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15.11.2009

L’épopée murale d’Oreste Fernando Nannetti

Je vous lâcherai pas la grappe avec Richard Greaves sans vous signaler que ses cabanes de rêve sont sur la couverture d’un très beau livre de photos dont j’ai pris tardivement connaissance mais il est jamais trop tard pour bien faire. Cet album de Mario Del Curto accompagnait une exposition qui s’est tenue au Château de Neuhardenberg en Allemagne entre avril et juin 2007. Le titre de la dite expo c’était Kunst ist etwas anderes (L’Art c’est autre chose) et c’est aussi celui du livre.

kunst ist etwas.jpg

L’introduction est de Carl Haenlein et les notices bio de Marie-Michèle Fillion, Patrick Gyger, Teresa Maranzano (bien connue de nos services animuliens) et MDC himself. Se le procurer est de la première nécessité même si vous ne lisez pas le germanique langage. Gougeule-tradoche, après tout, c’est pas fait pour les chiens et puis pas mal des 10 phénomènes représentés dans cet ouvrage sont déjà animulisés comme Léonce Durette, Roger Ouellette, Maurice Dumoulin ou largement documentés par ailleurs comme Marcello Cammi.

Mur par M del curto.jpg

© Photo Mario Del Curto (extraite du livre)

Pour sa part, votre petite âme errante a flashé grave sur le reportage en noir et en couleurs de MDC dans l’hosto psy abandonné de Volterra en Toscane. Ambiance destroy d’aujourd’hui et pesanteur institutionnelle d’hier parfaitement rendues. Mais là n’est pas la question. Il y a ces extraordinaires clichés des murs incisés à la pointe de sa boucle de ceinture par NOF4, autrement dit Oreste Fernando Nannetti (1924-1994).

portrait Oreste Nannetti_.jpg

Un livre de pierre poétique et délirant où signes graphiques et dessins se mêlent. Léprosité, taches et lumière participent de la magie et sont enrôlées avec justesse par l’œil exercé de ce sacré photographe qu’est MDC.

mur couleurs par M del curto.jpg

© Photo Mario Del Curto (extraite du livre)

Il est particulièrement émouvant de distinguer en creux le souvenir des compagnons catatoniques de Nanetti, celui-ci poursuivant son travail de transcription tout autour de leurs immobiles têtes.

banc nannetti.jpg

bambina sur le banc.jpg

Oreste Nannetti était convaincu de dépendre d’un sytème télépathique constitué d’ondes électriques et magnétiques et gouverné par le chiffre 4 (je simplifie pour pas vous prendre la tête). Il se considérait volontiers lui-même comme un «astronaute, ingénieur des mines du système mental», ce qui est évidemment une formule faite pour plaire à tout animulien qui se respecte.

Le bouquin de Mario del Curto est publié chez Nicolai (Nicolaische Verlagbuchhandlung GmbH) à Berlin. Pas la peine de pousser des cris en me disant que c’est compliqué de se le procurer. J’ai cru en apercevoir une pile sur les tables de la librairie de la Halle Saint-Pierre à Paris qui a eu la riche idée de l’importer pour ses lecteurs qui sont parfois aussi les miens. Tant que vous y êtes, tâchez moyen de voir si le N°63 de Raw Vision (Summer 2008) est toujours dispo. Il renferme un article de Bettina Rudhof et Falk Horn (architectes) sur Oreste.


Pour finir je vous montre quelques images trouvées ici ou sur des blogues ou des sites nannettistes

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via Giacomo Saviozzi

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04.11.2009

Un dernier départ pour Claude Lévi-Strauss

Dernière pensée de Claude Lévi-Strauss.

Samedi soir, je sortais du Colloque Gérard Macé à la Sorbonne.

colloque Gérard Macé.jpg

Je pensais déjà à ma note sur l'art topiaire au Japon.

topiaire japon 10.jpg

Je me suis arrêtée dans une librairie pour faire un bisou à ma copine Sophie de retour à son travail après son congé maternité. Sur ses étagères j'ai trouvé un petit livre qui m'a sauté dans les bras à cause de sa couverture orange. Européens et Japonais, il s'appelle. C'est écrit par un jésuite au 16e siècle.

traité européen et japonais.jpg

Cela traite des différences entre les Européens et les Nippons dans toutes les petites choses de la vie.

Style : «Chez nous le riz brûlé au fond de la marmite est jeté aux chiens; au Japon, c'est un fruit de dessert (...)».

Et : «Là où s'achèvent les dernières pages de nos livres, commencent les leurs».

Encore : «Chez nous, les masques recouvrent jusqu'à la pointe de la barbe; ceux du Japon sont si petits qu'à celui qui joue le rôle d'une femme, on lui voit toute sa barbe».

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Ce n'est qu'une fois rentrée dans mon laboratoire animulien que je me suis rendu compte que le bouquin du jésuite portugalais était
préfacé par Claude Lévi-Strauss.

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Hommage anthume, je me suis dit, en apprenant sa disparition aujourd'hui.


Si les bébés ça vous dit, celui de Sophie se nomme Mathilde.

Mathilde sous un parasol.jpg

00:49 Publié dans In memoriam, Lectures | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : gérard macé, claude lévi-strauss, japon | |  Imprimer | | Pin it! |

13.09.2009

CHOMO. Dix ans après.

Atansion lé violanse.JPG

Débarquement spirituel de CHOMO sur la planète Saint-Pierre le mardi 15 septembre 2009.

!!! ATANSION !!!

invit chomo.jpgÇa va saigner à la Halle. CHOMO revient avec des images de lumière dans les poches de son chandail. CHOMO en avait marre de manger des étoiles. CHOMO détonne. CHOMO crépite.
LÉ VIOLANSE du vernissage commenceront à 18 h 30 rue Ronsard dans le 18e arrondissement de Paris.

Montez de la station Anvers si vous venez par le métro ou descendez par le funiculaire si vous abordez les choses du côté de la Butte Montmartre. Venez à cheval si vous êtes un mousquetaire (ou une moustiquaire). Laissez les bourrins dehors. Les chapeaux à plumes au vestiaire. Plus besoin de taper sur le gong avec la garde de l'épée, montrez votre invit à l'entrée.
Quelque chose me dit que vous allez vous sentir comme des chatons dans les mains du Cardinal.

Chomo et ses chats.jpg

!!! ATANSION !!!

L'expo CHOMO n'est pas un festival pleurnichard pour vieux nostalgiques du village d'art préludien.

Chomo église pauvres, photo clovis Prévost .jpg

L'église des pauvres - Photo Clovis Prévost

Martine Lusardy nous sert ici sa botte secrète. Son accrochage a du panache et elle s'escrime avec clarté. Elle témoigne de l'actualité, toujours explosive dans sa diversité même, de cette œuvre qu'on ne peut classer ni dans l'art brut, ni dans l'art contemporain.

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vue expo chomo 2.JPG
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!!! ATANSION !!!

Pour ceux qui douterait de cet « ailleurs » si particulier, je conseille la lecture de ces quelques lignes de Michel Thévoz à propos de CHOMO: « Bien loin d'être indemne de culture, il en était un adversaire rusé, lucide, vigilant, offensif sur tous les fronts artistique, philosophique, politique, écologique. (...) Chomo (...) était foncièrement allergique à l'orthogonalité, et dans tous les registres, géométrique, mental, politique, esthétique etc. Déviant irréductible mais en toute connaissance de cause. Conscient avant les autres, hyperconscient même, de la régression obscurantiste et du formatage mondialisé que, par une double et crapuleuse dénégation, on appelle néo-libéralisme ».

 
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26.07.2009

Ciel! mon Macréau!

CIEL mon Macréau.jpg

Un Macréau d'été ça vous dit?


couv fallet.jpgSi vous venez comme mon daddy de vous retaper la lecture de Paris au mois août de René Fallet.

café du chat noir.jpgSi les gosses sont en colo et votre chéri en séminaire à La Rochelle.

 

Si vous vous sentez l'envie d'un cornet de glace à Montmartre.

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affiche michel-macreau-halle-saint-pierre.jpgAlors c'est l'occasion d'un crochet par la Halle Saint-Pierre qui expose toujours le peintre Michel Macréau jusqu'au 28 août 2009.
Et si vous êtes un touriste déjà blasé de la vie cul-tu-relle du 75-3 ou 4, si vous en avez soupé de Pompidou et que le Musée Picasso vous gave. Si les galeries de la Vieille-du-Temple, des Francs-Bourgeois et de la rue du Perche sont fermées pour les congelés annuels. Si, si, si... et bien c'est pareil.panneaux.jpg
Mettez le cap sur Anvers (la station de métro), enfilez la rue de Steinkerque, tournez à droite vers la Sainte-Halle, montez l'escalier hélicoïdale et vouzyêtes.

Rien d'autre à faire après ça que de vous en mettre plein «les carreaux» si je m'exprimais comme Fallet. L'expo a suscité des commentaires. Vous pourrez les lire sur le mur de la presse affiché dans l'entrée du musée. Je vous dirai pas si elle est trop ceci ou trop cela. Je m'en «foute» pour parler comme Patricia, l'héroïne anglaise du roman cité + haut.

Simplement, c'est une expo d'envergure sur un artiste important dont le travail est en résonance et en fraternité avec l'art brut. C'est assez rare non? Et vous seriez bons à rayer de la map si, si, si, passant par cheux nous, vous loupiez l'occase.

M Macréau, La faune humaine, 1961, huile et technique mixte, coll part.jpg

La faune humaine, 1961

M Macréau, En se penchant sur la margelle, 1962, huile sur toile,100 x 72 cm coll part.jpg

En se penchant sur la margelle, 1962

M Macréau, sans titre, 1967, huile sur toile, coll part.jpg

sans titre, 1967

M Macréau, La danse des douze têtes, 1985, huile sur panneau, coll part.jpg

La danse des 12 têtes, 1985

M Macreau, Le cimetière abandonné, 1988, acrylique sur panneau, coll part.jpg

Le cimetière abandonné, 1988

Michel Macréau, La blessure de l'ange, 1989, acrylique sur carton marouflé (207 x 128 cm) .jpg

La blessure de l'ange, 1989

Toutes les photos sont extraites du dossier de presse

Si vous y tenez, vous pourrez prolonger la visite par un souvenir : la lecture assez fastoche (la langue est claire et même aimablement familière) du bouquin qui accompagne l'exposition Michel Macréau. Je suis pas folle de son sous-titre : Entre diable et Dieu. Je vois pas trop ce que les bondieuseries viennent faire là-dedans même si Macréau, c'est vrai, se sert (mais dans un sens absolument pas cul-béni) de figures christiques.

couv diable et dieu.gif

Quant aux diableries, franchement, on nage pas en plein gothique chez Macréau! L'auteur de cette monographie a tendance à faire à Macréau ce que Paul Claudel a fait à Arthur Rimbaud. Edulcorant le potentiel de révolte, sous-estimant le dialogue du corps et du psychisme, négligeant les signes chamaniques au profit de la sacro-sainte croix dont Macréau se servait plutôt pour des motifs purement formels, il parsème son texte de «graal», de «genèse», de «blasphème», de «religion», d'«autel», de «grâce» et autre «spiritualité».

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Un vrai bazar mystique qui nous mène tout droit à une conclusion hagiographique après laquelle on n'a plus qu'à dire amen. Il attribue l'apaisement relatif que, selon lui, Michel Macréau aurait trouvé à la fin de sa trop courte vie (il est mort à 60 ans conscient d'être condamné par la maladie) à «la reconnaissance» qu'il sentait «sincère chez son dernier marchand».
Hypothèse qui mérite sans doute d'être envisagée mais gageons qu'elle aurait plus de validité si ledit dernier marchand n'était aussi -comme ça se trouve!- l'éditeur dudit livre.

17:53 Publié dans Expos, In memoriam, Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michel macréau | |  Imprimer | | Pin it! |

23.04.2009

Monsieur Bob est sorti !

Bob en stock ou Giraud c'est pas trop tôt. Mon usine à titraille fonctionne à pleins poumons. Je cherche la formule. La bonne formule pour me positionner comme il faut sur le netvibes. C'est que je voudrais pas que vous la loupiez, mes animulecteurs et lectrices préféré(e)s. Quoi donc ? Mais la sortie du livre d'Olivier Bailly, badame ! Monsieur Bob, c'est son titre (le vrai), dans la Collection Ecrivins, chez Stock justement. 14,50 €, c'est donné pour une très classe brique plate de 190 pages qui déformera pas vos poches de costard, messieurs, ni vos sacs à malice, mesdames, quoique dépassant tout de même vers le haut.

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A force d'en entendre parler sur Le copain de Doisneau, le blogue de l'auteur (que j'appelle moi : Robert Giraud et ses copains), j'avais fini par m'en faire une idée qui ne correspond pas à la réalité. Je m'attendais à une bio un poil roborative, positiviste à l'américaine, avec tout le tremblement de notes, index et biblio en veux-tu, en voilà.
Suis-je bêtasse ! C'est aéré, fruité, sensible et informé. D'une information jamais lourdingue même quand l'enthousiasme d'Olivier Bailly pour son sujet l'amène à répéter un détail pittoresque : les 40.000 cartes postales de Robert Giraud, par exemple.
gaufrettes salées.jpgMais une conversation de bistrot s'accommode de ces retours et le bouquin d'O.B. en a la saveur un peu nostalgique. Pas de pédagogie, une capacité à développer les arômes. Monsieur Bob se déguste comme une gaufrette au fromage au rythme d'un nectar de la Loire.

Croustillant comme une évocation, suave comme une célébration, astringent comme une vieille tristesse qu'on caresse sur la langue.
Olivier Bailly n'est pas un sauvage. Ne comptez pas sur lui pour appuyer sur les plaies. Mais la fêlure, présente chez un écrivain comme Robert Giraud depuis sa libération en août 1944 de la zonzon nazie pourrie où il attendait la mort à 22 ans, O. B. nous la fait sentir en douceur.

couv le vin des rues.jpg

On a traité Robert Giraud de cossard. Lui, ce documentaliste hors pair ! Lui, cet auteur d'un chef d'œuvre (Le Vin des rues), de plusieurs romans et d'une tripotée d'articles sur l'argot, les clodos et les tatoués !

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podcast

C'est vrai qu'il donne le sentiment parfois de ne pas s'acharner à terminer les choses. I prefer not to ..., diraient certains. C'est ce qui fait son charme.

Je ferai bien d'en prendre de la graine.

09:10 Publié dans Ecrits, In memoriam, Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : robert giraud, olivier bailly, le vin des rues, stock | |  Imprimer | | Pin it! |

04.04.2009

Arriverderci Giovanni

Giovanni Bosco in memoriam.jpg
Photo mai 2008 - © Catherine Edelman

Giovanni Bosco nous a quittés mercredi dernier.



23:01 Publié dans In memoriam | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : giovanni bosco, art brut | |  Imprimer | | Pin it! |

27.02.2009

Jacques Chessex et sa Suisse

Roule ma poule ! Une fois le pied en Suisse, je vais pas lâcher l’affaire. En shorter voilà : pistant comme à mon habitude le mot «brut», je suis tombée sur «l’ogre Jacques Chessex». Pas au détour d’un bois vaudois mais dans un article de François Dufay paru dans l’Express du 19 février 2009 à propos du nouveau livre de l’auteur, Un Juif pour l’exemple.
chessex portrait n&b.jpgL’ogre a vieilli et son visage ressemble maintenant à celui du Père Noël mais il collectionne toujours les couteaux des Dracula alpestres.

couv chessex.jpgSon livre fait donc son petit effet dans les librairies de chez lui. Ceci parce que, se basant sur un fait-divers sinistre survenu en 1942 dans sa ville natale de Payerne, Chessex y déterre une ambiance antisémite à faire gerber que certains de ces compatriotes préféreraient oublier.

L’écrivain, qui n’y va pas par quatre sentiers de randonnées, a depuis un moment déjà une autre corde à son arc : la peinture.

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Cliquer sur la photo pour voir le diaporama

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Selon François Dufay, le résultat  de ses «fureurs picturales» se situe «entre art brut et figuration libre». Je ne suis pas si catégorique et d’ailleurs Jacques Chessex non plus : bien qu’il n’ait jamais appris à peindre de manière académique, il est catégorique, ses peintures ne peuvent pas être assimilées à de l'art brut.

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En fait, ce qui me botte (de 7 lieues) chez Chessex c’est que tout «gens-de-lettres» qu’il est, il n’a pas des opinions de Petit Poucet du ciboulo. «Je déteste l’art grec, ce mensonge en plein soleil» gronde-t-il dans sa barbe et je trouve ça marrant.
Pour rester dans la note de ma note fribourgeoise précédente, je ne résiste pas à vous surligner encore ce passage de Chessex à propos de son pays: «De la France, vous ne voyez que les vitrines de chocolat, les banques qui d’ailleurs s’effondrent et les horlogeries qui ont été délocalisées. Ce qui demeure c’est un peuple guerrier, sauvage, violent, qui a un goût baroque des armes, de l’héraldique, du bestiaire. Toute notre histoire exalte des brutes, des coupeurs de gorges, des saigneurs de cochons».

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Si après ça, vous pensez toujours que la Suisse est, comme se l’imaginent trop les Français (selon François Dufay) «une contrée aseptisée» plutôt qu’un pays «où la folie couve», demandez à votre libraire Un Juif pour l’exemple paru chez Grasset .
Surtout si vous êtes Français, ça vous aidera à comprendre pourquoi l’Helvétie est une terre d’art brut.

23:55 Publié dans Ecrits, Expos, Gazettes, Images, In memoriam, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacques chessex | |  Imprimer | | Pin it! |

08.02.2009

Lewis for ever

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L’art brut est en deuil. Lewis nous a quittés. Pas pour aller faire pipi dans la rue Ronsard. Pour toujours. Ô nuit désatreuse où s’afficha sur mon 24 pouces cette nouvelle étonnante comme un éclat de tonnerre en janvier : Lewis n’est plus, Lewis est mort !

J’avais tellement l’habitude de le chercher des yeux quand je poussais la porte en acier brossé de la Halle Saint-Pierre que je n’imaginais pas que put un jour nous manquer le frou-frou de ses poils follets dans les travées de la librairie ou autour des tables de la cafète.

Trop fier pour servir de poisson-pilote à sa maîtresse qui dirige le musée, Lewis, le nez au sol et les oreilles balayant tout sur son passage, inventait ses parcours personnels au gré des passionnantes effluves abandonnées par les souliers des visiteurs.


Amis chasseurs, bonjour ! La Halle Saint-Pierre était son terrain de chasse et à ce terrain de chasse il donnait tout son cœur de cocker. Lewis, c’était un coussin de fourrure qui vous caressait les tibias à la va-vite. Lewis, c’était une truffe humide qui se posait sur votre main, juste pour vérifier que vous n’apparteniez pas à une espèce puante.

Lewis c’était un pote-à-moi. Le meilleur peut-être que j’ai eu dans le petit landerneau de l’art brut, je m’en aperçois un peu tard. Toujours léger, jamais ronchon, gai, affairé, vif-argent du popotin. Pas rancunier pour deux sous surtout, même quand vous lui montiez par inadvertance sur les papattes les soirs de vernissage.

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medaille.jpegPas un chien mais une créature indépendante et sensible qui avait su conquérir sa liberté en dhommestiquant (et en masticant un brin) les drôles de sales bêtes que nous sommes.

Lewis, le voilà cinglant vers les glaciers impavides du territoire des ombres, à la conquête de nouveaux musées d’art brut toujours plus beaux, toujours plus vastes et toujours mieux pourvus en médailles pour décorer la veste de Martine Lusardy.

00:17 Publié dans In memoriam | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut | |  Imprimer | | Pin it! |

30.11.2008

La Tombe à la Fille

couv bretagne insolite.jpgLa Tombe à la Fille sort de l’ombre à l’occasion du Guide Bretagne insolite et mystérieuse édité par Christine Bonneton. Ce haut lieu d’un culte pour ainsi dire «vaudou à nous» -parce que très peu contaminé par le formatage monothéiste européen en dépit de son vernis catho de surface- votre petite âme errante aurait pu vous en parler depuis longtemps déjà. Et attirer votre attention sur l’installation populaire qui va de pair.

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une copine.jpgJ’aurais pu vous raconter comment, après la lecture de l’article de Joël Bigorgne dans Ouest France des 18-19 août 2007, je me suis aventurée bravement, en compagnie de mon couteau suisse et de deux copines qui n’en menaient pas large, dans la forêt épaisse et humide (l’été était pourri) de Teillay à la recherche de l’arbre où fut pendue, il y a 200 ans et des, une victime des guerres civiles révolutionnaires.

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La jeune Marie Martin,18 ans, torturée par les Chouans pour n’avoir pas balancé les bleus, selon la légende qui court à la limite de l’Ille-et-Vilaine et de la Loire-Atlantique.

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Si j’ai préféré me taire, si je n’ai pas pissé de la copie sur les sentiers hasardeux qui mènent au sanctuaire de Sainte-Pataude (autre nom de la martyre), où on n’est guidée que par des chiffons accrochés aux branches par les fidèles, c’est que cet endroit saturé d’ex-votos ready-made m’est apparu d’une authenticité à tomber.

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Et chacun sait que la médiatisation peut nuire gravement à la santé de tels lieux «magiques» où la ferveur se combine si bien au fétichisme des déchets qu’elle se transforme sans peine en art collectif.

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Il y a donc des cas où il vaut mieux pas se vanter d’être la première sur un sujet. La Tombe à la Fille pouvait prétendre à un répit, je m’en serais voulu de ne pas le respecter. Mais permettez maintenant que j’ouvre ma goule.

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A la différence de Joël Bigorgne qui prenait soin de citer les propos d’Yvon Mellet le maire de Teillay : «Les gens du coin entretiennent le lieu. Ils ont peur que, si l’endroit se dégrade, un malheur s’abatte sur eux», le commentaire inodore et sans saveur de Béatrice Magon, auteur du sus-nommé guide, n’a pas un mot de mise en garde pour ses lecteurs.

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Il est vrai que cette dame voit de l’insolite dans une librairie-salon de thé et du mystère dans une saint-sulpiciarde statue de Jean-Paul II ! Quant à ses titres, il vont des comparaisons éculées : «Une BD de pierre» (Les rochers sculptés de Rothéneuf), aux calembours beauf : «Ici on fait l’andouille de père en fils» (Guéméné).

Le moyen d’éviter après cela que les touristes aillent saucissonner sur les lieux de culte sauvages où se pratique un art d’autant plus art qu’il ignore son nom !

20:40 Publié dans Gazettes, Glanures, In memoriam, Poésie naturelle | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut, dévotion populaire, ex-voto | |  Imprimer | | Pin it! |

24.11.2008

Des minous et des livres

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Sorbonne 15 mai1968.jpgVialatte, Lévi-Strauss, Caradec et les autres : week-end-lecture pour votre petite âme errante. J’étais partie errer dans les rues glacées du côté de la Sorbonne qui est devenue un lieu de pèlerinage pour les cousins de province («mais voui, c’est là que ça se passait…») lorsque j’ai bifurqué vers les thermes de Cluny où se tient l’expo Celtes et scandinaves, rencontres artistiques VIIe-XIIe siècle que je voulais voir.

Hélas, le Musée National du Moyen-âge m’est apparu un peu rébarbatif avec sa porte défendue par un gardien qui n’a rien de Georges Clooney.

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Et puis, j’en ai eu vite marre de faire le poireau devant des chiottes, installées dans un module de chantier qui défigure une cour vénérable, alors je suis allée photographier un minou du Poitou qui fait un tabac dans une librairie de la rue Saint-Jacques, voisine du Vieux Campeur.

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dilettante logo2.jpgDe minou en minou, je suis allée lécher la vitrine du Dilettante où j’ai repéré les Chroniques de l’année 1968 d’Alexandre Vialatte qui viennent de sortir chez Julliard avec une préface de Philippe Meyer. Pour celles qui, comme moi, ont fait depuis longtemps des papiers du grand Alexandre leur livre de chevet, il n’y a peut-être rien à apprendre.

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paulhan par dubuffet.jpegMais ça fait jamais de mal de relire Vialatte et j’ai revisité avec plaisir certaines allusions au Facteur Cheval, certaines petites phrases sur Dubuffet et Jean Paulhan : «Dubuffet se grise de trottoirs, de bitumes et de macadams. Il a fait un portrait de Jean Paulhan en bitume. Les trente-deux dents (…) sont faites en vrai gravier de trottoir (…)».
Après ce joyau rouge, mon choix s’est porté sur un bijou noir, imprimé en bleu et édité par L’Herne. Ce petit bouquin de Claude Imbert s’intitule Lévi-Strauss, Le passage du Nord-Ouest.

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Pour celles qui prennent soin de leur beauté, il a l’avantage de contenir la traduction en français (par Mark R. Anspach) d’un article de C. L.-S. parut en anglais dans dans le 1er n° de V.V.V. créée par André Breton, alors réfugié aux U.S.A, en 1941. Il s’agit de Indian Cosmetics, cette troublante cosmétique des indiens Caduvéo du Brésil que les habituées du chapitre XX de Tristes Tropiques connaissent bien. «Les femmes caduvéo ont une réputation érotique qui est solidement établie sur les deux rives du Rio Paraguay», nous dit Lévi-Strauss qui fête ses 100 ans vendredi. Avis à mes lectrices ! Comment les messieurs, emplumés ou non, ne craqueraient-ils pas devant ces parures de lèvres dessinées au jus bleu-noir d’un fruit du nom de genipapo.

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C’est d’un sourire pareil que je souhaiterais saluer la sortie discrète de François Caradec, auteur (entre autres) de la désopilante et érudite Encyclopédie des Farces et attrapes et des mystifications, parue en 1964 chez le malicieux Jean-Jacques Pauvert. Des Arts incohérents aux fausses peintures du Tassili, de la Vierge à surprises de Notre-Dame du Mur de Morlaix à Glozel, on y serpente sur maints chemins de traverse qui croisent les sentiers de l’art brut.

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Que toutes ces voies mènent au paradis des Christophe et des Allais, ça me paraît évident. Pas vous ?