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16.02.2013

Un cri passage du Mississipi

La lasagne contemporaine au canasson roumain vous dégoûte? Alors : Jambalaya, crawfish pie, fillet gumbo! C’est la saison sud. Faut en profiter.

Sud, sud, sud : gros arrivages en ce moment! Sud des Etats-Unis s’entend. Les autres c’est pas class. Sud, sud, sud, même l’art brut s’y met. Il ne m’est art brut que du sud. Il n’est bon bec brut que du sud. Le sud, le sud, toujours renouvelé. Le sud, vous dis-je. Bon, c’est un peu agaçant ces campagnes promotionnelles. Sud par ci, sud par là, sud arrive, sud est là…

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Quand tout le monde est poussé à regarder dans la même direction, on a envie de se faire une sortie de route. Mais on ne peut pas s’empêcher de suivre la musique quand même.

 

Et la musique, la musique du sud, est bonne chez Christian Berst. C’est la seule chose dont le galeriste ne parle pas sur son site super bien documenté, à propos de son exposition des œuvres de Mary T. Smith (jusqu’au 2 mars 2013). Elle prend pourtant dans ses bras consolants le visiteur qui franchit la porte du 3/5 passage des Gravilliers (75003).

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Ce n’est pas la première fois à Paris que nous voyons ces tôles ondulées et ces panneaux de bois, bichromes ou monochromes mais toujours peints avec une autorité fervente qui semble venir d’un fond de lucidité sauvage, d’une histoire de labeur et de douleur où se conjuguent surdité, misère, ostracisme et expressivité.

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Christian Berst lui-même en avait déjà présentées en 2009 dans American Outsiders I, une exposition collective. Et Mary T. Smith, aux belles robes très «peinture», figurait déjà dans Art Outsider et Folk Art des Collections de Chicago à la Halle Saint-Pierre en 1998.

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J’emprunte à la biographie de cette créatrice, établie à cette occasion par Martine Lusardy et Laurent Danchin, ces lignes significatives : «Aujourd’hui, et depuis longtemps, il ne reste rien du musée en plein air de Marie T. Smith : le succès et les nombreux amateurs sont passés par là, obligeant même vers la fin cette étonnante artiste improvisée à produire sur commande des travaux de plus petit format, parfois le temps d’une simple visite et en présence du destinataire».

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Je les emprunte pour souligner un mérite de l’exposition actuelle de la Galerie Christian Berst. C’est que, non seulement elle crée l’ambiance en nous berçant dans le blues feutré et enveloppant mais elle n’occulte pas ce fait essentiel : les productions de Mary T. Smith, loin de relever d’un art de chevalet, sont les pièces orphelines d’un véritable environnement d’art brut.

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Des parties d’une œuvre globale qui leur donnait plus de force encore d’être inaliénable, c’est-à-dire non consommable dans l’acception commerciale du terme. C’est pourquoi j’ai trouvé beaucoup d’intérêt à visionner le diaporama qui passe en boucle sur grand écran dans la berstienne galerie.

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Surtout avec mon séant (les petites âmes errantes en ont aussi) mollement enfoncé dans le canapé blanc antonionesque de ce vaste lieu. On y saisit au vol bon nombre d’images de cet univers de plein air si personnel, au temps où il fonctionnait à son plein régime.

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C’est à dire à son usage exclusif. Pour ceux et celles qui aiment les souvenirs, ils ou elles pourront emporter le catalogue où cette impression se prolonge par plusieurs clichés.

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15.02.2013

Primitive Cabaret

Primitive Cabaret. Retenez ce nom. Celui d’une exposition qui se tient jusqu’au 23 février (puis du 8 au 16 mars) 2013 chez Polad-Hardouin, dans le 75003, rue Quincampoix.

roman photo.jpgJe venais d’HT un roman-photo chinois d’il y a 30 ans à la Galerie Impressions quand je suis tombée, dix numéros plus loin, au 86 exactement, sur la vitrine polad-hardouinesque, véritable visage de la galerie.

Dominique Polad-Hardouin le soigne comme un boxeur soigne son gauche. On en ressent l’impact de l’extérieur et les timides, à la limite, pourraient se dispenser d’entrer.

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Ce serait dommage. On a certes un aperçu très fort sur d’envoûtants Macréau qui représentent des parturientes associées à des têtes de mort fichées sur des bâtons (de pouvoir ?)

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et sur une puissante et compacte statue-fétiche au conglomérat sauvage éclaboussée de bleu. 

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Mais on manquerait, sur un mur latéral un grand Sefoslosha clair que –zut de zut– j’ai oublié de photographier (à la place je vous offre son Baron Samedi)

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et plus loin encore (car la galerie est profonde et subtilement méandreuse) l’émulsion filandreuse d’Au Royaume des pyromanes du Sénégalais Omar Ba où la composition converge, par des moyens contemporains, vers une forme bourgeonnante plus ancestrale.

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Primitive Cabaret vous a un petit côté Dada par sa mise à jour d’une force vive et cahotique. Ce titre fait allusion au goût des expressionnistes allemands pour les rythmes «primitifs».

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Des artistes comme Helmut Rieger (ci-dessus) et Andrew Gilbert, qui figurent dans l’exposition P-H, le partagent visiblement. C’est d’ailleurs une œuvre de Gilbert, très référentielle à l’Afrique noire magique et accablée, qui sert de frontispice à la double page dépliante mise à disposition des visiteurs de la galerie.

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Elle contient un grand texte de Leanne Sacramone, conservatrice à la Fondation Cartier. Il éclaire sur le contenu de cette exposition qui fait dialoguer 5 artistes contemporains et des objets vaudou du Bénin (statues à patine sacrificielle, tablier de féticheur, fétiches à cadenas etc.) provenant de la Collection de Claude Rouyer.

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A Spiritual Voodoo Confrontation nous dit in english le sous-titre de Primitive C. En fait de confrontation, on admire plutôt le goût très sûr avec lequel ont été tissées certaines parentés (ou connotations) formelles. Travail de la galeriste!

Car tout cela reste de nature différente : l’admirable second degré des artistes d’une part, le plain-pied des sorciers de l’autre. Mais le vaudou est à la mode. Pas seulement chez les amateurs d’art brut. Pourvu qu’il ne devienne pas une tarte à la crème!

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Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas s’interroger sur lui. Le mercredi 20 février à 19 h une conférence est prévue chez Polad-Hardouin. Je cogite pour ma part sur la «demande» des collectionneurs aux créateurs-féticheurs. Ne risque-t-elle de produire des infléchissements? Ne serait-ce que parce que les Africains sont tentés de ruser avec les acheteurs européens et américains pour conserver (comme il est compréhensible) les objets vraiment «chargés» pour leur pomme.

05.02.2013

De la prison à l’artification

C’est fatigant des fois d’avoir raison avant tout le monde! Car c’est fou ce que j’ai de l’avance sur l’air de mon temps par moment. Tiens, mes chevilles, par exemple. Je vous en ai déjà parlé? Et bien, elles vont bien merci. Je dis pas qu’elles me permettent de danser avec les Demoiselles d’Avignon mais presque.

Ces demoiselles viennent de laisser un commentaire sur le blogue à Michel Benoit. Elles s’étonnent qu’on ait pu «enfin» pénétrer dans la prison Sainte-Anne, célèbre dans notre petit monde outsider pour son mur des offrandes.

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Ces demoiselles ne fréquentent pas assez l’univers impitoyable d’Animula. Si elles avaient mieux lu leur petite âme errante, elles auraient vu que, dans deux chroniques de 2011, fastoches à retrouver ici et , j’avais déjà entraîné mes lecteurs dans la visite des fresques carcérales abandonnées sur le chantier de ce qui est en train de devenir un luxueux hôtel.

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En 2012, il s’est trouvé un plasticien avignonnais de bonne volonté, Jean-Michel Pancin, pour détacher de leurs parois de misère certaines de ces fresques.

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C’est ce que nous apprend Michel Benoit en relayant l’expo Ennemi public qui se tiendra jusqu’au 16 février 2013 à la Galerie Magda Danysz, 78, rue Amelot (75011). Pas très loin de la Librairie du Monde Libertaire si vous voyez ce que je veux dire.

Deux liens préconisés par Michel Benoit sont à suivre. Ils nous apprennent que, à partir du 19 avril 2013, au Palais de Tokyo (qui comme chacun sait est à Paris), Pancin présentera ses travaux sur et autour de la zonzon de Ste-Anne.

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Si je comprends bien cette manifestation montrera une série de photos de rayons de soleil dans les cellules (Lumières 2010-2012), une série de frottages de cœurs gravés sur les murs, une installation de portes de cachots : Tout dépendait du temps.

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Ce titre a déjà servi pour une exposition Pancin aux Abattoirs de Toulouse, signalée par Lunettes Rouges le 15 octobre 2012. Il est question en outre de Pelotes, c’est à dire de chaussettes. De chaussettes lancées aux détenus par leurs familles depuis le jardin surplombant la cour de la prison.

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Elles contenaient des messages et diverses choses prohibées par le règlement. Certaines échouèrent dans les barbelés où l’artiste les a récupérées, trempées dans la résine, montées sur socle d’acier, ce qui prouve qu’il a de la suite dans les idées.

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Si ces pelotes n’atteignirent pas leur destinataire, elles ont touché déjà le public des salles de ventes (Cornette de Saint-Cyr, 5 novembre 2011).

Voilà sans doute ce qu’on appelle de «l’artification»! Les prisonniers ou ex-prisonniers en verront-ils jamais la couleur ?

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01.02.2013

L’art brut en revues

Decharme dans la Gazette, Danchin dans l’Œuf, Duchein dans la CF. Dech-Danch-Duch, si vous avez besoin d’un moyen mnémotechnique. Le papier se défend bien!

La Gazette Drouot cette semaine rencontre Bruno Decharme pour un entretien sur L’Art brut américain avec le très professionnel concours de Stéphanie Pioda.

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L’Œuf sauvage de Claude Roffat confirme sa nouvelle ponte. Il renoue avec la tradition des grandes couvertures de sa jeunesse dans les années 90 du 20e siècle. Spectaculaire Marcel Storr en vitrine. Le morceau de bravoure de ce n°11 : une contribution de Laurent Danchin. La première dans ce support, il faut le remarquer.

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Sous estampille de Paul Duhem, la revue Création Franche est de nouveau de sortie. On y explore avec Paul Duchein, autre collectionneur, Les Cartographies martiennes de Labelle.

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Ce n° 37 contient aussi un article de Bernard Chevassu sur La Maison arc-en-ciel de Christian Guillaud. Six ans déjà que mon blogounet vous avait signalé cet  « habitant-paysagiste » d’une localité voisine du bled du Facteur Cheval (D’Hauterives à Lens-Lestang). A l’époque le créateur ignorait ce qu’il faisait, alors qu’il affiche aujourd’hui «ART BRUT» sur une pancarte. (via La précarité du sage)

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Ce qui en dit long sur la marche malencontreuse des choses.

L’Œuf sauvage n° 11 donne aussi la parole à Jano Pesset. Celui-ci présente l’œuvre de Jean de Ritou qu’il fit entrer jadis à la Fabuloserie.

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Derrière ce surnom qu’on ignorait, il s’agit de Jean Bordes, créateur apparu en janvier 1991 dans le n°2 de cette bonne vieille Création Franche.


Lire l’interview du fondateur d’abcd dans la Gazette du 1er février 2013 est obligatoire pour tout Animulien qui se respecte.

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Elle met un coup de projo sur Voodoo Child, l’actuelle expo abécédienne à Montreuil-sous-bois, «la deuxième ville du Mali» comme l’appellent les medias ces temps-ci.

Au programme : John Bunnion Murray dont Jésus tenait le stylo

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et Marie Tillman Smith, «une dame très tonique, plus revendicative» qui peignait «de grands messages à Dieu» sur des tôles ondulées.

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L’un en Géorgie, l’autre au Mississipi ont connu la période ségrégationniste : «C’était un post-esclavagisme». Pour Bruno Decharme, ils «rejoignent ce que nous qualifions ici d’art brut». Noter à ce sujet les méritoires efforts de BD pour renouveler la définition de l’art brut : «Il est du domaine de ce qui nous échappe et s’exprime sous une forme automatique».

Toute aussi claire mais plus sujette à discussion, la réponse de BD à la question : «Y a-t-il une raison à un tel engouement pour l’art d’outre Atlantique?». Très franchement, il reconnaît que «c’est presque une question de marché». En bref : le marché s’est développé aux Etats-Unis vers 1985, «mais très peu en Europe».

Mais est-il écrit quelque part que l’art brut ne doive dépendre que du marché dominant? Faut-il ne s’en remettre qu’aux galeries qui récupèrent «des fonds» constitués de milliers d’œuvres, à condition qu’elles soient exploitables? Faut-il cesser de s’intéresser à ces créations encombrantes, trop fragiles, anonymes, orphelines, solitaires, ingérables, qui constituent, en dépit des apparences, le véritable peuple caché de l’art brut? Questions que je me pose et qu’abcd, me semble-t-il, se posait davantage à ses débuts vers l’an 2000.

Bon là-dessus, je vais me préparer un double chocolat viennois parce que se turlupiner ça creuse

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27.01.2013

De l’art brut parmi les cœurs brisés

Cela devient coton de trouver de l’art brut. Je veux dire du vrai de vrai. De l’art brut qui ignore comment il s’appelle. De l’art brut sauvage, anonyme, ignoré. En marge de cet art brut officiel, répertorié, pré-digéré qu’une synergie internationale de collectors, curators, filmmakers, galerists, art-critics, teachers, art lovers et même bloggers s’emploie à nous faire rentrer dans la boîte avec un ruban par dessus le marché.

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Certes, cette Académie est loin d’être mal intentionnée. Elle me fait même penser à cette Ecole du chat libre qui stérilise les vilains matous plutôt que de les euthanasier. Mais cette Académie de l’art brut a beau faire pour épargner à celui-ci les rigueurs de la liberté, elle ne peut parvenir à ce que, dans les jungles policées où se déroulent nos mornes existences, nous ne croisions parfois un petit fauve encore errant, sans puce électronique.

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C’est ce qui m’est arrivé cet après-midi au Centquatre et j’en ai eu la chair de poule. J’étais entrée dans ce temple du hip hop, attirée par une exposition du Musée des Cœurs brisés de Zagreb prolongée jusqu’au 6 février 2013.

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Il faisait une chaleur à crever dans la noirceur des vastes salles en sous-sol où sur de blancs piédestaux étaient présentés, comme s’il s’agissait de la Vénus de Milo, des objets écrasants de dérisoire : brosse à dents, plaque d’immatriculation, paire de Converse, frisbee, gants, sex-toy, battoir à œuf etc. L’impression d’un vaste foutage de gueule.

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«Encore une expo où il y a plus à lire qu’à voir», me dis-je. C’était de ma faute. L’idée m’avait paru bonne : ce dépôt de souvenirs d’amours défuntes.

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Mais, mis à part devant la carte postale assortie d’un court témoignage d’une vieille dame arménienne évoquant l’issue tragique d’une demande en mariage contrarié, je ne me sentis guère atteinte par l’émotion.

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Les objets étaient banals à pleurer et la plupart du temps on se fichait des commentaires qui les accompagnaient. Soit qu’on ait la flemme d’en prendre connaissance. Soit que leur contenu ne dépassait pas celui des histoires tombées des téléphones portables dans le métro.

Et puis je suis entrée dans l’avant-dernière section et je n’ai plus eu d’yeux que pour elle.

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Cette broderie déjantée à la véhémence baroque luttant avec l’effacement des souvenirs comme les personnages du film de Michel Gondry : Eternal sunshine (…).

Ecorchée et lyrique. Filandreuse, couturée, perforée, sanglante.

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Superbe de souffrance à vif non de mélancolie caressée. Impressionnant codex dont les pages de grosse toile fripée et cousue pourraient provenir d’un drap d’hôpital.

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Waaaah! Du texte évocateur qui l’accompagne, on déduit une histoire d’amour, la folie qui s’insinue, l’errance dans Delhi, la danse avec Shiva.

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Et ce mort que l’on supplie de venir hanter les rêves comme dans The Scientist la ballade sirupeuse de Chris Martin du groupe Coldplay. Références bien culturelles mais quel auteur d’art brut aujourd’hui n’en a pas?

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L’essentiel étant qu’en matière de solutions plastiques, l’auteur de cette broderie extraordinaire s’avance en solitaire, tous vaisseaux brûlés.P1060108.JPG

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15.01.2013

Terminus Médiums

Je sais plus quoi faire de ma peau. Les mornes bruits de bottes dans le désert qui m’usent le tempérament peut-être? Lundi tout est fermé et samedi c’était guère vivant dans la rue de Seine. Rue Guénégaud, même pas un vendeur à la sauvette pour proposer comme d’hab aux gogos de fausses antiquités africaines à la barbe des galeries spécialisées qui montrent des vraies. Jeté un œil dans la vitrine de Béatrice Soulié mais elle brillait par son absence. Elle est à Marseille, que j’me suis dit. Car BS a ouvert un nouvel espace dans «la capitale européenne de la culture», faudrait être un blaireau pour l’ignorer.

En ce début 2013, tout le monde d’ailleurs est à Marseille. Même le Tampographe Sardon qui expose chez Pakito Bolino. Y’en a donc qui dérivent et d’autres qui divaguent.

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Sur Lettres ouvertes, le blogue de Raphaël Sorin, au sous-titre mallarméen, je pique cet élément d’autocritique à paraître dans Les Temps modernes : «Ecrire et lire, c’est ce que je souhaite à tout le monde. Les blogs serviront à cela, bons ou médiocres, paranos ou confus. La critique sera enfin faite pour tous par tous!».Cela m’encourage vachement à continuer, c’est à dire à sévir. Vous confier par exemple que je n’ai pas su me dépêtrer de l’expo du Musée Victor Hugo qui va pas tarder à arriver au terminus.

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D’une part, je suis sûre qu’elle aura fourni l’occasion à toute une flopée de débutants en spiritisme de prendre langue avec les fantômes par le truchement d’œuvres qui y vont carrément dans le débusquage de l’inconscient et par le témoignage d’artistes et de créateurs s’abandonnant, à des degrés divers, à l’automatisme mental.


D’autre part, je crains que pour les afficions de l’art brut (que vous êtes), elle n’ait eu un petit air de réchauffé car elle puisait abondamment dans les réserves de la Collection abcd qui, depuis une dizaine années, que ce soit avec Fernand Desmoulin, Helène Smith, Leon Petijean, a fait généreusement circuler ses images.

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Si ce constat vous paraît insuffisant vous pourrez rectifier en vous téléchargeant le dossier de presse de l’expo. Ne serait-ce que pour le Victorien Sardou de la Collection de Flers, le Tromelin de derrière les fagots de Lausanne ou les photos du médium Marthe Béraud «qui m’ont beaucoup fait penser aux portraits de Marie-France Lacarce»m’écrit une Animulienne de retour de la place des Vosges.

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Quand je dis «vous pourrez» c’est à une petite restriction près : les abracadabrantesques conditions d’utilisation des «visuels disponibles» que les organisateurs prétendent imposer à la Presse (au méchant Internet surtout) pour relayer «à titre gracieux» (manquerait plus que non !) leur exposition dont le titre est, lui, purement et simplement emprunté à celui d’André Breton : Entrée des médiums.

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03.12.2012

La Belgique fête le centenaire de Robert Garcet

C’était pendant l’horreur d’une profonde virée familiale dans les Ardennes. Une auberge mystérieuse avec du saucisson à la bière dans la forêt. Les sangliers en liberté surveillée du Parc de Belval m’avaient laissée de marbre. Moins les gaufres du village du livre à Redu. On avait fait les boucles de la Meuse. On s’était agenouillés devant Rimbaud au musée de Charleville.

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Mon daddy savait plus quoi inventer pour nous instruire. Nous avons donc poussé jusqu’à Eben-Ezer. En ces années octantes du siècle dernier, cette éminence magique au nord de Liège était une curiosité locale. Forte est encore, en votre petite âme errante, l’impression ressentie devant cette tour impressionnante, rugueuse et bosselée, édifiée sur une pente.

Quatre  géantes créatures ailées coulées dans le béton au sommet de ses créneaux : griffon

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Les quatre Chérubins de l’Apocalypse promis par les infos touristiques! Robert Garcet, le concepteur de cet édifice surhumain (construit avec une équipe de bénévoles) ayant une passion pour ce livre, le plus visionnaire de la Bible.

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On se sentait toute petite en haut de l’escalier monumental qui accentuait l’effet envoûtant.

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Timidement on frappa à la porte voûtée, du genre qu’on voit dans les films fantastiques. Il se passa du temps avant qu’un homme pas grand, vêtu comme un ouvrier d’autrefois et coiffé d’un béret vienne nous ouvrir. Deux grands chiens, noirs comme l’anarchie et sortis de nulle part, sont venus se placer de part et d’autre de notre groupe. Nous n’osions plus bouger.

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De l’air calme du savant interrompu dans ses méditations, Robert Garcet –car c’était lui– nous informa que c’était demain le jour des visites. Le lendemain, en compagnie d’un petit groupe où figurait le photographe Clovis Prévost, on a pu pénétrer dans le Musée du Silex. Du moins dans la salle où se dressaient un pilier et des hauts-reliefs en ciment polychrome des plus symboliques.

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Robert Garcet, qui avait dépassé les 75 ans, ne montrait plus les souterrains où il abritait ses collections de cailloux et d’ossements plus ou moins préhistoriques dont celui du «mosasaure», un monstre antédiluvien de son invention.

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Mais il dispensait ses théories sur les silex où des hommes très anciens, plus anciens que l’humanité même, avaient témoigné de leur art. Un art radicalement différent du nôtre où aucune signification n’était évidente. Un art qui se contentait de suggérer des formes que l’on pouvait ressusciter en observant les silex sous toutes leurs facettes en lumière rasante. 

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Cette érudition très personnelle, qui contrastait avec son look de tailleur de pierres, valut à Garcet une ironie méprisante de la part de la science officielle qui ne voyait en lui qu’un paléontologue amateur et non un grand rêveur.

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Il fut de ce point de vue logé à la même enseigne qu’Emile Fradin (voir mon post du 16  septembre 2009 sur Glozel). Mais elle lui valut l’estime affectueuse des amis qui veillaient sur sa vieillesse à l’époque.

 

Comme ils veillent aujourd’hui sur son œuvre et sa pensée trop profuse pour que je puisse rien faire d’autre que de vous inviter à lire leur site très explicatif. Robert Garcet a écrit beaucoup de livres touffus qui mériteraient de figurer dans un répertoire de la meilleure «folie littéraire». Ce jour-là il nous en dédicaça un.

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Garcet, qui aurait eu 100 ans cette année, fait l’objet d’une exposition dans la bien-nommée Salle coup de cœur de l’art & marges musée à Bruxelles jusqu’au 27 janvier 2013.

 

 

 

09.11.2012

Guy Joussemet "s’impatiente" à Montréal

J’ignore pourquoi les occasions manquent de parler du Québec. Je sais pourtant combien cette Belle Province recèle de trésors le long de ses routes. Aussi aurais-je dû bondir plus vite sur l’occasion qui m’est donnée d’évoquer Les Impatients et leur exposition visible encore jusqu’au 25 novembre 2012.

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Les Impatients, j’aurais pu vous dire que j’ai sali, un hiver, le parquet brillant de leur grande salle avec mes bottes boueuses de Parisienne peu habituée à transporter des pantoufles de rechange dans son sac à dos.

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lorraine-palardy.jpgMadame Lorraine Palardy, sa directrice avait eu la gentillesse de ne pas me gronder. Les Impatients qui se présentent comme «un pied de nez à la folie» est une structure regroupant des ateliers d’art destinés à des im-patients (plutôt qu’à des patients au sens souffrant du terme) rue sherbrooke.jpget une collection puisque la maison conserve les œuvres réalisées en son sein protecteur situé sur Sherbrooke Est (au 100, 4e étage) à Montréal. Quand je vous aurais dit que c’est ouvert à la visite du lundi au vendredi de 10 à 17 h et le samedi-dimanche de 13 à 17 h, vous aurez toutes les bonnes raisons de vous intéresser aux Amis de Guy Joussemet, son actuelle exposition.

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Guy Joussemet, ça fait belle lurette qu’il est entré dans le petit Gotha de l’art brut. Depuis 1986 exactement quand on a lu son nom dans le Fascicule 14 des Publications de la Collection de l’Art Brut. Il venait de donner à Lausanne un paquet de tableaux d’une dame de la campagne qui relatait, avec un certain sens de la fracture, une jeunesse laborieuse dans une nature dont le bucolisme contrastait avec la tristesse inhérente au peintre.

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Guy Joussemet, dont j’ignorais alors qu’il était franco-canadien, connaissait bien ce créateur qui n’était autre que sa sœur : Yvonne Robert qui signe Ryvonne. Un cas à part, plutôt mitigé, tirant fortement vers l’art naïf qui finira avec le temps par dominer.

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Plusieurs années après, j’étais allée rendre visite à Yvonne Robert dans sa Vendée profonde. J’avoue n’avoir pas été très convaincue par la plupart des œuvres qu’elle me montra ni par le côté plaintif de sa personnalité. Rue Sherbrooke, Yvonne Robert voisine avec d’autres compagnons de route de l’art brut que Guy Joussemet a bien connu : Louis Bouscaillou

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Jean-Joseph Sanfourche,

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Jean Deldevez,

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ces deux derniers ayant fait partie de l’équipe réunie en 1978 au musée d’art Moderne de la Ville de Paris dans l’exposition historique Les Singuliers de L’Art.

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C’est encore à une donation de Guy Joussemet que Les Impatients doivent cette réunion. Car, à 80 ans passés, Guy Joussemet qui fut un grand collectionneur et qui reste un homme occupé par les expertises, conserve la manie de donner.

logo_du_musee_du_quai_branly.jpgAu Quai Branly sont allées ses collections d’art mexicain dont il est fin connaisseur, pour ne pas dire spécialiste. Et la statuette chupicuaro dont ce Musée parisien a fait son emblème a été découverte par lui.

Les Amis de Guy Joussemet aux Impatients fait l’objet d’un catalogue. Je dis ça pour les maudits Français qui ne pourraient pas naviguer sur le Saint-Laurent en ce moment.

 

03.11.2012

Les Bartlett’s girls en tournée à Lausanne

Je me demande pourquoi, mon Dieu!, la Collection de l’Art Brut à Lausanne expose ça :

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Et pourquoi elle n’a jamais encore consacré une exposition personnelle à ça :

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L’exposition des poupées Bartlett commencera le 23 novembre 2012 et se terminera le 14 avril 2013. Aux dernières nouvelles, la nouvelle directrice ou le nouveau directeur de la CAB entrerait en fonction le 1er mars 2013.

26.10.2012

Beautiful dolls of the desert

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entrée.jpgSelon que l’on est mod ou rocker, bourgeois bohême ou caillera, amateur d’art sincère ou snobinet, on détestera ou on adorera le show Everything dont je vous ai touché deux mots le 3 octobre dernier. Vous avez jusqu’au 16 décembre pour y assister. Du moins je crois. Même les dates ne sont pas claires.

C’est vrai que l’accrochage, pourtant minutieux, est terrifiant, que la lumière est calamiteuse, que c’est encadré à la va comme je te pousse et que l’encombrement niveleur, poussé à ce point là, on se demande si c’est manque de respect pour les œuvres ou preuve de désinvolture excentrique comme seuls les Anglais savent faire.

suivez la flèche.jpgMais qu’on trouve ça déprimant ou exciting, il faut courir à l’Everything, suivre la flèche rouge, gravir les escaliers d’incendie, déambuler dans des couloirs gais comme la R.D.A. et des espaces bas de plafonds qui n’ont pas été repeints depuis l’Occupation.

Non pour croiser les machines de Ratier dans les douches, non pour admirer entre deux portes les aquarelles d’Alexandre Lobanov éclairées par des ampoules de 25 watts, non pour se retrouver scotchée à 20 cm (il n’y a aucun recul) de 24 dessins-collages de Dellschau, «pages déchirées» d’un livre (par qui ?).

Non, pas pour ça, pour lequel on plaint les prêteurs, mais pour une chose. Une seule chose mais quelle chose! Un environnement d’art dans le désert mojave, commencé dans les années 50 du 20e siècle.

vue d'ensemble.jpgCelui de Calvin

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et Ruby Black

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à Yermo (Californie) : Possum trot.

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En vrai, il n’existe plus mais il est évoqué ici dans ce qui semble être une ancienne salle des fêtes de ce séminaire en friche du boulevard Raspail. D’accord on a mal au derrière sur les chaises en bois de caisse, on se tord le cou parce que la scène est trop haute, le regard chavire sur le drap mal tendu où est projetée la vidéo mais chez Calvin et Ruby c’était sans doute pas très confortable non plus.

 

Et on oublie vite ses courbatures tant c’est extraordinaire. Rien de comparable en France à part le manège de Pierre Avezard. Imaginez une petite cité délabrée au milieu de nulle part, peuplée d’une centaine de poupées en bois dans des vêtements poussiéreux, hailloneux et somptueux.

chez calvin black.jpg

Chacune accomplissant une tâche.

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Imaginez des micros derrière les têtes et le créateur du lieu interprétant un spectacle de son invention, à base de chroniques, avec une voix de fausset et en s’accompagnant à la guitare.

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De la route proche qui apportait les visiteurs on pouvait voir des pièces tourner comme des radars sur des kiosques balayés par le vent.

détail extérieur 2.jpg

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L’organisation Everythingneuse étant un peu parano question photo, je n’ai pas pu vous rapporter des images.

J’emprunte celles que je vous montre à des sites américains qui traitent de ce chef d’œuvre d’invention, de bricolage inspiré, de poésie populaire et de scénographie spontanée.

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Après la mort de Calvin, concepteur principal de cette ambiance féérique pour road movie, son épouse Ruby, qui l’assistait pour les costumes, ne voulut pas détruire Possum trot comme le lui avait demandé son mari.

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vue extérieure n&b.jpg

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C’est donc le temps qui s’en est chargé non sans que des sculptures se retrouvent chez des collectionneurs.

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Elles valent très cher aujourd’hui.

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Sources :

Travels with Charlie

Fondation START

Visionary Road Trip

Some tragic magic

Juju Mamma's

Ana e os Bonecos

Otras voces del ver

Milwaukee Art Museum