifie de bonne grâce au rituel des dédicaces. La correspondance n’est pas pour lui faire peur. Même s’il est vraisemblable qu’il doive se ménager aujourd’hui. Ses missives, même courtes, sont toujours empreintes d’originalité un peu désespérée, d’humour décalé, d’absurde philosophique.
Dans le cadre étroit permis par le format des enveloppes, il aime enfermer ses oiseaux désarmés, ses personnages rétrécis, ses hybrides plus ou moins bien articulés. Une humanité touchante, vaguement délirante, irréelle et aléatoire. On appelait ça du mail art. Polysémie préfère dire : art postal. Cette francophonie est tout à son honneur. Jusqu’au samedi 9 mai 2015, la galerie Polysémie se consacre à cette facette de l’art de Louis Pons. 100 dessins et des pensées. Réunis sous le titre : Mise en plis. Dans la ville natale de l’artiste. A Marseille.
15:17 Publié dans Blogosphère, Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : louis pons, galerie polysémie, marseille, erik satie, lewis caroll, alfred jarry | | Imprimer | | |
08.04.2015
Pol Jean encadré
Pol Jean on ne sait pas où le mettre. A Pol, à Jean? On l’ignore. C’est comme Gabriel Albert (au fait que devient-il celui-là ?). Allez vous y retrouver avec ces patronymes composés de deux prénoms! Et pour peu que les créateurs qui les portent exposent simultanément dans deux coins différents, on s’y perd. Mais c’est très bien comme ça quand, par chance, les dits-créateurs ne sont pas faciles à cerner. Ou qu’il faut un chausse-pied pour les faire rentrer de force dans la catégorie artistes.
Pol Jean n’est pas un artiste. Il pourrait être mieux que ça. La preuve? Ses images qui ne se laissent pas univoquément fourrer dans la case de l’Art avec un grand tas. C’est bien qu’on hésite sur la classification d’une œuvre et celle de ce jardinier passionné possède ce pouvoir.
J’avoue que je ne me suis pas sentie très convaincue par le visuel fourni par le Musée de la Création Franche (encore lui) qui expose du 17 avril au 7 juin 2015 les dessins de cet homme souriant qui se passe parfaitement de la parole pour s’exprimer.
Le malaise peut-être de ce masque cynocéphalo-carnavalesque planté sur un corps bourgeonneant ramassé pour bondir au devant du spectateur?
Puis j’ai reçu la nouvelle de l’ouverture de la Deuxième Biennale de l’Art Partagé à Saint-Tojan dans l’île d’Oléron (du 18 avril au 17 mai 2015).
Il faut hélas aller vite et mon regard a glissé sur les reproductions proposées. Non sans s’arrêter sur un drôle de profil rouge enchevêtré à la Dwight McIntosh (Seuls les gens dépourvus d'imagination me diront qu'il s'agit d'Obelix).
«Pas mal, la banane!» ai-je pensé devant la coiffure gaufrée du personnage. Ça m’a donné envie d’en savoir plus. En fouillant dans mon fourbi, j’ai retrouvé cet oiseau au vol lourd qui m’avait fugacement impressionnée quand j’avais mis mon nez naguère dans le catalogue Visions et créations dissidentes de 2011.
Le travail de Pol Jean est encadré maintenant par un Atelier Campagn’art du village de Neufvilles (dans la région de Soignies) exerçant au sein du Centre Fabiola (un nom de reine belge). Un lieu où l’on sait faciliter la vie des personnes attachantes et fragiles comme lui. Il est possible que ça se devine.
Ne serait-ce que dans la profusion des moyens colorés (crayons, feutres, peintures acryliques, craies grasses) mis à la disposition de Pol Jean. Il faudrait vérifier si les anciens dessins de Pol Jean ne se contentaient pas de recettes monochromes.
Car le fait biographique intéressant dans le parcours de cet homme de 63 ans c’est qu’il n’est nullement le produit de l’art-thérapie. Ni même le représentant d’une quelconque activité plastique institutionnelle. Son «art», il se l’est forgé tout seul. C’est une péripétie de santé, mettant brutalement un bémol à son énergique travail horticole, qui permit de découvrir que, dans la discrétion de sa chambre, il se livrait depuis longtemps à une activité de dessinateur solitaire.
01:21 Publié dans De vous zamoi, Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, art-thérapie, art partagé, création franche, pol jean | | Imprimer | | |
03.04.2015
Brut de pop dans les Landes
Une carte à jouer l’exposition Brut de Pop’! au Pavillon de Marquèze dans les Landes? Du moins son invitation aux couleurs de bonbon acidulé des années Prisunic.
Simone Le Carré Galimard disait que pour apprécier une image il fallait la regarder à l’envers pour voir si elle tenait. Et bien, le carton de cette expo fonctionne aussi bien dans un sens que dans l’autre si j’en crois le masque qui constitue l’essentiel de son ornementation.
Ce symbolisme des deux têtes convient bien à cette expo consacrée aux «arts brut et populaire».
Car elle regroupe les forces de deux méritants musées du sud ouest. Celles de l’Écomusée-Landes auxquelles on accède par un charmant tortillard depuis le rose village de Sabres.
Celles du Musée de la Création Franche de la verte Bègles, bien connu des Animuliens. C’était fatal qu’un jour le MCF aille montrer ses charmes HLM. Hors Les Murs de la maison qui l’abrite avenue de Lattre de Tassigny.
Cette vénérable bâtisse du XVIIIe étant devenue trop petite, ça carbure dur à la direction de la CF pour trouver dans un avenir proche un logement plus spacieux pour la Collection. On a bien en vue une installation à la future Cité numérique aux portes de Bordeaux.
Le hic c’est que ça coûterait bonbon (acidulé ou pas) à la municipalité de Bègles. Celle-ci a donc besoin d’un coup de main de Bordeaux-Métropole dont sont membres 28 communes du coinstot. Signe encourageant, le président de Bordo-Métro, monsieur Alain Juppé, est venu faire une visite de courtoisie à madame Création Franche et à ses ambassadeurs : Noël Mamère et Pascal Rigeade. L’article de Sud Ouest qui relate l’événement ne nous dit pas si on lui a offert des Ferrero Rocher.
Hervé Pons, son auteur, souligne par contre que le maire de Bordeaux accorda 40 de ses précieuses minutes à la CF, une voisine qu’il n’avait jamais eu le temps de rencontrer.
Pour la petite histoire, rappelons que M. Juppé est natif des Landes. Souhaitons donc qu’il apprécie le clin d’œil ethnographico-brut que constitue cette exposition bicéphale du Pavillon Marquèze.
Plus balèze serait que l’intérêt dont il a fait montre lors de sa sortie bèglaise ne s’évanouisse pas devant les dures réalités économico-politiques.
Je verrais d’un bon œil pour ma part le transfert des collections de la Création Franche dans ce quartier des Terres Neuves où la Cité numérique est édifiée.
Non seulement parce que ce pourrait être l’occasion d’un recentrage sur le meilleur du corpus. Mais parce que Terres Neuves sonne comme un nom propice aux œuvres présentées. Musée des Terres Neuves : n’était le parfum de morue, ça aurait de la gueule!
Et ça serait moins vague que ce fade Création Franche, un nom qui date déjà et dont le temps passé n’a pas éclairé la signification. Ceci dit pour encourager le brainstorming sur la question, non pour le clore.
Mais avec la conviction que ce n’est pas sous les auspices de définitions énoncées en des termes misérabilistes tels que : «oeuvres de personnes autodidactes cabossées par la vie» (voir citation de Gérard Sendrey en conclusion de l’article d’Hervé Pons) qu’il faut placer le débat.
20:36 Publié dans art brut, Expos, Gazettes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, création franche 3.0, ecomusée-landes, alain juppé, noël mamère, pascal rigeade, gérard sendrey, bègles, cité numérique, bordeaux-métropole | | Imprimer | | |
31.03.2015
La Peau du Milieu passe au quai Branly
La Peau du Milieu, le film de Gabriel Pomerand passe en boucle au Quai Branly et on dirait que ça laisse tout le monde froid! Mais sacré nom d’un petit bonhomme, ce docu de 13 mn 43 s est pourtant le cœur palpitant de l’expo Tatoueurs tatoués que je vous ai signalée dès le 13 mai de l’année dernière dans mon inoubliable zoom sur Zoummeroff intitulé Crimes et châtiments.
Heureusement que l’expo branlyeuse dure jusqu’au 18 octobre 2015. Vous avez le temps d’aller visionner ce petit chef d’œuvre qui date d’un temps où les tatouages n’étaient pas des «tattoos» indolores et qualibrés aux normes d’un monotone et lucratif phénomène de mode.
La Peau du Milieu, sorti en 1957 mais tourné avant 1953, se situe à la charnière d’un temps de «classes dangereuses». Un temps de marginalité dramatique où les porteurs de tatouages arboraient ceux-ci comme les stigmates d’un destin social douloureux et implacable. Non pour faire joli ou pour se fondre dans un collectif faussement rebelle.
Même si les tatoués d’alors étaient sensibles au beau dans sa version sauvage. Même s’ils étaient dans le besoin de marqueurs identitaires propres à leur communauté délinquante qui se faisait drapeau de l’opprobe de la société ordinaire.
Depuis qu’Olivier Bailly nous a mis sur la piste de ce précurseur témoignage cinématographique sur les tatouages du milieu (voir ma note du 31 mai 2007, Fleurs de bitume à Paname), il n’aura fallu que 8 ans pour qu’il soit accessible au public.
Plutôt que le très cher catalogue (45 €) de l’expo, j’aurais aimé trouver, à la librairie du musée, le DVD du film de Pomerand mais il ne s’est trouvé personne pour commercialiser la chose. Dommage. J’ai peur que l’expo terminée, l’œuvre de Pomerand retombe dans l’oubli.
Jacques Delarue - Robert Giraud
Photo : Robert Doisneau.
Ecrit et réalisé avec le conseil artistique de Robert Giraud, incontournable connaisseur de l’humanité souterraine de la Mouffe, La Peau du Milieu a été tourné à La Rose rouge.
Un article comme je les aime (bien informé et pas pesant) existe à son sujet. Son auteur est Nicolas Villodre. Je ne saurais trop vous inviter à le lire sur le site Objectif Cinéma.
J’ajouterai seulement une remarque. En août 1953, Gabriel Pomerand écrivit aussi, pour le réalisateur Jacques Baratier, le scenario et le texte d’un film sur l’Histoire du Palais Idéal mais le projet n’aboutit pas. Cf. François Letaillieur, Gabriel Pomerand, galerie 1900-2000.
Selon Pomerand, «Cheval espérait un hommage de sa patrie reconnaissante. Mais sa patrie ne l’a pas compris, car l’art où il a excellé, l’architecture en l’occurrence, n’est pas encore arrivé au niveau de son ingénuité».
21:22 Publié dans Ecrans, Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : gabriel pomerand, robert giraud, robert doisneau, la peau du milieu, tatoueurs tatoués, tatouages | | Imprimer | | |
26.03.2015
James Castle se tient au Carreau
Sur le carreau. Sur le carreau je suis restée. Le Carreau du Temple où se tient comme chaque année à pareille époque le Salon du Dessin Contemporain.
Bluffée, scotchée, médusée devant mon «drawing» à moi. Le carnet de James Castle visible sur le stand C5. On peut bien dire que je suis une vieille bougonne mais là je vous certifie que j’y suis allée direct au coup de cœur! Et je n’aurais de cesse que vous ne l’éprouviez à votre tour, ce coup de cœur, en vous précipitant (car vous n’avez que jusqu’à dimanche 29 mars 2015 à 7 P.M.) dans ce vénérable marché parisien, plus du tout glacial et relooké Bon Chic Bon Goût.
J’étais pas la dernière à la Preview VIP mais j’arrive toujours dans ces lieux là comme une vachette dans l’arène le jour de la tienta. Je ne sais jamais trop où aller. Alors je fonce au hasard, comptant sur les révélations qui provoqueront mon regard.
Généralement, elle ne sont pas légion et je tarde à les découvrir. Mais là, je me suis fait envelopper d’emblée dans la muleta d’un exposant un peu à la bourre.
Depuis l’allée centrale, qu’est-ce que j’aperçois? Les vignettes juxtaposées d’un étonnant cahier, ouvert dans les bras d’un monsieur qui peine à l’introduire, sans l’esquinter, dans une vitrine plate inaugurale.
Tellement je suis impressionnée en un tour de sang par la rusticité savoureuse et les valeurs noires et grises de la chose que ce n’est qu’en un deuxième temps que je reconnais dans l’installateur le galeriste Christian Berst himself. Avant que ses clients n’arrivent, j’ai le temps de lui extorquer quelques infos pour mon petit blogounet d’amour.
C’est une œuvre de James Castle. Faites pas : « qui ? » Faites pas : « quoi ? ». Reportez vous à mon post du 5 mars 2012 où je vous disais tout sur le personnage. Si j’ai bien compris, ce carnet de 16 pages qui se feuillette comme un roman graphique, date de 1932. Il aurait été montré pour la première fois en 1962 au California College (USA).
A part ça : tout ce qu’on aime ! Si on voulait le reproduire en fac simile ce serait pas facile à cause des pages découpées de façon insolite.
Coton à manipuler : c’est fragile et ça coûte sans doute un bras (ce qui n’est rien, eu égard à l’originalité et à la qualité). Difficile à montrer.
On peut quand même pas toujours ouvrir à la même page ce recueil d’images (qui fait penser à un album de photos de famille) sous-titrée de lignes sinueuses en guise d’écriture.
Une petite tablette Samsung, voisine du carnet de la vitrine, permet de contourner cette difficulté. Elisabeth Berst qui est d’une patience d’ange l’a domptée pour nous et le visiteur peut ainsi se faire défiler dans le détail tout le carnet de James Castle. Il y a infiniment à rêver dessus. Plus que sur la plupart des autres œuvres du Salon réunies.
12:29 Publié dans art brut, De vous zamoi, Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut, james castle, drawing now, salon du dessin contemporain, christian berst | | Imprimer | | |