22.07.2012
Aloïse ricoche à Lausanne
Une belle endormie c’est la Riponne. Les Bergières assoupies c’est pas mal aussi.
Donc, si la dame du GPS vous dit : «montez le couloir rhodanien, tournez à droite, longez le lac!», obéissez. Lausanne cet été est repeinte aux couleurs d’Aloïse. Du moins sur le trajet qui mène du palais de Rumine au Château Beaulieu (3 mn chrono).
Comment je le sais ? Parce que j’ai de gentilles informatrices : Sarah Lombardi, la directrice de la CAB et Céline Muzelle qui a rédigé avec Jacqueline Porret-Forel le catalogue raisonné électronique de l’œuvre de notre Aloïse vénérée.
Céline Muzelle, avant mon départ en vacances, me le disait : «Je pense que les Animuliens vont apprécier ce rendez-vous sans précédent que nous offrent le Musée cantonal des Beaux-Arts et la Collection de l’Art Brut (…)».
Elle voulait parler des deux expos Aloïse Le ricochet solaire qui se tiendront jusqu’au 26 août 2012 au MCB-A et jusqu’au 28 octobre à la CAB de Lausanne. L’une «propose un parcours chronologique inédit dans l’œuvre de l’artiste (sic) vaudoise». Dans l’autre «une salle entière est destinée aux cahiers de dessins, qui sont comme la colonne vertébrale de son œuvre (…)».
Vautrée comme je suis à la terrasse de La Récré, sirotant le rosé frais de ce restaurant de Lourmarin, je peine un peu à comprendre le «ricochétisme» que JP-F définit ainsi :
«Le ricochet représente l’un des aspects fondamentaux de l’organisation mentale d’Aloïse. On peut le considérer comme l’un des fondements de son œuvre, siège de ses conceptions cosmogoniques, de son pacifisme, de sa religiosité, de ses amours fantasmées (…). Il traduit aussi le ressenti des phénomènes hallucinatoires liés à la psychose».
Malgré la sieste, je ne suis pas ramollie du bulbe au point de ne pouvoir tourner les pages des deux chouettes bouquins qui accompagnent les expos lausannoises.
Merci à la grande âme qui me les a fait parvenir dans mon gîte rural. Fidèle à une tradition d’élégante austérité, la publication de la CAB, sous une couverture de carton-bure et une reliure à la japonaise, contient pas mal de repros des dessins mais aussi des écrits d’Aloïse.
Les textes sont de Pascale Marini, commissaire de l’expo et de S. Lombardi qui nous apprend (ô hasard objectif !) que «c’est suite à une erreur dans la distribution d’un courrier que Jean Dubuffet entre en contact avec Aloïse».
Diffusé par Le Seuil, l’ouvrage-catalogue du MCB-A est un peu plus cher mais c’est du lourd ! Sans être pesant ! Rien d’un casse-croûte. Tout est découpé en petites bouchées ou en plats digestes qui s’intercalent parmi les nombreuses images en couleurs.
Les contributions écrites sont dues aux dames citées précédemment dans ma chronique et à Catherine Lepdor, conservatrice du MCB-A. Le contenu est trop riche pour que je vous en fasse des tonnes. Lisez ce livre indispensable aux fans d’Aloïse ! J’apprécie son côté précis : la biographie de CM, la biblio sélective qui n’oublie pas Aloïse ou l’infirmament du regard, un titre de Béatrice Chemama Steiner que je voudrais avoir trouvé, la liste des légendes des tableaux, les points de repère chronologiques.
Photo © NB.ARCH
Les souvenirs de JP-F sont agrémentés du fac simile de la fameuse lettre que Dubuffet lui adressa le 11 avril 1964. Ce roi du paradoxe y prétend qu’Aloïse «n’était pas du tout folle». Elle avait été reproduite dans le tome 4 des Prospectus et tous écrits suivants (Gallimard 1995). Mais sans le PS à la main qui éclaire sur la hiérarchie des valeurs de l’inventeur du concept d’art brut :
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21:25 Publié dans art brut, Ecrits, Expos | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, aloïse corbaz, collection de l'art brut, musée cantonal des beaux arts, sarah lombardi, céline muzelle, jacqueline porret-forel, béatrice steiner | | Imprimer | | |
01.07.2012
Jean Perdrizet au Musée de Digne
En panne de vitamine D, j’ai sauté dans mon Opel de location, direction sud-est. Sur la route Napoléon, les rochers des Mées ont l’air de cônes pralinés.
Arrivée à Digne je me suis offert une triple glace avant de me rendre au vernissage de l’exposition Jean Perdrizet inventeur au musée Gassendi.
A Digne-les-Bains, les nuages ressemblent à des montagnes tibétaines et le musée est sur la pente.
Le grand homme du coin c’est l’humaniste Pierre Gassendi et la grande femme Alexandra. Pas celle de la chanson de Claude François mais la vagabonde David-Néel.
A ces explorateurs des idées ou des contrées lointaines, Digne, jusqu’au 29 octobre 2012, ajoute Jean Perdrizet, pionnier d’une pensée parallèle placée sous le vent vivifiant et fou de l’art brut.
Jean Perdrizet avait plein de choses dans la tête. Cela partait dans tous les sens : «cerveau à eau, machine à lire à résistances liquides, table traçante d’ordinateur imaginatif». Un vrai feu d’artifice mental et graphique!
Perdrizet adorait les plans, les schémas, les diagrammes et les symboles. Il est difficile à suivre. Lui-même ne parvenait pas à se faire comprendre des savants auxquelles il adressait ses projets. L’un d’eux, une «machine à écrire avec l’au-delà» a été réalisé dans l’expo de Digne.
On pense à la Méta-Matic de Jean Tinguely. De quoi remuer ceux qui s’interrogent, avant le vin d’honneur, sur la nature exacte de l’œuvre de leur concitoyen: scientifique, démente, artistique?
Pour moi, ça ne fait pas de doute depuis que j’ai découvert ce fleuron d’un art d’autant plus authentique qu’il ne se présentait pas comme tel.
L’expo du musée Gassendi a le mérite d’évoquer la figure quotidienne de Perdrizet, sans trop la muséographier. Tout juste si l’on n’entend pas le timbre de sa mobylette.
Au vernissage, il n’étaient pas rares ceux qui l’avaient connu. J’ai parlé pour ma part avec M. Varcin, un professeur d’Histoire auquel Perdrizet avait confié une caisse en bois contenant un petit brac à brac pour ses inventions.
Ces matériaux sont visibles dans une petite vidéo qui passe en boucle au musée Gassendi.
Les dessins de l’exposition figurent sous diverses rubriques : «les machines, le robot, l’au-delà, la langue, les mathématiques, la poiétique».
Tout cela tient dans une longue salle voûtée au plafond décoré de gypseries fin XVIIIe siècle. Ni étouffant, ni impressionnant. Un lieu bien choisi à ne pas manquer si vous êtes en vacances dans la région.
Avis aux collectionneurs : une publication très goûteuse accompagne l’expo. J’ai eu le temps d’en roucouler deux mots de satisfaction à M. Thomas Wierzbinski, l’un des commissaires.
Plutôt que de se la jouer catalogue ordinaire, cette publication imite judicieusement les livres uniques de Perdrizet présents dans l’exposition.
Un leporello reproduisant des originaux en couleurs et un fac simile du profil de carrière de l’inventeur nous sont offerts sous une chemise cartonnée avec son cachet.
Un court texte de Jean-Jacques Viton, l’un des donateurs, accompagne le tout.
20:12 Publié dans art brut, Expos | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut, jean perdrizet, digne-les-bains | | Imprimer | | |
18.06.2012
Drôles d’Histoires à la Fondation Cartier
Dans mon petit collimateur, j’ai toujours en vue la Fondation Cartier.
On m’avait dit qu’il s’y préparait une exposition d’art naïf.
Elle arrive et c’est pas du tout ça.
Ce qui s’y donne, sous le titre lisse mais un peu vague d’Histoires de Voir (sous-titré, concession au véhiculaire anglo-saxon dominant : Show and tell), jusqu’au 21 octobre 2012, c’est plutôt un patchwork bigarré de créations du monde entier, axé cependant surtout sur un Tiers-Monde sud-américain, indien et africain.
Je ne sais pas si les auteurs de ces peintures, sculptures, broderies, dessins, où percent tout à la fois des identités culturelles fortes et des composantes autodidactes, populaires, natives avérées, sont, comme le dit le leporello de présentation : «des femmes et des hommes pour qui l’art est en lien étroit avec l’hypersenbilité du cœur» mais ce dont je suis sûre c’est que, du point de vue qui est le leur, les Animuliens y feront des découvertes nourrissantes.
Passons sur l’autosatisfaction un peu agaçante du p’tit topo de rigueur sur la «scénographie» d’Alessandro Mendini «pensée comme un écrin, simple mais précieux, conçu pour contenir, protéger et montrer un art tout particulier» car on pourrait dire ça de n’importe quel accrochage réussi et celui-ci l’est.
Munissons nous de notre caddie et faisons sans complexe notre marché brut parmi les 400 œuvres présentées accompagnées de films ethnographiques un brin longuets et déprimants.
Et là vous aurez le choix du sol au plafond, sur la tête à mon daddy!
Dans la grande salle du rez de chaussée des drapeaux vaudou vous claquent à la goule mais on peut goûter aussi aux couleurs éteintes d’Aurelino dos Santos, un monsieur brésilien touché par la grande aile de la schizophrénie.
En RDC toujours mais dans la petite salle, l’alcool fort des bois sculptés savamment à la serpe par un Serbe au nom imprononçable : Dragisa Stanisavljevic.
Au sous-sol grande salle, si vous survivez au terrible escalier de chez Cartier, jetez vous comme des bêtes sur les villes imaginaires, vertigineuses et d’une densité colorée du Sénégalais Mamadou Cissé.
Cela vous facilitera la plongée vers les dessins d’avant le monde de Joseca, shaman Yanomami ou les 3 aquarelles d’Albert Lubaki, peintre congolais dont je vous ai déjà parlé le 20 mars 2010 (Art Paris invite au Grand Pal). Il est ici en compagnie d’un compatriote également précurseur dont j’ignorais tout et dont j'ai trouvé une image sur le Net : Djilatendo.
Le catalogue coûtant bonbon, je me suis contenté du livret à 6€. Si vous faites comme moi, attention, cette brochure a tendance à choisir des illustrations consensuelles. On aurait pu y faire une part plus large aux images plus radicales et elle existent foi d’Ani! J’en passe et des meilleures et on pourra me le reprocher mais j’arrive au bout de votre patience. Donc bougez-vous, éteignez votre écran et descendez à Raspail. Surprises, beautés, curiosités garanties!
En abondance. Même si vous vous fichez comme de l’an 40 de «revisiter», comme le dit le blabla introductif de l’expo HDV, «les relations entre art contemporain et art populaire, entre art et artisanat».
00:33 Publié dans Ailleurs, art brut, Expos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fondation cartier, histoires de voir, alessandro mendini, aurelino dos santos, dragisa stanisavljevic, mamadou cissé, djilatendo | | Imprimer | | |
11.06.2012
Ursula aux Yeux Fertiles
Après Rosemarie, Ursula. Je promenais mon perfecto rouge, emprunté à une copine bikeuse, dans les vernissages Juin d’art de la rue de Seine quand je suis tombée sur Ursula. J’étais un peu pompette rapport aux quelques coupes avalées ici et là mais la Galerie Les Yeux Fertiles m’a dégrisée. Ce n’est pas souvent qu’on a l’occasion de rencontrer Ursula et là, une exposition lui est consacrée.
Du moins en partie, étant donné que son chéri Bernhard Schultze -plus célèbre- occupe la moitié des cimaises. Avec tout le respect que je dois à celui-ci, j’ai moins d’élan pour son «art informel abstrait» que pour les «confins de l’Art Brut» d’Ursula, artiste inclassable que l’art naïf pourrait aussi revendiquer, au risque toutefois d’un contresens.
Rentrée chez moi, quelques verrines et rondelles de saucisson plus tard, j’étais presque sûre de posséder quelque part d’anciennes paperolles au sujet du cas d’Ursula Bluhm. Dans mon souvenir, c’était mince : style invitations, flyers ou mini-catalogues. Mais macache bono, j’ai eu beau crever deux ou trois cartons de bagatelles de cette sorte, je n’ai pas pu remettre la main sur quoi que ce soit.
J’ai donc dû me contenter de la notice Wikipedia en allemand interprétée en charabia fransoze par Gougueule-translate. C’est mieux que rien. Cela m’a permis de constater que, un an avant son mariage avec Herr Schultze, cette autodidacte de la poésie et de la peinture avait déjà été remarquée pour son travail par l’œil sagace de Jean Dubuffet, toujours lui.
L’Animulien moyen qui s’intéresse à l’œuvre d’Ursula aura intérêt à se reporter à la notice d’Harry Bellet qui figure dans le gros bouquin jaune des Donations Daniel Cordier (Le regard d’un collectionneur) publié par le Centre Pompon en 1989.
Ledit Harry n’hésite pas à rapprocher les toiles d’Ursula de celles d’Augustin Lesage : «comme le peintre-mineur, Ursula (…) raconte ses histoires selon des procédés proches de la transe médiumnique sur laquelle la deuxième génération surréaliste a pu se pencher, non sans réticences (…)».
Et Bellet de souligner combien les rêves colorés d’Ursula avaient par contre «de quoi ravir le fondateur de la compagnie de l’art brut».
Plus modestement, moi j’avoue avoir été attirée, dans les vitrines des Yeux fertiles, par les fourrures d’Ursula. Car cette dame, qui ne répugne pas aux «techniques mixtes», n’hésite pas à coller des bouts de vison sur ces compositions. Cela m’a fait penser à Meret Oppenheim. Surtout, le petit coffre peint, fourré et emplumé par Ursula dont je n’ai pas l’image mais dont j’ai trouvé un petit frère sur le net.
«La douceur apparente des matériaux contrastant avec une agressivité latente» comme le dit si bien Elisabeth Paoli-Lafaye dans la notice Ursula du Dictionnaire général du surréalisme et de ses environs de Biro et Passeron.
16:15 Publié dans art brut, Expos | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : ursula, neuve invention | | Imprimer | | |
07.06.2012
Rosemarie Koczÿ à corps et à cri
Quelques images avant la route? Commençons par les plus dures. Celles de Rosemarie Koczÿ qui entament l’âme (errante ou pas). Le Musée de la Création Franche consacre à cette artiste, certes «trop cultivée et trop communicative pour être classée parmi les auteurs d’art brut» (Michel Thévoz) mais hyper-émouvante tout de même, une publication qui accompagne l’exposition A corps et à cri.
Vous avez jusqu’au 19 août pour la visiter. Le début de la vie de R K est si dramatique qu’on a peine à en lire les péripéties passées au crible de sa mémoire. D’ascendance hongroise, née en Allemagne, déportée avec sa mère, elle a survécu à deux camps de concentration avant de subir les rigueurs d’un orphelinat catho où l’on s’employa à lui faire oublier son identité de petite fille juive. J’ignore si ses récits correspondent en tous points à la réalité ou s’ils procèdent d’une sorte d’enkystement perpétuel de la douleur comme on en a parfois l’impression.
Toujours est-il qu’à regarder (non sans difficulté pour moi) la série de ses dessins à l’encre de Chine intitulée Je vous tisse un linceul, dessins dont elle disait : «c’est un enterrement que j’offre à ceux que j’ai vu mourir dans les camps», on ne peut qu’approuver Pascal Rigeade, le directeur du MCF de Bègles d’avoir entendu à la lettre la conclusion de l’article de Michel Thévoz dans le n° 31 de la revue Création Franche (voir ma note du 1er oct. 2009).
«A notre tour», écrivait Thévoz, «il nous incombe de tisser un linceul à Rosemarie Koczÿ».
14:10 Publié dans Expos, In memoriam | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rosemarie koczÿ, création franche | | Imprimer | | |
28.05.2012
Crème de CrAB
Que se mettre sous la dent en ce mois de juin 2012 qui s’avance?
La crème du CrAB évidemment. Je vous l’avais dit depuis le début que ce collectif de jeunes chercheurs constitué pour gratter autour de l’art brut avait du pied (ou de la patte) dans la chaussure.
Ceux de mes lecteurs qui auraient manqué une étape n’ont qu’à, pour s’en convaincre, jeter un œil sur ma note baptismale du 18 décembre 2010 : le CrAb en pince pour l’art brut. De l’eau a coulé depuis dans l’océan d’informations qui nous parvient tous les jours au sujet de cet art brut où j’ai du mal à reconnaître mes petits.
Mais la crème du CrAB a porté ses fruits. Au fur et à mesure que ses membres mûrissaient, ce collectif de sympathiques crustacés s’est imposé comme le principal pôle de production de matière grise française, suisse et savoyarde sur l’art brut. Déjà on les envie, déjà on les imite, déjà on les courtise.
Mais les têtes chercheuses du CrAB, si elles se sont dépouillées de leurs enveloppes juvéniles, n’en continuent pas moins leur petit bonhomme de chemin savant en déblayant, sans en avoir l’air, une quantité de plages impressionnante.
Aussi ont-elles bien fait d’accepter l’invitation de la galerie abcd à venir jouer dans son bac à sable de Montreuil-les-Pins, rue CrABoltaire, métro CrABespierre (Monteuil-sous-bois, 12 rue Voltaire, métro Robespierre, vous aurez rectifié vous-mêmes ).
Faut-il que la crème de CrAB ait des vertus revigorantes pour qu’une collection de l’importance de celle de Bruno Decharme lui ouvre ainsi la possibilité de jouer avec ses jouets! Car -et c’est à ma connaissance là que réside l’inédit- ce sont les membres du CrAB eux-mêmes qui se chargeront de la conception et de l’accrochage de l’exposition qui se déroulera chez abcd du 2 juin au premier juillet 2012. Pourvu qu’ils ne deviennent pas CrABêcheurs après ça!
Le vernissage aura lieu le samedi 2 juin à 17h 30 mais comme le CrAB a le don d’ubiquité vous aurez pu avant aller écouter Fanny Rojat qui planchera sur les missives d’Henri Bessaud Narboux (un «écrituriste» brut révélé par Michel Thévoz) à l’Institut de Théologie Protestante (77 bd Arago) dans le cadre du séminaire de Lise Maurer.
Il est tentant aussi d’aller se goinfrer au brunch abécédien en accès libre qui suivra le 16 juin la huitième session du séminaire CrAbique à l’INHA.
Les accros à la crème de CrAB pourront aussi venir à Montreuil chaque week-end du mois de juin où des membres du collectif les chouchouteront et les pinceront gentiment s’ils s’assoupissent pendant que Pauline Goutain leur interprétera sa chanson du grand Wölfli
que Vincent Capt leur fera la lecture ou que Baptiste Brun les initiera à la broderie bigoudenne qui vient de Mandchourie.
La crème du CrAB, comme la manne, sera par ailleurs distribuée à droite et à gauche en ce printemps. A Fontainebleau, à Annecy, à Bruxelles, à Cergy-Pontoise. Pour plus de détails, voir la newsletter du CrAB de mai 2012. Vous verrez que, outre les crabes déjà cités, Emilie Champenois, Céline Delavaux, Déborah Couette, Roberta Trapani n’auront pas volé leurs vacances d’été. Ils auront bien mérité de Gaston Dufour et des autres.
16:22 Publié dans art brut, De vous zamoi, Ecrits, Expos, Parlotes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut, crab, fanny rojat, pauline goutain, vincent capt, baptiste brun, emilie champenois, céline delavaux, déborah couette, roberta trapani, adolf wölfli, emmanuel le calligraphe, gaston duf, bruno decharme | | Imprimer | | |
23.04.2012
Beauté pliée à Haarlem
Vous reprendrez bien un p’tit coup de Hollande? Mille marmites (comme dirait le Père Peinard), cela s’impose, en ces temps républicains! Aussi ma chronique sera-t-elle batave en ce soir de grande lessive électorale.
Et puisque la batavia est au menu, quelques mots en néerlandais d’abord : «Museum Het Dolhuys in Haarlem presenteert Verborgen schoonheid uit Japan, een tentoonstelling met bijna 1000 kunstwerken van 50 verschillende kunstenaars».
Même si vous êtes un francophone endurci, vous avez compris que mon néerlandais avait les yeux bridés.
Et fûtés comme le sont les Animuliens fidèles, vous avez deviné de quoi il retourne. Je vous parle d’une exposition. Elle a lieu dans un musée de Haarlem (jusqu’au 2 septembre 2012). Elle présente environ 1000 pièces d’environ 50 créateurs japonais de l’espèce «outsider art».
Pour citer la version en idiome international : «Het Dolhuys museum located in Haarlem, presents Outsider Art from Japan, an exhibition of nearly 1000 artworks by 50 different artists».
Pour ceux qui comme moi, l’ignoraient encore ce matin, Het Dolhuys est un jeune musée de psychiatrie fondé en 2005. Il vise à interroger les conceptions de la folie en invitant ses visiteurs à réfléchir au lien entre normal et pas normal. Dans le but de concourir à préserver les personnes rencontrant des problèmes psychiatriques de certains préjugés tenaces (du genre : «rien de beau ne peut sortir de la folie» comme a osé le prétendre notre calife sortant, un jour où il venait de traiter de zinzin un de ses rivaux du même camp que lui).
Hans Looijen, le directeur du Het Dolhuys ne craint pas, lui, de se coltiner cette verbrogen schoonheid. «Beauté pliée» si j’en crois l’équivalent tordu que j’ai obtenu avec Gougueule-Traduction. Avouons que les approximations de celui-ci ont du bon quand elle dérapent comme ici dans le poétique.
Marie Suzuki
Cette beauté pliée, il l’a rencontré tout d’abord à Paris en 2010 en visitant l’expo Art brut japonais (en ce temps là, on n’avait pas peur du mot à la Halle Saint-Pierre) qui fit un score de 120.000 entrées, selon H.L. Il aurait pu la croiser auparavant à Lausanne en 2008 dans l’expo Art brut du Japon.
Sawada Shinichi
Curieux des destins respectifs des différents auteurs, Hans Looijen a poursuivi la beauté pliéejusqu’au Japon et l’a assise sur ses genoux. En collaboration avec l’Aiseikai Organization et le No-Ma bordeless art museum in Japan, et après avoir rencontré les créateurs dans les institutions qui les protègent et les encouragent, il a sélectionné le riche matos de son expo haarlemienne actuelle.
Takashi Shuji
Car, attention, l’expo du Museum Het Dolhuys n’est pas une simple réplique du précédent tsunami parisien! 25 des créateurs japonais présentés à Haarlem exposeront pour la première fois en Europe. In english : «around 25 artists will exhibit for the first time in Europe».
Yukiko Yamada
00:28 Publié dans Ailleurs, art brut, Expos | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : art brut japonais, marie suzuki, sawada shinichi, takashi shuji, yukiko yamada, museum het dolhuys, hans looijen | | Imprimer | | |
09.04.2012
Dépotintô, dépotintè, Tô é dépotintô
Je peux pas vous servir que du réchauffé. Je me tourne donc vers Montbrison. On est cachottier dans cette capitale du Forez. Une expo intitulée De l’art brut et d’autres choses vient d’y débuter et on ne nous le dit pas ou alors à mots couverts (que fait la PQR ?).
A vrai dire, ça fait plusieurs mois déjà que j’avais vent du projet mais j’avais oublié avec tous les chats que j’ai eu à fouetter
A Montbrison, il y a un musée et c’est là que sera abritée jusqu’aux frimas de novembre 2012, ladite expo qui mêle gaillardement, selon le programme, «des œuvres majeures de la Collection de l’hôpital parisien Sainte-Anne», «le travail d’Alain Rault, sans domicile fixe rouennais», «des dessins suggérés (sic) aux pensionnaires de l’établissement Charles Foix», des «objets de tranchées de la Grande Guerre», «des objets perruqués» et «quelques œuvres d’art brut inédites de Sylvia Marquet».
Ce rassemblement pour le moins hétéroclite (inauguré le 5 avril 2012) a pour cadre l’ex hôtel particulier de Jean-Baptiste d’Allard (1769-1848), un militaire passionné de taxidermie. Pour l’anecdote, précisons que le cabinet de curiosités, légué par cet aimable rentier à sa ville, comprend un prisonnier espagnol de l’époque napoléonienne, proprement empaillé après avoir été victime d’un accident du travail mortel sur le chantier de l’hôtel d’Allard alors en construction.
Charmant écrin pour une expo qui souhaite aller «au delà du silence»! Celle-ci s’inscrit dans «le feuilletage actuel de l’art brut»( ?). Comprenne qui pourra.
Ni l’art des poilus de 1914-1918, ni les objets fabriqués pour eux-mêmes par les ouvriers durant leur temps de travail n’appartiennent, bien sûr, au domaine de l’art brut. Il y a bien, parmi les très rares reproductions proposées à la curiosité du public, un Aloïse mais il n’est pas des plus fameux.
Vraiment, on vit une drôle d’époque. Il y a de véritables expositions d’art brut qui ne veulent pas dire leur nom (l’expo actuelle de la Halle Saint-Pierre à Paris par exemple) et, réciproquement, des expos qui se parent imprudemment du label comme celle de Montbrison. Cela ne veut pas dire qu’il faille négliger ces dernières. Allons à Montbrison pour éprouver nos définitions!
Je ne crois pas pour ma part que l’activité grapho-compulsive d’Alain Rault puisse être qualifiée de «travail» comme n’hésite pas à l’écrire Henri Pailler, le conservateur en chef des Musées du Forez. C’est un contresens de croire que monsieur Rault s’inscrit dans un projet comme n’importe quel artiste contemporain.
Je ne suis pas bien convaincue non plus que les créations de Sylvia Marquet relèvent de l’art brut bien qu’elle expose chez Ritsch-Fisch.
Mais chacun est libre. Et si quelque Animulien passe par Montbrison qu’il n’hésite pas à nous donner ses impressions! Et même ses images car on est plutôt chiche de visuels du côté de chez Allard.
16:11 Publié dans art brut, De vous zamoi, Expos, Miscellanées | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : montbrison, aloïse corbaz, alain rault, sylvia marquet, galerie ritsch-fisch | | Imprimer | | |
08.04.2012
Retour du Carrousel
«Here we are again!» comme dit Lionel Barrymore dans You can’t take it with you, le mémorable film de Frank Capra.
«Coucou, nous revoilou!» en langage animulien standard. J’ai pris du retard. Des tas de bâtons se sont mis dans les roues de ma petite auto-chenille et j’ai perdu les pédales.
Raison pour laquelle je vous ai interprété «blogue en pause» pendant plusieurs jours. Avec tout ça, je ne sais plus où j’en suis, même si je me dis : «Bouge ta vie!».
La dernière chose dont je me souvienne c’est la jolie coupe de bonbecs où j’ai puisé sur le stand de la Galerie Béatrice Soulié qui exposait les «Pierres noires» de Paul Rumsey au salon du dessin contemporain du début du mois.
Cet artiste anglais a beau ne relever en rien de mon dada brut, je dois dire qu’il ne m’en a pas moins collé une pêche au creux de l’estomac de ma petite âme errante avec ses fusains borgésiens et ses vanités cosmiques.
Genre pas brut pour un sou non plus mais super-intéressant quand même, les très originaux collages de Lance Letscher sur le stand de la Galerie Vidal-Saint Phalle. Je ne sais pas comment cet artiste se débrouille mais il échappe aux poncifs métaphoriques surréalistes trop souvent de règle en matière de collages.
Et même quand Dada l’effleure ou le constructivisme c’est avec une vertigineuse dextérité qui fait exploser les influences au sein de compositions vraiment ambitieuses car vraiment éclatées. Malheureusement il y a toujours un gros lourd pour pointer son nez au moment où je prends la photo.
Mais ceux que ce travail passionne pourront le retrouver au 10 rue du Trésor dans le 75004, adresse de la Galerie VSP.
Pour finir, quelques clichés tombés de mon album lors de la visite. Pour ceux qui n’étaient pas au Carrousel du Louvre, j’ai ouvert le cartonnier du Creative Growth d’Oakland dont le stand très mimi tout plein mutipliait les murs par trois grâce à sa gestion optimisante de l’espace.
En témoigne ce panneau de Donald Mitchell avec -notamment- des petits formats rectangulaires plus diffus que d’ordinaire. On y reconnaît le personnage générique de DM mais «le bonhomme s’est collapsé dans le paysage» comme l’expliquait Gaëla Fernandez qui officiait ce matin là quand je suis passée chez elle.
En A19, chez Christian Berst Art Brut Paris, on s’affairait autour d’une video qui prolongeait sa grasse matinée. Mention spéciale du jury pour la collaboratrice du galeriste dont le caraco vert dérogeait heureusement à l’uniforme noir adopté par les dames présentant les œuvres sur les autres stands.
L’endroit nous la jouait loft cosy autour d’un gobelet de café, la spécialité du patron. L’accrochage se distinguait par sa cohérence et son unité au service d’une réelle élégance intellectuelle. Quand c’est bien, faut le dire.
J’ai vu d’un autre œil qu’à la galerie la boîte métallique lumineuse mettant en valeur les radios peintes à l’encre de Chine par Eric Benetto, un copain de l’Abbé Coutant, lui-même pote à Gaston Chaissac.
Même si on peut chipoter l’encadrement qui ajoute sa dimension «art-contemporaine» à ces œuvres de méditation fantomatique, on doit admettre que s’ouvrait là, dans ce salon de mieux en mieux professionnel, une fenêtre sur un «nouveau monde» de mystère.
19:26 Publié dans art brut, De vous zamoi, Expos | Lien permanent | Commentaires (0) | | Imprimer | | |
23.03.2012
DRAWING NOW, Dan Miller à Paris
On m’écrit de New York. Les magnolias sont en fleurs.
Ici, le printemps fait ce qu’il peut mais il a du sang sur la tête et cela plombe l’atmosphère. Je me réfugie dans le rêve. Dans un paysage vert et vallonné qui fait penser à une Suisse normande quelque peu américaine, je roule en dormant derrière un cycliste coiffé d’un casque tout blanc. «Dan Miller!» me dis-je, en ouvrant les yeux parce que suis pas en avance vu qu’il est déjà 8h.
Dan Miller, vous savez, c’est ce peintre-dessinateur qui tresse les lettres de l’alphabet et superpose les lignes de mots en échappement libre pour aboutir à des sortes de mille-feuilles graphico-insignificatoire.
Il fait partie des 5 d’Oakland dont je vous ai parlé, il y a 5 ans, dans ma note Montreuil California. Dan Miller, dont la tête est toujours protégée parce que l’épilepsie dont il souffre risque de le faire chuter, fréquente le Creative Growth Art Center.
Celui-ci exposera pour la première fois au salon du dessin contemporain qui se tiendra au Carrousel du Louvre du 28 mars au 1er avril (ce n’est pas une blague!). Trois de ses vedettes au programme : Donald Mitchell, Dwight Macintosh et… Dan Mimi himself.
On conçoit que pour le creative Growth la semaine prochaine sera très excitante puisqu’un autre événement majeur se profile pour lui, relativement à Dan Miller encore. Il s’agit de l’expo à la galerie parisienne Christian Berst qui sera vernissée samedi 24 mars 2012 de 16 à 20 h, entre le goûter et l’apéritif.
Le message-annonce du CGAC ne dit pas si les viennoiseries et les cacahuettes seront au rendez-vous. Cependant je le cite : «Dan Miller’s first solo show in France, Graphein, wild be held at the prestigious art brut gallery, Galerie Christian Berst. The title of the show is greek for «mark-making» or writing/painting and perfectly depicts Miller’s tireless creativity-superimposing considerable layers of writing to the point abstraction».
Quasi dans les mêmes heures, au fond de la cour et au 2e étage du 50 rue d’Hauteville dans le 75010, on fêtera la sortie du nouveau numéro de la revue Area : Artiste, un métier ?
La revue d’Alin Avila s’interroge «sur le statut de l’artiste et son rôle dans la société».
Cela a son charme aussi.
En se démerdant bien on peut facilement se faire les deux vernissages, pas si éloignés sur Google maps.
23:48 Publié dans Ailleurs, art brut, Expos, Miscellanées | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, galerie christian berst, daniel miller, creative growth art center, salon du dessin contemporain, revue area, alin avila | | Imprimer | | |