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12.12.2010

Dédé et Jeannot vont en bateau

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J’étais partie pour vous écrire une note bien savante mais à force de patauger dans la neige, j’ai les bronches qui me brûlent, la tête comme une chaudière et des courbatures partout.

Breton masqué.jpgPas l’idéal pour vous traduire le texte d’Eva di Stefano sur les relations de notre Dédé bien aimé et de notre Jeannot favori.dubuffet.jpg

Breton, Dubuffet e la nave della follia ainsi s’intitule cet article. 

Il figure dans les actes d’un colloque que je vous ai signalé en son temps (Giovanni Bosco a Gibellina, le 7 mai 2009).

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Une amie italienne vient de me faire parvenir ce bouquin de 223 pages qui constitue un précieux recueil d’essais sur des aspects négligés ou inédits de notre avant-garde nationale.

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Chemin faisant, cette promenade dans les environs du surr croise des pistes d’art brut. Celle de Robert Tatin, par exemple, par la grâce de Roberta Trapani : La Frênouse di Robert Tatin, La danza cosmica dell’architettura. Je ne traduis pas, c’est évident.

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Le titre de l’article d’Eva di Stefano fait allusion à La Nef des fous, cette fameuse satire médièvale de l’humaniste strasbourgeois Sebastian Brandt (1458-1521).

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Elle cite également un texte de Gérard Macé (paru sous ce titre dans Colportage III chez Gallimard en 2001) qu’un des mécaniciens de la machine Animula Vagula lui avait conseillé de mettre dans son moteur.

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L’italien, cela a beau paraître facile, le travail d’Eva va trop loin dans l’analyse pour que je puisse vous en rendre compte vraiment. J’ai beau ne douter de rien et m’attaquer bravement aux difficultés linguistiques, armée de mon google-traduction en corde de rappel, là je suis vaincue par l’influenza. L’avenir verra peut-être se lever les bonnes volontés traductrices. Aussi, je prends date.

23.11.2010

La Collection particulière de Gérard Farasse

Comment résister à un livre quand sa couverture est ornée d’une photo prise dans le jardin de sculptures de Gabriel Albert à Nantillé?

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J’ai donc acheté chez Tschann, où je venais pour autre chose, le bouquin de Gérard Farasse tout frais pondu par le Temps Qu’il Fait, éditeur à Cognac. Collection particulière, c’est le titre de ce volume de textes littéraires en diable mais de langue limpide. chez audebert.JPGIl administre la preuve par l’image que les Charentes ont bel et bien ouvert un œil sur l’œuvre de ce rêveur de campagne qui n’en finit pas d’attendre l’autobus de la patrimonialisation au carrefour de Chez Audebert.

Georges Monti, le photographe, s’est mis à genoux devant pour prendre en contre-plongée la galerie circulaire de bustes souriants. C’est avec le même respect et le même sens du témoignage que l’écrivain s’est approché, de biais, des tapisseries de Jules Leclercq qui, elles, sont à l’abri.

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Le premier texte de son recueil (qui traite de tableaux, de photos de famille, de cartes postales jaunies, de vieilles pubs, de baba au rhum, de souvenirs, de mots rares et de correspondances naïves) leur est consacré.

Avec une sorte d’humilité poétique qui magnifie vachement ses sujets sans se départir d’un sens aigü de l’observation, Gérard Farasse touche au cœur de la question hautement paradoxale de la conservation de l’art brut.

Selon lui, Jules Leclercq, avec ses tapisseries, avait su se ménager «une chambre secète» dans l’hôpital de briques où il résidait. Farasse en conclut que Leclercq «n’aurait pas aimé, on le suppose, que n’importe qui puisse y pénétrer et qu’on expose à tous les yeux, comme aujourd’hui, ces œuvres de survie».

Cette pertinente remarque, quand on l’a lu, trotte dans le ciboulot. Raison de plus pour lire Collection particulière.

21.11.2010

Fous à lier, fous à lire

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Même si vous êtes dans le droit fil et que vous ne yoyotez jamais de la touffe, vous raffolerez d’apprendre que les fous se portent bien. Les fous littéraires s’entend. On n’a que des bonnes nouvelles à leur sujet en ce moment. Jamais catégorie n’a été autant gâtée que les F.L.

On dirait que les prises de chou, les excentricités de pensée et les théories fumeuses stimulent les taxinomistes. Rien qu’au XIXe siècle, on peu citer un tas de gus : Charles Nodier,

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Octave Delepierre, Gustave Brunet sous le pseudonyme croquignolet de Philomneste Junior, Louis Greil, Charles Monselet  charles monselet.jpg

Quant au XXe, il se propulse au royaume de Madopolis au moyens de deux locomotives. Raymond Queneau qui laissa en plan Les Enfants du limon, le roman où il avait investi ses recherches sur la question

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Raymond Queneau chez Raymond Isidore en 1974 ®

et André Blavier qui prolongea ses travaux.

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Le Blavier, c’est pour ainsi dire la Bible des Fous littéraires. Il faut avoir les deux éditions parues chez l’héroïque Henri Veyrier (qui essuya les plâtres en 1982) et aux Editions des Cendres en 2000 pour la version «considérablement augmentée» sur papier Bible justement. fous litteraires blavier bleu.jpgles fous litteraires André Blavier rose.jpg Et maintenant, car c’est l’objet de ma note d’aujourd’hui, va falloir vous procurer Graines de folie, le Supplément aux Fous littéraires d’André Blavier qui va paraître incessamment sous peu aux éditions Anagrammes à Perros-Guirrec.

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Dans le genre, vous seriez nuls aussi de pas vous jeter sur le petit dernier de la Collection Gens singuliersqui sort chez Plein Chant.

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D’abord parce que c’est Plein Chant et puis parce que ce livre de Paule Adamy éclaire La Vie et les griffonnages de François Grille (1782-1853), un fou littéraire sur lequel Gérard Oberlé avait dès 1985 attiré l’attention dans son catalogue historique intitulé Fous à lier (lire), fous à relier (relire) publié par sa librairie du Manoir de Pron.

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Paule Adamy cite Oberlé au début de son ouvrage. Elle le fait avec le ton objectif, raisonnable et pour tout dire un peu scrogneugneu que beaucoup de chercheurs se croient obligés d’adopter face à un effet de style. Ce n’est pas sans raisons mais c’est un peu rasoir. Adamy croit qu’Oberlé s’est égaré dans sa notice à propos des relations épistolaires de Grille avec un autre allumé dénommé Van Den Zande. Elle ne semble pas comprendre qu’il donne simplement du relief à son propos pour que son lecteur n’aille pas se pendre d’ennui.

Citons la prose oberléenne «un jour (Barbier) offrit à Grille un exemplaire des Fanfreluches de Van den Zande. Grille riposta par l’envoi de ses Fables et ce fut le point de départ d’une invraisemblable correspondance poétique qui passa par tous les stades de la folie amoureuse : simple flirt et politesses échangées, promesses de s’aller voir, joutes poétiques, badinages mais jamais de rencontre».
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C’est peut-être un peu désinvolte mais que voulez-vous, chère Paule A, moi je trouve ça poilant!

 Avant de développer la carrière d’écrivain que l’on sait, Gérard Oberlé a été un grand rénovateur de la fiche bibliographique. Il a tiré celle-ci des abîmes soporifiques où elle végétait.

Ce serait dommage de ne pas s’en rendre compte.

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20.04.2010

L’Art brut, un fantasme de peintre

Retour aux fondamentaux. Art brut, Art brut et encore Art brut. «L'Art brut c'est l'art brut et tout le monde...» n'a peut-être pas très bien compris. C'est pour ça qu'on n'arrête pas d'écrire des livres sur le sujet. Le dernier en date c'est celui de Céline Delavaux paru à la Palette. Non, pas le bistrot de la rue de Seine. Palette l'éditeur. L'Art brut, un fantasme de peintre que ça s'intitule. Et ça se sous-titre : Jean Dubuffet et les enjeux d'un discours, vu que cet assez gros bouquin (350 pages) «est issu de la thèse de doctorat»  de l'auteur «sur les écrits de Jean Dubuffet».

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Je guillemette parce que j'emprunte ces lignes à la 4e de couv qui nous signale aussi : «Révéler la force poétique du concept d'art brut et l'évidence de la valeur littéraire de l'écrit de peintre : tel est l'enjeu de cet essai». «Concept», «valeur littéraire», moi ça me va. Même si, en l'absence d'illustrations c'est forcément un peu austère. Si les volcans ne s'étaient pas mis en travers, j'aurais certainement dépassé la page 63 marquée par ma carte d'embarquement. Mais la lecture n'est pas vraiment permise aux pauvres rescapées de l'espace. Allez donc vous concentrer en attendant que la poussière retombe et que votre avion décolle!

Non que le livre de Céline Delavaux soit difficile à lire. Il est écrit dans une langue limpide et pourvu de belles marges que j'ai commencé à couvrir de repères au crayon. Mais retrouvez donc votre crayon quand vous revenez de Chateauroux dans un train plein comme un œuf! C'est de ma faute aussi, j'ai trop eu la bougeotte ces temps-ci. Pourtant j'avais bien commencé puisque Céline m'avait dédicacé son travail (Pour Ani «dont je trouve la verve ...») quand nous nous sommes rencontrées le 25 mars 2010 à la journée d'étude de Dijon sur laquelle Aurelie Linxe, jeune et efficace doctorante en muséologie saupoudrait sa bonne volonté et sa bonne humeur réunies. Et oui, j'y étais en chair et en os à ce colloque, aux côtés de Mr Baptiste Brun qui roule si finement sa cigarette d'après le repas et de Mr Bruno Decharme dans la collection duquel l'éditeur de C.D. a emprunté son image inaugurale.

Et puis, je suis partie sur les routes de Corse et je me suis contentée de rôder autour des 1000 petits accès ménagés par Céline pour entrer dans son livre : index des auteurs et des notions (le rêve!), bibliographie (15 pages!), tables des matières super-chiadée, préface de Gérard Dessons, notes en bas de pages (et pas au diable vauvert).

Dans les limites qui sont celles d'un blogounet comme le mien, il est exclu que je vous décortique en détail un aussi scientifique bouquin qui va s'imposer comme un instrument de travail incontournable pour les initiés. l'art brut lucienne peiry.jpg

Et comme un état de la réflexion actuelle qui va prendre le relais 13 ans après le L'Art brut de la citoyenne Lucienne Peiry.

Il faut donc que je me pose pour lire à fond le Céline Delavaux nouveau.

Vous aussi, naturellement.

23:52 Publié dans Ecrits, Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, céline delavaux, lucienne peiry | |  Imprimer | | Pin it! |

02.03.2010

Merde a tou le qon

CHOMO : le compte à rebours a commencé.
C'est J moins 6 avant la fin de l'expo CHOMO à la Halle Saint-Pierre.
Alors, dépêchez-vous si vous voulez vous faire une idée véritable de son univers de création. Descendez vite dans la forêt souterraine de Montmartre où CHOMO vous attend au coin de son atelier en plein air.

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Ensuite il ne restera que les témoignages de ceux qui l'ont connu. Par exemple, pour ce qui concerne les publications :


CHOMO par Roger Chomeaux. Editions Jean-Claude Simoën.

Ce livre est un recueil très complet des propos de l'artiste.
Il est dû à Laurent Danchin dont il faut saluer la performance : ça n'a sûrement pas été facile d'accoucher CHOMO!
L.D. a laissé la vedette à CHOMO sur la couverture.

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On ne trouve son nom que sur le titre intérieur qui date un peu aujourd'hui : CHOMO, un pavé dans la vase intellectuelle.
L'ouvrage qui vit le jour en 1978 est une sorte de «Bible» préludienne. On peut l'ouvrir au hasard et y trouver toujours son miel. Moi, ce soir c'est : «je suis né avec le cordon autour du cou, j'étais tout bleu, tout chétif et je suis resté un être anormalement maigre» (page 295).

CHOMO l'été CHOMO l'hiver. Satir de CHOMO e de tex de Jean-Louis Lanoux.

Ce titre est porté sur la couverture qui combine dessins, photomontage et maximes calligraphiées par CHOMO. C'est la seule illustration réalisée par CHOMO pour un livre.

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Edité à petit nombre en 1987 par la Fondation CHOMO, l'ouvrage relate deux visites au village préludien dont l'une est un «first contact». En frontispice, une photo de Vincent Betry : L'accouchement de CHOMO.

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Enfin, signalons, dans le n°2 d'une revue artisanale datant de septembre 1983, La Chambre rouge, un article de Bruno Montpied

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suivi d'un poème de CHOMO, retranscrit d'un enregistrement au magnétophone.

Il commence par : «J'ai bu le rouge des pauvres» et contient ce passage :

«je me suis arrêté près d'un grand trou tout noir

au fond : il y avait un corps

un grand corps allongé

j'ai reconnu le mien».

Et maintenant place aux abeilles.

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01:02 Publié dans Expos, Jadis et naguère, Lectures | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : chomo, laurent danchin, jean-louis lanoux, bruno montpied | |  Imprimer | | Pin it! |

07.02.2010

Alain Gheerbrant, L’Homme troué

Rencontrer Alain Gheerbrant, je croyais pas ça possible alors j'ai rien préparé. Ma foi, tant pis, faut quand même que je vous dise que cet homme aux multiples casquettes (écrivain, éditeur, explorateur, cinéaste), fidèle toujours à la poésie, vous attend mardi 9 février 2010 à la Maison de l'Amérique latine, 217 bd St-Germain.

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Venez à 18 h 30 pour la présentation de L'Homme troué, le récent livre de cet aventurier nonagénaire qui fit ami-ami avec les indiens Yanomami et Antonin Artaud dans les années cinquante, publia Arp et Benjamin Péret et -c'est surtout en quoi il intéresse les Animuliens- découvrit la «poésie naturelle» avec le peintre Camille Bryen à peu près au moment où Jean Dubuffet inventait «l'art brut».

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Gheerbrant et Bryen en firent en 1949 une Anthologie qu'on a d'autant plus de plaisir à mettre sur ses rayons qu'elle est illustrée de photos de Brassaï représentant des vitres cassées et des lèpres de murs. Ce qui les cassait aussi, les vitres, c'était les drôles de textes réunis là dedans. Gaston Chaissac, le Facteur Cheval, le Douanier Rousseau, des «fous littéraires» (Auguste Boncors, Jean-Pierre Brisset), une médium-peintre (Hélène Smith).

Et puis des sortes de ready-made de l'écrit : liste de machines extraites d'un annuaire professionnel, prospectus d'un magasin d'articles de pêche, selon le principe que la poésie «pousse comme les truffes»

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la transversale.jpgcomme dit Alain Gheerbrant dans La Transversale, ses mémoires parus en 1995.

 

Je vous offre ci-joint un exemple de ces ready-made : le bonus jaune qui ne figure que dans la version luxe (sur beau papier) de L'Anthologie de la poésie naturelle.

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Sur le cousinage des deux notions (Art brut/Poésie naturelle) , aux développements pourtant séparés, il faut lire l'entretien que Gheerbrant a donné il y a 10 ans au gros bouquin coédité par Actes Sud et abcd, intitulé : abcd une collection d'art brut. C'est aux pages 336 à 338.

Pour le reste, la vie d'Alain Gheerbrant est trop riche, je saurais pas par quel bout commencer.

Sans compter tout ce qu'il va faire encore. Je suis obligée de renoncer, excusez mais ce n'est qu'hier que j'ai trouvé le flyer annonçant la soirée à la Maison de l'Amérique latine en fouinant à la Librairie Gallimard, partenaire de l'événement.

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Si vous voulez en savoir davantage, allez sur le site de Sabine Wespieser, l'éditeur de L'Homme troué. Mardi soir, elle tiendra compagnie, avec Raphaël Sorin (celui du blogue Lettres ouvertes), à Alain Gheerbrandt.

15.01.2010

Jeannot à l’Institut

Le plancher de Jeannot n’en finit pas de nous questionner. Les questions c’est comme tout, il en est dont on ne sait que faire et d’autres dont on aperçoit tout de suite la résolution. Si je vous dis : le thon rouge mérite-t-il de disparaître? Tout le monde se lève pour la protection de l’espèce!

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Car il y a des questions qui ont le don de sécréter leur réponse comme un pin sa résine. C’est à une interrogation de cette sorte que nous confronte Guy Roux dans un article paru en 2009 dans le n°3 des Cahiers de l’Institut (International de Recherches et d’Explorations sur les Fous Littéraires).

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«Fallait-il sauver le plancher de Jeannot?» demande-t-il dès le titre à son lecteur. Et pour être certain qu’on ne va pas échapper au dilemme, il conclut de même. Entre cette introduction et cette conclusion jumelles, l’auteur rappelle opportunément l’histoire terrible de ce document-choc qui fait œuvre d’art brut aussi bien que le lambris de Clément.

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Je vous en ai déjà parlé, alors je fais court. Un paysan béarnais pas commode. Il s’isole de plus en plus. Patrouillant sur son tracteur la pétoire à la main. Quand sa mère meurt, il l’enterre dans la ferme et sur le plancher sous lequel elle repose il grave un texte vengeur, furibond, accusateur et auto-défensif.

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Il faudrait avoir un cœur de pierre pour ne pas comprendre qu’après la disparition de Jeannot il se soit trouvé des gens convaincus de la valeur de cette œuvre pour le «débarbouiller» de la terre, de la paille et du plâtre qui le recouvraient. Pour «l’épouiller» des insectes «qui le squattaient».
planchers-st-anne.jpgAinsi devenu présentable, cet enfant sauvage de l’expression intime, a pu être montré dans le monde à Biarritz, à Bordeaux, à Toulouse, à Paris avant d’être adopté par Bristol-Myers Squibb, labos pharmaceutiques de leur état, qui l’ont envoyé parfaire son éducation dans une boîte de la rue Cabanis à Paris, en face de l’Hôpital Sainte-Anne où il attend, depuis, la semaine des quatre jeudis.

Durant les expositions où il avait figuré entre 1997 et 2005, le plancher de Jeannot avait, selon Guy Roux, suscité des cavalcades d’imaginations et des emportements de jugements définitifs «c’est-à-dire sommaires». Ce sont choses qui ne risquent pas d’arriver à M. Roux. Il est pondéré, circonspect, objectif. Il s’interroge beaucoup et nous laisse libre de conclure. Exemple : «où se situerait la vraie place du spectateur éventuel, puisque cet écrit ne concernait personne d’autre que Jeannot?».

cirer le parquet.jpgIl n’y a que sur les parquets que l’auteur soit catégorique. «Tout parquet» selon lui «doit périodiquement» être encaustiqué comme le plancher de Jeannot le fut lors de sa restauration. Etonnez vous après cela que lorsqu’il fut exposé à plat (dans sa position naturelle donc) des gens aient eu envie de sauter dessus «à pieds joints»!

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Même s’il l’exprime avec discrétion, la préférence de Guy Roux va -on le sent- à l’actuelle façadisme blindé auquel le plancher de Jeannot est soumis. Pour des raisons religieuses sans doute : «Disposé verticalement, il a provoqué l’apparition d’attitudes extatiques de visiteurs qui le caressaient de la main, comme ils l’auraient fait de statues ou de reliques de saints, tandis que d’autres se frottaient langoureusement contre sa paroi».

Libre penseuse invétérée comme je suis, on me permettra d’être d’un autre avis. Et si la question était :

FALLAIT-IL METTRE EN BOÎTE LE PLANCHER DE JEANNOT?

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23:46 Publié dans De vous zamoi, Lectures | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : plancher de jeannot, art brut, thon rouge, lambris de clément, irefl | |  Imprimer | | Pin it! |

21.12.2009

Chroniques de l’oie de noël

tunnel7407dt3.jpgBon, c'était pas une bonne idée de vous envoyer dans l'Eurostar mais j'ignorais que vous alliez rester bloqués dans le tunnel. Donc pas la peine de me faire la gueule. Il reste encore un peu de temps pour vos cadeaux de Noël.

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Une paire de gants aux ongles rouges? Idéale pour pas se perdre dans la neige. Je l'ai repéré sur Les Grigris de Sophie, le blogue d'une modiste rémoise qui a la bonne idée de nous offrir en bonus des photos récentes de la maison de Bodan Litnianski.

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Plus traditionnel mais pas mal non plus, le catalogue de l'Expo Chomo. Belle couverture de Clovis Prévost qui marche à l'ombre et au soleil. A acheter autant pour l'icono que pour la doc, les points forts de cette publication. Avec les nombreuses repros, on se fait une idée de la diversité des œuvres en même temps que de l'ambiance de cet atelier sous les pins de la forêt de Fontainebleau. Ce que je préfère c'est la bio.

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revue altagor.jpgElle rappelle le rôle décisif des deux seuls amis que Chomo ne mettait jamais en boîte : Altagor, champion de la poésie sonore (rencontré à la fin des années 50) et Claude Clavel, jeune ingénieur qui, à partir de 1964, aida Chomo dans ses activités de bâtisseur.

A noter la biblio qui remonte à 1960 et au n°3 de Fantasmagie, une revue belge dont je vous ai retrouvé une page.

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La liste des expos, radios, télés, n'est pas moins trapue. L'ensemble est pourvu d'une préface de Laurent Danchin chapeautée d'un hommage par ce «commissaire à 100 %» comme il se désigne parfois (voir son commentaire sur ma note du 4.10.2009) et suivi d'un entretien du galeriste Jean Camion avec... Laurent Danchin. Et comme il faut tout faire par soi-même de nos jours, c'est à la 3e personne que Mr 100 % parle de lui-même dans sa biographie de Chomo. Pour être juste, précisons que l'omniprésence du maître d'œuvre de ce catalogue dont le nom n'est pas cité plus d'une trentaine de fois (j'ai vérifié) est équilibrée par une trentaine de témoignages (hélas imprimés dans un corps microcospique) empruntés à des Préludiens fidèles ou occasionnels parmi lesquels Janine Malbec, que Chomo appelait «Nounou» parce qu'elle veillait sur le sale gosse que cet artiste à la puissance 10 était resté. S'il vous reste de la place dans vos sabots, prévoyez large et demandez un paquet enrubanné pour Gaston Chaissac, poète rustique et peintre moderne chez Actes Sud, le bouquin qui accompagne l'expo du même nom au Musée de Grenoble (jusqu'au 31 janvier 2010), également co-éditeur.

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Là, ils s'y sont mis à trois pour les textes : Guy Tosatto, Didier Semin et Benoît Decron qui a monté tant et tant d'intéressantes expos au Musée Sainte-Croix des Sables d'Olonnes, par exemple René Drouin ou Anton Prinner (c'est pas d'la daube). Souhaitons lui bon courage car il vient de prendre la direction du Musée Pierre Soulages à Rodez (pardon : «Grand Rodez») et ça ne doit pas être de la tarte de passer des poteaux de couleurs de Chaissac aux tartines de noirceur du grand Pierre qui me soûle un brin, malgré ses discours sur «la lumière qui vient de la toile».

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Stop pour aujourd'hui car je deviens sotte comme une oie de Noël.oie 2.jpg


04.11.2009

Un dernier départ pour Claude Lévi-Strauss

Dernière pensée de Claude Lévi-Strauss.

Samedi soir, je sortais du Colloque Gérard Macé à la Sorbonne.

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Je pensais déjà à ma note sur l'art topiaire au Japon.

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Je me suis arrêtée dans une librairie pour faire un bisou à ma copine Sophie de retour à son travail après son congé maternité. Sur ses étagères j'ai trouvé un petit livre qui m'a sauté dans les bras à cause de sa couverture orange. Européens et Japonais, il s'appelle. C'est écrit par un jésuite au 16e siècle.

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Cela traite des différences entre les Européens et les Nippons dans toutes les petites choses de la vie.

Style : «Chez nous le riz brûlé au fond de la marmite est jeté aux chiens; au Japon, c'est un fruit de dessert (...)».

Et : «Là où s'achèvent les dernières pages de nos livres, commencent les leurs».

Encore : «Chez nous, les masques recouvrent jusqu'à la pointe de la barbe; ceux du Japon sont si petits qu'à celui qui joue le rôle d'une femme, on lui voit toute sa barbe».

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Ce n'est qu'une fois rentrée dans mon laboratoire animulien que je me suis rendu compte que le bouquin du jésuite portugalais était
préfacé par Claude Lévi-Strauss.

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Hommage anthume, je me suis dit, en apprenant sa disparition aujourd'hui.


Si les bébés ça vous dit, celui de Sophie se nomme Mathilde.

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00:49 Publié dans In memoriam, Lectures | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : gérard macé, claude lévi-strauss, japon | |  Imprimer | | Pin it! |

25.10.2009

L'Aube se lève pour l'art brut

André Breton, des fois tu me vénères avec ta façon de poser pour la gloire sur les photos. On dirait une statue du Commandeur et le marbre c'est froid. Aussi, faut-il saluer l'Aube, ta fille, qui a donné le feu vert à ces messieurs Gallimard pour la publication des lettres que tu lui as écrites entre 1938 (elle avait 2 ans) et mai 1966 (4 mois avant ta disparition). Tu l'appelles «ma jaguarine», «ma petite papillonne», «mon petit lion d'or» et c'est grave beau. Pour elle, tu signes Ada, ce tendre compromis d'André et de papa qu'elle a inventé ton Aube chérie.

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Et toi qui proclamait en 1928, dans l'enquête des surréalistes sur la sexualité, ton opposition farouche à la paternité («si cela m'arrivait malgré tout je m'arrangerais pour ne jamais le voir. L'Assistance publique a du bon») te voilà 10 ans après qui fond de partout. Et c'est très bon parce que tu sais le faire avec les ressources de ta poésie à toi : «je te serre de tout le lierre du monde». Te voilà soudain loin de cette image de «pape» qu'on te colle souvent sous les pieds comme une peau de banane.

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Tu restes un écrivain mais tu es aussi un père qui voudrait que sa fille soit bonne en classe, qu'elle ne manque pas de cadeaux pour son anniversaire, qu'elle soit assez gentille pour écrire à son grand-père. Tu lui demande des nouvelles de son petit chien. Tu la recommandes à ceux que tu aimes : Elisa, Dora, Benjamin et tu lui parles comme à une grande de ce qui te tient à cœur sur le moment. Par exemple : cet almanach d'«art brut» auquel tu travailles ce 12 octobre 1948 : «Tu te demandes peut-être ce que ça peut être que l'art brut ? Cela groupe tous les tableaux et objets que font quelquefois des gens qui ne sont pas artistes : par exemple un plombier zingueur, un jardinier, un charcutier, un fou, etc. C'est extrêmement intéressant».

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Bref, tu existes ! Tu n'es plus André Breton, le septembriseur mais un brave type qui a oublié son chapeau de paille et qui en as besoin pour bricoler autour de sa maison de Saint-Cirq-Lapopie. Et ça te va peut-être mieux au teint qu'une libellule sur le front ou que l'aigrette de vent aux tempes. Cela nous rappelle que quelque part tu es notre petit Ada à toutes (n'en déplaise à mon daddy perso).

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14:45 Publié dans Ecrits, Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : art brut, andré breton, aube breton-elleouet, st cirq lapopie | |  Imprimer | | Pin it! |