17.03.2012
La Chine et la Corée exposent leur « art brut »
Vous connaissez le Nanjing Natural Art Center?
Et le Korea Art Brut de Séoul?
Et bien moi non plus!
Je viens de découvrir en bidouillant sur le net que le premier était une institution chinoise toute récente (novembre 2011), dédiée –paraît-il– à l’art brut et située à Jiang Xin Zhou (du diable si je sais où c’est).
œuvre de Monsieur Li
Le second est un organisme social créé en 2008 et dirigé par un Professeur du nom de Tongwon Kim, auteur d’un livre sur l’Art brut coréen dont j’ignore tout.
Tous deux «à but non lucratif», le NNAC et le KABS ont pour mission d’encourager la création de personnes mentalement différentes des pékins ordinaires que nous sommes et de suspendre des passerelles entre les premières et les seconds.
Pour la première fois chez nous, des œuvres provenant des collections de ces deux centres vont être exposées du 19 au 30 mars à Lyon. Et dans 3 lieux, svp! L’Alliance Française où aura lieu le vernissage le 19 mars à 20 h, la Mairie du 7e et la Bibliothèque U Chevreul.
Ceci à l’initiative d’un Collectif des mardis bruts, réunion de 9 étudiants (ça me rappelle quelque chose) de l’Université Lumière Lyon II, originaires de 6 pays différents dont la Chine et la Corée du Sud of course. Ce sera le premier bal du Lybr, autrement dit Lyon brut. Le soir de l’inauguration, une Table ronde, modérée par le chevalier Baptiste Brun, planchera vers les 18h30 sur la diffusion de l’Art brut au delà de l’occident.
Quelques jours plus tard, on retrouvera Monsieur Brun, plus du tout lyonnais mais dijonnais. Cet homme passe autant de temps dans le TGV qu’un preux du Cycle arthurien sur son palefroi! Il officiera de bon matin le mardi 27 mars 2012 à la Nef de Dijon, place du Théâtre. Son intervention intitulée Du Populaire au Brut s’insérera (et ri et ra) dans une Journée d’étude sous l’égide de la Biennale organisée par l’asso Itinéraires Singuliers.
Consultez le programme pour zyeuter les noms des intervenants parmi lesquels j’ai noté au vol : Denis Humbert de Laduz, Bruno Gérard de La Pommeraye, Karine Fol of Bruxelles et Barbara Safarova(bcd) de Paris.
J’avoue qu’à la lecture de l’intitulé de la journée : «Brut, populaire, contemporain : faites vos jeux!». Penser l’art hors catégories, j’ai failli grimper dans les tours.
Je fulminais toute seule devant mon kir bien frais (apéritif d’ambiance) que, nom d’une Hourloupe, l’art brut ne pouvait pas être réduit à une vulgaire catégorie comme les autres. Que c’était un concept, une philosophie, une rage de vivre. Et patati et patata.
Mais le soufflé est retombé très vite à la lecture du préambule, probablement inspiré par Céline Delavaux, une des têtes pensantes de ce colloque : «L’art brut détient la capacité de dépasser des catégories aussi disparates et périmées qu’art des fous, art médiumnique ou art populaire, aussi floues qu’art autodidacte ou art spontané. Aujourd’hui encore, cette expression, que Dubuffet a finalement élaborée en concept, nous permet de penser (…) l’art dans son rapport à la société».
«Ma vieille Ani, tu t’es fait avoir!» me suis-je dit. «Ce titre là c’est du teasing et tu es tombée dans la provoc».
11:23 Publié dans Ailleurs, art brut, Expos, Miscellanées, Ogni pensiero vola, Parlotes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, art brut chinois, art brut coréen, nanjing natural art center, korea art brut, tongwon kim, lybr, art populaire contemporain, itinéraires singuliers, baptiste brun, céline delavaux | | Imprimer | | |
12.03.2012
Le printemps vient, l’art brut pousse
C’est trop la mauvaise période pour un blogounet comme le mien ce printemps des musées d’art brut qui s’annonce! A Lille, à Lausanne, à Paris, voilà que ça crépite en expos, en conférences, en séances de ciné diverses et variées.
A tout seigneur, tout honneur, je commence par la Maison mère : la CAB de l’Avenue des Bergières, située à 10 mn chrono de La Riponne. L’institution (entre guillemets) lausannoise donne la parole à celui qui 25 ans durant (1975-2001) fut son conservateur. J’ai nommmmmmé (comme on dit au catch) Michel Thévoz. Ce sera le 29 mars à 19 h. Attention, on manquera de chaises! Le titre de sa causerie : Le Miroir onaniste ne laisse guère de doute sur l’angle d’attaque. Il s’agit bien sûr de l’œuvre de Josef Hofer dont le côté zizi-panpan gêne aux entournures de distingués commentateurs soucieux de la rendre présentable aux amateurs d’art dit-contemporain (voir mon post du 2/12/2011)
Le carton de l’expo Josef Hofer et le miroir (qui se terminera le 13 mai 2012) enfonce le clou : «la sexualité est au cœur de la représentation et constitue l’unique thème, central et obsessionnel de l’œuvre». Point barre.
Du côté de Villeneuve d’Ascq, les Animuliens feraient pas mal d’orienter leur GPS en direction du LaM et de son expo «Théma Art Brut» Collectionneur de mondes . Date de mort : 13 mai 2012, ça laisse de la marge. Cette expo présente 250 œuvres sur les 5000 rassemblées par les collectionneurs suisses Korine et Max E. Anmann. On nous promet de l’art brut, de l’art naïf, du folk art, des singuliers. Le tout enrôlé sous la bannière de l’«art différencié». Du moins si j’en crois le gros livre qui accompagne cette expo déjà montrée en 2011 à la Chartreuse d’Ittingen en Suisse.
Merci à l’Animulien sympa qui me l’a rapporté de là-bas. Ce bouquin pèse son poids avec ses nombreuses repros en couleurs! Selon lui, l’art différencié serait un terme «relativement neutre» permettant de parler, en plus des catégories citées plus haut, «d’art populaire, d’images réalisées par des personnes handicapées mentales et d’autres phénomènes marginaux de la production artistique (…)».
Ce qui nous vaut des rencontres surprenantes avec une tonalité brute en fond de sauce. Allez-y voir, la place me manque. Les «mondes» du titre font référence à 7 divisions (Hommes et émotions, progrès et machine, enchevêtrement de lignes et ivresse de couleurs etc.) rendant compte de la «richesse prolifique» de la collection qu’on aurait souhaitée cependant plus concentrée.
Il semble qu’on se donne un mal de chien en ce moment pour éviter d’employer le mot «art brut».
Aussi l’expo de la Halle Saint-Pierre qui commence le 22 mars 2012 (vernissage avec invit) s’appellera Banditi dell’arte et non «L’Art brut italien» bien qu’il y soit question de ça et que son emblème soit ce «Nouveau monde» de Francesco Tosi dont je vous ai déjà touché deux mots dans mes Notes d’art brut du 7 juillet 2010.
Le ouikène du 24-25 mars, des films seront projetés dans l’auditorium de la HSP, sur Podesta, Ghizzardi, Buffo, Barbiero, Bosco notamment. Cerise sur le gâteau : la présence de Lucienne Peiry est promise dans ce fief de Martine Lusardy.
23:55 Publié dans art brut, Expos, Miscellanées | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut, art brut italien, michel thévoz, josef hofer, collection de l'art brut, lam, korine et max e. anmann, halle saint pierre, francesco tosi, lucienne peiry, martine lusardy | | Imprimer | | |
05.03.2012
James Castle : une première en France
Ouf, ça y est! La campagne est retournée chez elle et nos pauvres candidats n’ont plus besoin de flatter le cul des vaches pour grapiller des voix. Déjà, nos amis éleveurs se retroussent les manches dans les prés car on manque de bœuf, figurez-vous (raison de ma note précédente). De bœuf qui fait le bon bouillon.
Mais je graisse, je digresse et si ça continue vous allez cliquer ailleurs. Vous auriez grand tort car vous manqueriez les petites images concentrées de James Castle.
«J’en ai encore les yeux qui piquent» m’avait dit l’Animulien Matthieu (voir son commentaire sur mon post du 11 février 2012) en évoquant l’exposition des dessins de cet Américain de l’Idaho à la super-class Galerie Karsten Greve de Paris jusqu’au 17 mars 2012.
J’ai voulu en avoir le cœur net. La Galerie KG, rue Debelleyme dans le 3e, est un écrin de choix pour ces petits formats tout à la fois denses et silencieux. Les grands espaces blancs de l’endroit, le gris mat du sol servent particulièrement bien ces compositions pour la plupart réalisés dans une gamme allant du noir de la mine de plomb, à la sépia et aux couleurs froides.
L’accrochage en série ou en ligne renforce, s’il en était besoin, le pouvoir de ces scènes intimistes, rurales et mentales, explosantes et fixes comme un gaz comprimé.
Que vous dire d’autre? Je n’en sais guère plus que ce que nous apprend la notice, stricte et pas chichiteuse, distribuée par la galerie pour cette première rétrospective en France. Que James Castle (1899-1977) récupérait des emballages et des prospectus parce que son fermier de père tenait aussi un magasin et un bureau de poste dans le village de Garden Valley où James vécut avec sa famille.
Qu’il «préparait sa palette en mélangeant de la suie, du papier crépon et de la salive». Qu’il «dessinait à l’aide d’une baguette de bois taillée ou d’un carton souple roulé».
Que cet analphabète n’en réalisait pas moins des objets avec des collages de lettres. Qu’il n’en couvrait pas moins de ses dessins les pages des livres. Que son œuvre discrète et personnelle avait tout de même, de son vivant, attiré l’œil d’un «cercle restreint d’amateurs d’art»
Que James Castle ne pouvait pas faire autrement que de dessiner, que ses œuvres étaient un «moyen de communiquer avec son entourage et plus encore de réfléchir sur le monde», vous l’avez deviné, grands fans de l’art brut que vous êtes.
Ah, j’oubliais : James Castle était sourd de naissance.
23:45 Publié dans art brut, Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, james castle, galerie karsten greve | | Imprimer | | |
03.03.2012
Ma postière est une sorcière
Cela me fait doucement rigoler de lire sur le prospectus de l’expo Sorcières que celle-ci «s’inscrit dans l’engagement de La Poste dans la lutte contre les discriminations (…)» etc.
Cet ex service public, qui transfère aux usagers le boulot de ses préposés qu’elle remplace par des machines n’acceptant jamais mes billets de banque fripés, n’est jamais en retard d’une auto-promotion.
Mais bonne fille comme je suis, j’oublierai un moment les crises de nerfs que je pique dans mon buro d’affranchissements et je vous vanterai les mérites de cette exhibition du Musée de la poste (près de la gare Montparnasse) rebaptisé L’Adresse (!) sans doute pour figurer en tête des listes.
On va voir Sorcières, mythes et réalités (jusqu’au 31 mars 2012) comme on irait se faire désenvoûter dans nos campagnes. Un conseil à ce propos : commencer par la fin en pénétrant directement chez Madame P, une «sorcière» qui officiait dans un hameau de la Creuse jusqu’aux années 50 du XXe siècle. Vous n’en prendrez que mieux la réalité (y compris artistique) de la chose en pleines mirettes sans passer par le filtre du parcours savant que le plan de l’expo tend à nous faire suivre.
Il sera bien temps de relativiser ensuite mais pour ces premiers instants mieux vaut faire avec sa sensibilité qu’avec son intellect. C’est qu’on est d’emblée de plain-pied avec une sorte de vaudou rural bien de chez nous.
Les vitrines sont pleines d’objets ayant accompagné des pratiques magiques. Objets découverts dans la maison de Madame P. après sa mort. Des têtes de diables, fabriquées sur commande par un potier local.
Des figures humaines ou des cœurs plantés de clous comme des fétiches africains.
Des souches d’arbres sculptées de formes fantastiques où l’on touche aux territoires de l’art brut.
Respect, respect, respect! C’est pas de la rigolade. Ces objets ont été recueillis par l’ethnologue Daniel Pouget. Ils proviennent de sa collection du Couvent de Chazelles sur Lavieu (Loire) qui m’a l’air bien passionnant.
La place me manque pour vous raconter les autres sections de l’expo mais il y a encore pas mal de curieuses choses à se mettre sous la paupière : statuette d’envoûtement, cannes de bergers, tuile faîtière, anti-sex-toys destinés à couper le sifflet d’un nouveau marié à qui on veut faire des misères (on appelait ça «nouer les aiguillettes»).
A la sortie, avant de vous précipiter sur le catalogue ou sur Le Mag qui contient un entretien avec Hugues Berton et Christelle Imbert, les deux ethnologues dont beaucoup d’objets figurent dans l’expo, n’oubliez pas de looker l’extrait de Häxan, le film muet du grand cinéaste danois Benjamin Christensen. C’est de 1920 et c’est magique.
23:51 Publié dans art brut, Ecrans, Expos, Oniric Rubric | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musée de la poste, sorcellerie, envoûtements, ethnographie populaire, daniel pouget, chazelles sur lavie, hugues berton, christelle imbert, benjamin christensen, häxan | | Imprimer | | |
02.03.2012
Graffiti historiques : hommage à Serge Ramond
Bookcrossing dans mon quartier. En allant chez mon boucher acheter du jambon de Bayonne (j’aime bien cette ville brocardeuse de président-candidat), je tombe sur le Club des Cinq abandonné sur du mobilier urbain.
Je me replonge avec délice dans les aventures de Claude, d’Annie, du chien Dagobert et des garçons en faisant la queue (mon boucher est le meilleur). Cela me rappelle ma jeunesse.
J’avais encore l’âge de me passionner pour Enid Blyton quand j’ai visité le Musée des Graffiti de Verneuil-en-Halatte avec mon daddy, déjà dégarni mais toujours à la recherche de promenades du dimanche sortant de l’ordinaire.
Et voilà-t-il pas qu’en 2012, on organise déjà des hommages à Serge Ramond, son directeur, inventeur, prospecteur et cicerone qui a tiré sa révérence en 2010. C’est comme si je m’étais découvert une ride de plus au contour de l’œil. Serge Ramond y’avait pas moyen de l’arrêter tellement il était passionné par son truc. Un peu dur pour une gamouche. J’avoue que je déconnectais un brin des érudits commentaires historiques du sieur Ramond.
Mais je me souviens qu’à la sortie j’avais tout de même exigé de mon daddy qu’il m’achète toute la panoplie de souvenirs en vente au musée : empreinte, moulage, affiche, flyers, revue imagée. Je jette rien, je les ai encore. J’y ajouterai ce beau portrait de l’intrépide chercheur autonome (S.R. recueillait des fois les graffiti dans des endroits impossibles au péril de sa vie).
Dans les temps, on n’aurait pas pensé que les graffiti puissent rameuter les foules. S.R. n’en poursuivait pas moins son recensement en navigateur solitaire. Le monde, en deux/trois décennies, a tellement changé que la Mairie du 11e arrondissement de Paris en est à accueillir (merci madame) rien moins que le 5e Colloque «Graffiti historiques». Plein de pistes à suivre dans celui-ci qui nous entraîne dans les châteaux de la Loire (y’a pas qu’à Versailles qu’on griffe), à Noyers-sur-Cher, à Martizay dans l’Indre.
Suivez le programme du samedi 24 mars 2012 pour en savoir plus et suivez le guide, dimanche 25 mars dans le Donjon de Vincennes et à l’Hôtel de Cluny.
Rencarts à 10h15 et à 15h30 après le déjeuner (qu’est ce qu’on mange?). C’est Christian Colas, un conférencier du samedi qui m’a prévenue. Qu’il en soit remercié. Il est l’auteur d’un livre dont j’ai eu l’occasion de vous signaler l’existence le 3 octobre 2010 dans ma note : Regards d’automne.
00:05 Publié dans Expos, Images, Parlotes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : graffiti, serge ramond, christian colas | | Imprimer | | |
01.03.2012
Peinture et poésie aux Chartrons
Avant le grand retour sur mon Paris chéri, un petit détour par le grand sud-ouest, pourquoi pas?
A Bordeaux, j’aime bien la Halle des Chartrons. Un élégant pavillon hexagonal plein de lumière qui filtre au travers de sa structure de pierre, de fer et de verre.
Plus à l’échelle humaine qu’un édifice Baltard -quoiqu’un peu frigo les jours d’hiver (mais déjà le printemps montre son museau)- la HDC est idéale pour les salons du livre. Sa périphérie commode aux piétons est propice aux restos sympas où la voyageuse que je suis a même pu un jour recharger son portable sans qu’on lui montre les canines.
Les marchés de la poésie, j’aime bien aussi. Alors quand ils ont lieu dans cette fameuse Halle des Chartrons, je ne peux pas m’empêcher de le crier sur les toits.
Surtout si ce Marché de la Poésie là qui se tiendra du 2 au 11 mars 2012 en profite pour agiter ses clochettes en l’honneur de Sanfourche le 7 mars à 20h. Comment? Sous forme d’une évocation orale de Jean-Luc Thuillier, éditeur et légataire de l’artiste décédé il y a deux ans et non (comme un émouvant lapsus du programme détaillé tendrait à le faire croire) en mars 2012. Jean-Joseph Sanfourche aurait aimé ce délai de grâce offert à lui.
Les Animuliens bordelais ou de passage à Bordeaux aimeront aussi se rendre le vendredi 2 mars à 18h30 au Musée de la Création Franche de la Bègles voisine pour le vernissage de l’expo JJS qui occupera la Grande Salle de l’étage jusqu’au 9 mars 2012.
Tant qu’il y sont, ils en profiteront pour se faire les autres expos en cours dans ce lieu jusqu’au 18 mars 2012. Celle d’Yvonne Robert dont les compositions moins étranges qu’à ses débuts semblent avoir définitivement rallié les lignes d’une naïveté aimable.
Celle de Natasha Krenbol surtout dont on n’a pas trop souvent l’occasion d’apprécier la peinture d’un raffinement fluide et poétique dont les tonalités diaphanes se combinent aux chauds accents d’une terre d’Afrique pigmentée de mythes.
14:41 Publié dans art brut, Expos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art naïf, yvonne robert, création franche, jean-joseph sanfourche, natasha krenbol | | Imprimer | | |
28.02.2012
L'abbé Fouré au Laminoir
Des photos, des articles de presse, des extraits de documents officiels… J’apprends -un peu tard mais vous avez quand même jusqu’au 11 mars 2012- que ça bouge encore du côté de l’Abbé Fouré dont le site s’érode, dont le site s’efface, dont le site retourne à l’océan…
Sans que se lèvent le dixième des étendards qui flottent en ce moment au vent pour la conservation (certes souhaitable) d’une «cathédrale» (entre guillemets) new-ageuse, celle de Jean Linard pour ne la point nommer. Certes côté Rochers sculptés, il n’y a rien à sauver. On ne lutte pas avec la nature et l’abbé, en dur de dur de l’art (brut), n’a jamais prétendu sortir vainqueur de la confrontation dans laquelle il s’était fourré. Il se contentait de faire. Son œuvre, limée par la vague, nous le rappelle.
L’Association Les Amis de l’œuvre de l’Abbé Fouré a donc d’autant plus de mérite de faire son possible contre les lichens, l’air marin et l’oubli. Avec Joëlle Jouneau, sa présidente, pour porte-parole, elle organise une petite exposition sur le site historique des Forges de Paimpont (Ille-et-Vilaine).
Pas vilaines du tout ces forges qui ont eu la chance d’être classées, elles, monument historique. L’article de Leïla Marchand (Ouest France.fr, 24 février 2012), où je puise mon information, nous allèche de «hautes charpentes en bois massif» du laminoir, tout juste restauré, lui.
L’expo montre aussi des cartes postales anciennes. On sait qu’elles sont nombreuses. L’asso n’oublie pas, à ce propos, le travail fondateur de Frédéric Altmann et c’est à mettre à son crédit.
Warning donc, Bretons, Bretonnants petits et grands, voyageurs de passage et visiteurs curieux qui n’hésitent pas à prendre la route de l’ouest!
Tous à Paimpont, Paimpont, Paimpont.
19:14 Publié dans art brut, Expos, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : art brut, abbé fouré, paimpont, brocéliande | | Imprimer | | |
26.02.2012
Mars à Lugdunum : 2 vernissages
Une photo sympa de notre Robi national, ça ne se refuse pas. J’emprunte ce portrait (avec claironnant tromblon) de notre cher assembleur, toujours adepte du ruban adhésif bleu, à la MAPRA de Lyon. Jusqu’au 17 mars 2012, cette Maison Arts Plastiques Rhône-Alpes sera la maison d’André Robillard.
Sinon sa maison, du moins son show-room puisque la MAPRA (puisque MAPRA il y a) montrera -et ri et ra- des fusils et des dessins à lui. Ceci dans le cadre d’une biennale de zique puisque Robi touche aussi au territoire de la muse Euterpe, «la toute réjouissante». Le vernissage est samedi prochain 3 mars 2012. A 12 h 30. Vous pourrez vous coucher tôt. On sortira pour l’occasion un nouveau concept, celui de «recycling attitude». Libre à vous de sourire finement comme Robillard au gars (ou à la meuf) qui a trouvé ce bazar là sous son bonnet!
Il est recommandé de commencer votre ouikène à Lugdunum dès le vendredi 2 mars au soir. A 18 h, en effet, la Galerie Dettinger-Mayer (Art primitif, Art Contemporain), place Gailleton, vernira de son côté les dessins de Ruzena, chapeautés d’un segment de phrase de l’écrivain portugais Antonio Lobo Antunes qui exerça la psychiatrie dans sa jeunesse : «parce que ce que j’écris peut se lire dans le noir».
Pour ceux que cette citation laisserait perplexes, je m’aventurerai à dire qu’elle nous fournit peut-être une clé de la porte des songes où cette artiste discrète sinon secrète (ce sont là des qualités) heurte et se heurte. A bien des égards, ses créatures enceintes, ses ondines flottantes aux grands yeux clos sur leur blancheur, ses poupées-ludions me paraissent filles de l’eau qui coule sous nos paupières avant le désiré naufrage du sommeil.
Il y a du bébé dans l’air, ajouterais-je, car la composition baigne dans un liquide amniotique autant que graphique. A la manière d’un Fred Deux qui n’a cessé de raffiner les méandres de son crayon, Ruzena superpose les chairs fuselées et métalliques d’une grande précision aux fantomatiques apparitions en filigrane.
Les papillons, les anémones de mer, les éléments floraux qui dérivent en profondeur mêlent leurs tonalités rousses aux gris très précis des premiers plans. Une savante exactitude du trait, une gestion calculée des blancs se met ici au service d’une certaine approche du fantastique qui m’entrainerait à penser à Rodolphe Bresdin ou à Charles Meryon si je ne me retenais pas. Et si Ruzena faisait de la gravure ?
21:36 Publié dans art brut, Expos, Miscellanées | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, andré robillard, ruzena, antonio lobo antunes, lyon | | Imprimer | | |
24.02.2012
Storr, j’adore !
Faites pas comme moi. Abordez par le haut l’exposition Marcel Storr, bâtisseur visionnaire. J’avais oublié combien remontante est la rue de Ménilmontant, pleine de cornes de gazelle dans ses pâtisseries. Total : à partir de la station de métro du même nom, j’en ai bavé tellement c’est en pente.
D’autant que gourde comme je suis, j’ai mis du temps à comprendre qu’on pouvait choper le bus 96 pour arriver au 121, adresse du Pavillon Carré de Baudouin.
Préférez donc la voie pyrénéenne puisque cette petite folie palladienne se trouve presque à l’intersection Ménilmontant - Pyrénées.
L’intérieur est un peu tarabiscoté d’accès mais il y a un ascenseur (qui fonctionne) pour les Animuliens dont la mobilité serait réduite. «C’est gratuit» a écrit une jeune main dans le Livre d’or. L’autre bonne nouvelle c’est que l’exposition est prolongée jusqu’au 31 mars 2012.
A l’intérieur, c’est Marcel Storr lui-même qui nous accueille dans son gilet orange qui devait pas déplaire à ce peintre épris de tonalités automnales. On nous le dit farouche et on sait par Liliane Kempf, la découvreuse de son œuvre, que ses yeux étaient «noirs, fixes, perçants».
Mais là, ça se sent pas trop. Presque gracieux il est, devant son fond de gratte-cieux, sur cette photo datant des années 1970.
L’ère Pompidou (des sous!) c’était bien pour Marcel Storr. On y construisait des tours à tour de bras. Et «les tours, les tours, j’aime ça» disait Storr qui aime aussi les églises et les cathédrales.
L’expo montre aux visiteurs comment ce créateur tout entier passionné par la réalisation (pas par le souci de montrer et de conserver) est passé des unes aux autres.
Pour aboutir à de vertigineuses mégapoles qui fourniront au Président des Etats-Unis de bons plans pour reconstruire Paris quand la capitale aura été rayée de la map par la bombe atomique.
Comme j’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de délirer sur Marcel Storr que j’admire très beaucoup, je vous en fais pas une tonne. Au surplus, on commence à en parler partout de cette expo et même Parismatch.com délaisse un peu la première dame pour lorgner sur cette perle d’art brut.
C’est à dire d’art tout court. Si vous êtes raide en ce moment, contentez-vous d’emporter en souvenir le leporello des familles très choucard.
Mais si vous avez 24 zorros dans votre kangourou, offrez-vous comme moi le catalogue avec une chrono très pratique et des textes de Liliane et Bertrand Kempf, Françoise Cloarec et Laurent Danchin, le commissaire de cette exposition qui fera date parce que c’est la première d’envergure sur le sujet. Les infos biographiques n’étant pas trop abondantes, elles ont tendance à se répéter dans ces diverses contributions mais comment faire autrement ? Contrairement à certains visiteurs, je serais portée à l’indulgence aussi envers les reproductions de détails qui «meublent» certains coins des généreuses cimaises du Carré parce qu’elles participent du rythme de l’expo.
Storr, je t’adore, ne serait-ce que pour tes fourmis humaines au pied de tes mégalo-édifices, en écho aux nuées d’oiseaux pointillés dans tes ciels!
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01.02.2012
Jean Perdrizet, un inventeur tous azimuts
L’art brut est un Nil dont il est passionnant de chercher les sources.
Amatrice d’eaux méandreuses comme je suis, c’est avec plaisir que j’irai me baigner dans le fleuve profond de l’inventeur Jean Perdrizet (1907-1975) dont l’exposition, commence le jeudi 2 février (vernissage).
Cette expo de plans détaillés et commentés que ce digne habitant de Digne-les-Bains adressaient à tous les CNRS du monde, cette expo, dis-je (et même pro-dis-je), est organisée par la Galerie Berst avec Roger Roques de la Galerie Loin-de-l’œil. Pour ceux qui l’ignoreraient, RR est le bien connu libraire toulousain à l’enseigne de Champavert. Et Loin-de-l’œil, le nom de la Galerie qu’il a ouverte en 2009 à Gaillac dans le Tarn. Avec ce Roger, on n’est jamais trop loin des avant-garde du XXe siècle.
Aussi me suis-je dit qu’il y avait anguille surréaliste sous roques avec Perdrizet, créateur d’une «utopie cybernétique de communication avec les morts». J’emprunte cette formule au texte du scientifique Jean-Gaël Barbara qui figure dans le catalogue. Comme il est consultable en ligne, vous verrez qu’il reproduit aussi la contribution que le mathématicien José Argémi avait donnée en 1979 à l’ouvrage collectif intitulé par antiphrase Discours.
Ce bouquin, réalisé sous la houlette de Jean-Michel Goutier, par un groupe d’auteurs et de peintres (dont Giovanna qui s’est chargée de la couverture jaune) fut publié par Plasma, maison d’édition des punkesques années 70, moins étudiée que Le Sagittaire ou Champ Libre mais pas mal intéressante aussi. On peut s’en rendre compte en consultant le chantier préparatoire qu’Eric Dussert a ouvert à son sujet dans son Alamblog.
Discours est assez coton à trouver. C’est dommage car c’est sans doute grâce à lui que Perdrizet a piqué la curiosité des amateurs de sciences obliques, de langages parallèles (le Dignois est l’inventeur d’une «Langue T») et de robots. Discours, à vrai dire, avait été précédé en 1971 par la très courte notice du catalogue de la Collection de l’Art Brut. Notice avare d’illustration. On y apprenait que Perdrizet était bossu. Les 3 grandes reproductions qui illustrent l’article, bien plus détaillé, de José Argémi dans Discours durent faire autrement impression, bien qu’en noir et blanc.
A noter que Giovanna (pseudo du peintre italien Anna Voggi) est une des ultimes recrues du surréalisme tardif des années soixante. Le Dictionnaire général du surréalisme et de ses environs de Biro et Passeron nous apprend, par le truchement d’Edouard Jaguer qu’elle «intervient dans le champ de l’expérience graphique en créant, vers 1965, un genre nouveau : le dessin automatique … à la machine à écrire».
Les effets de «fantastique abstrait» qu’elle tire des rencontres entre signes et formes n’est pas sans ramener mon esprit à ceux de Palanc, le pâtissier de Vence, grande découverte d’Alphonse Chave révélatrice du second souffle de l’art brut à la fin des années cinquante. Ceci dit pour ceux qui veulent absolument télescoper l’art brut avec l’art contemporain et qui se contentent généralement du premier rapprochement venu avec le premier people duchampignonesque venu.
Ah, j’oubliais… La Bibliographie lacunaire des éditions Plasma d'Eric Dussert mentionne la diffusion en 1978 d’un album de dessins de Giovanna. Il est intitulé : Deus ex machina. C’est aussi le titre de l’exposition Jean Perdrizet à la Galerie Christian Berst.
Bonus du 23 février : ci-dessous la video réalisée par Roland Cros sur Universcience.tv, la webTV scientifique hebdo.
17:21 Publié dans art brut, Ecrits, Expos, Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, jean perdrizet, galerie christian berst, galerie loin-de-l’œil, jean-gaël barbara, josé argémi, jean-michel goutier, giovanna, anna voggi, edouard jaguer, francis palanc, alphone chave, eric dussert, l'alamblog | | Imprimer | | |