01.08.2010
Art’Planète 2010, Côte de Nuits grave
Les nouvelles vont vite. L’art contemporain court après l’art brut et il le rattrape pour lui faire les poches. Vous vous souvenez du jardin de pierres de Darvich Khan Esfandiarpou sur lequel j’ai attiré votre attention dans mon post du 24 mai 2010.
Cela en a frappé plus d’un, parmi les Animuliens, je le sais, ces pierres suspendues dans un désert.
Et bien que mes lecteurs se livrent maintenant au petit jeu des comparaisons en dirigeant leurs regards vers Magny-lès-Villers, un village de la Côte de Nuits en Bourgogne. Ils y verront l’installation de Mathieu Girard intitulé Pendulum.
Evidemment y’a pas photo. L’œuvre d’Esfandiarpou se déploie poétiquement au gré des branches d’une forêt d’arbres morts. Celle de M. Girard a choisi de se restreindre aux frondaisons d’un arbre «vénérable», du genre de ceux que l’histoire de France affectionne parce que ses rois sanctifiés y rendaient leur justice au retour de leurs sanglantes croisades.
Troublant rapprochement cependant, n’est-il pas ? J’ai peine à croire qu’il soit fortuit. Je ne connais pas monsieur Girard, un jeune artiste estampillé contemporain qui n’a pas pour principe de laisser une bonne idée traîner.
Peut-être fait-il des choses très bien par ailleurs. Mais là, le moins qu’on puisse dire c’est qu’il ne s’est pas foulé pour trouver un titre. Il est vrai que «Pendulum», ça vous a une petite gueule latine des plus conceptuelles et que le latin, y’a pas mieux pour vous la jouer culturel.
La prestation de M.G. et d’autres de divers plasticiens dont Lilian Bourgeat (deux majestueux pneus R14 entrelacés!) font partie de la 2e édition d’Art Planète, une manifestation qui, jusqu’au 15 août, se propose d’amener l’art contemporain à domicile dans nos campagnes.
Je n’ai rien contre. Surtout que ça peut être l’occasion de visiter de charmantes localités pinardophiles : Comblanchien, Gilly-les-Cîteaux, Magny-les-Villers, Villars Fontaine, Nuits-Saint-Georges et Gevrey Chambertin, évoqué par Henri Salvador dans sa chanson : Minnie, petite souris («viens boire, petite souris, cette bonne bouteille de Chambertin (…)».
Une bonne promenade en perspective (et peut-être des occasions de rigolades) que ce Festival d’art contemporain et d’art brut en Bourgogne où, bien entendu, vous ne trouverez pas une once d’art brut véritable, sinon à l’état de source lointaine exploitée sans problème.
17:48 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art'planète, henri salvador, darvich khan esfandiarpou, mathieu girard, lilian bourgeat | | Imprimer | | |
25.07.2010
Pierre Ledda : rendez-vous en septembre
Pierre Ledda, c’est le genre de gars, on le croise, on l’admire, on l’oublie pas mais on le perd de vue. Surtout que son souvenir a tendance à stagner dans la région de Marseille, sa ville natale.
Il faut qu’une actualité pointe son museau pour qu’on retrouve avec émotion les sculptures sur métal (c’est ce que je préfère) de ce ferronnier-chaudronnier qui campa toute sa vie (1914-1994), aux confins de l’art brut, dans le no man’s land situé entre les grandes plaines autodidactes et l’urbanité des galeries d’art.
Si celle d’André Nègre lui consacra plusieurs expos, entre 1972 et 1991, Ledda disait encore à la fin de sa vie : «Jusqu’en 1994, je stocke, je ne vends rien, je ne travaille pas pour l’argent».
S’il forge maintenant dans l’autre monde, nul ne le sait. Ses pièces ne sortent pas souvent de chez les collectionneurs de son œuvre.
Aussi ne négligeons pas l’occasion qui se présentera à la rentrée : celle de la vente publique de son atelier chez Leclere (Damien du prénom).
Au moment où j’écris, le site de ce commissaire-priseur marseillais n’est pas très loquace sur l’événement. Normal puisque la vacation Ledda serait prévue pour le 18 septembre 2010.
Heureusement, l’épatant site de l’épatant Paire (Alain) nous a pondu une épatante note qui n’est autre que l’introduction au catalogue de la vente. Allez-y par charter spécial, mes p’tits Animuliens, ça vaut l’détour.
Après cela qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?
Que Pierre Ledda était aussi poète et un poète de haute nostalgie, comme ces vers extraits du Bulletin 49 de l’Asso Les Amis de François Ozenda vous en convaincront
Je presse une orange pour en sortir le jus
Je presse mes yeux qui ne pleurent plus
J’écoute mon cœur qui ne veut plus rien
Je n’ai plus de conscience je n’ai plus de bien
Et mon âme s’enfuit de mon corps affaibli.
Si vous êtes débrouillards, procurez vous ce numéro qui contient un dossier spécial sur Pierre Ledda. Non pour les reproductions qui sont assez calamiteuses (inconvénient de ce genre de fanzines photocopiés, pré-internet). Mais pour la relation de la visite des époux Caire, réalisateurs du Bulletin Ozenda, au sculpteur, à la fin du mois d’août 1992.
Y perce une sorte d’autorité malicieuse qui conduit Ledda à se plaindre de la presse : «César, j’aurais été aussi célèbre que lui, seulement dans mes articles au lieu d’attribuer mes œuvres à Ledda, et bien tout simplement, on y mettait par dessus le nom de César, et au lieu de faire ma publicité à moi, on faisait la sienne».
16:58 Publié dans Blogosphère, Encans, Glanures, In memoriam | Lien permanent | Commentaires (8) | | Imprimer | | |
18.07.2010
La galerie Impaire passe et manque
La galerie Impaire part. Elle quitte, sniff, sniff, la rue de Lancry. C’était hier, son dernier jour à cette adresse.
Et encore du monde en ce dimanche 18 juillet 2010 pour cet ultime accrochage dont je retiens cet agneau (lamb) bleu sur fond vert vibrionnaire (une gravure de Kim Clark) qui avait l’air un peu étonné de l’événement.
Encore du monde mais personne d’autre que cette bonne vieille Animula pour mettre à chaud la main au clavier et souhaiter une bonne continuation à Gaëla Fernandez qui officiait, comme si de rien n’était, avec son sourire coutumier.
J’ai flashé mélancoliquement sur les deux oiseaux aux cous serpentins de Marion Boiton
et sur les profils de Janus de Dinah Bustillos. L’un regardant le passé et l’autre l’avenir.
J’ai emporté un petit souvenir sous forme d’un miroir schizoïde avec un encadrement billes colorées/vaisselle cassée à la Gaudi : une réalisation de Jackie Frank. Hi Jackie I hope you read!
J’ai photographié une dernière fois le bureau encombré d’œuvres de ce lieu d’exposition qui, deux ans durant, aura été un trait d’union entre Paris et la Californie du Creative Growth Art Center. Notez bien la bouteille d’eau près du micro. Elle témoigne du temps radieux qui régnait ce jour-là.
A partir de maintenant, la Galerie Impaire devient nomade (a wall-less gallery). Elle projette 2 ou 3 expositions par an dans des lieux européens divers. Si j’ai bien compris, dès la rentrée, on devrait la retrouver du côté de Liège, chez nos amis belges.
20:53 Publié dans De vous zamoi | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, galerie impaire, creative growth art center, kim clark, marion boiton, dinah bustillos | | Imprimer | | |
14.07.2010
Bras d’or et Pénitents noirs, 11e biennale d'Aubagne
La Biennale d’art singulier d’Aubagne, je ne sais pas par quel bout la prendre.
Je suis tombée dessus en rêvant sur les édifices en cagettes blancs de Sylvain Corentin qu’on peut surprendre au travail dans cette vidéo ici.
Mais Sylvain Corentin qui a été l’assistant de Bernard Belluc porte le dossart de l’art modeste
(ce qui n’est pas mal du tout, surtout dans son cas) et moi je roule d’abord pour l’art brut.
J’ai donc bravement gravi la liste interminable des exposants à ce 11e festival international qui ne nécessite pas moins de deux lieux pour se déployer du 31 juillet au 29 août 2010. L’un à la Chapelle des Pénitents Noirs, l’autre à l’Espace Bras d’Or.
Le premier accueillera la perfo-anim-installation d’Alex O’Neal, un artiste américain dont je ne connais que cette image.
L’autre, la sélection de cette année qui réunit une soixantaine de cas sous la houlette de l’entreprenante Danielle Jacqui. Difficile de s’y retrouver dans cette profusion de talents divers et inégaux. D’autant que les visuels ne sont pas toujours au rendez-vous dans les liens de la copieuse liste. Le moins que l’on puisse dire c’est que ça manque de lisibilité. C’est au lecteur d’apporter son manger… Il risque de se décourager.
Votre petite âme errante, elle, a décidé de s’accrocher. S’accrocher au regard perçant et vide qui vous hypnotise dans le bandeau du site de la Biennale. Ce regard c’est celui d’un portrait émacié de Rosaria Cannonito, une créatrice sicilienne, née à Palerme, dont je ne résiste pas à vous soumettre quelques troublantes images. Cette Donna in abito verde au corps en entonnoir, par exemple
Ce Fantasma dont on vient de manger un morceau.
Ce S. Giuseppe con il bambino Gesù en voie d’auto-effacement progressif
Qu’ajouter à cela sinon cette Elisabetta d’Inghilterra qui réinterprète à elle seule tout l’art du portrait italien renaissant et baroque?
Ou bien cet informel Sole rosso après quoi il n’y a plus rien à dire
12:06 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : rosaria cannonito, art brut, biennale d'art singulier, aubagne | | Imprimer | | |
10.07.2010
Un Romain migrateur : Davide Cicolani
Davide Cicolani. Il est arrivé à la Halle Saint-Pierre avec une petite valise à la main et dedans il y avait des cartes routières sur lesquelles il réalise ses œuvres.
Une fois dépliées, ces grandes compositions aux encres noires et de couleurs sont montées à l’assaut des murs blancs de la galerie qui sert de toile de fond à la bourdonnante cafète du musée.
Paris est une ville formidable qui attire, malgré son mauvais caractère, des lascars comme Davide : ex-gibier d’hosto, ex-ouvrier d’usine, créateur-né. Une ville en forme de cœur gros-comme-ça que ce Romain migrateur cible ici jusqu’au 31 juillet 2010 dans un labyrinthe hypergraphique où elle apparaît en réserve.
Cicolani, avec les cartes, se rit des plis et des orientations. Avec les cartes, il a trouvé le support idéal, approprié à ses dérives de squat en squat. Elles lui permettent, par leur format en accordéon, d’emporter des «églises» entières dans ses bagages. Certaines de ses peintures, par leurs cloisonnés et la densité –pourtant transparente– de leurs tons feraient en effet d’épatants vitraux! N’était leur laïcité foncière!
Davide Cicolani flirte d’ailleurs sans le vouloir (ou en le voulant ?) avec des souvenirs de Filiger et de Gauguin tandis que son sens de la composition et sa virtuosité décorative dans le maniement du pinceau le rapprochent des chinoiseries et/ou du Japonisme.
Pas mal, pas mal, foi d’Animula.
Même si je préfère ces labourages de signes de tous poils où Davide passe de l’écriture à l’inscription, saute du morceau cerné informel aux visages figurés. Le tout en passant par une déclinaison de gammes allant du plus ou moins sombre. Comme quand un rayon de soleil éclaire un verre en cri, un verre en cri, un verre en cristal de Bohême.
Au moment où je vous écris c’est pas les rayons qui font défaut. Heureusement, la Sainte Halle est climatisée, ce qui est appréciable en ces temps de canicule.
Alors, au lieu de piquer une crise sur votre carte Michelin que vous n’arrivez jamais à replier, allez voir l’expo de Davide Cicolani avant de passer au GPS.
Ne serait-ce que parce que ce peintre de tempérament a une façon à lui très spéciale de tenir sa vie dans les plis, entre l’art brut et l’art d’œuvrer avec les références de la culture dans son jeu (ou dans sa valise).
17:28 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (2) | | Imprimer | | |
07.07.2010
Notes d’art brut
Turin, Monaco. Ce coup-ci rien que des notes. Vu que je suis allée courir les routes morvandelles en pleine canicule. Des notes qui font penser au Sud, cher à Nino Ferrer, au «Sehnsucht nach Italien» du tonton Goethe. Des notes? Même pas. De purs griffonnages. Style:«signaler aux Animuliens» ou «pas oublier de leur dire». J’en ai des masses dans mes carnets et quand je n’ai pas de carnet ou de clavounet à ma dispo, c’est sur mes doigts que les écris. Ephémères tatouages, henné improvisé.
Aujourd’hui, j’en choisis deux. «Très intéressant» ai-je ponctué sur mon index gauche devant cette info cueillie sur le blogue de Dominique Leglu : l’entrebaillement du Museo di antropologia ed etnografia de Turin.
Prochaine visite : mercredi 7 juillet 2010, même tard (17 h 30 jusqu’à 23 h 30). Si vous passez par là ou si vous êtes turinois (plus commode). Possibilité de visite ensuite sur RDV.
Je crois bien avoir déjà vu quelque part, mais où ? l’extraordinaire dentelle d’os sur lequel Madame Leglu insiste. L’œuvre du carabinier Francesco Toris. Le Nouveau monde, c’est son nom et c’est tout à fait carabiné en effet.
Autre remarque marginale dans un de mes petits «chiffonniers» (j’appelle comme ça mes agendas), ce lapidaire: «avec Berst». What does that means? Et bien ça veut pas dire : «Tous avec Berst» mais ça pointe sur un flash-actu du blogue de Monsieur Daniel Boeri (aux belles moustaches en pointes) qui nous apprend que le dynamique galeriste parisien, ne s’accordant décidément aucun repos, abritera pour l’été un bon petit paquet de son stock dans un Entrepôt snobissimement situé à Monaco, «capitale estivale de l’Art brut».
Apprenant cela je me suis jetée éperdument dans les bras de mon chéri pour un mambo de Monaco (Monaco co-co, Monaco co-co) qu’aurait pu imaginer Nino Ferrer si Aimé Barelli ne l’avait pas fait.
01:36 Publié dans Expos, Miscellanées | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, francesco toris | | Imprimer | | |
01.07.2010
Ne m’oubliez pas à la collection Prinzhorn
Vergiss mein nicht, ne m’oubliez pas : tel est le cri de l’art brut, le soir au fond du mois de juin. Je sais, je sais, vous êtes déjà partis en vacances et si vous n’y êtes, vous en rêvez.
Moi aussi, je fais les soldes à la recherche d’un petit haut pour aller avec mes trente-sixième dessous de l’été. Cependant le fait est là, la vie des bêtes bat son plein comme je l’ai constaté le ouikène dernier, en parcourant le Canard de mon chéri, dans l’Intercités 3312 retour de la plage de Cabourg où j’ai pris un coup d’insolation sur les ripatons.
Dans un article sur «la viande bleue» (nous a-t-on assez bassiné avec les Bleus, ces temps-ci!) le Volatile enchaîné, dans son n°4878 du 23 juin 2010, nous relate ce propos inattendu d’un éditorialiste du journal irlandais L’Indépendant. C’est à propos d’un certain Domenech, un nom que l’irish-plumitif n’a pas l’air d’apprécier. Jugez-en : «Un nom à voler les enfants et les fondre pour des expositions d’art insolite pour le Centre Pompidou».
Sur la tête de mon daddy! «d’art insolite», vous avez bien lu! Franchement, s’il y avait des expos d’art insolite à Pompidou (des sous), ça se saurait, non? Mieux vaut entendre ça que d’être sourde! Passons!
Et tournons nous vers l’art brut, le vrai, le cru, le bleu, le saignant. Tournez vous avec moi vers Heidelberg, ein, zwei, drei, vier! ça vaut la peine d’allonger le pas. En vous y prenant tout de suite vous aurez le temps d’arriver à l’heure pour l’ouverture de la nouvelle exposition à la Sammlung Prinzhorn le 8 juillet 2010.
Ensuite de quoi, vous aurez jusqu’à la fin octobre pour vous pencher sur ces Vergiss mein nicht/Forget me not qui offrent au public des Aperçus sur la vie asilaire aux alentours de 1900 (Insights into asylum life around 1900/Einblicke ins Anstaltsleben um 1900).
Heinrich Hermann Mebes
C’est à ma connaissance nouveau d’aborder ainsi les choses du côté du petit bout de la lorgnette.L’exposition, qui se veut importante, a pour ambition de reflèter la vie de tous les jours dans l’institution psychiatrique.
Helene Maisch
Plus de 120 peintures, dessins, collages, œuvres textiles et lettres. Auteurs? : une soixantaine d’hommes et de femmes ayant fréquenté une trentaine d’institutions différentes dans la période allant de 1895 à 1925. On joue sur la proximité. C’est tant mieux.
01:26 Publié dans Expos, Nos amies les bêtes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut, collection prinzhorn | | Imprimer | | |
25.06.2010
7 dessins du prince Youssoupoff
L'Envie
Youssoupoff c’est du post post. Pas seulement parce que Félix Youssoupoff ça nous ramène à de l’histoire ancienne, à un temps d’avant Poutine, Brejnev et même Staline.
Au temps des tsars exactement où les princes russes qui n’avaient pas la chance comme le beau Félix d’emmener un gros diamant en exil se retrouvaient chauffeurs de taxis à Paris.
Post post, mon post d’aujourd’hui car c’est avec un mois de retard que je chrommunique au sujet des époustouflantes aquarelles du Prince Youssoupoff rencontrées l’avant dernier jour de mai 2010 en la Galerie L’Arc-en-Seine. C’est à l’occasion de la 12e édition d’Art Saint-Germain des Prés que je trainai mes guêtres rue de Seine ce jour-là et je frôlai la syncope en apercevant dans la vitrine de la galerie cette assez petite mais très dense trogne intitulée Le Doute.
De loin comme ça, j’avais cru que c’était un portrait hallucinant de Marguerite Burnat-Provins. De près, je pensais au comte (noblesse oblige) de Lautréamont. «Le Canard du doute», vous pigez?
Le Doute
Sinon, allez chez Wiki et renseignez vous aussi auprès du camarade Gougueule à propos de l’auteur de ce dessin visonnaire. Pour les allergiques du clic superflu, je dirai rapidement que Félix Youssoupoff (1887-1967) c’est, avec d’autres conjurés, l’exécuteur de Raspoutine, le gourou crado et partouseur qui avait hypnotisé la Tsarine de l’époque.
Le Flegme
Je vous passe les détails sordides de la mort de Raspou, un costaud de chez costaud sur lequel il fallut s’acharner. Ce terrible événement, par lequel Youssoupoff crut sauver la Sainte Russie, l’obséda toute sa vie d’autant que les journalistes n’arrêtaient pas de le questionner là-dessus. Et ça explique peut-être que 12 ans après ce meurtre, en 1929, il se soit trouvé atteint d’une fièvre art-brutifère.
L'étonnement
Alors qu’il villégiature en Corse, Youssoupov se sent soudain pris d’une violente envie de dessiner. La manière dont il relate la chose ne fait guère de doute. C’est bien à une crise impérieuse d’automatisme qu’il cède : «Mon travail s’exécutait comme en dehors de moi-même. Je ne savais pas ce que j’allais faire». Et encore : «Je me suis adonné à la peinture comme si j’avais été ensorcelé. Mais ce que je créais étaient des visions de cauchemar plutôt que des créatures de rêve. Moi qui n’aimais que la beauté sous toutes ses formes, je ne pouvais créer que des monstres. (…) Un jour j’ai arrêté de dessiner aussi subitement que j’avais commencé. Le dernier dessin eut pu être le portrait de Satan».
Pour cette expo de Sept dessins par Le Prince Félix Youssoupoff, la Galerie L’Arc-en-Seine a pondu un catalogue or et noir qui complète celui sur papier saumon de la Baltique qu’elle avait publié (avec un texte de Edmonde Charles-Roux) lors d’une précédente présentation en 1988 de ces dessins qui, pas plus que maintenant, n’étaient à vendre.
23:44 Publié dans Expos, Images, Oniric Rubric | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, prince félix youssoupoff, galerie arc en seine | | Imprimer | | |
20.06.2010
A.C.M. court le monde
Fut un temps où A.C.M. n’envisageait qu’avec répugnance le transport de ces œuvres. C’était il y a plus de 10 ans et cet «architecte du vide» (selon le mot de Béatrice Steiner dans le n°17 de Création Franche en juin 1999) qui construit en donnant le sentiment de déconstruire, parlait à ses machines avec de la tendresse sous ses grosses moustaches à la Flaubert. En ce temps-là, la présence d’un gentil chow-chow à la langue noire lui était consolante.
Il lui semblait impossible que ses sculptures puissent quitter son atelier installé dans une ancienne manufacture de tissage familial. Pourtant ses assemblages de petites pièces de machines à écrire, vissés, collés, patinés à l’acide étaient parfaitement costauds. Mais A.C.M. qui désignait son travail comme «un effritement qui dessinerait des choses» avait peur d’en perdre quelques morceaux.
Comme si sa propre chair risquait de partir en lambeaux. Il sortait à ce moment là d’une période où il n’avait cotoyé personne et où il avait pris tous les risques d’une absorbtion dans la création pour la seule création. Environné de ses productions, il souffrait de sa position inconfortable : attaché à sa solitude partagée avec le seul soutien de son épouse, assoiffé cependant d’être mieux compris des autres, sinon reconnu par un public d’amateurs.
Il a fallu de la patience aux petit nombre de ceux qui l’encouragèrent alors pour le décider à affronter le feu des expositions. Il inventa alors des conteneurs en bois où ses chers volumes, parfaitement stabilisés, purent prendre la route. Et quand il le fit, cet «écorché vif» entre le zist de l’art brut et le zest de l’art contemporain rencontra tout de suite des collectionneurs puis des marchands qui donnèrent à son œuvre son retentissement actuel.
La voilà maintenant qui traverse l’océan. Nous la retrouvons en Amérique, dans une expo de groupe (June 17, August 14) à la Galerie d’Andrew Edlin que votre petite âme errante félicite pour cela et aussi pour autre chose.
On signale également la présence d’A.C.M. dans notre vieille Europe, à Gent (Gand) en Belgique au sein de l’expo De Wereld Andersom (Le Monde à l’envers).
C’est au Musée du docteur Guislain que ça se passe dans le cadre de la sortie d’été d’une belle part de la Collection abcd.
Ceci jusqu’au 12 septembre 2010.
Après le 24 septembre 2010 et jusqu’au 9 janvier 2011, les mordus d’A.C.M. retrouveront l’artiste à la Schirn Kunsthalle de Frankfurt dans l’expo Weltenwandler/World Transformers, Die Kunst der Outsider.
19:12 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, acm, collection abcd, musée du dr guislain, andrew edlin gallery | | Imprimer | | |
19.06.2010
Visages de l’art brut
«Animula c’est Animula!..» Cette énigmatique affirmation m’a été récemment servie dans un vernissage, avec un sourire au coin de la moustache, par un de mes malicieux lecteurs. Elle m’a plongée (plouf) dans un abîme de réflexions. Bien que proférée sur le ton de la plaisanterie, elle n’en était pas moins grosse d’implications philosophiques, pour ne pas dire métaphysiques.
Qui étais-je ? pour qu’on m’adresse pareille tautologie calquée sur la boutade de Dubuffet : «L’art brut, c’est l’art brut etc.». Où allais-je? et dans quelle étagère finirais-je?
De fil en aiguille, je me suis mise à chercher le visage de l’art brut qui s’est superposé dans ma rêverie au visage (idéal) d’Animula. Ou l’inverse, je ne sais plus. Et j’ai trouvé ceci :
Ces inéluctables visages proviennent du catalogue d’une exposition dont je vous ai déjà parlé à la fin de l’année dernière (le 6 décembre pour être précise), dans ma note : Espagne, 70 ans d’art en hôpital psychiatrique. Ce copieux et richement imagé catalogue est maintenant entièrement consultable sur le net. Page après page, on peut le feuilleter électroniquement avec un bruit de papier froissé très rigolo.
Comment ne pas s’arrêter aussi sur ces photos des murs du Manicomio Provincial de Murcie, prises dans les années trente?
17:21 Publié dans Blogosphère, Expos, Glanures, Images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, manicomio, hôpital psychiatrique, murcia, espagne, graffiti | | Imprimer | | |