11.07.2014
Rococo brut saison 2
Vu que j’étais dans le revival, j’en ai profité pour aller jeter un coup d’oeil à mon «Tivoli sauvage» et secret. Revival Rococo caillouteux. Rococo brut 2 puisque mon premier post sur ce toujours mystérieux environnement d’art date déjà de près de 3 ans. Mon chéri faisait sa tête de cochon de devoir retourner sur nos pas.
D’une voix rocailleuse, il grommelait qu’on aurait mieux fait, avec la flotte qui tombait, de rester dans notre gîte rural pour jouer aux Milles bornes. Mon chéri adore se vautrer dans les jeux de société qui sont laissés à la dispo des moutards dans les locations de vacances. Moi, j’en avais soupé des 7 Familles, du Monopoly et des Petits chevaux et les échecs me font bailler car je suis pas Marcelle Duchamp.
Et puis je voulais vérifier (même sous un parapluie) que cet ensemble architecturo-sculptural était toujours en place et indemne. Et bien : bingo ! oui ! et même Oui-Oui comme dirait la chanson.
C’était toujours la même impression de temple exotique perdu dans la jungle tropicale.
Dans mon souvenir je voyais ça plus blond. «Sans doute la pluie qui accentue cette couleur de glaise» me dis-je (je me dis beaucoup). Mais non : à la comparaison, il n’y avait pas de différences. L’auteur des lieux avait joué subtilement des masses et des teintes des impressionnantes caillasses agglomérées dans ces compositions. On trouve ce genre de choses aux alentours, j’ai pu le constater. Tout encore était fermé dans ce château au bois dormant.
Je n’ai donc pu cette fois-ci encore visiter l’intérieur du domaine. Le créateur de cette demeure de rêve (à supposer que ce soit lui qui l’habite) reste inconnu. Restait donc à se passionner pour de captivants détails. Est-ce que ce chapeau rouge était là la dernière fois?
Je ne me souvenais pas de semblable poële à frire. Ce buste à la fois si romain et si barbare, comment s’était-il envolé de mon esprit?
Et ces terribles sabots d’un des personnages situés sous une gouttière comme il résonnaient maintenant!
Cette tête de vache qui fixait mon objectif, était-elle jusqu’alors cachée sous la frondaison?
Et cette coquille Saint-Jacques ready made? N’était-elle pas la parure de plumes minérale d’un crâne votif?
L’ensemble, à vrai dire, m’a semblé être l’objet d’une conservation attentive plutôt que d’un développement. Et c’est déjà pas mal.
17:22 Publié dans art brut, De vous zamoi, Glanures, Poésie naturelle, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (0) | | Imprimer | | |
09.07.2014
Pierre Darcel poursuit son rêve
Radio Bonheur de l’atelier s’échappe. Une voix chante : «mon cœur est en émoi».
Quand on arrive sur le territoire de Mon rêve, Pierre Darcel, le maître et l’artisan des lieux, baigne dans l’accordéon.
Comme il y a 5 ans. Lors de ma première visite qui vous a fait connaître ce créateur au cœur pur et aux mains d’or. Le volume de la radio est assez fort. Pierre n’a plus l’ouïe très fine. Peut-être aussi qu’en l’isolant du monde, la musique facilite sa concentration.
Pas au point de ne pas remarquer les visiteurs. Quand on franchit sa porte, un détecteur de mouvements l’avertit de son chant d’oiseau modulé en ultra-trilles. Du coin de l’œil, Pierre Darcel nous reconnaît. Il sait qu’on est du genre patient. Il continue donc placidement son travail.
La chance me sourit puisque le voilà qui s’attaque à un sujet grand comme un homme. Grand comme le chasseur (Pierre prononce presque «casseur») qu’il vient de terminer et qui sera bientôt installé dehors avec ses deux chiens d’arrêt.
A l’extérieur un vrai chien veille tranquillement au grain. Cette mini-meute porte les couleurs de Pierre Darcel : blanc et roux pour les statues, noir et blanc pour l’animal vivant.
Laissons Darcel œuvrer tranquille. Il n’est pas 6 heures du soir, signe de la fin de sa journée laborieuse car cet «artiste» a conservé les habitudes de l’ouvrier et du paysan qu’il fut.
En attendant je me régale à photographier les nouvelles pièces que cet animalier, de plus en plus sûr de lui, a parsemé sur son parterre : zèbre, girafe, sanglier, chèvre, vache et cochon (c’est bien le moins, lui qui se consacrait jadis à l’élevage de cette succulente bestiole).
Rien d’une ménagerie fermée cependant. Chaque sujet étant mis en scène avec un souci évident de l’espace, l’ensemble dégage une impression de liberté.
«Un jour ça va être plein!» ne puis-je m’empêcher de dire à Pierre et Yvette Darcel avant de repartir. M’est avis qu’ils ont leur idée sur la question… Ce n’est pas pour demain car les sujets décorés en coquillages sont long à faire.
«Au revoir Pierre, meilleure santé Yvette, vous qui avez été patraque ce printemps!». Bonne continuation dans tous les sens du terme.
16:34 Publié dans art brut, Images, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut, pierre darcel, environnements populaires spontanés, habitants-paysagistes, bretagne | | Imprimer | | |
07.07.2014
À Rothéneuf. Retrouver l’éternité.
Un ticket pour l’éternité. L’éternité à Rothéneuf. Une éternité humaine va sans dire. Quelques années sur la terre. Quelques minutes sur le site de l’abbé Fouré. A mesurer notre usure. Vertigineuse car tout ici, sous la lumière froide et les piqûres des embruns, évoque la dissolution dans le gouffre d’une création qui n’est autre que le gouffre de la nature.
Vingt ans sont tombés sur les frêles épaules de votre petite âme errante depuis sa dernière visite aux rochers sculptés et déjà le ciel lui pèse. La voici moins encline à sauter comme une chèvre jusqu’à la mer toujours verte.
Heureusement que son daddy ne l’a pas accompagnée. Elle n’aurait pas aimé qu’il s’aventure sur la langue noire et humide qui vient lécher les vagues.
Comme de courageux touristes le font.
Avec la précaution nécessaire toutefois.
Mais «trève de nostalgie» comme dit le chéri que j’ai. «Les Rochers sculptés se meurent d’accord mais on va pas en faire une montagne». C’est la grandeur du truc d’évoluer dans ce sens. D’ailleurs ils ne meurent pas. Progressivement ils s’effacent. Usés de trop de vent, usés de trop de pluie.
Lessivés de trop de commentaires aussi car les supporters de Fouré ne font pas toujours dans la dentelle. A leurs ovations parfois pesantes je m’en voudrais d’ajouter. Il n’est pas nécessaire, j’en suis sûr, d’enfoncer un clou dans vos mémoires.
Je me contenterai donc de célébrer aujourd’hui la poésie capillaire de ces sculptures complices des lichens et de la végétation.
Les plantes poussent drues comme barbes et cheveux autour des têtes de l’abbé comme elles poussent gaillardemment dans un jardin monastique voisin du site.
Non loin de là s’est édifié récemment un restaurant qui a l’air fait de bois de grève.
L’architecte a prolongé là une note japonisante dont l’étrangeté se marie étrangement bien avec la présence d’un pin maritime que «l’ermite» a peut-être connu.
Cela m’a fait penser aussi sec (si on peut dire avec la flotte qui me dégoulinait dans le décolleté) à Chanson d’Ar-Mor, cet admirable film expressionniste en langue bretonne de Jean Epstein.
En 1934 déjà, celui-ci avait su associer et confronter, par la musique et par la prise de vue, un âpre fond local fait de labeurs, de danses, de chansons, de magie et de traditions (celui là même où baigna l’abbé Fouré) avec une modernité rythmée par la vitesse, le luxe et des rapports humains basés sur l’argent et la position sociale.
Ceci dit pour vous signaler au cas où que la Cinémathèque française vient de sortir un coffret de 14 films de ce cinéaste trop méconnu, parmi lesquels plusieurs opus bretons.
23:55 Publié dans art brut, De vous zamoi, Ecrans, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, abbé fouré, rothéneuf, rochers sculptés, jean epstein, chanson d'ar-mor, bretagne | | Imprimer | | |
29.06.2014
A la recherche de l’Héritière perdue
AVIS DE RECHERCHE.
A Trélévern L’Héritière a disparu.
Beaucoup moins connue que la Vénus de Quinipily de Baud (Morbihan) dont elle a été parfois rapprochée
La Penheres (L’Héritière, en breton) est une imposante statue à la rudesse impressionnante. Dernier domicile connu : le parc de Kergouanton, un manoir discret du côté est de la baie de Perros-Guirec. Seul portrait en circulation : une carte postale 1900 dont la reproduction ne court pas le net.
Selon le témoignage d’une autochtone recueilli par votre petite âme errante, l’auteur du cliché a fait son possible pour suggérer des dimensions colossales. En réalité le beau moustachu cravaté qui est censé donner l’échelle n’est pas sur le même plan que La Penheres. Astuce de photographe. L’Héritière n’était sans doute «pas si grande que ça». Environ 1 mètre 72. Comme mon informatrice qui a eu l’occasion de se mesurer à elle. Le nez « cassé par des gamins » aurait été remplacé par du plâtre. Origine : rien ne prouve que La Penheres témoigne d’un culte ancien. Les visiteurs ont vite fait en Bretagne de voir des déesses celtiques partout.
Il pourrait tout aussi bien y avoir parfum d’art brut là dessous. Le «Jeu d’un artisan primitif?» comme se le demande le noir Guide de la Bretagne mystérieuse paru chez Tchou au temps de la Révolution Culturelle (1966).
Depuis, les Côtes du Nord sont devenues d’Armor, le manoir a été vendu et son dernier propriétaire d’origine (aujourd’hui défunt) aurait emporté la statue. Aux dernières nouvelles elle aurait été vue dans les parages de Pleumeur-Bodou, non loin de Saint-Uzec et de son menhir de 7 m de haut dont la christianisation naïve n’est bizarrement pas une catastrophe.
«Un peu abandonnée, dans une haie» m’avait-on dit et j’avais cru comprendre que c’était sur une voie parallèle au chemin de la corniche qui serpente entre Trébeuden et Trégastel. Mais j’ai eu beau explorer les parages de cette arrière-côte en face de l’Île Grande, je n’ai trouvé nulle trace de la mystérieuse Penheres.
La piste s’arrête là et pour reprendre l’enquête, il me faudrait de nouveaux indices. Aux lecteurs de mon blogounet, je lance donc à la mer cette bouteille : QUID DE LA PENHERES ?
Formidable ! Yaka demander ! Laurent Jacquy des Beaux Dimanches passait par là et ce dénicheur de rares images m’envoie une autre carte postale où figure en tout petit (mais quand même) la Penheres. La flèche rouge est de lui. Cliquer pour agrandir.
Bravo à son œil de lynx et bonjour au Facteur Cheval de Bernard Bras (voir le post du 29 juin sur son blogue).
17:32 Publié dans art brut, Glanures, Vagabondages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : la vénus de quinipily de baud, la penheres de kergouanton, art brut, art populaire, laurent jacquy, bretagne | | Imprimer | | |
25.06.2014
Ma zi koant et son vaisseau de pierre
Il siffle doucement et les fourmis s’abstiennent de grimper aux murs de sa jolie maison (zi koant en breton).
Eugène Bornet a de ces dons qu’il garde modestement pour lui. Eugène s’auto-guérit en posant la main sur ses vieilles douleurs. Eugène parle aux 200 oiseaux de son jardin : «Pinson, approche, je ne te vois pas…Pinson, chante maintenant!».
Cela suffirait presque à son bonheur, lui dont les épreuves de la vie n’ont pas entamé la douceur. Mais il y a ce grand vaisseau de pierre qu’il a installé en figure de proue de son jardin sous le regard bienveillant de la mairie de son village situé près de Belle-Isle en Terre.
Terrien, Eugène Bornet a beau l’être, c’est à la mer qu’il a voué son parterre. Sa défunte épouse était d’Audierne, voyez-vous. Avec les cailloux des champs et des rivières il a donc bâti, à côté de son trois-mâts, l’abri du marin (sa boîte aux lettres)
un phare miniature
un rocher-chapelle «comme dans tous les ports»
Un portail aux mouettes aussi. Les «habitants-paysagistes» nous ont familiarisé avec ces volatiles en ciment armé.
Amoureux des fleurs naturelles, Eugène Bornet se montre plus original dans la confection de bouquets minéraux dont il orne son mur d’enceinte. Les règnes végétaux et minéraux se superposent sans peine pour lui.
Les créatures vivantes aussi, comme ces crapauds qu’il affectionne et qu’il réalise avec un reste de ciment ou dans une pierre grêlée, trouvée telle quelle et à peine retouchée.
La rigidité de la pierre, il ne viendrait pas à l’idée d’Eugène d’en regretter l’ingratitude. Lui qui a éprouvé dans ses bras les terribles raideurs d’une sévère ankylose qui l’a soustrait à 45 ans à son travail de maçon, il a su faire avec. Et reconquérir par le travail artistique sinon la pleine santé du moins son autonomie.
Pour éviter la paralysie puisque le chirugien lui avait dit de «faire des bricoles». Ainsi armé de son courage et de sa souriante bonne volonté, Eugène Bornet, avec cet innocent dandysme qui caractérise les bons jardiniers, répond volontiers à la curiosité des visiteurs de passage.
A ceux qu’il sent vraiment intéressés par son petit domaine et ses créations (car il devine les gens et les choses), il confie : «moi, j’adore la pierre, c’était mon métier!».
13:43 Publié dans art brut, Poésie naturelle, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, eugène bornet, environnements populaires spontanés, habitants paysagistes, bretagne | | Imprimer | | |
21.06.2014
Josefa Tolrà : un fluide vital
C’est toujours au moment de partir qu’on trouve une raison de rester. J’avais déjà un pied dans ma VW de location quand Pascal Hecquer, le libraire de la Halle Saint-Pierre a mis entre mes mains un livre (ou un catalogue ?) sur Josefa.
Mon petit cœur a fait boum boum devant la ligne serpentine des dessins que j’ai aperçus du coin de l’œil. Mais dehors mon chéri s’impatientait de tailler la route du grand ouest. Je me suis dit que ce serait bien le diable si je ne retrouvais pas les œuvres de cette créatrice médiumnique sur le Net. Aussi à peine mes valises posées dans mon gîte rural sous le vent, à peine mon wifi installé, je me suis offert une dérive virtuelle à la recherche de Josefa Tolrà.
Et je suis allée de bonnes surprises en émerveillement. Un bienfaiteur de l’humanité brute du nom de Farinagaleta a eu la bonne idée de poster sur Youtube une vidéo. Elle nous balade, au son d’une envoûtante musique soufi (?), dans une exposition de dessins de celle que ses contemporains appelaient volontiers Pepeta Cabrils.
Car la merveilleuse Josefa, dont l’activité artistique couvre les années 1942-1959, habitait Cabrils. Vous savez : une localité située au dessus de Barcelone après Badalona et son camping où vous échouâtes une nuit, faute de place dans les hôtels de la capitale catalane.
Ne remettez pas à plus tard le visionnage de ce film. Zappez plutôt votre boulot. Oubliez d’aller chercher vos enfants à l’école. Il vous en dira plus que je ne saurais vous dire sur la fluidité, l’électricité, le charbonneux lacis des entrelacs, les écailles veloutées des parures de Josefa Tolrà (1880-1959).
Les figures mystérieuses de cette autodidacte qui commença à dessiner à 60 ans après la perte de deux de ses enfants, intéressèrent en leur temps le poète Joan Brossa, le psychiatre Joan Obiols et le peintre Antoni Tapiès.
Sa production comprend aussi des châles brodés de toute beauté
des peintures,
des poèmes et des livres
Josefa, qui se croyait médiatrice d’un monde spirituel, mélange les scènes imaginaires, les souvenirs populaires, les visions sacrées et cosmiques.
Après des années de silence, certaines de ses œuvres, préservées par sa fille parce que «données» à sa mère par des «anges de lumière», sont réapparues récemment aux yeux du public.
Lors d’une exposition à Mataro qui présentait des pièces venues du fonds du Musée Reina Sofia de Madrid et de celui du MACBA (Musée d’Art Contemporain de Barcelone).
Le premier d’entre vous qui me dira, devant les créations de Josefa Tolra qu’il y retrouve un petit air de Madge Gill ou (parfois) la structure filamenteuse des encres de Laure Pigeon et bien… je ne lui donnerai pas tort.
21:25 Publié dans Ailleurs, art brut, Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : art brut, josefa tolrà | | Imprimer | | |
20.06.2014
Les marcheurs du Trégor
Le Trégor est un trésor. Cette province bretonne est pleine de clochers qui ressemblent à des poissons-scie. On s’arrête (sans jeu de mots) parce que ça gargouille dans les nuages.
Le temps de photographier une bande de singes de pierre qui ont l’air d’engueuler les fleurs du parvis.
On en oublierait presque ce drôle de paroissien qui s’achemine vers l’église sur ses longues jambes bleu-ciel.
N’était son air farouche, on lui demanderait bien qui a fait son gilet rouge et son chapeau noir traditionnel réalisé avec une ardoise plate et un pot en plastique.
C’est le jardinier de la commune, l’auteur de cette sculpture si judicieusement mise en scène.
Je tiens l’information d’une de ses concitoyennes qui promène son chien. «Mais c’est surtout un bon jardinier!» croit-elle bon d’ajouter. Cette remarque un tantinet restrictive suffit à me lancer dans une enquête de terrain, au grand dam de mon chéri qui préférerait aller boire une petite bière Philomenn bien fraîche.
Que l’art rustique et coloré du jardinier-sculpteur interloque ses contemporains me confirme dans l’idée de son talent natif.
En cherchant bien, j’ai découvert sur un rond-point à la sortie du bourg, une autre pièce du même type.
Même sens du mouvement. Même habileté à tirer parti de la forme naturelle d’une branche.
Même physionomie presque timide due à un traitement savoureusement « primitif » de la gouge.
Aux dernières nouvelles le créateur de ces « marcheurs » aurait œuvré aussi à l’école. Si j’en apprends davantage, je vous tiens au courant.
22:34 Publié dans art brut, Glanures, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art du bord des routes, bretagne | | Imprimer | | |
25.05.2014
Marie à travers le Miroir
Le printemps s’impose. Je surveille à la jumelle les arbres de ma cour qu’un jardinier improvisé a cru bon de scalper. Je compte les feuilles qui reviennent malgré tout. Une feuille, deux feuilles, je feuillette à donf.
Pareil dans les vide-greniers qui avec le printemps se sont mis aussi à éclore un peu partout. Caressant hier d’un doigt distrait un tas de vieux papiers plus ou moins corrosifs pour mon vernis Chanel, j’ai sorti du lot le numéro 83 du 3 octobre 1931 du Miroir du monde, un hebdo qui faisait la part belle à la photo. Peut-être à cause de son image en faisceau de projecteur.
Bien m’en a pris. Car vlatipas qu’à l’intérieur, je tombe (page 412) sur un article d’un certain René Jaubert intitulé L’art chez les aliénés. Bingo! Inconnu de mes services! Il est centré, figurez vous, sur le Dr Auguste Marie et sur l’exposition des toiles de ses malades en 1928 «où elles firent l’admiration de toute la gent picturale» (entendre par là «les jeunes fauves montparnassiens»).
Notons au passage que ce papier rectifie par l’image une erreur commise jadis (en octobre 1905) par le journal Je sais tout quand il avait publié l’article du Docteur Marie sur Le Musée de la folie. Le barbu à nœud papillon et mains dans les poches figurant dans les deux publications est correctement identifié dans Le Miroir du monde comme le Docteur Lombroso de Turin.
L’article de Jaubert est accompagné en outre de quatre reproductions photographiques. Deux que je connaissais déjà représentant Marie aux côtés d’une «curieuse panoplie» qui fait penser avec trente ans d’avance à l’accumulation d’un Nouveau-Réaliste.
Une autre représentant un paysage qui rappelle Barbizon au journaliste mais qui a tout l’air d’un Helen Smith.
Une autre encore restituant la Vision d’une course de lapins montés par des jockeys lilliputiens où «l’on discerne (…) deux énormes chiens prêts à sortir de l’eau, un homme tenant une sorte de longue lyre à la main et, au loin, une foule de spectateurs sous des ombrages à la Corot».
Cette étrange composition serait l’œuvre d’un toxicomane. Toutes ces images sont, bien sûr, en noir et blanc mais je ne vais tout de même pas vous les coloriser comme la télé le fait des films d’avant le technicolor.
16:29 Publié dans art brut, Ecrits, Gazettes, Images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, dr auguste marie, dr cesare lombroso, le miroir du monde | | Imprimer | | |
20.05.2014
Les bons plans d’Anglefort
Si j’attendais pas le plombier ce jour là, vous savez où je voudrais être jeudi 22 mai 2014 sur le coup de 17h30 ? Ici : galerie du marche.ch
Il faut savoir reconnaître des images stimulantes pour la curiosité et celles d’Anglefort le sont. Même si, à première vue, les compositions des maîtres du grouillement que sont Henri Cueco et Antonio Segui ont tendance à venir nous sauter dans la mémoire en face de ces plans multiplement colorés, compartimentés mais libres, légendés mais non bavards, peut-être ludiques, plus vraisemblablement soumis à une ordonnance rigoureuse et sous-jacente de la pensée.
Mon petit cerveau est ainsi fait qu’il me présente d’abord des références culturelles (pas parmi les pires, notez le). Mais à bien regarder c’est un vague-à-l’errance qui m’emporte plutôt à suivre Yves d’Anglefort dans ses dédales animés de créatures si personnellement anguleuses.
De ce créateur encore indemne de légende, Jean-David Mermod, le boss de la Galerie du Marché, nous apprend deux choses contradictoires. Qu’Anglefort vînt un jour «frapper à la porte» de sa Maison. Qu’il «remplit ses dessins de codes personnels qu’il refuse souvent d’expliquer par superstition».
Bon! «Pourvou que ça doure» comme disait la maman de Napoléon. Fasse qu’Anglefort se tienne dans cette position entre deux chaises! La chaise du versant social et celle du repli farouche sur le quant à soi. Tel quel, dans son ambiguïté, il illustre une idée qui me trotte dans la tête.
l’art brut n’est pas une case c’est l’envers du miroir aux alouettes
J’illustre cette note avec les moyens du bord des visuels disponibles sur le Marché. Outre une petite bio qui permet d’en savoir davantage sur Yves d’Anglefort, on trouve sur le site de la galerie mermodique une quinzaine d’autres images reproduisant les œuvres de celui-ci.
17:36 Publié dans Ailleurs, art brut, De vous zamoi, Expos, Ogni pensiero vola | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : yves d’anglefort, jean-david mermod, galerie du marché | | Imprimer | | |
16.05.2014
O(U)AF ! O(U)AF ! WAO ! WAO !
Marre. J’en ai marre des choses qui reviennent chaque année comme les feuilles d’impôt dans les boîtes à lettres. Raison pour laquelle je vous ai pas parlé de l’Outsider Art Fair de New York qui s’est tenue du 8 au 11 mai 2014.
Ouaf, ouaf ! Excusez le mouvement d’humeur. A force ça m’use le tempérament ces rendez-vous obligatoires. Et ça finit par enfermer l’art brut dans une case conventionnelle où il s’étiole. D’où mon silence. C’était compter sans les bonnes volontés de mes reporters. L’un d’eux m’envoie des images de la cérémonie rituelle que je vous restitue sans trop trier.
Notre Sylvain Corentin chez Cavin Morris. Ces élégances de brindilles emplâtrées ne sont pas sans me faire souvenir des bois de séverine qu’un certain Chomo tressait dans la forêt de Fontainebleau.
Verbena sur le même stand : toujours bon à prendre.
Sefoloscha chez Judy Saslow.
Et un petit jeune du nom de Nedjar chez la même.
J’arrête parce que ça ressemble trop à l’année dernière (cf. mon post Ça gaze à l’OAF du 8 février 2013). Mon honorable correspondant a ses petites préférences. Mais même quand je m’abreuve à d’autres sources, le sentiment de déjà-vu n’est pas rare. Difficile d’ouvrir les fenêtres. On a l’impression que ça tourne en rond. Le fourmillement de l’art brut est menacé par la rationalisation. Tout se passe comme si le marché se satisfaisait d’une certaine restriction au niveau des créateurs. But de la manœuvre : imposer quelques noms souvent répétés dans l’esprit du public de façon à ne pas excéder les capacités de stockage de celui-ci. Stratégie basée sur quelques réelles pointures : Darger, Ramirez, Deeds (Electric Pencil).
Et maintenant Marcel Storr dont on apprend qu’il a rejoint l’écurie d’Andrew Edlin, créateur de Wide Open Arts, la Société propriétaire de l’Outsider Art Fair. W(h)oa! A ce propos, MDR je suis quand Art actuel, le magazine des arts contemporains m’apprend que «la Galerie Andrew Edlin est très fière d’annoncer qu’elle est devenue la toute première à représenter les œuvres» de cet «artiste (sic) français autodidacte» qui n’a, bien entendu, jamais souhaité vendre quoi que ce soit de son vivant.
L’Andrew Edlin Galery projette une exposition Storr en septembre 2014. Celle du Pavillon Carré de Baudouin à Paris (France) dont j’ai rendu compte le 24 février 2012 (Storr j’adore!) n’aurait elle donc servi qu’à stimuler des appétits américains ? On peut se le demander. L’avenir dira si Mr Edlin renouvellera, grâce aux découvreurs de Marcel Storr, l’opération commerciale si bien montée avec Nathan et Kiyoko Lerner, les découvreurs de Henry Darger.
Il faut simplement avoir conscience que chaque fois qu’on parlera maintenant de Marcel Storr, cela équivaudra (du fait de cette exclusivité) à mettre deux thunes dans le bastringue du marchand new yorkais. Ce qui n’est pas à priori déconseillé, ouaf, ouaf, wao, wao.
BONUS 1 : Un autre Animulien nous envoie ce lien avec d'autres photos de l'édition 2014 de O(U)AF
BONUS 2 : la réaction d'un lecteur épris d'anonymat et de points sur les i.
Ça commence très fort.
Cliquer pour lire la suite
20:39 Publié dans Ailleurs, art brut, De vous zamoi | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : oaf 2014, outsider art fair | | Imprimer | | |