03.08.2015
Une Norvège rustique-moderne
Pas d’eau chaude depuis 3 jours. Mon plombier est à la pêche. En Norvège. Un pays dont je rêve! Et mon daddy aussi dont la collection de timbres se la pète avec un tas de vignettes où s’étale le mot Norge.
Monsieur Mourad (mon plombier) a trop la frite avec ses escapades fish and chips! Pour me venger j’ai déniché sur une brocante le bouquin du photographe Rune Johansen : Insolite Nordland. Moi c’est Nordland qui m’a interpellée mais je vous vois frétiller des moustaches (ou du ruban Minnie) devant l’adjectif insolite. Vous n’avez pas tort.
Ce Rune né à BODØ (je le fais en cap car j’ai pas de petit Ø dans mes caractères spéciaux), une ville un peu au delà du cercle polaire arctique, excelle dans le rendu des intérieurs candidement kitchounets de ses parents ou voisins et les portraits plus dans leur jus-tu-meurs d’iceux. N’allez pas croire que je bouffonne.
Rune Johansen a inventé une variété d’insolite de la plus belle eau. Celle qui est si authentiquement au ras des paquerettes de la réalité qu’elle passe inaperçue. «Aucune de mes photos n’est mise en scène» déclare Rune Johansen. «J’immortalise la part de simplicité et de proximité qu’on trouve chez les gens ordinaires sans changer ni leur intérieur ni leur identité».
Tout un programme. Johansen révèle de ce fait le sens rustique-artistique du décor intime de ses concitoyens du terminus nord constituant son pays natal. Sa préface qui évoque sa rencontre inaugurale avec Erlend, un vieil original mal léché, seul habitant d’un coin abandonné au bout d’un fjord, vaut 10. Elle prélude aux rencontres avec les personnes dont le photographe a eu la permission de faire le portrait.
Sa tante Sigrid près de sa lampe Cerf dans le coucher de soleil. Les jumeaux Kiss et leurs tatouages identiques.
Simon, un géant viking auteur d’une toile naïve représentant son chalet.
Shirlei et son uniforme de collectrice caritative. Sans oublier d’autres personnages aux noms plus pittoresques tels que Stale le salaud et Henrik la ferraille. Plusieurs d’entre eux sont des accumulateurs compulsifs comme oncle Leif dont la vieille écurie est un chef d’œuvre limite art brut.
Je dis limite parce que Rune Johansen possède cette faculté rare de camper sur les limites où rien des choses de la vie n’a encore reçu de dénomination précise.
Que dire par exemple d’une chambre au portrait du roi Olav sur papier peint Muppet Show? Art modeste? J’aime la chambre de Truls qui orne la couverture du livre : l’histoire de la musique du monde entier tapissée sur les murs.
Truls est l’auteur d’un rouleau de 4 mètres où il a noté le nom des villes des USA de plus de 50000 habitants avec leur nombre en 1980-1990. Et puis il a appris le tout par cœur. «Du grand art, si vous voulez mon avis» commente le photographe. Je ne suis pas loin de penser comme lui.
18:07 Publié dans Ailleurs, Images, Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rune johansen, photographes, norvège, art modeste | | Imprimer | | |
27.07.2015
La Mireille : une carrière d’enfer
«Fait par un ouvrier». C’est le programme de la journée. Nous entrons dans la carrière. La carrière de la Mireille.
Celle des Baux-de-Provence dont Les Alpilles, la verte Encyclopédie d’une montagne provençale pilotée par Guy Barruol et Nerte Dautier nous signale les dessins réalisés dans l’entre-deux guerres par des carriers.
On ne voit pas grand chose sur la photo illustrant la notice qui s’intitule de manière alléchante : «Des artistes au quotidien». C’est même plutôt décevant ces portraits d’hommes politiques un peu trop bien léchés «à l’ocre, au noir de fumée, au crayon ou au charbon de bois».
Mais il y a là graffiti sous roche! Le texte parlant aussi de «simples noms avec une date, pensées ou extraits de chanson» cela suffit à piquer la curiosité. D’autant que Nerte Dautier n’oublie pas de noter que ces graffiti parsemant les parois «restent peu connus car la majorité des carrières anciennes sont dangereuses et fermées au public et ces dessins se trouvent souvent à une très grande hauteur ou dissimulés dans la profondeur des galeries souterraines».
Etant donné mon inaptitude à la grimpette, je me contentai donc d’une exploration gougueulienne. Je pensais trouver un max de photos sur le sujet et bien tintin! Heureusement un hardi explorateur du nom d’Anthony Viallard a posté des images sur flickr! Je lui en emprunte quelques unes en guise d’hommage et pour mieux signaler son reportage. Mais allez voir l’album qu’il a consacré au Patrimoine Alpilles. Cet album contient 18 photos de graffiti-dessins attribuables aux carriers (li traçaire en provençal). Certains proviennent d’un autre lieu (la carrière de Belle Vue). Tel ce hussard bleu évanescent que j’ai tendance à préférer.
Nerte Dautier dans l’ouvrage cité plus haut évoque aussi un «Charlot pensif assis sur une caisse» et «une jeune et accorte gymnaste surveillée par un lion à tête humaine» qui orneraient les carrières de Fontvieille. Comme je n’ai pas pu mettre la main dessus, je fonde le vague espoir qu’un de mes lecteurs nous en signalera des traces parues dans des publications.
En attendant, la collecte d’Anthony Viallard dans les carrières abandonnées des Alpilles témoigne de la vivacité de cet art populaire qu’on enterre aujourd’hui dans les réserves des «Mucems». Et peut-être même de l’irréductibilité de cet art brut des catacombes vers lequel il ne faudra pas hésiter à se tourner au fur et à mesure que l’art brut de surface subira les feux niveleurs des sunlights. Ceci d’autant que la recherche d’Anthony, menée sans esprit d’inventaire systématique a su préserver l’essentiel : la fraîcheur de la trouvaille.
00:38 Publié dans Glanures, Images | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : graffiti, carrières | | Imprimer | | |
27.05.2015
Les murs aussi ont des cicatrices
Avec toutes ces histoires de chirurgie esthétique durant le Festival de Cannes c’était fatal que votre petite âme errante ça lui fasse penser aux cicatrices. Comme souvent un livre est venu au devant de ses préoccupations. Et comme le mistral souffle où je suis pour le moment c’est du sud-est que ce bouquin sur les graffiti de prison est tombé dans mes petites mains pleines de confiture. Il a 10 ans déjà et ça m’étonnerait pas qu’à vous comme à moi il soit passé inaperçu. Et pourtant il mérite encore son coup de projecteur ce Cicatrices murales.
Publié à Grenoble par le Centre Alpin et Rhodanien, c’est en fait un copieux numéro d’une revue régionale d’ethnologie réalisé sous la direction de Joël Candau et Philippe Hameau. Ça vous dit rien sans doute. A moi non plus, ignorantine que je suis.
Pas plus que les noms de la douzaine de têtes chercheuses qui relatent ici leurs explorations d’une dizaine de lieux de détention de la Drôme et du Var avec petits détours dans le Bas-Aragon et dans une cour de l’ex Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie à Paris.
Impossible de vous délayer à la petite cuiller le contenu de ces articles savants mais pas barbants. Tout ce que je peux vous dire c’est que pour du jus de cervelles, celui-ci est plutôt digeste car Cicatrices murales est écrit en français clair et net (si vous me croyez pas, vous avez qu’à l’emprunter à la bibliothèque).
Et même pour ceux qui se sentiraient pas le courage de se gaver avec des textes, le feuilletage de ce bouquin réservera quelques bonnes rencontres avec des images dont je résiste pas à parsemer ma chronique.
«En s’accumulant, ces inscriptions font de l’espace carcéral le lieu de mémoire d’individus qui n’ont rien d’autre à partager que leur enfermement» nous dit très justement la quatrième de couverture. Vous aurez compris que c’est ce qui en fait la force.
18:25 Publié dans art brut, art naïf, Glanures, Images, Lectures | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : graffiti | | Imprimer | | |
27.04.2015
Richardo fait le gros dos pour Giraud
Richardo a bon dos.
65 ans après la sortie de Les Tatouages du «Milieu», le livre qui fit connaître «l’homme le plus tatoué du monde», celui-ci prête encore ce dos pour faire la couverture d’un catalogue de libraire.
«Je ne sais pas de lecture plus facile, plus attrayante, plus douce que celle d’un catalogue» disait Anatole France, une vieille barbe chahuté par la caillera surréaliste.
Si celle-ci n’avait pas tort, France l’amoureux des beaux livres avait raison sur ce point. Je suis comme lui. Dans les Salons du livre, je remplis mon baise-en-ville.
S’ensuit une semaine de délices à parcourir, dans l’autobus ou en attendant que mijote mon beurre blanc, des centaines de pages où se pavanent des bouquins pas possible que je pourrais jamais me payer. C’est super les catalogues! On saute d’une notice à l’autre et on se cultive tout de traviole. Le pied! Et puis de temps en temps on en sort un du lot et on se gargarise avec.
C’est le cas avec cette quatrième mouture de la Librairie du Sandre consacrée -heureuse surprise- à Monsieur Bob et à ses copains d’avant : Jean-Paul Clébert, Michel Ragon, Jacques Yonnet, Albert Vidalie…
J’en passe et des Richardo puisque Guillaume Zorgbibe, le jeune papa du Sandre (un poiscaille de choix pour les pêcheurs en eaux littéraires) nous propose des photos-promo et des lettres pas piquetées des hannetons du personnage immortalisé par Robert Doisneau. Non content d’avoir un nom épatant qui dans un alphabet ferait bouquet final, Zorgbibe Guillaume ressemble un peu à Paul-Jean Toulet.
Circonstance aggravante, il sourit tout le temps et il reçoit courtoisement, ce qui n’est pas banal pour un éditeur. Car G.Z. cumule les activités de libraire pointu et celles d’éditeur d’auteurs choisis, avec élégance et raffinement, dans les jardins peu fréquentés du 19e siècle surtout.
Mais je m’égare, je me noie. Revenons à la rive et à mes dérives favorites qui sont celles de l’art brut. Parmi de goûteux titres classiques : Enchanteur limousin de Michel Tapié, Les Inspirés et leurs demeures de Gilles Ehrmann, L’Enfant chandelier par Bob, le catalogue Giraud du Sandre brasse des perles rares et des pépites inconnues. Au rang des premières, il fo ranger 5 encres originales de Pierre Giraud, le frangin de l’autre. Sur cet artiste voir mon post du 15 mars 2007.
Au rang des secondes, j’ai choisi ce numéro de la revue Osmose où sont réunis R.G. et Gabriel Pomerand qui copinèrent pour La Peau du Milieu, le film avec lequel je vous pris la tête le 31 mars dernier.
Mais ce que j’adore, ce que je préfère c’est un méchant papier «imprimé à l’encre marine sur papier couleur chair». Le carton d’invit à la Nuit du tatouage organisée en 1950 pour la parution du livre de Jacques Delarue et Robert Giraud cité dans la première ligne de cette chronique qui n’a que trop duré.
23:09 Publié dans art brut, De vous zamoi, Ecrits, Images, Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : richardo, anatole france, robert giraud, pierre giraud, jacques delarue, guillaume zorgbibe, editions du sandre, paul-jean toulet, tatouages | | Imprimer | | |
24.04.2015
Le comte de Tromelin se trouve au Salon
On peut dire ce qu’on veut mais le monde est bo. Et la découverte extraordinaire. Il suffit d’aller la chercher. Où? Au Grand Pal ce ouikène. Jusqu’à dimanche 26 avril 2015 à 20h. L’événement c’est le Salon international du Livre rare & de l’Autographe.
Vous pourriez me dire que c’est pas votre truc de vous vautrer dans la Culture avec un grand cul. Qu’en guise de lecture vous vous contentez des rézos socios. Vous auriez tout faux. Ce salon des beaux bouquins de collection n’est pas qu’une affaire de thune. C’est aussi du fun. A chaque coin d’allées on y a des rencarts avec de super images qui sortent pas toutes des vieux grimoires d’un film d’aventures médiévales de série B.
Celles de Tromelin, par exemple. The comte de Tromelin himself. J’espère que ce nom là résonne comme un tambour dans vos mémoires animuliennes. Sinon propulsez vous vite fait sur mon post du 2 mai 2010 titraillé Mirsky appelle Tromelin. Tromelin c’est le genre de gus dont on désespère d’avoir des nouvelles quand on est comme moi une fondue de la Chose brute. C’est miraculeux que des infos sur lui et à fortiori des œuvres de lui apparaissent sur le marché.
Du diable si je m’attendais donc à le rencontrer là sur le très chicos stand de Pierre Saunier (A8 sur le plan). Pour ceux qui savent pas, je rappelle que P.S. s’est fait connaître par sa sympathie pour le devil symboliste.
Sa capacité de chineur et son goût de l’éclairage des beautés obscures l’ont mené ensuite à l’exploration tout azimut de territoires gromantiques, surréalistes, avant-gardistes vierges ou méconnus. C’était donc fatal que le catalogue de ce libraire-esthète, pas plus bavard que Félix Fénéon mais de plume acérée comme l’était ce grand écrivain et/ou marchand d’art, s’ouvre aux merveilles de l’art brut. Sous les numéros 129 et 130 de celui du salon qui s’intitule C’est les bottes de 7 lieues (clin d’œil au poète Robert Desnos), le flirt est même poussé très loin.
Nous est proposé un dense et grouillant dessin original de Tromelin à la mine de plomb sur «papier épicerie fine» et daté de 1904. Bluffant de chez bluffant! Un méli-mélo crépusculant et vertigineux, plus qu’envoûtant : terrible et délicieux.
Ce dessin est précédé d’un attrayant et conséquent paquet comprenant 62 photographies inédites représentant des dessins médiumniques résultant d’une fièvreuse activité tromelinesque datant de la période 1902-1909.
Ces photos sont annotées et légendées (sur le fond cartonné où elle sont montées) par le Capitaine Quenaidit, «premier admirateur fervent» de Tromelin dixit Pierre Saunier.
Si, comme votre petite âme errante, vos moyens économiques ne vous permettent pas de vous aligner pour l’acquisition de ces deux jolis lots, consolez vous en achetant le catalogue PS. Il est parfaitement documenté et facile à identifier avec sa couverture au collage de Prévert. Que vous soyez collectionneurs, simples amateurs d’art brut ou institutionnels concernés par le sujet, vos archives s’en trouveront bien.
14:45 Publié dans art brut, Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : comte de tromelin, pierre saunier, salon du livre rare, grand palais | | Imprimer | | |
12.04.2015
Louis Pons fait sa mise en plis
Mes peintres préférés sont Érik Satie
Lewis Carroll
Alfred Jarry
Ce n’est pas moi qui le dit c’est Louis Pons. J’ai déniché cette sémillante phrase dans les profondeurs d’un plus tout jeune catalogue du Point Cardinal.
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Avouez qu’elle monte à la tête! Reliefs, objets, assemblages, écrits, dessins, les œuvres de cet artiste octogénaire (mais on ne dirait pas) ont toujours ce pouvoir d’entraîner l’esprit vers des voies surprenantes et des sentiers de traverse lumineux. Par la manière unique qui est la sienne de pincer les cordes de notre sensibilité.
Quitte à faire grincer la harpe existentielle. On rêve de Pons. On digère Pons. Pons nous gratte la peau de l’âme. Bon, on ne présente pas Pons. Il est trop connu pour que je me donne ce ridicule. Lisez par exemple ses souvenirs sur Joë Bousquet transcrits par Alain Paire. Quant à ce que Polysémie dit de son actuelle exposition dans la galerie du même nom, je ne vous le copierai pas.
Je laisse ce genre de facilité à cette Suzon Grisou qui, dans la blogosphère «brute», abuse du droit de citation en se faisant duplicatrice de communiqués qu’elle n’a pas écrit. Je préfère penser que vous êtes capables de suivre un lien. Et bien assez fines mouches pour distinguer le réchauffé au micro ondes de la cuisine maison mitonnée par Animula.
«Repos, vous pouvez fumer!» comme dit mon martial daddy quand il sent qu’il faut passer à autre chose. Sans me laisser défriser davantage, je reviens donc à Snop.
A Pons si vous aimez mieux car il lui arrive de signer à l’envers. A Louis Pons et à la poste. A ce noble moyen de communication, il semble que Pons ait été depuis longtemps associé. En 1971 déjà le catalogue mentionné plus haut offrait au lecteur des reproductions de ses oeuvres sous forme de cartes postales détachables.
Quiconque a eu l’occasion d’approcher l’artiste dans un vernissage sait qu’il sacrifie de bonne grâce au rituel des dédicaces. La correspondance n’est pas pour lui faire peur. Même s’il est vraisemblable qu’il doive se ménager aujourd’hui. Ses missives, même courtes, sont toujours empreintes d’originalité un peu désespérée, d’humour décalé, d’absurde philosophique.
Dans le cadre étroit permis par le format des enveloppes, il aime enfermer ses oiseaux désarmés, ses personnages rétrécis, ses hybrides plus ou moins bien articulés. Une humanité touchante, vaguement délirante, irréelle et aléatoire. On appelait ça du mail art. Polysémie préfère dire : art postal. Cette francophonie est tout à son honneur. Jusqu’au samedi 9 mai 2015, la galerie Polysémie se consacre à cette facette de l’art de Louis Pons. 100 dessins et des pensées. Réunis sous le titre : Mise en plis. Dans la ville natale de l’artiste. A Marseille.
15:17 Publié dans Blogosphère, Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : louis pons, galerie polysémie, marseille, erik satie, lewis caroll, alfred jarry | | Imprimer | | |
08.04.2015
Pol Jean encadré
Pol Jean on ne sait pas où le mettre. A Pol, à Jean? On l’ignore. C’est comme Gabriel Albert (au fait que devient-il celui-là ?). Allez vous y retrouver avec ces patronymes composés de deux prénoms! Et pour peu que les créateurs qui les portent exposent simultanément dans deux coins différents, on s’y perd. Mais c’est très bien comme ça quand, par chance, les dits-créateurs ne sont pas faciles à cerner. Ou qu’il faut un chausse-pied pour les faire rentrer de force dans la catégorie artistes.
Pol Jean n’est pas un artiste. Il pourrait être mieux que ça. La preuve? Ses images qui ne se laissent pas univoquément fourrer dans la case de l’Art avec un grand tas. C’est bien qu’on hésite sur la classification d’une œuvre et celle de ce jardinier passionné possède ce pouvoir.
J’avoue que je ne me suis pas sentie très convaincue par le visuel fourni par le Musée de la Création Franche (encore lui) qui expose du 17 avril au 7 juin 2015 les dessins de cet homme souriant qui se passe parfaitement de la parole pour s’exprimer.
Le malaise peut-être de ce masque cynocéphalo-carnavalesque planté sur un corps bourgeonneant ramassé pour bondir au devant du spectateur?
Puis j’ai reçu la nouvelle de l’ouverture de la Deuxième Biennale de l’Art Partagé à Saint-Tojan dans l’île d’Oléron (du 18 avril au 17 mai 2015).
Il faut hélas aller vite et mon regard a glissé sur les reproductions proposées. Non sans s’arrêter sur un drôle de profil rouge enchevêtré à la Dwight McIntosh (Seuls les gens dépourvus d'imagination me diront qu'il s'agit d'Obelix).
«Pas mal, la banane!» ai-je pensé devant la coiffure gaufrée du personnage. Ça m’a donné envie d’en savoir plus. En fouillant dans mon fourbi, j’ai retrouvé cet oiseau au vol lourd qui m’avait fugacement impressionnée quand j’avais mis mon nez naguère dans le catalogue Visions et créations dissidentes de 2011.
Le travail de Pol Jean est encadré maintenant par un Atelier Campagn’art du village de Neufvilles (dans la région de Soignies) exerçant au sein du Centre Fabiola (un nom de reine belge). Un lieu où l’on sait faciliter la vie des personnes attachantes et fragiles comme lui. Il est possible que ça se devine.
Ne serait-ce que dans la profusion des moyens colorés (crayons, feutres, peintures acryliques, craies grasses) mis à la disposition de Pol Jean. Il faudrait vérifier si les anciens dessins de Pol Jean ne se contentaient pas de recettes monochromes.
Car le fait biographique intéressant dans le parcours de cet homme de 63 ans c’est qu’il n’est nullement le produit de l’art-thérapie. Ni même le représentant d’une quelconque activité plastique institutionnelle. Son «art», il se l’est forgé tout seul. C’est une péripétie de santé, mettant brutalement un bémol à son énergique travail horticole, qui permit de découvrir que, dans la discrétion de sa chambre, il se livrait depuis longtemps à une activité de dessinateur solitaire.
01:21 Publié dans De vous zamoi, Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, art-thérapie, art partagé, création franche, pol jean | | Imprimer | | |
31.03.2015
La Peau du Milieu passe au quai Branly
La Peau du Milieu, le film de Gabriel Pomerand passe en boucle au Quai Branly et on dirait que ça laisse tout le monde froid! Mais sacré nom d’un petit bonhomme, ce docu de 13 mn 43 s est pourtant le cœur palpitant de l’expo Tatoueurs tatoués que je vous ai signalée dès le 13 mai de l’année dernière dans mon inoubliable zoom sur Zoummeroff intitulé Crimes et châtiments.
Heureusement que l’expo branlyeuse dure jusqu’au 18 octobre 2015. Vous avez le temps d’aller visionner ce petit chef d’œuvre qui date d’un temps où les tatouages n’étaient pas des «tattoos» indolores et qualibrés aux normes d’un monotone et lucratif phénomène de mode.
La Peau du Milieu, sorti en 1957 mais tourné avant 1953, se situe à la charnière d’un temps de «classes dangereuses». Un temps de marginalité dramatique où les porteurs de tatouages arboraient ceux-ci comme les stigmates d’un destin social douloureux et implacable. Non pour faire joli ou pour se fondre dans un collectif faussement rebelle.
Même si les tatoués d’alors étaient sensibles au beau dans sa version sauvage. Même s’ils étaient dans le besoin de marqueurs identitaires propres à leur communauté délinquante qui se faisait drapeau de l’opprobe de la société ordinaire.
Depuis qu’Olivier Bailly nous a mis sur la piste de ce précurseur témoignage cinématographique sur les tatouages du milieu (voir ma note du 31 mai 2007, Fleurs de bitume à Paname), il n’aura fallu que 8 ans pour qu’il soit accessible au public.
Plutôt que le très cher catalogue (45 €) de l’expo, j’aurais aimé trouver, à la librairie du musée, le DVD du film de Pomerand mais il ne s’est trouvé personne pour commercialiser la chose. Dommage. J’ai peur que l’expo terminée, l’œuvre de Pomerand retombe dans l’oubli.
Jacques Delarue - Robert Giraud
Photo : Robert Doisneau.
Ecrit et réalisé avec le conseil artistique de Robert Giraud, incontournable connaisseur de l’humanité souterraine de la Mouffe, La Peau du Milieu a été tourné à La Rose rouge.
Un article comme je les aime (bien informé et pas pesant) existe à son sujet. Son auteur est Nicolas Villodre. Je ne saurais trop vous inviter à le lire sur le site Objectif Cinéma.
J’ajouterai seulement une remarque. En août 1953, Gabriel Pomerand écrivit aussi, pour le réalisateur Jacques Baratier, le scenario et le texte d’un film sur l’Histoire du Palais Idéal mais le projet n’aboutit pas. Cf. François Letaillieur, Gabriel Pomerand, galerie 1900-2000.
Selon Pomerand, «Cheval espérait un hommage de sa patrie reconnaissante. Mais sa patrie ne l’a pas compris, car l’art où il a excellé, l’architecture en l’occurrence, n’est pas encore arrivé au niveau de son ingénuité».
21:22 Publié dans Ecrans, Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : gabriel pomerand, robert giraud, robert doisneau, la peau du milieu, tatoueurs tatoués, tatouages | | Imprimer | | |
26.03.2015
James Castle se tient au Carreau
Sur le carreau. Sur le carreau je suis restée. Le Carreau du Temple où se tient comme chaque année à pareille époque le Salon du Dessin Contemporain.
Bluffée, scotchée, médusée devant mon «drawing» à moi. Le carnet de James Castle visible sur le stand C5. On peut bien dire que je suis une vieille bougonne mais là je vous certifie que j’y suis allée direct au coup de cœur! Et je n’aurais de cesse que vous ne l’éprouviez à votre tour, ce coup de cœur, en vous précipitant (car vous n’avez que jusqu’à dimanche 29 mars 2015 à 7 P.M.) dans ce vénérable marché parisien, plus du tout glacial et relooké Bon Chic Bon Goût.
J’étais pas la dernière à la Preview VIP mais j’arrive toujours dans ces lieux là comme une vachette dans l’arène le jour de la tienta. Je ne sais jamais trop où aller. Alors je fonce au hasard, comptant sur les révélations qui provoqueront mon regard.
Généralement, elle ne sont pas légion et je tarde à les découvrir. Mais là, je me suis fait envelopper d’emblée dans la muleta d’un exposant un peu à la bourre.
Depuis l’allée centrale, qu’est-ce que j’aperçois? Les vignettes juxtaposées d’un étonnant cahier, ouvert dans les bras d’un monsieur qui peine à l’introduire, sans l’esquinter, dans une vitrine plate inaugurale.
Tellement je suis impressionnée en un tour de sang par la rusticité savoureuse et les valeurs noires et grises de la chose que ce n’est qu’en un deuxième temps que je reconnais dans l’installateur le galeriste Christian Berst himself. Avant que ses clients n’arrivent, j’ai le temps de lui extorquer quelques infos pour mon petit blogounet d’amour.
C’est une œuvre de James Castle. Faites pas : « qui ? » Faites pas : « quoi ? ». Reportez vous à mon post du 5 mars 2012 où je vous disais tout sur le personnage. Si j’ai bien compris, ce carnet de 16 pages qui se feuillette comme un roman graphique, date de 1932. Il aurait été montré pour la première fois en 1962 au California College (USA).
A part ça : tout ce qu’on aime ! Si on voulait le reproduire en fac simile ce serait pas facile à cause des pages découpées de façon insolite.
Coton à manipuler : c’est fragile et ça coûte sans doute un bras (ce qui n’est rien, eu égard à l’originalité et à la qualité). Difficile à montrer.
On peut quand même pas toujours ouvrir à la même page ce recueil d’images (qui fait penser à un album de photos de famille) sous-titrée de lignes sinueuses en guise d’écriture.
Une petite tablette Samsung, voisine du carnet de la vitrine, permet de contourner cette difficulté. Elisabeth Berst qui est d’une patience d’ange l’a domptée pour nous et le visiteur peut ainsi se faire défiler dans le détail tout le carnet de James Castle. Il y a infiniment à rêver dessus. Plus que sur la plupart des autres œuvres du Salon réunies.
12:29 Publié dans art brut, De vous zamoi, Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut, james castle, drawing now, salon du dessin contemporain, christian berst | | Imprimer | | |
16.03.2015
Tatouages sur le tapis
Le tatouage dans les médias. Puisque le sujet vient sur le tapis, voilà deux nouvelles pistes supplémentaires pour les têtes chercheuses. Confidences des muscles, tout d’abord.
Une pleine page de photos provenant des collections du Professeur Locard, fondateur du labo de police scientifique à Lyon. On la trouve dans : Traite des blanches et prostitution, n° 4 d’une publication trimestrielle intitulée Témoignages de notre temps.
10 belles héliogravures juxtaposées. Témoignages d’amour : «Margot aime P’tit Louis P.L.V.»
Et ce commentaire révélateur du temps : «Les tatouages de femmes sont extrêmement rares». On est en 1933.
Le n°8-9 (deuxième année) du mensuel Aristote. Portrait gravé sur bois du philosophe de l’antiquité : on peut pas le manquer.
Sur 4 pages, un article de Victor Forbin (1864-1947), auteur de nombreux papiers scientifiques pour le grand public. Avec 9 photos dont le dos de John Sullivan, champion de boxe anglais tatoué sur les épaules d’un sujet religieux (la Cène).
A signaler aussi une prise de vue dans l’atelier d’un tatoueur. Pas banal : on est quand même qu’en 1927.
15:10 Publié dans Gazettes, Glanures, Images, Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tatouages, tattoo, tatoueurs tatoués | | Imprimer | | |