29.01.2012
Meilleurs vœux d’Asuncion
Avec les vœux du monde entier naissent en hiver les envies de voyage.
Aujourd’hui, au Paraguay, avec ceux de Dorothée Selz qui m’adresse (et adresse par ricochet à tous les Animuliens) une carte postale d’Asuncion, la capitale de ce pays du cœur de l’Amérique centrale.
Elle nous propose «une petite visite au Museo del Barro, un étonnant, émouvant musée d’art populaire».
Environ 4000 pièces depuis le 17e siècle. Productions diverses relevant de la céramique
de l’imagerie religieuse
de l’univers des masques etc.
Suivons avec confiance cette représentante du eat-art. La jeunesse de Dorothée a été baignée dans les collections de son père, le journaliste Guy Selz qui avait rassemblé des milliers de petits objets à la frontière de l’art populaire, de l’art brut et de l’art modeste.
Objets venus d’un peu partout.
Merci de l’info, chère Dorothée et très belle année à vous aussi et à vos sculptures comestibles et éphémères.
Et merci aux Guarani.
23:49 Publié dans Ailleurs, Expos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : museo del barro, asuncion, paraguay, dorothée selz, art populaire, art modeste, art brut | | Imprimer | | |
22.01.2012
L’OAF de NYC fête ses 20 ans
Des fois la vie vaut d’être vécue. Par exemple quand je reçois dans ma boîte aux lettres le catalogue de la prochaine vente de Martine Houze qui aura lieu à l’Hôtel Drouot le mardi 7 février 2012 (salle 1).
Je passe un bon moment à le feuilleter en rêvassant sur les milliers d’objets petits et grands qu’il contient, rassemblés en séries dont la simple énumération est un poème bachelardien : «la poterie de terre … le feu et la lumière… couture, parure et écriture etc». Peu de choses pour moi cette fois-ci. Cette page peut-être avec une statuette d’homme nu en fer oxydé du XVIe ou XVIIe siècle.
Mais ça fait rien, l’art populaire ça me repose. J’ai l’impression –peut-être à tort– que c’est un domaine bien peinard sur lequel les vieux renards de l’art contemporain, les jeunes loups de l’art-thérapie ou les lionceaux de l’art singulier (sans parler des autruches du grand n’importe quoi) ne se donnent pas rendez-vous pour se faire les dents.
Mais ne crachons pas dans la soupe à Dubuffet. Tout tiraillé qu’il soit dans tous les sens et sommé de rendre gorge à tous les coins de colloques, l’art brut conserve son charme. Celui de s’inviter chaque année à l’Outsider Art Fair de New York qui aura lieu cette fois-ci du 27 au 29 janvier.
Trente deux galeries au menu de cette version 2012. Impossible de les énumérer toutes. Allez donc sur le site officiel de l’OAF et cliquez, cliquez, cliquez de vos petits doigts animuliens sur celles qui vous branchent.
J’ai noté pour ma part, en vitesse, la présence du Creative Growth Art Center, celle de l’Outsider Folk Art Gallery de Philadelphie (parce que ma copine Boistine expose dedans) et celle –côté France– d’une galerie du boulevard Haussmann à Paris (Les Singuliers) qui va de l’avant sous le drapeau d’une «ruée vers l’art débridée» des années 80 dont «les principaux mentors» sont Bazooka et les artistes de la Figuration libre sétoise. Ce qui nous emmène un peu loin!
Je me suis laissé dire d’ailleurs que, en ce 20eanniversaire de l’OAF, les débats ne manquaient pas outre-atlantique sur la spécificité du champ d’application de la Foire et sur sa «marchandisation» un peu trop voyante. On en aura sans doute un reflet dans la quantité de parlotes qui accompagneront cette OAF 2012 et dont vous trouverez la liste ci-dessous.
Nos petites voix européennes y seront bien représentées. Le 28 janvier notamment, Sarah Lombardi, la nouvelle directrice ad interim de la CAB panellisera avec Barbara Safarova d’abcd tandis que Bruno Decharme et James Brett, leader du Museum of Everything converseront sur l’obsession collectionneuse.
Pour terminer sur une note encourageante cette chronique commencée de même, je signalerai le retour, dans le rôle de modératrice des principaux échanges, de Valérie Rousseau dont les activités «indisciplinées» subissaient une éclipse depuis quelque temps. Valérie avec un accent sur le é comme il sied à une Québécoise, même quand elle est newyorkisée.
12:20 Publié dans Ailleurs, art brut, Encans, Expos, Miscellanées, Parlotes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : martine houze, art populaire, art brut, outsider art fair, sarah lombardi, collection de l'art brut, barbara safarova, bruno decharme, abcd, james brett, museum of everything, valérie rousseau | | Imprimer | | |
14.01.2012
Métamorphoses et regards
Clovis et Pol. Pol et Clovis. Attention : gardez le carton. Le carton d’invitation à l’exposition de la Galerie Maeght. Il sera collector.
Et pointez vous jeudi, le 19 janvier 2012 de 6 pm à 8 pm, rue du Bac au 42, près du magique taxidermiste Deyrolle
(je dis ça pour ceux qui seront arrivés en avance). Pour ceux qui arriveraient en retard ou pour celles qui en profiteront pour s’offrir un petit balthazar intime avec leur(s) chéri(s), c’est pas loin non plus de la super brasserie 1900 baptisée Les Ministères car on trouve beaucoup d’immeubles officiels par là.
C’est dire que le coin ne fait pas purée, à une petite cuiller du boulevard Saint-Germain. Que nos Animuliens étrangers ou provincialiers en visite à Paris se rassurent donc. L’expo s’intitule Métamorphoses et regards, photographies et ça fait pas de mal de voir Clovis Prévost dans les beaux quartiers. Je vous parlais de Pol Bury parce que la photo choisie pour nous entraîner au spectacle provient du tournage de 8500 tonnes de fer, un court métrage expérimental réalisé en 1971 par CP et PB. Je vous dis pas qui est Pol Bury. La honte sur vous si vous savez pas mais je vous dis que 8500etc. est un cinétique hommage à la Tour FL. Que vous vous serez faite dans la matinée avec vos chers bambins, chers amis de Cahors, de Libourne, de Niort, de Villeneuve d’Ascq.
Clovis Prévost photographie la Tour comme Bill Brandt photographiait les corps sur la plage. De près et en détail, il scrute la dentelle d’acier, révèle son côté arachnéen comme une encre de Madge Gill. En résultent d’étonnantes distorsions à la Kertesz où le miroir déformant capte les sinuosités végétales de ce toujours étrange monument populaire qui exerce de par le monde une influence certaine sur l’imagination de bien des créateurs autodidactes.
Monsieur G.
Ceci pour dire que Clovis Prévost possède, sans avoir l’air d’y toucher, une façon toute personnelle de lier par un fil de rêve des choses de la meilleure culture et des apports de l’art brut. Non seulement en s’attachant aux formes mais aussi en s’autorisant cette empathie discrète et légèrement en retrait qui lui font témoigner en live du travail de Miro, Ubac ou Calder aussi bien que de celui de Monsieur G. ou de Robert Garcet, édificateur d’une autre tour apocalyptique, celle d’Eben Ezer, près de Liège en Belgique.
De ce point de vue, les images de Clovis Prévost ont le mérite de témoigner du style du photographe sans prendre la vedette à ceux qu’il portraiture. Clovis Prévost possède l’art de créer une proximité avec les grands artistes qui lui vient de son intérêt pour les «petits» créateurs. Les «icônes» ou les «hommes du commun» c’est tout un pour lui.
Clovis Prévost ne place pas le spectateur dans une attitude de révérence intimidante et ça nous soulage de quelques kilos de carapace. On appréhende, l’esprit léger, les univers de Ferdinand Cheval, Antoni Gaudi, Jacques Monory. Voyez le texte du carton pour les autres cas.
Y figure aussi le ministre André Malraux. L’exaltation dalinienne de celui que les caricaturistes baptisaient «l’esthétique tranquille», exaltation qui culmina en 68 dans une fameuse manif gaulliste en compagnie de «Michou lapin» (Michel Debré), est parfaitement saisie au vol par l’objectivité douce de cet observateur-témoin hors pair : Clovis Prévost.
17:55 Publié dans art brut, Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : clovis prévost, pol bury, monsieur g, robert garcet, ferdinand cheval, andré malraux, galerie maeght | | Imprimer | | |
27.12.2011
L’info qui venait du nord
Coucou, mes ch’tits loups ! L’information aujourd’hui vient du nord. D’Ixelles, très exactement, commune de Bruxelles-capitale. D’Ixelles qui mériterait de s’appeler XXL puisque son musée accueille rien moins que Dubuffet architecte.
Ixelles ou Elsene (que les Animuliens flamands m’excusent de ne pas savoir faire de jeu de mots dans leur langue) : demeure des aulnes selon wiki. C’est joli et c’est une bonne idée de cibler, avec cette exposition qui va durer jusqu’au 22 janvier 2012, l’activité bâtisseuse de notre Jeannot national.
Tout le monde peut pas marcher à l’ombre des arbres de la Chase Manhattan Bank à New York ou faire du remue-méninges dans le Cabinet logologique de la Closerie Falbala à Périgny-sur-Yerres. Aujourd’hui, grâce aux Ixelliens ou aux Elseneuriens, c’est 120 réalisations dubuffetiennes qu’on peut embrasser (smack !) d’un coup : plans, maquettes et œuvres originales.
Smack! aussi au MFPE (« Musée Familial Par Excellence »), autrement dit le LaM de l’autre côté de la frontière. Pour la fin de l’année, La Voix du Nord nous gratifie d’un entretien souriant de Sophie Lévy, sa directrice. Elle a du mérite. Elle turbine grave pour étendre la fréquentation de son musée, effacer l’«image élitiste» qui, selon Laurent Watiez, son interwiouveur, avait été «accolée» à son établissement.
On ne saurait le lui reprocher.
Mais là où il faut carrément féliciter madame Lévy c’est quand elle répond, à une question sur la «cohérence entre les trois sections» (art moderne, art contemporain, art brut), la chose encourageante suivante : «Aujourd’hui, je crois que j’ai arrêté d’essayer de faire la synthèse! Ce dont je me suis rendu compte, c’est que la richesse fait partie de l’identité du musée. Que les gens pouvaient venir en faisant le choix d’une des collections ou de deux. Il ne faut pas systématiquement forcer le croisement».
A bas la synthèse! Vous avez bien lu. On est invité à rendre visite à notre chère vieille Aloïse sans forcément se farcir le tonton Buren. Heureuse nouvelle! A croire que madame Lévy a lu ma note du 2 octobre 2011 (L’Univers peu connu d’Adolf Wölfli) où je me permettais de l’encourager bien poliment à «faire plus confiance à l’art brut».
Si ce n’est pas votre cas,
amis lecteurs, amies lectrices,
il n’est pas trop tard
pour bien faire.
19:35 Publié dans Ailleurs, art brut, Expos, Gazettes, Miscellanées, Ogni pensiero vola | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean dubuffet, sophie lévy, lam, art brut, art moderne, art contemporain, villeneuve d'ascq, ixelles | | Imprimer | | |
26.12.2011
Une terrible beauté arrive à sa fin
Vous reprendrez bien deux ou trois oies pour la route? Alors voici celles-ci dessinées au pochoir sur peau de phoque par des Inuits dans les années soixante du siècle dernier. Sont-elles pas mimi? On sent que ces gars-là ont la forme dans la tête.
J’ai trouvé ce dessin au milieu d’autres bien chamaniques dans un numéro de Graphis (N°108-1963–vol.19), un superbe canard d’arts graphiques et d’arts appliqués qu’on m’a offert hier, sachant mon goût pour les eskimos glacés.
Car j’ai été blindée de Kdo figurez-vous. C’est un peu tard d’accord mais c’est toujours comme ça : à peine on vient de pondre une note que le hasard vous donne du rab de doc.
C’est un peu tard aussi pour vous orienter sur la Biennale de Lyon 2011 qui se termine le 31 de ce mois de décembre. C’est la 11edu genre et cette fois-ci elle pousse ses ramifications jusqu’à Vaulx-en-V’lin comme on dit là-bas.
Si je vous en parle c’est parce que parmi cette «terrible beauté» qui est née côté Rhône-Saône, Victoria Noorthoorn, l’argentine commissaire de cette manifestation qui ambitionne de «restaurer un dialogue de proximité entre les œuvres, les artistes et le spectateur» (propos de VN recueillis par Geneviève Nevejan dans la Gazette de l’Hôtel Drouot du 28 oct. 2011) n’a pas craint de s’autoriser un petit coup d’art brut avec Arthur Bispo do Rosario.
Une image de veste décorée par lui, trouvée dans la blogosphère en dira plus aux régionaux de l’étape qui trouveraient encore moyen de se rendre à la Biennale.
Excusez du peu, j’ai pas le temps de faire mieux. Si je tarde à poster vous en prenez pour deux ans.
11:11 Publié dans art brut, Blogosphère, Expos, Gazettes, Images | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : art brut, arthur bispo do rosario, biennale de lyon, victoria noorthoorn, revue graphis, art inuit | | Imprimer | | |
04.12.2011
Poitiers : une Grande roue dans la Grand'rue
Au chapitre de mes vernissages ratés du samedi 3 décembre 2011, il faut que j’ajoute celui de la Galerie Grand’rue (Antoine Hyvernaud) à Poitiers. Je connais des journalistes poitevins qui auraient sans doute un bon papier à faire en se rendant rapidement au 167 de la Grand’rue pour l’exposition Prototypes dont la dead line est le 31 décembre. Une bonne façon de se faire des fêtes pour tout le monde que ces locomobiles et manèges de Gérard Cambon.
J’ai déjà eu l’occasion d’attirer vos précieuses attentions, Animulanautes, sur le travail de cet artiste dans ma note du 16 mars 2010 intitulée Akkisuitok (c’est commode à retenir, pas vrai ?). Hybridités mécaniques et patineuses patines sont ici au rendez-vous. Les homoncules pâteux et interloqués sont toujours là, révélateurs de mouvements et de vitesse.
Les amalgames sont surprenants : phares de bicyclettes, roulettes miniatures, pompes à flytox. Le tout, solidaire par la grâce des soudures, collages, sertissages dont Cambon a le secret.
Cela paraît gentil et ça l’est mais avec une dose de risque, de danger ou de cruauté comme on voudra : l’insecticide qui tue quand même, la grande roue qui perd ses rayons.
Les accros au parisianisme retrouveront cette dernière à la Galerie Béatrice Soulié (21 rue Guénégaud dans le 75-6) qui, parallèlement et sous le titre ferroviaire de : E pericoloso sporgersi, montre jusqu’au 7 janvier 2012, les nouvelles œuvres de Gérard Cambon.
Là aussi on s’amuse mais on ne s’endort pas.
18:57 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gérard cambon, galerie grand’rue, art contemporain, poitiers | | Imprimer | | |
03.12.2011
Méli-Mélo de décembre
Aujourd’hui méli-mélo note. J’ai trop de retard à l’animulage. L’info m’arrive de partout et j’ai même pas le temps de remercier individuellement mes informateurs. Noël approchant, je suis allée dans La Chambre des merveilles chercher des cadeaux.
J’avais jeté mon dévolu sur un fourreau de poignard indonésien fait dans un os gravé de petites têtes à la Chaissac quand le monsieur qui vendait est venu mettre un gros point rouge dessus. Pour me consoler, je me suis offert le numéro d’automne de la revue Area sur le Patrimoine. Y’a des choses pour vous là-dedans.
Notamment un papier d’Elsa Ansker sur l’église parlante de Ménil-Gondouin avec documents de la Collec de Jean-Michel Chesné.
Le samedi 3 décembre 2011, j’aurais dû être à Marseille, chez Leclere (la maison de ventes) pour une vacation art brut et je n’y étais pas.
J’ai loupé le portrait de Lucien Henry par Louis Pons (émouvant)
Le rigolo livre érotique d’Ange Boaretto (n°149), un bottier qui fut l’époux d’une libraire nommée Cécile Eluard.
Le Château des sœurs jumelles : le très beau n°118,
Et le collage de Simone Le Carré-Galimard sous le n°162 dont la notice cite un «bel article» de Claude Roffat (il est en réalité de Jean-Louis Lanoux) sur l’artiste paru dans la revue L’œuf Sauvage.
La vente comportait en outre une quantité d’œuvres de Pierre Ledda. Des peintures et des sculptures (bien meilleures).
Moralité : faudra suivre un peu mieux les activités de cette étude marseillaise.
Marseille ça nous rapproche de Turin et pourtant, ce samedi 3 décembre, j’ai manqué aussi la présentation du livre de Gabriele Mina à la Galerie Rizomi. Costruttori di Babele, son titre et son sous-titre est alléchant : Sulle trace di architetture fantastiche e universi irregolari in Italia. Je ne traduis pas, ça parle tout seul.
Suivra sur le corso Vittorio Emanuele II et jusqu’au 14 janvier 2012, l’exposition Liguria brut !
avec notamment Marcello Cammi
et le luminescent Mario Andreoli dont Caterina Nizzoli, qui fait partie du staff de la galerie, me dit : «je crois que ça pourrait vous plaire parce que ce créateur s’occupe depuis 50 ans de remplir la colline de son village sur la mer avec ses sculptures qui s’allument».
23:55 Publié dans art brut, Expos, Gazettes, Miscellanées | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, lucien henry, louis pons, simone le carré-galimard, jean-louis lanoux, revue l’œuf sauvage, pierre ledda, galleria rizomi, marcello cammi, mario andreoli | | Imprimer | | |
02.12.2011
Une bonne réponse au quiz contre-cultivé
Top chrono. Résultats du Quiz «Etes vous contre-cultivés?». La bonne réponse m’est venue par courriel et c’est Texas Instruments, décidément très remonté en ce moment, qui l’a donnée. Comme plusieurs de mes valeureux commentateurs, il s’est d’abord un peu égaré du côté de chez Bourdieu (faut dire que ça y ressemble) et puis il s’est «ravisé» et a pensé : «naaan, cousu de fil blanc, c’est plutôt du Dagen (…)». Et bien, il a raison! C’est lui qui gagne le pompon.
Ma petite phrase dézingueuse (comme dirait Louis Watt-Owen, l’animateur de La Main de singe) provient bien d’un article de monsieur Philippe Dagen paru dans Le Monde (des Livres) du vendredi 24 novembre 1995 à propos de la parution de Prospectus et tous écrits suivants (tomes 3 et 4) et de celle des lettres de Jean Dubuffet et de Witold Gombrowicz chez Gallimard.
L’article s’intitule : Le Commandeur Dubuffet et son ombre. Son chapô disait bien ce que l’auteur voulait dire : «Il est de tradition de célébrer le grand pourfendeur de la culture académique que fut le chantre de l’art brut. Mais trois nouveaux volumes de ses écrits apportent d’autres éléments, et le grand homme ne gagne rien à ces révélations».
Mais il en est des Dubuffetophobes comme des anticléricaux. Un jour ou l’autre, ils se jettent aux pieds de l’autel comme Joris-Karl Huysmans dans La Cathédrale après Là-bas. A trop brûler, c’est fatal on se met un jour à adorer. 16 ans après, Philippe Dagen a compris que l’art brut n’avait rien à voir avec une contre-culture ou bien il considère qu’il est devenu suffisamment académique pour être fréquentable. Même quand il s’incarne dans Josef Hofer, un extraordinaire créateur qui dessine tout de même beaucoup de zizis.
Passons pudiquement sur la question, à la différence de Michel Thévoz qui inaugurait son article dans le 22e fascicule de la Collection de l’Art Brut par un retentissant : «Venez voir Narcisse devant son miroir!(…) Un narcisse qui bande et qui se branle en contemplant son image».
Philippe Dagen dans la solide préface qu’il donne aujourd’hui au catalogue de l’exposition Josef Hofer alter ego à la galerie Christian Berst (jusqu’au 14 janvier 2012) nous épargne ces propos de libertin. Son texte, rigoureux et définitif, a quelque chose de la pureté d’un sermon dans le désert. Ce serait presque trop pour un gars comme Hofer (qui n’en demande sans doute pas tant) si l’auteur n’était du genre à se priver du biographique. Ebloui par cette pénitence, le lecteur est invité à cotoyer les sommets ensoleillés d’un formalisme sans concession ni casquette de randonnée.
Prenez tout de même vos chaussures à crampons et vos alpenstocks! Il faut parfois s’accrocher, surtout dans la première partie où l’on enfonce jusqu’à la taille dans la poudreuse phénoménologie.
Les occasions de rigoler sont rares : à peine un petit coup de patte de velours au yéti de l’asphyxiante culture qui a plus qu’intérêt à marcher à l’ombre.
Mais on sort de là grandi de tant de glaciale intelligence, étourdi de tant de vertigineuses descriptions, prêt pour la conversion aux mystères de «l’art contemporain». Amen.
01:12 Publié dans art brut, Blogosphère, Expos, Gazettes, Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, josef hofer, philippe dagen, galerie christian berst | | Imprimer | | |
26.11.2011
art brut or not art brut, au menu du Réfectoire ?
Je sais pas si vous avez remarqué mais l’art brut ça part dans tous les sens (pour être polie) en ce moment. Au fur et à mesure que n’importe qui s’empare de ce label pour s’en faire un drapeau, un cache-sexe ou un colifichet, il se met à désigner des réalités hétérogènes. Les schpountz, les gros malins, les crânes d’œuf et les artistes minimalo-conceptualo-abstractiquo-informalo-surpeinturo contemporains… tout le monde il veut être art brut. Même les critiques d’art des quotidiens nationaux bientôt s’y mettront. Art brut, c’est un droit, un privilège, une exigence. Si ça continue, il faudra une boussole pour s’y reconnaître. Heureusement que vous disposez du gépéhesse animulien, chers lecteurs !
Celui-ci vous indique aujourd’hui le chemin du Réfectoire des Cordeliers. Non parce qu’il regorge de souvenirs révolutionnaires mais parce que, du jeudi 1erdécembre 2011 au jeudi 12 janvier 2012, il abritera une expo collective des réalisations de 59 peintres et dessinateurs fréquentant 13 ateliers médico-sociaux et 4 ateliers d’art-thérapie.
Cette manifestation a pour titre : Exil, l’art brut parisien. Ses organisateurs en sont tellement contents qu’ils l’ont déposé. Au vu de la sélection d’œuvres consultables sur le site officiel bien ficelé, je ne suis pas certaine cependant -pardonnez moi d’être franche- qu’il y ait là beaucoup de productions relevant de ce «fortement inventif» que Dubuffet considérait comme primordial à l’art brut. Impossible d’argumenter mon propos car dans ses «mentions légales» le site d’Exil se montre très jaloux de ses visuels. Comment relayer ses initiatives après ça ? Vous serez donc contraints, chers Animuliens, de vous contenter du gros carré de chocolat noir (genre 2001 l’Odyssée de l’espace) qui trône sur l’affiche. Et d’aller à l’expo pour voir si des fois il n’y aurait pas, en cherchant bien, une tch’ite découverte à faire quand même.
Et comme le droit de citation existe encore en France, je me permets de mettre en exergue ces mots de l’éditorial du psychiatre et philosophe Serge Besançon : «(…) si être artiste est un métier, celui qui fait de l’art brut n’en fait pas profession. C’est là sa force, la vérité paradoxale de son art. Et si je relève le mot vérité, c’est parce qu’il existe aussi une part de mensonge en art, ou au moins de recette, d’astuce et de truc. On le sent bien, l’Art Brut ne ment pas. C’est même un moyen assez sûr d’apprécier les meilleures œuvres, ou du moins les plus pures».
Moi qui vous parlait d’indicateur de direction, en voici un ! Cela fait du bien de lire quelqu’un qui a les idées claires ! Toute la deuxième moitié de l’édito de Besançon est de ce tabac. Si bien qu’on se demande s’il n’entre pas finalement en contradiction avec l’entreprise qu’il est censé défendre. Lisez à partir du paragraphe qui commence par : «Reste donc le point de vue du collectionneur (…)» et dîtes moi si notre éditorialiste ne préfère pas le libre esprit de l’art brut véritable aux résultats prévisibles des pratiques encadrées, à visée curative et occupationnelle.
18:37 Publié dans art brut, Ecrits, Expos, Ogni pensiero vola | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : art brut, art-thérapie, exil, serge besançon, réfectoire des cordeliers | | Imprimer | | |
11.11.2011
La muraio dis óufrèndo : espousicioun foutougrafico
Vous me connaissez, je résiste pas à un bon mot. Alors quand j’ai croisé Espousicioun c’était fatal que je m’y intéresse. Espousicioun, c’est pas sorcier, c’est exposition en langoustique avignonnaise. Exhibition for our english friends visiting the city of the popes. Une espou (en abrégé) à signaler aux Animuliens de tous les pays.
Celle de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse qui, jusqu’au mercredi 30 novembre 2011, expose une série de photos grandes et petites relatives au mur votif de la prison Ste-Anne dont je vous ai encore touché deux mots pas plus tard que pendant les vacances d’été. Voir mon post du 18 août 2011 : Adieu prison, bonjour palace.
Je vous incite maintenant à un rendez-vous sur l’Avignon blog du graphiste Michel Benoit, réalisateur de cette exposition et grand organisateur de tentatives de sauvetage dudit mur.
Ceux qui ne seraient pas convaincus par son décarcassage en faveur de ce fragile petit patrimoine en apprendront plus en allant sur la video de Felip Hanula qui s’y trouve. Tournée apparemment le jour du vernissage de l’espousicioun, elle en propose un panorama (c’est pas une raison pour vous dispenser d’y aller, hein!). Panorama entrelardé d’entretiens de Michel Benoit, à l’enthousiasme jovial : «lieu exceptionnel!, Phénomène d’art!, Valeur symbolique! » et du photographe Philippe Rabstejnek dont j’aime bien le cri du cœur : «un mur actif!». Les autres interviewé(e)s appartenant plutôt au giron de l’Alma Mater.
Parmi ceux et/ou celles-ci, de sympathiques étudiantes hyper-sérieuses et la bouche pleine de «communication». Elles se dépensent bravement pour promouvoir l’éventuelle conservation future de ce morceau de bravoure d’art et de dévotion populaires qu’elles viennent de découvrir. Même si elles admettent bien volontiers que le mur est actuellement «peu utilisé, peu décoré» (Sarah) ou «pas au meilleur de sa forme», selon Marion dont je kiffe les grosses lunettes d’intellectuelle.
On ne peut malheureusement pas leur donner tort car c’est toujours quand les carottes sont cuites pour ce genre de créations collectives à la limite de l’art brut que l’université s’intéresse à elles.
Heureusement que la blogosphère n’a pas attendu quant à elle pour rodailler autour du mur votif d’Avignon qui renoua si spontanément avec la tradition des ex-votos, si vivace en Provence. Le blogue de Michel Benoit en énumère une dizaine d’autres qui depuis 2007 ont documenté la chose. Animula Vagula s’honore d’être dans cette liste, même si ses communications sur le sujet sont relativement récentes (2010 et 2011).
En tous cas, votre petite âme errante n’est pas peu fière d’être la seule à avoir construit un «espace de communication» (pour m’exprimer comme Emmanuel Ethis, le président de l’Université d’Avignon) entre l’extérieur et l’intérieur de la prison. Les clichés des fresques peintes par les prisonniers que je donne ici et là sont évidemment un écho aux offrandes restées logées dans le mur d’enceinte.
19:26 Publié dans Blogosphère, Ecrans, Expos, Gazettes, Poésie naturelle | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art populaire, avignon, le mur des offrandes, la muraio dis oufrendo, ex-votos, prison sainte-anne | | Imprimer | | |