Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15.03.2015

Des expos qui cartonnent

Tombent dans ma boîte aux lettres les cartons d’invitation. J’ai beau les battre et les rebattre, j’ai du mal à saisir toutes les exquises subtilités de leurs titres. Quel est ce «rideau qui ne descend jamais»? Comprenne qui pourra!

img862.jpg

Je conçois dans ma petite tête de piaf qu’on puisse être en orbite mais comment pourrait-on être «en constellation» ?? Je m’y perds !!

img863.jpg

Et pourquoi l’exposition tchèque d’une collection d’art brut française et de photographies d’un Suisse spécialiste du genre, sacrifie-t-elle à la conventionnelle manie linguistique anglo-saxonne ??? Je l’ignore !!!

img864.jpgimg865.jpg

De Villeneuve d’Ascq à Prague en passant par New York City, suffit pas de faire tendance pour faire clair.

18:20 Publié dans art brut, De vous zamoi, Expos | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut, folk art, lam, abcd | |  Imprimer | | Pin it! |

08.03.2015

Art brut : la collection du Dr Lafora

On a retrouvé le «schizophrène espagnol inculte». Son nom c’est Pedro. Pedro Alonso Ruiz et devant ses «sujets de compositions orientaux» on chanterait bien comme Marie Dubas: «Pedro, Pedro, Je t’ai dans le sang, je t’ai dans la chair, je t’ai dans la peau, Pedro!». Tant ces aquarelles nous ravissent au sens fort du terme.

podcast

Pedro n’était peut-être pas tout à fait schizo. Plutôt bipolaire on dirait aujourd’hui. Et pas sans culture non plus à vrai dire. Doté plutôt d’un genre de culture populaire que le Dr Lafora -révélateur pourtant de son œuvre- semble étrangement avoir compté pour du beurre. Forgeron et musicien pour le fun avant son entrée dans un hosto psy de Tolède où il passa les années 1916 à 1941 avec un court retour à la case maison du fait de la guerre civile.

De Tarragone à Cadix, y en a pas dix, pas neuf, pas huit, pas sept, même pas six. Et jusqu’à San Sebastian pas cinq, pas quatre, pas trois comme toi Pedro.

anne-et-valentin-2.jpg

Aussi ai-je chaussé mes nouvelles lunettes Anne et Valentin pour aller voir l’exposition rouge et verte de tes bouquets, de tes oiseaux, de tes chevaux à la Galerie Berst qui les montre jusqu’au 11 avril 2015 en compagnie d’autres pièces d’autres auteurs provenant de deux collections de psychiatres espagnols.

désastre 5.jpg

désastre 07.jpg

désastre 3.jpg

Le commissaire associé pour l’occasion n’est autre que Graciela Garcia, bien connue des Animuliens pour ses activités de blogueuse à l’enseigne de l’Homme Jasmin (El Hombre Jazmin). Lisez son intro dans le catalogue (p.16). G.G. nous ramène à l’expo internationale historique d’art psychopathologique de Sainte-Anne en 1950. Voir à ce sujet ma note du 27 mars 2011 :  Art pychopatho 60 ans après. Et tant que vous y êtes, remontez le temps jusqu’à mon post du 6 déc. 2009 : Espagne 70 ans d’art en hosto psy.

C’est la collection Lafora qui fournit le plus gros de l’expo berstienne. A la «pathographie» de celui-ci, Béatrice Steiner consacre un article détaillé dans le  catalogue (p.30).

désastre 02.jpg

Si l’hombre Pedro est le principal attrait du passage des Gravilliers (attention au petit trou dans le pavage devant la porte!), l’autre morceau de bravoure de la Collec Lafora ce sont les photos de dessins muraux d’un patient de l’hôpital de Murcie présentées dans une vitrine.

fresque 1.jpg

fresque 7.jpgfresque 5.jpg

fresque 2.jpg

Elles auraient mérité d’être reproduites et agrandies pour être affichées sur les cimaises. Ce genre de document attestant de productions asilaires disparues est des plus rares et des plus choucardes. Un pan d’art brut véritable nous est soudain révélé.

fresque 9.jpgfresque 10.jpg

fresque 3.jpg

fresque 6.jpgfresque 12.jpg

Merci qui ? Merci Christian. Mais si! Mais si ! Tout m’a pas passionné par ailleurs dans cette exposition mais il y a suffisamment de choses dont j’enrage de ne pouvoir glosouiller faute de place. Les écritures «martiennes» d’un anonyme

desastre 06.jpg

Les dessins compartimentés d’un autre

anbonyme lafora 3.jpgANO8_006-presse_large.jpg

La tortue kaléidoscopique de Cano Adolfo

tortue.jpg

La Sirena de la mar d’Adrian Campo

siren.jpg

Par exemple. Rendez vous compte par vous-mêmes!

invit désastre.jpginvit désastre verso.jpg

Avant que ce «berst of» de début 2015 ne rejoigne les «désastres» d’autres collectionneurs.

15.12.2014

Pour Noël, un défilé d'art brut

Peintes avec les pieds ou avec la bouche, je déteste recevoir des cartes de vœux à l’avance.

simpsons_noel.pngA cette époque de l’année, je pense qu’à Petit Papa Noël. Pas le chien des Simpson. Le vrai. Celui qui dépose dans la cheminée où vous n’avez plus le droit de faire du feu des K-DO venus du ciel. Tombés des paniers des officines virtuelles ou des rayons des vraies libraires qui peuvent encore payer un loyer dans le centre ville.

Sans pitié du dos du Père No, mon chéri et mon daddy m’ont commandé des kilos de coffee table books pour avoir l’air intelligents et actualiser leurs connaissances sur l’art brut à un moment où le premier blaireau venu n’a plus que ce mot à la bouche.blaireau.jpg

Le plus lourd mais le plus souple est un bel objet de couture japonisante, dans une couverture façon smoking déstructuré sous cape-étui au palladium avec titre gaufré (Art Brut, Collection abcd/Bruno Decharme).

recto étui abcd.jpgétui verso.jpg

Programme de la soirée cousu de fil rouge au dos. La doublure à fond noir et impressions sismographiques énumère les noms des stylistes ayant contribué à la confection.

catalogue verso.jpg

Prix : 49,90. Lavage en machine non recommandé.

Le plus léger, dans une veste sable mandalesque avec discret logo de la marque et pantalon cerise à petit revers, est le complément parfait du premier car il traite du même sujet : l’actuelle exposition à la maison rouge.

img767.jpg

verso cata mr.jpg

livre noir abcd.jpgLa version pour la ville en quelque sorte puisque le précédent, qui actualise un modèle de 2000 ayant largement fait ses preuves, ne saurait être consulté dans le métro du fait de son ampleur.

Bruno Decharme, son inspirateur, qui affiche volontiers une formation philosophico-cinématographique des temps structuralistes, a en effet la religion de la pluridisciplinarité. Et le souci de l’exhaustivité poussé un peu loin. Était-il nécessaire, par exemple, de nous gratifier d’une ènième contribution sur l’art des fous avant l’art brut, je me le demande.

img769.jpg

Surtout avec l’adjectif brut entre guillements comme si il fallait prendre cette notion avec des pincettes.

pincettes 2.jpg Moins enveloppant mais plus pratique, l’ensemble sable-cerise Antoine de Galbert a toutes les qualités qui ont fait la réputation des catalogues maison rouge. Bilinguisme, présentation claire des thèmes de l’expo notamment. Ceci pour 24 €.

Les deux books puisent à une iconographie commune, version luxe pour l’un, plus prêt-à-porter pour l’autre. Chacun contient des entretiens avec le collectionneur où celui-ci chouchoute son image. Il serait passionnant de les comparer avec des déclarations antérieures.

Là je n’ai pas le temps car je m’en voudrais de ne pas signaler, dans des prix intermédiaires (35€), le multifilaire catalogue de l’exposition L’Autre de l’art au LaM de Villeneuve d’Ascq.

cata l'autre de l'art.jpg

Ce concept nordique rappelle bien sûr Un art autre, le légendaire ouvrage de Michel Tapié qui date de 1952 et qui traitait de «nouveaux dévidages du réel». Le sous-titre du catalogue du LaM, sous une couverture classe grise et rose genre tailleur Chanel, est plus ambitieux : Art involontaire, art intentionnel en Europe, 1850-1974.

autre de l'art verso.jpg

On dirait que le LaM plante son drapeau partout : sur le temps, sur l’espace, sur un corpus des plus large donc des plus vague. Le résultat est aguichant. C’est un vrai feu d’artifice qui part dans tous les sens. Les productions asilaires, l’art naïf, les graffiti, Dada, les dessins d’enfants, l’espace acoustique, Mary Barnes, la poésie naturelle, le graphzine, que sais-je encore? Avec ça, on est paré pour l’hiver.

Fauteuil-radiateur.jpg

Chacun dans cet ensemble tout terrain choisira sa partie amovible. Pas d’erreur, ça plaira à tout le monde! Même à moi qui me suis drapée illico dans La grande muraille d’Adrien Martias (styliste : Béatrice Steiner) et dans l’Hôpital brut par Corinne Barbant.

08.12.2014

Baptiste Brun et les brutes attitudes

Je partirai de la maison rouge. On va dire que j’y suis toujours fourrée. Mais je voulais pas rater la conférence de Baptiste Brun qui planchait le 4 décembre dernier sur le conditionnement du regard et l’art brut aujourd’hui.

maison-rouge.jpg

Assistance fournie. Fallu brancher la clim.

J’ai pas tout noté. Il fut question de Podesta «performer», des polaroïds de Horst Ademeit dont on n’est pas sûr «qu’il voulait que ça soit exposé de cette manière là»

img761.jpg

du Berger merveilleux qui chatouilla Max Ernst dans le sens du cadavre exquis (voir ma note du 13/06/2007).

Tout un tas de gros mots savants furent prononcés : «critériologie, démon de l’analogie, outil d’ébranlement épistémologique» et, le coolisme du conférencier aidant, tout le monde les dégustait à la petite cuiller.

cuilleres.jpg

Même moi, je comprenais! En me tortillant sur mon banc. «Pauvre tache!», je me disais, «tu aurais pu avoir une chaise si tu t’étais inscrite!». J’interrompis mon monologue intérieur pour faire passer le micro à un auditeur. Il regrettait qu’il n’y ait qu’un seul Giovanni Bosco dans l’actuelle expo de la maison.

Bosco abcd.jpg

Il aurait voulu en voir un mur. Le collectionneur, présent dans la salle, le consola en lui disant qu’il aurait aimé avoir de quoi le satisfaire.

«Vous me corrigerez …» répète modestement Baptiste Brun quand il s’aventure dans des analyses. On voudrait bien mais il ne se trompe guère. Et son topo repose sur des exemples précis.

J’aime pour ma part qu’il souligne combien le concept d’art brut «garde une efficacité opératoire malgré le phénomène de mode qui s’en empare». J’ai un peu plus de mal à le suivre quand il parle de «plasticité de la notion».

Mais j’ai trouvé passionnant qu’à propos d’Anarqâq, Baptiste Brun évoque ces cas-limites que Jean Dubuffet, après examen, a écarté de son corpus fondateur : les masques valaisans (voir ma note du 07/01/2007), Somük, artiste mélanésien occasionnel

img759.jpg

img760.jpg

les bambous gravés kanak (voir ma note du 06/07/2008). Malgré la singularité qui s’y attache pour des amateurs d’art occidentaux un peu tradi, ces productions relèvent en effet de pratiques collectives plutôt que de conduites farouchement individuelles. Anarqâq dont les déroutants dessins ont été récemment montrés dans l’exposition L’Art Brut dans le monde ayant transcrit par exemple ses visions chamaniques pour des ethnologues.

anarquak.gif

Notons à ce propos qu’un même esprit de commande aurait présidé aux crayons de couleurs anonymes de l’Angola qui sont montrés dans l’exposition Art brut, Collection abcd-Bruno Decharme. La plupart d’entre eux figuraient déjà l’année dernière dans l’expo Charles Ratton, l’invention des arts primitifs au Musée du quai Branly (voir ma note du 11/08/2013).

anonymes angola.jpg

Maureen Murphy, l’auteur de la notice consacrée à ces dessins dans le catalogue du musée, indique qu’ils furent réalisés par «les garçons du village de Lubani (…) sans doute à l’intention des Européens (…)». Raison pour laquelle, elle est loin d’être catégorique à leur propos : «s’agit-il d’art naïf, d’art primitif ou d’art brut ?».

La question que j’aurais aimé poser -mais la conférence touchait à sa fin- c’est comment ces dessins d’enfant dont l’un (du même genre) fut offert par Ratton à Dubuffet, ont pu en un an devenir BRUTS pure laine en passant du bord de Seine au Port de l’Arsenal?

24.11.2014

abcd : adn de l’art brut

Si je pouvais je mettrais Paris en bouteille et la maison rouge dans la poche de mon sac à dos. Pourquoi? Parce que la Collection Decharme qui y est exposée se déplie de l’entrée à la sortie comme un éventail japonais et que je me dis qu’elle pourrait se replier aussi. Ce serait pratique. Chaque fois que j’en aurais envie, je l’ouvrirais pour moi toute seule au lieu de la partager avec quantité de gens.

eventail-japon.jpg

Mais je suis pas accapareuse. Je vous invite donc à la visiter sans craindre les heures d’affluence. Après un long couloir qui nous désintoxique des sirops artificiels du monde extérieur, on progresse d’enchantements en sortilèges, sous l’empire de sentiments forts, d’impressions rétiniennes durables et d’idées qui se mettent à vous pétiller sous la chevelure.

affiche expo.png

Au gré des méandres engendrés par les alvéoles inégales et biscornues qui s’offrent successivement à nous, dans un désordre contrôlé qui communique son rythme syncopé à l’expo. Sur le plan ça ressemble à une clé à molette en kit.

plan de l'expo.jpg

En vrai ça imite le fonctionnement chaotique de la pensée vivante. D’aucuns s’en inquiètent. «T’as fait des dessins?» questionne une mère, soucieuse de retenir sa fille qui court comme une balle de flipper. Liberté de photographier. Certains croient capturer l’inneffable dont ils sentent ici la présence.

photographier acm.jpg

Pour scander le parcours des visiteurs moins électriques, les organisateurs de cette exposition entièrement dévolue à l’art brut l’ont segmentée en 12 parties plus ou moins évidentes. L’une d’elle aurait gagné à être désignée par un terme moins lourdement philosophique que : Hétérotopies scientifiques. Une autre a des faux airs d’une chanson de Bashung : Vertiges de la chair.

Mais dans l’ensemble c’est cohérent quoiqu’un peu arbitraire. En voici le déroulé, emprunté au sommaire du book abécédien sorti pour l'expo:

sommaire livre.jpg

Pourquoi 12 stations comme autant d’apôtres? On peut se le demander. On dirait qu’un refoulé biblique fait retour. Le voyage au pays de l’art brut decharmovien situe d’ailleurs très classiquement le chaos «à l’origine» alors que c’est plutôt tout au long du processus des œuvres qu’il se situe.


Un chaos délibérément organisé dans sa répétition même. Comme tel, ni commencement ni fin. Décalage structurel permanent. Ceux qui n’aiment pas qu’on les guide pourront tout aussi bien partir de ce cœur rouge palpitant : la petite pièce où le livre de Dellschau est présenté.

dellschau abcd.jpg

Et rayonner autour. Ou bien s’inventer des circuits personnels comme ces visiteurs qui pistent les pièces dispersées d’un créateur. Car cette exposition permet tout.

judith scott et anonyme.jpg

Son grand mérite c’est de n’avoir pas cédé à la facilité de nous promener dans une succession de salles dont chacune aurait été réservé à un créateur. La présence des nombreux anonymes et des pièces orphelines ne le permettant d’ailleurs pas.

abcd salle 3.jpg

L’exposition de la Collec Bruno Decharme à la maison rouge s’attaque de ce point de vue à une tâche impossible : une confrontation d’ensemble sur le mode thématique.

abcd salle 2.jpg

Elle n’en sort pas toujours gagnante. Exemple : les photos de Tichy paraissent soudain pâlotes dans le voisinage des Aloïse. Mais elle témoigne avec brio de la féconde hétérogénéité de l’art brut (autant d’art brut que de créateurs!).

abcd salle 1.jpg

Elle révèle paradoxalement, en s’en accommodant, la capacité de résistance à l’exhibition collective qui fait partie de l’ADN de l’art brut.

avions.jpg

Bonus. Pas de panique pour la deadline. L'expo abcd à la mr se termine le 18 janvier 2015.

En revanche ça urgeotte pour la carte blanche qui lui fait écho chez Christian Berst : 29 novembre 2014.

masterpieces art brut.jpg

20.11.2014

maison rouge : suivez le guide

Pas plus grand qu’un smartphone, le livret qu’on distribue à l’entrée de l’exposition des deux chevaliers de la maison rouge! Il mériterait pourtant d’être oscarisé. Antoine de Galbert, la puissance invitante, Bruno Decharme, le collectionneur on the air et le staff de la programmation culturelle ont soutenu là une gageure : faire une présentation de la collection abcd (et des notions complexes qui tournent autour) qui ne soit ni bête ni prétentieuse. La clarté est chose trop rare pour qu’on ne la salue pas au passage.

livret recto.jpglivret verso.jpg

Le petit journal de cette expo d’art brut, qui est un must en la matière, s’adresse aussi bien à ceux qui ne connaissent rien au sujet qu’aux afficions chevronnés. Les premiers n’y sont pas pris pour des billes.

billes-et-calots.jpgLes seconds y trouveront un billet pour un voyage au pays de leurs connaissances.

abcd +mr.png

Personnellement, j’ai apprécié que ce «livret de visite» constitué d’un plan et d’un glossaire aborde la question de l’éthique. Souligner que «l’exposition et la circulation des œuvres» doivent se faire «dans le respect de leurs auteurs» et dans l’assurance «qu’ils profitent, d’une manière ou d’une autre, des bénéfices générés par le commerce de leurs œuvres» est indispensable par principe et juste dans les termes.

Ceci posé ça peut pas faire de mal de chercher la petite bête dans le langage documenté et précis employé par les rédacteurs des notices du glossaire.

la pensée du jour.jpg

Comme tonton Niezstche le dit dans Humain trop humain : «les convictions sont des ennemis de la vérité plus dangereux que les mensonges».

C’est donc du côté des certitudes qu’il faut chercher dans le petit journal de l’exposition art brut de la maison rouge les endroits où ça coince. La notice art contemporain / art brut démarre ainsi par une pétition de principe : «Les temps sont au décloisonnement (…)». Une fois que vous avez reçu cet uppercut dans le plexus scolaire, votre petite cervelle de piaf vacille dans ses Converse.

converse chaussure noire.jpg

Vous voilà mûrs pour l’enchaînement suivant : l’art brut s’était constitué «à travers une opposition à un art dit culturel (sic)» mais «actuellement» (sous entendu : c’est fini) «de nombreuses expositions tendent à le confronter à des réalisations intégrées au monde de l’art contemporain» (tout court)».

Et patapoum, admirez le travail! Si vous n’y prenez garde, cette voltige démonstrative vous envoie au tapis, prêts à admettre que l’art brut c’est kif kif le soi-disant art soi-disant contemporain (en fait vieux comme mes robes duchampomyennes).

fakir.jpg

La méthode pour parer c’est d’abord de prendre conscience que l’argument des «temps» (autant dire la dictature de la mode ou du marché) ne vaut pas un clou. L’Histoire est pleine de ces moments où une époque se crut à tort au bord de quelque chose qui s’ouvrait devant elle (que ce soit le communisme, le royaume de Dieu ou l’abstraction lyrique).

La méthode c’est ensuite de  reconnaître que ce qu’on nous présente comme du décloisonnement n’est en fait que du confinement au sein d’une catégorie unique (l’art contemporain) où le ferment corrosif de l’art brut serait enfin édulcoré par ses célébrateurs mêmes.

13.11.2014

Cet automne Larus rime avec Fleurus

chaises ovale.jpg

En cette saison de feuilles mortes dans le jardin du Luxembourg, Larus rime avec Fleurus.

ruedefleurus.jpgDes peintures, des sculptures mais aussi des dentelles d’Eliane dans une rue aux allures provinciales où Joinul et Gertrude Stein demeurèrent, ça se remarque! Vienoiseries.jpg

Surtout si, comme moi, on ne crache pas, retour de promenade, sur une viennoiserie de bread & roses. Du pain et des roses c’est un bon programme aussi pour une galerie. Philippe Tailleur, le créateur de l’établissement gourmand de la rue de Fleurus, a décidé d’en ouvrir une tout à côté. Là, sous la même enseigne, au n°7 exactement, ce passionné d’art expose (jusqu’au 27 décembre 2014) Eliane Larus

a-Exposition-Larus.jpgAvec en exergue des mots évoquant le Bescherelle de notre enfance : Passé–Présent–Imparfait.

PPI.jpgQuestion imperfection, on repassera. La floraison de points rouges sous les œuvres a bien commencé. Tout de suite, une dame américaine qui s’enflamme pour un tableau à la composition subtilement chaotique.

img751.jpg

Ce matin, un docte pro de la santé des âmes errantes qui craque pour une silhouette aux petits points sous plexiglass.

Dentelle-général-copie-3.jpg

Plus tard, un éditeur qui s’enthousiasme : un chapelet de livres consacrés aux différentes techniques de l’artiste ça lui ferait pas peur.

Dentelle-général-copie.jpg

Eliane Larus reçoit ces marques d’intérêt avec une blonde gentillesse et un chandail framboise. Le samedi c’est son jour et la galerie bread & roses est pleine comme un œuf. On s’y frotte aux collectionneurs. On s’y pique à leur curiosité.

Planche-gravée-au-moulin-gris.jpg

Pour un peu on marcherait sur les pieds d’un monsieur ministre qui fut quelqu’un dans la culture. Loin des caméras, il rit simplement du plaisir d’être là. Les uns vont, les autres viennent.

Le-beau-voyage.jpg

Eliane imite le parler des dentellières des Deux-Sèvres qui travaillent avec elle. Tout est bon, petit patapon. Sauf pour moi qui peine à voir le Paysage au soleil noir, un grand format de 2008, en camaïeu de gris, parcouru d’un réseau de tracés électriques formant des compartiments accidentés où vient s’inscrire le vague à l’être de personnages graffités. Avec une tache de couleur involontaire telle une lumière dans un brouillard de zinc.

a-noir.jpg

Sauf pour moi qui découvre le Portrait de Frida par dessus la tête d’un admirateur. Sauf pour moi qui m’attendrit de loin sur le sourire fracassant d’une bouille de papier de verre.

tête-papier-de verre.jpgJe surfe sur une planche incurvée, tatouée de figurations toniques comme un bouclier mélanésien qui aurait appartenu à un guerrier nommé Dubuffet. Je me cloue à un volume en bois découpé dont le revers noir historié me fait penser aux croix des mariniers de la Loire…

l'arbre-copie.jpg

Eliane Larus peint comme on peint quand on est obligé de peindre. Elle œuvre avec sa peinture plutôt qu’avec sa pensée ou son discours. Parce que sa pensée, son langage, c’est la peinture même. La peinture d’un futur qui n’ose peut-être pas dire son nom mais qui n’en perce pas moins dans son art de conjuguer les lignes, les couleurs, les volumes et les niveaux de conscience.

00:00 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer | | Pin it! |

25.10.2014

Text-o-af

RDV 2main 26-10 o A.

Last day.

Curseur + outsider que brut de brut 7 année.

Vernissage trop trop.

Perdu Jeanne, Violette et autres meufs dans escaliers bondés.

Retrouvées ds sdb, room 204 (Polad) face aux Elisabeth Garouste

Elisabeth garouste.jpg

Orteils brisés menu pour entrer chez Cavin-Mo (403). Bonus : Carlo gris. Oiseaux à tomber.

carlo.jpg

Peoples croisés à tous les étages : Toine de G., Ceres parlant d’1 poète disparu (Jean Laude), Clovis d’1 ermite… 2 mots de Valérie Rousseau sur imperméables de «son» musée.

imperméables.jpg

Claqué la bise à Tom et Gaëla, room 503. Dessin de John Mullins au chevet du Creative Gro.

g art center.jpg

Au 505 le lit blanc du commissaire fait regretter le paddock-patchwork de Chomo.

mutant chomo.jpg

Si mutants ennuyeux le dimanche, séance de catch garantie au Marché (305) avec Lewis Smith. Au projecteur : Jean-David.

boxeurs.jpg

Tagami chez Atsuko de Tokyo en 205 : les têtes de papier mâché!

tagami.jpg

Room 302, souvenir de 2013 : «La vérité c’est que tout le monde l’aime [l’art brut]. C’est un art si généreux, un art qui ne se compte pas!» (Andrew Edlin cité dans Télérama 3328).

Un peu + bas au 202, Hassan des trottoirs de Barcelone arrive pourtant, dans une galerie de Frankfurt, à un joli prix. Pourvu ksa améliore son ordinaire!

Tout en haut : livres et artistes de la Halle St-P avec directrice o manettes.

Tout en bas un Corentin. Expo de son skyline bientôt (6 nov.) chez Béatrice Soulié ici en visite.

sylvain corentin.jpg

Pas pu tout voir. Voum raconterez.

02.10.2014

Sous le vent de l'art brut, saison 2

Télérama like passionnément et quand on prend son billet une Zoé de 5 ans explique à sa mère de quoi il retourne à la Halle Saint-Pierre : «l’art brut c’est l’art plastique pour zinzins». Puis elle remonte les bretelles à son papy qui confond Captain America et Batman en lèchant les vitrines de Nima Roda-Gil disposées en fond de cafète.

roda gil.jpg

Direct, la Zoé fonce ensuite, le chouchou en bataille, à travers les lames du rideau de douche colorié qui mène au saint des saints de l’exposition de la Collection De Stadshof («Le Tribunal de la ville» d’après gougueule tradoche). Tout de suite ça lui donne faim à Zoé. C’est que le lieu est découpé en grandes tranches de gâteau par des cloisons. Avec un espace central ovoïde où Martine Lusardy a choisi d’installer les poumons de ce deuxième volet de la série Sous le vent de l’art brut : les demeures de dentelles de Marie-Rose Lortet.

wenzel lortet.jpg

 Photo The ARTchemists

Sur cette bonne idée qui donne de la légèreté à l’ensemble, la directrice de la Halle (mitaines aux poignets pour les préserver des épreuves inhérentes à l’accrochage) a construit son show. Se sent-on opressé par les villes tentaculaires de Willem Van Genk

van-genk.jpg

par les hautes pâtes de Siebe Wiemer Glastra

glastra 2.jpg

 par les brouillards graphiques de Yassir Amazine

amazine 2.jpg

ou par la solide déstructuration des compositions aux crayons et talons perchés de Roy Wenzel?

wenzel-2.jpg

On peut toujours revenir aux cages à air de Marie-Rose, à son mur de petits masques semés comme la fleur de pissenlit du Larousse.

lortet mur.jpg

Et repartir sereine à l’exploration des mystères. Pour ce qui me concerne : les dessins d’un anonyme dans le grand genre composition d’asile du début XXe siècle 

anonyme.jpg

Les petits formats médiumnisants de Paula Sluiter. Les drôles de trams en volume de Van Genk.

van genk bus.jpg

J’en passe et des étonnantes que vous découvrirez à votre tour avant de vous offrir le catalogue à la librairie de l’établissement. Impossible dans les limites qui me sont imparties de vous décliner le toutim. Tout ce que je peux faire c’est insister sur le choix des œuvres présentées, le soin apporté à la scénographie et à la qualité des éclairages. Attention, cette magie est dangereuse pour votre esprit critique! Martine Lusardy est un peu trop en possession de ses moyens. Certaines pièces m’ont paru boostées par son savoir-faire expositoire. Un peu plus grandioses qu’elles ne sont en réalité.

Cette impression flatteuse se dissipe (ou se confirme) au premier étage. Là dans l’inondation de lumière due au ciel rapproché, plus moyen de s’illusionner. Plutôt raides m’ont paru les pantins de bois de Sai Kijima. Quant aux sculptures de Marcus Meurer, si ses assemblages sont savamment emberlificotés et bricoleusement inventifs, leur expressivité m’a semblé dirigée vers des significations réalistes univoques. Raison pour laquelle je ne suis pas folle du carton d’invitation de l’expo.

invit expo ab sous le vent 2.jpg

Le dossier de presse pousse un peu quand il dit que Sous le vent de l’art brut 2 rassemble «des figures incontournables de l’art brut et de l’art singulier». La «salle du haut», cette fois encore, apparaît un peu décevante et j’y ai croisé pour ma part des choses parfaitement contournables, notamment à sa périphérie. Cela n’en fait que mieux apprécier les valeurs sûres : le travail d’A.C.M., malheureusement représenté par de petites pièces

acm.jpg

un mur de Sefolosha où palpite un petit pastel, compact à souhait

sefolosha pastel.jpg

Ceux qui aiment les œuvres de cette artiste prolongeront leur plaisir en assistant le jeudi 9 octobre 2014 au vernissage de l’exposition Waldszenen à la Galerie Polad-Hardouin.

mandragorerecadre2.jpg

01:36 Publié dans art brut, Expos | Lien permanent | Commentaires (1) | |  Imprimer | | Pin it! |

13.09.2014

Les glyptolithes d’Ica, c’est le Pérou

En cette fin d’été d’une douceur presque philosophique, on se sent gagné par la PPAC.

La Peur de Passer À Côté devant toutes les expos qui nous tombent sur le paletot.

L’Art différencié international aux Sables d’Olonne, jusqu’au 28 septembre 2014.

Expo-collectionneur-de-mondes.jpg

Ficties rond de oorspong  (Fictions des origines de l’art) dans la rue Haute, jusqu’au 12 octobre.

fictions des origines.jpg

Willem Van Genk 

Willem_van_Genk.jpg

et Ralph Fasanella qui viennent de commencer à New York.

fasanella lest we forget.jpg

Sous le vent 2 qui hissera la voile le 16 septembre au bon vieux port de la Halle Saint-Pierre.

invit sous le vent de l'ab 2.jpg

On ne saurait suivre. C’est presque trop. A force, l’envie prend d’aller voir ailleurs si l’art brut y est. Au Pérou par exemple. A Ica, plus précisément. Une ville viticole au sud sud de Lima. Pourquoi? Mais pour les pierres naturellement! Les mystérieuses Pierres d’Ica.

enseigne.jpg

Ce que j’aimerais c’est visiter le Museo cientifico Javier Cabrera qui abrite ces milliers de galets, plus ou moins gros, gravés de scènes animées d’une grande variété où voisinent créatures de la préhistoire et personnages d’allure précolombienne.

musée 1.jpgdr cabrera 2.jpg

D’emblée, ce musée fait penser au musée d’Emile Fradin à Glozel ou au musée du silex de Robert Garcet à Eben-Emael, près de Liège en Belgique. On y respire le même parfum d’escarmouche entre la science officielle et les théories autodidactes superbement sinueuses.

dr cabrera.jpgmusée 2.jpg

En dépit des preuves qu’on ne cessa de lui opposer, le Dr Javier Cabrera, le collectionneur de ces pierres dont le style narratif, allusif et primitiviste sans-peine frappe par son adaptation à la nature du matériau et à la forme des supports, ne cessa de leur assigner des origines fabuleuses.

Dr Javier Cabrera.jpg

Que celui qui n’a jamais rêvé lui jette la première critique!

Ica-Stone 2.jpg

Robert_Charroux_L_Enigme_des_Andes.jpgSes spéculations ufologiques sur les premiers astronautes, peuple d’extraterrestres dont les exploits dinosauromachiques et technologiques seraient représentés sur les galets d’Ica ont certes été relayés, dans les années 70 du XXe siècle, par les tenants d’un réalisme fantastique popularisé par la revue Planète.

robert charroux.jpgNotamment par Robert Charroux, jonglant avec la fiction et l’ésotérisme, dans son livre L’Énigme des Andes.

Pas sûr que les conceptions plutôt fumeuses de cet écrivain sportif et aventurier aient beaucoup servi les Pierres d’Ica!

IcaStone.jpg

IcaStone12.jpg

IcaStone11.jpg

ica stone 3.jpg

Mais ce n’est pas une raison pour ne pas les regarder car elles en valent la peine. Derrière elle se profile une légende qui attribue à un paysan local la confection de ces œuvres.

17ica3.jpg

A0122.JPG

ica stone 5.jpg

ica stone 6.jpg

ica.coeur2.JPGL’histoire dit qu’il les aurait trouvées dans une grotte dont il garda l’emplacement secret. Mais lorsqu’il fut accusé de trafic d’objets archéologiques pour avoir présenté et vendu comme tels ses soi-disant trouvailles, le «découvreur» changea de version et reconnut (ou prétendit) en être l’auteur.

BasilioUchuya.jpg

Dans ce jeu d’esquive avec la responsabilité de la création, on reconnaît -et c’est troublant- un comportement fréquent chez les auteurs d’art brut.