03.07.2012
Plaisirs du Roure
A Avignon, le Palais du Roure se fait désirer. J’aurais bien mis trois ans à le voir. D’abord parce qu’il n’est ouvert que le mardi et puis parce je ne suis pas assez souvent en vacances. Et quand j’arrive en août devant sa porte noire le jour voulu, il est quand même fermé… pour les vacances.
Pensez donc si votre petite âme errante était joyeuse de le coincer, ces jours derniers où il était miraculeusement accessible au public. Certes, il a fallu se farcir la visite guidée avec doublage en anglais pidgin, traverser des kilomètres de salles aux vitrines vides avec des meubles provençaux qui ne sont pas ceux d’origine mais enfin…
Cette ancienne demeure d’une huile de la Renaissance, squattée plus tard par les Félibres, a beau être assez austère, elle n’en recèle pas moins une amande dans sa coquille de traditions provençales éternelles. Je ne parle pas des grandes toiles wagnériennes d’Henri de Groux qui a créché là, ni de la Bibliothèque à moitié tombée en poussière du poète Louis Le Cardonnel.
La patache où Frédéric Mistral a posé ses augustes fesses me laisse froide même s’il a fallu ouvrir le toit pour installer cette diligence (Maillane-Graveson) dans le grenier.
J’ai peu de goût aussi pour les portraits de Jeanne de Flandreisy, la madame Verdurin de l’endroit ni pour les éperons et la selle de Fosco de Baroncelli qui se déguisait des fois en indien. Mais on est récompensé par une petite pièce qu’on ne visite qu’en dernier (pas très longtemps hélas) et où en en prend plein la vue question ex-votos, paperolles et reliquaires.
Y aller rien que pour ça ne peut pas nuire à votre réputation d’Animulien de choc.
17:28 Publié dans De vous zamoi, Jadis et naguère | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : palais du roure, avignon, arts et traditions populaires, ex-votos | | Imprimer | | |
02.07.2012
Pascal Verbena : ça déménage !
L’été m’a rattrapée à Aix-en-Provence où l’on travaille malgré la chaleur comme le montre cette photo prise dans la rue du Puits Neuf. En dépit des apparences, ce ne sont pas des déménageurs qui livrent ici un frigo à la Galerie Paire. Alain Paire possède déjà un réfrigérateur dont il tire, pour ses visiteurs, des verres d’eau fraîche. Il est aussi le propriétaire d’un diable qu’il prête à Pascal Verbena quand celui-ci vient chercher un de ses enfants confiés, le temps d’une exposition, à la maison Paire.
C’était le cas ce jour-là où je suis tombée en plein décrochage de l’exposition Ex-voto. Votre petite âme errante en a profité pour cuisiner Alain Paire au sujet d’Odette Ducarre. A.P. m’a parlé de Cioran, de Mandelstam, de Philippe Jacottet que je ne connais guère, du fait de mes œillères brutes.
Heureusement Pascal Verbena est arrivé avec sa casquette violette et sa chemise-kimono africaine. Avec une simplicité communicative, il a réconcilié, s’il en était besoin, le monde de la culture littéraire la plus raffinée et celui de l’art moins dans les normes. C’est que Pascal Verbena navigue entre des courants qui s’ignorent comme un poisson dans l’eau du Vieux-Port de Marseille.
De ses débuts d’autodidacte, du temps de l’Atelier Jacob, à ceux de sa maturité d’artiste fort estimé des collectionneurs, du temps a passé mais Verbena n’a pas noyé la sardine pour autant. S’il n’a plus ce look de christ hippie qu’on lui voyait sur les catalogues d’Alain Bourbonnais, il abrite toujours son sourire dans un soleil de barbe.
Sans se faire prier, il a posé, pour les lecteurs d’Animula, près d’une armoire à secret dont je désespère de vous évoquer la finesse d’exécution règlant la juxtaposition des bandes de bois de diverses nuances.
Elle appartient à Alain Paire et il faudrait avoir une armure de Dark Vador pour ne pas saisir ce qu’elle recèle de pudeur, d’exhibition furtive et de sentiment caché avec son petit personnage protégé par des volets.
C’est peut-être plus vrai encore avec ce reliquaire dont Verbena ne se sépare pas parce qu’il espère «ne plus jamais refaire» une pièce pareille. Quand je vous aurai dit que les yeux de Sainte-Lucie, dans le bas de la composition, ont été triés comme des lentilles sur une plage, que la forme de bois qui flotte au dessus de ces porte-bonheur a servi de matrice pour des dessins, que la pierre de volcan au centre a été ramassée près du Vésuve, je ne vous aurai dit que peu de ce qui fait la charge de cette œuvre émouvante qui s’intitule Je suis venu te dire…
Les premiers mots peut-être d’une lettre de rupture reçue par l’artiste. Lettre qu’il a déchirée avant de la clore pour jamais avec sa souffrance, sa nostalgie et tout l’amour du monde dans sa composition sous de petites fenêtres à claire-voie.
18:46 Publié dans De vous zamoi | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : pascal verbena, neuve invention, art singulier, alain paire, dark vador | | Imprimer | | |
22.06.2012
Des festivals de fil et d'aiguilles
Ani vous l’avait bien dit : Nicole Bayle irait loin. Son grand tricot sur lequel j’avais attiré vos respectables attentions animuliennes il y a 3 ans déjà (voir ma note du 3 août 2009 intitulée : Dieppe au tapis) est arrivé à Lausanne.
C’est Nicole elle-même qui me l’écrit : cette œuvre de 35 m de long est «depuis 2010 à la Collection de l’Art Brut» (Neuve invention). On peut dire que j’ai du flair! Mes bonnes idées ne restent pas lettre morte. Tant mieux! Illico presto, Nicole Bayle, armée d’une patience digne de Pénélope, s’est remise au travail.
Son nouveau petit tricot (7 mètres de long tout de même) a été exposé récemment au festival Art et Déchirure à la Halle aux toiles de Rouen.
«Si cela vous intéresse», me dit Nicole, «il sera visible au festival du lin et de l’aiguille à La Chapelle-sur-Dun le 8 juillet 2012 avec l’alphabet Mon lapin et mes poupées».
C’était mon trou normand.
«Tire, tire, tire l’aiguille, ma fille…».
15:40 Publié dans De vous zamoi | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nicole bayle, neuve invention, tricot | | Imprimer | | |
28.05.2012
Crème de CrAB
Que se mettre sous la dent en ce mois de juin 2012 qui s’avance?
La crème du CrAB évidemment. Je vous l’avais dit depuis le début que ce collectif de jeunes chercheurs constitué pour gratter autour de l’art brut avait du pied (ou de la patte) dans la chaussure.
Ceux de mes lecteurs qui auraient manqué une étape n’ont qu’à, pour s’en convaincre, jeter un œil sur ma note baptismale du 18 décembre 2010 : le CrAb en pince pour l’art brut. De l’eau a coulé depuis dans l’océan d’informations qui nous parvient tous les jours au sujet de cet art brut où j’ai du mal à reconnaître mes petits.
Mais la crème du CrAB a porté ses fruits. Au fur et à mesure que ses membres mûrissaient, ce collectif de sympathiques crustacés s’est imposé comme le principal pôle de production de matière grise française, suisse et savoyarde sur l’art brut. Déjà on les envie, déjà on les imite, déjà on les courtise.
Mais les têtes chercheuses du CrAB, si elles se sont dépouillées de leurs enveloppes juvéniles, n’en continuent pas moins leur petit bonhomme de chemin savant en déblayant, sans en avoir l’air, une quantité de plages impressionnante.
Aussi ont-elles bien fait d’accepter l’invitation de la galerie abcd à venir jouer dans son bac à sable de Montreuil-les-Pins, rue CrABoltaire, métro CrABespierre (Monteuil-sous-bois, 12 rue Voltaire, métro Robespierre, vous aurez rectifié vous-mêmes ).
Faut-il que la crème de CrAB ait des vertus revigorantes pour qu’une collection de l’importance de celle de Bruno Decharme lui ouvre ainsi la possibilité de jouer avec ses jouets! Car -et c’est à ma connaissance là que réside l’inédit- ce sont les membres du CrAB eux-mêmes qui se chargeront de la conception et de l’accrochage de l’exposition qui se déroulera chez abcd du 2 juin au premier juillet 2012. Pourvu qu’ils ne deviennent pas CrABêcheurs après ça!
Le vernissage aura lieu le samedi 2 juin à 17h 30 mais comme le CrAB a le don d’ubiquité vous aurez pu avant aller écouter Fanny Rojat qui planchera sur les missives d’Henri Bessaud Narboux (un «écrituriste» brut révélé par Michel Thévoz) à l’Institut de Théologie Protestante (77 bd Arago) dans le cadre du séminaire de Lise Maurer.
Il est tentant aussi d’aller se goinfrer au brunch abécédien en accès libre qui suivra le 16 juin la huitième session du séminaire CrAbique à l’INHA.
Les accros à la crème de CrAB pourront aussi venir à Montreuil chaque week-end du mois de juin où des membres du collectif les chouchouteront et les pinceront gentiment s’ils s’assoupissent pendant que Pauline Goutain leur interprétera sa chanson du grand Wölfli
que Vincent Capt leur fera la lecture ou que Baptiste Brun les initiera à la broderie bigoudenne qui vient de Mandchourie.
La crème du CrAB, comme la manne, sera par ailleurs distribuée à droite et à gauche en ce printemps. A Fontainebleau, à Annecy, à Bruxelles, à Cergy-Pontoise. Pour plus de détails, voir la newsletter du CrAB de mai 2012. Vous verrez que, outre les crabes déjà cités, Emilie Champenois, Céline Delavaux, Déborah Couette, Roberta Trapani n’auront pas volé leurs vacances d’été. Ils auront bien mérité de Gaston Dufour et des autres.
16:22 Publié dans art brut, De vous zamoi, Ecrits, Expos, Parlotes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut, crab, fanny rojat, pauline goutain, vincent capt, baptiste brun, emilie champenois, céline delavaux, déborah couette, roberta trapani, adolf wölfli, emmanuel le calligraphe, gaston duf, bruno decharme | | Imprimer | | |
29.04.2012
Le Petit est malade
Malade. Je suis malade. Mon toubib a diagnostiqué une crise de flemmingite aigüe. Je touitte, je zappe, je baille. Toute la journée. Votre petite âme errante plane au ras de la moquette. Mollement. Thé, fleurs et bâtons d’encens : mon daddy s’inquiète mais si ça me plait à moi de déprimer! Je plonge et replonge dans mon remède favori : la lecture. A la recherche des livres perdus dans mon cafard-naüm.
Sous une pile de vieilles paperolles, je retrouve les curieux carnets d’hôpital d’Alfred Le Petit (1841-1909), un fameux dessinateur, peintre, caricaturiste et photographe et journaliste de la fin du XIXe siècle. A la fin de sa vie, entre 1903 et 1905, il fait de longs séjours à l’Hôtel-Dieu. Il y rédige un journal, accompagné de dessins pathétiques et drôles, mais toujours justes, où il chronique le quotidien de l’humanité souffrante dont il partage le sort.
Comme le dit la 4e de couverture de ce bouquin publié aux éditions Alternatives et présenté en 2007 par Jean-François Le Petit, petit fils de l’artiste et par Guillaume Doizy, spécialiste de la caricature, «Alfred Le Petit nous fait entrer de plain-pied dans la vie d’un hôpital au début du XXe siècle, à une époque où ces établissements de soins sont en pleine mutation». Rien à voir avec l’art brut par conséquent. Quoique. Alfred Le Petit délaisse parfois sa plume et son crayon pour s’aventurer dans la peau d’orange façonnée par repoussage.
Les circonstances particulières dans lesquelles ce virtuose d’un art professionnel calibré se trouve placé (ennui, maladie, désœuvrement) font que, délaissant les techniques et les matériaux où il excelle d’ordinaire, il s’amuse à en expérimenter de nouvelles.
Le résultat est étonnant et je ne résiste pas au plaisir de vous montrer cette série de masques orangesques, séchés et vernis rassemblés sur la page 109.
Les adorateurs fanatiques de châteaux de Versailles diront peut-être qu’il s’agit là de petites friandises «minables» (voir le commentaire indigné à ma note du 20 février 2012) mais moi je trouve que ces petites gueules effrayantes et sympathiques justifieraient à elles seules que vous vous procuriez ces souvenirs d’Alfred tant que c’est encore possible.
17:06 Publié dans De vous zamoi, Images, Lectures | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : alfred le petit, curiosités | | Imprimer | | |
09.04.2012
Dépotintô, dépotintè, Tô é dépotintô
Je peux pas vous servir que du réchauffé. Je me tourne donc vers Montbrison. On est cachottier dans cette capitale du Forez. Une expo intitulée De l’art brut et d’autres choses vient d’y débuter et on ne nous le dit pas ou alors à mots couverts (que fait la PQR ?).
A vrai dire, ça fait plusieurs mois déjà que j’avais vent du projet mais j’avais oublié avec tous les chats que j’ai eu à fouetter
A Montbrison, il y a un musée et c’est là que sera abritée jusqu’aux frimas de novembre 2012, ladite expo qui mêle gaillardement, selon le programme, «des œuvres majeures de la Collection de l’hôpital parisien Sainte-Anne», «le travail d’Alain Rault, sans domicile fixe rouennais», «des dessins suggérés (sic) aux pensionnaires de l’établissement Charles Foix», des «objets de tranchées de la Grande Guerre», «des objets perruqués» et «quelques œuvres d’art brut inédites de Sylvia Marquet».
Ce rassemblement pour le moins hétéroclite (inauguré le 5 avril 2012) a pour cadre l’ex hôtel particulier de Jean-Baptiste d’Allard (1769-1848), un militaire passionné de taxidermie. Pour l’anecdote, précisons que le cabinet de curiosités, légué par cet aimable rentier à sa ville, comprend un prisonnier espagnol de l’époque napoléonienne, proprement empaillé après avoir été victime d’un accident du travail mortel sur le chantier de l’hôtel d’Allard alors en construction.
Charmant écrin pour une expo qui souhaite aller «au delà du silence»! Celle-ci s’inscrit dans «le feuilletage actuel de l’art brut»( ?). Comprenne qui pourra.
Ni l’art des poilus de 1914-1918, ni les objets fabriqués pour eux-mêmes par les ouvriers durant leur temps de travail n’appartiennent, bien sûr, au domaine de l’art brut. Il y a bien, parmi les très rares reproductions proposées à la curiosité du public, un Aloïse mais il n’est pas des plus fameux.
Vraiment, on vit une drôle d’époque. Il y a de véritables expositions d’art brut qui ne veulent pas dire leur nom (l’expo actuelle de la Halle Saint-Pierre à Paris par exemple) et, réciproquement, des expos qui se parent imprudemment du label comme celle de Montbrison. Cela ne veut pas dire qu’il faille négliger ces dernières. Allons à Montbrison pour éprouver nos définitions!
Je ne crois pas pour ma part que l’activité grapho-compulsive d’Alain Rault puisse être qualifiée de «travail» comme n’hésite pas à l’écrire Henri Pailler, le conservateur en chef des Musées du Forez. C’est un contresens de croire que monsieur Rault s’inscrit dans un projet comme n’importe quel artiste contemporain.
Je ne suis pas bien convaincue non plus que les créations de Sylvia Marquet relèvent de l’art brut bien qu’elle expose chez Ritsch-Fisch.
Mais chacun est libre. Et si quelque Animulien passe par Montbrison qu’il n’hésite pas à nous donner ses impressions! Et même ses images car on est plutôt chiche de visuels du côté de chez Allard.
16:11 Publié dans art brut, De vous zamoi, Expos, Miscellanées | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : montbrison, aloïse corbaz, alain rault, sylvia marquet, galerie ritsch-fisch | | Imprimer | | |
08.04.2012
Retour du Carrousel
«Here we are again!» comme dit Lionel Barrymore dans You can’t take it with you, le mémorable film de Frank Capra.
«Coucou, nous revoilou!» en langage animulien standard. J’ai pris du retard. Des tas de bâtons se sont mis dans les roues de ma petite auto-chenille et j’ai perdu les pédales.
Raison pour laquelle je vous ai interprété «blogue en pause» pendant plusieurs jours. Avec tout ça, je ne sais plus où j’en suis, même si je me dis : «Bouge ta vie!».
La dernière chose dont je me souvienne c’est la jolie coupe de bonbecs où j’ai puisé sur le stand de la Galerie Béatrice Soulié qui exposait les «Pierres noires» de Paul Rumsey au salon du dessin contemporain du début du mois.
Cet artiste anglais a beau ne relever en rien de mon dada brut, je dois dire qu’il ne m’en a pas moins collé une pêche au creux de l’estomac de ma petite âme errante avec ses fusains borgésiens et ses vanités cosmiques.
Genre pas brut pour un sou non plus mais super-intéressant quand même, les très originaux collages de Lance Letscher sur le stand de la Galerie Vidal-Saint Phalle. Je ne sais pas comment cet artiste se débrouille mais il échappe aux poncifs métaphoriques surréalistes trop souvent de règle en matière de collages.
Et même quand Dada l’effleure ou le constructivisme c’est avec une vertigineuse dextérité qui fait exploser les influences au sein de compositions vraiment ambitieuses car vraiment éclatées. Malheureusement il y a toujours un gros lourd pour pointer son nez au moment où je prends la photo.
Mais ceux que ce travail passionne pourront le retrouver au 10 rue du Trésor dans le 75004, adresse de la Galerie VSP.
Pour finir, quelques clichés tombés de mon album lors de la visite. Pour ceux qui n’étaient pas au Carrousel du Louvre, j’ai ouvert le cartonnier du Creative Growth d’Oakland dont le stand très mimi tout plein mutipliait les murs par trois grâce à sa gestion optimisante de l’espace.
En témoigne ce panneau de Donald Mitchell avec -notamment- des petits formats rectangulaires plus diffus que d’ordinaire. On y reconnaît le personnage générique de DM mais «le bonhomme s’est collapsé dans le paysage» comme l’expliquait Gaëla Fernandez qui officiait ce matin là quand je suis passée chez elle.
En A19, chez Christian Berst Art Brut Paris, on s’affairait autour d’une video qui prolongeait sa grasse matinée. Mention spéciale du jury pour la collaboratrice du galeriste dont le caraco vert dérogeait heureusement à l’uniforme noir adopté par les dames présentant les œuvres sur les autres stands.
L’endroit nous la jouait loft cosy autour d’un gobelet de café, la spécialité du patron. L’accrochage se distinguait par sa cohérence et son unité au service d’une réelle élégance intellectuelle. Quand c’est bien, faut le dire.
J’ai vu d’un autre œil qu’à la galerie la boîte métallique lumineuse mettant en valeur les radios peintes à l’encre de Chine par Eric Benetto, un copain de l’Abbé Coutant, lui-même pote à Gaston Chaissac.
Même si on peut chipoter l’encadrement qui ajoute sa dimension «art-contemporaine» à ces œuvres de méditation fantomatique, on doit admettre que s’ouvrait là, dans ce salon de mieux en mieux professionnel, une fenêtre sur un «nouveau monde» de mystère.
19:26 Publié dans art brut, De vous zamoi, Expos | Lien permanent | Commentaires (0) | | Imprimer | | |
04.03.2012
Saint Goussaud fait un effet bœuf !
Petit bonus à ma note précédente sur les sorcières du Musée de la poste et les fétiches à clous. En cherchant une recette de bœuf bourguignon, je me suis souvenue du Bœuf de Saint-Goussaud que j’avais croisé dans un bouquin sur les coutumes de mariage en Limousin publié sous la direction de Michel Valière en 1995.
«De la cuisine au mariage, il n’y a qu’un pas…» m’a dit mon chéri que j’ai et je lui ai lancé un regard noir vu que je suis pas du genre à effeuiller la marguerite dans le pot au feu. Mais enfin, il n’a pas tort puisque grâce à mes petits talents culinaires, je suis retombée sur ce bon bœuf gras de Sèn Goussao (occitan de Saint-Goussaud), village dont Wikipedia nous dit que Pierre Michon l’a évoqué dans les Vies minuscules (faudra que je vérifie).
Goussaud, avant d’être saint, était un berger, ce qui fait que l’histoire commence bien. Ce protecteur des bestiaux, que j’évoque d’autant mieuh que le Salon de l’Agriculture bat son plein à Paris, est l’objet d’un culte populaire qui a su s’imposer dans l’église catholique de l’endroit.
«Au nord-est de la Haute-Vienne, du côté de Laurière, pour trouver un fiancé, les jeunes filles allaient faire leur dévotion à Saint-Goussaud, à quelques kilomètres de là. Elles piquaient des épingles dans la statue du saint ainsi que dans le petit bœuf en bois de buis au pied». Voilà ce que nous apprend Un jour qui leur appartient…et il semble que cette innocente pratique magique ait toujours cours si j’en crois les photos récentes de la bête à cornes trouvées sur le net.
Doua vei per an nous van à Sèn Goussao
Li fa la devouci per notre gros betiou
Las fillas lou garçous li vant de lour couta
Li piquas de l'épingas par lou fa marida
Une histoire qui se termine bien aussi, donc.
18:10 Publié dans De vous zamoi, Lectures | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : michel valière, st goussaud, salon de l'agriculture, dévotion populaire | | Imprimer | | |
20.02.2012
Un dimanche à Versailles
Je hais les dimanches. Alors je prends le train et je vais à Versailles. Mais j’ai horreur du château. Il me rappelle ce mot de Fénelon (aperçu sur le blogue de Thierry Savatier) reprochant à Loulou le 14e d’«avoir appauvri la France entière, afin d’introduire à la cour un luxe monstrueux et incurable».
Plutôt que ce soit-disant vénérable édifice, je visite les pâtisseries qui sont super à Versailles. Je bois du chocolat.
Mais j’ai beau faire, à Versailles on retombe toujours sur les canassons.
Inimaginable le nombre de bâtiments qui servaient de garages à dadas.
Ecuries de la Reine par ci, écuries de Monsieur par là.
On imagine le crottin? Qui le ramassait? L’homme du commun. Aujourd’hui désoeuvré, celui-ci en est réduit à rêver d’amour et de voyage. Il s’épanche sur les murs.
Les murs de la Maréchalerie, par exemple, qui abritent le Centre d’Art Contemporain de la ville. On trouve plus à Paris de tels graffiti gratouillés à la pointe. Le temps manque dans la Capitale. On y préfère les bombages. Récemment, j’ai tweeté une licorne de trottoir mais elle n’a pas passionné les foules. J’aurais peut-être plus de chance en mettant cet avion sur mon blogounet.
00:05 Publié dans De vous zamoi, Glanures | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : graffiti, versailles | | Imprimer | | |
11.02.2012
Richard Greaves change d’environnement
Le hasard c’est pas comme le lézard.
«Y’a pas de lézard» et
«le hasard fait bien les choses».
La preuve : au moment où des nouvelles de Richard Greaves nous arrivent par l’intermédiaire de la revue 303, des photos récentes du grand créateur québécois sont tombées dans ma messagerie et par ricochet sur vos écrans. Tous les Animuliens du monde entier seront ravis d’apprendre que Richard Greaves, que j’avais un peu perdu de vue, va bien et continue à œuvrer sous le ciel de sa province de Beauce (Qc).
Pour les nouveaux qui se branchent maintenant sur mes lignes, je rappelle brièvement que Richard Greaves, depuis 1989, où il a quitté la ville «qui tue l’être humain» a édifié, sur un terrain avoisinant une forêt, tout un ensemble de bâtisses superbement déstructurées mais solides, témoignant d’une passion pour l’asymétrique.
Sous la houlette de Sarah Lombardi, actuellement en charge de la CAB de Lausanne, et de Valérie Rousseau, cofondatrice de la SAI (Sté des Arts indisciplinés), un bouquin du genre incontournable est sorti en 2005 sur l’œuvre de Richard Greaves, anarchitecte. Remarquablement illustré de photos dues à Mario del Curto, c’était fatal qu’il s’épuise. Tant mieux pour les petits chanceux qui le possèdent.
On peut aussi glaner de l’information par ci, par là. Le bruit avait couru que Richard avait abandonné son site. Ce n’est pas vraiment le cas. L’article de Jean-Louis Lanoux dans 303 (Richard Greaves, bâtisseur de l’oblique) précise des choses indispensables à connaître pour ne pas désespérer de «l’urbaniste funambule (…) à l’allure d’éternel adolescent, mince et dansant». Richard que diverses péripéties «ont éloigné de son site historique, s’est installé dans un village voisin où il crée derechef».
Et son public peut donc continuer à l’encourager de loin en respectant la tranquillité nécessaire à son travail, à sa vie et à celle de ses proches puisqu’il a fondé une nouvelle famille.
Dans son nouveau cadre, Greaves travaille toujours avec «la vidange du monde», ces «monstres» (comme nous les appelons en Europe) que la société industrielle multiplie autour de nous. Il transforme et inclut ces «déchets» pleins de promesses dans des installations qu’il assemble au moyen de cordelettes plutôt que de clous qui agressent les matériaux.
Lanoux, à ce sujet, cite un propos fort éclairant de Richard Greaves : «J’ai beaucoup aimé et observé les vieux objets, les objets utilisés, les objets rongés par la force du temps et les histoires humaines. Je ne me considère pas différent : une chose qui a beaucoup servi, qui a vécu, que l’emploi et l’abus ont usée et polie».
Les photos de mon post sont de Louise Boucher, la compagne de Richard. Merci Lou, de les avoir prises pour Ani et ses lecteurs! Elles nous donnent une forte envie d’hiver québecois. Merci de nous faire savoir que «Richard continue de défaire des anciens bâtiments : école, grange, pour en faire des nouvelles cabanes selon ses méthodes et sa marginalité».
C’est réconfortant de savoir que, de temps à autres, il retourne dans le rang Chaussegros s’occuper de ses anciennes bâtisses. «L’action de la neige et de la pluie peut avoir raison d’elles mais de patrimonialisation il n’a cure» écrit l’auteur de l’article sur Greaves dans le n°119 de 303. L’action de l’eau, c’est bien connu, fascine Richard Greaves. «Toutes mes cabanes sont devenues croches (= tordues) grâce à l’eau». Laissons lui ce mot de la fin.
17:28 Publié dans Ailleurs, De vous zamoi, Images, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : richard greaves, mario del curto, jean-louis lanoux, sarah lombardi, valérie rousseau | | Imprimer | | |