31.08.2010
Martha Grünenwaldt : une expo et un livre
Epouvantail de potager, têtes de fous dans une église. A peine si j’ai le temps de ranger mes clichés de vacances dans ma photothèque que ça repart à fond la caisse.
L’épouvantail à nez de Pinocchio et visage de quille en bois, c’est en me dirigeant vers la forêt de Chaux que je l’ai aperçu, veillant à la sécurité d’un carré de tomates.
J’allais visiter les baraques de forestiers du village de La Vieille-Loye dans le Jura qui ont mis les clés sous la porte vers 1935 (maintenant c’est un mini-éco-musée).
Plutôt pêchu, le guignol avec sa capuche de sac à grains!
Les têtes de fous ce sont les sculptures qui courent, non loin de là, sur les corniches intérieures de l’église de Chissey-sur-Loue.
Vous voyez la Saline d’Arc-et-Senans de Claude-Nicolas Ledoux? Et bien, vous pouvez pas vous tromper, Chissey c’est -vu d’avion- «un triangle tendant vers l’ovale» à côté sur la gauche. Je chipe ces lignes à la monographie de Pierre Lacroix (sic) qu’on se procure en glissant 4 € dans le tronc. L’auteur qui signe : «Conservateur départemental des objets d’art du Jura» est aussi un curé, ce qui explique qu’il fasse un peu la fine bouche à propos de ces «babouins» (comme on dit dans le coin) : environ une trentaine de visages éblouis, clos, hagards, lisses, innocents, idiots, bestiaux, ravagés, coiffés des grelots dont l’étrangeté dispute la vedette au bon Dieu.
En cette église Saint-Christophe où une mâchoire du patron des chauffards trône sur un autel, on guérissait les malades mentaux à grands renforts de neuvaines et d’exorcismes au moyen-âge. Ces sculptures, parfois doubles (la schize?)
constituent un formidable document sur cette période et sur un pèlerinage thérapeutique que les autorités regardèrent de travers dès 1578.
La tête encore à l’ouest après une traversée de la France en diagonale et un ouikène rillettes et fouaces dans le Maine-et-Loire, qu’est-ce que j’apprends? Mais que l’expo Martha Grünenwaldt qui sera accrochée demain à la Halle Saint-Pierre de Paris (où votre petite âme errante est de retour) et vernie après-demain 2 septembre 2010 sera accompagnée d’un ouvrage consacré à cette «grande dame de l’art brut» comme dit le carton d’invitation.
Elles sont rares les publications au sujet de cette femme qui fut domestique comme Séraphine et qui trouva comme elle la force de satisfaire son désir de création malgré les injustes contraintes (sa patronne lui interdisait de jouer du violon). Aussi celle- ci mérite-t-elle d’entrer dans vos intérieurs, chers Animuliens même si ce n’est pas exactement un «coffee table book». Dans cette plaquette, vous plongerez direct dans le regard de Martha. Vous y trouverez plusieurs clichés la montrant au travail et quantité de repros couleurs de ses dessins, peut-être pas sublimement maquettées mais ayant le mérite d’exister.
Quant aux textes, le plat de résistance sort tout chaud du cerveau d’Alain Bouillet et l’entrée de celui de Carine Fol qui nous rappelle que la découverte des œuvres de M. G. est due à des personnes proches d’Art en Marge. Bon, j’ai pas eu le temps de les lire mais l’expo ne durant que jusqu’au 28 septembre 2010, j’ai préféré me grouiller pour sonner l’alerte. En tête de ce petit livre, des souvenirs de Josine Marchal, la fille de Martha, précieux pour la précision de certains détails : «Elle traçait des schémas de visages qu’elle laissait de côté pour les achever plus tard».
23:55 Publié dans Expos, In memoriam, Miscellanées | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, martha grünenwaldt, halle st pierre, "babouins", épouvantails, alain bouillet, carine fol, art en marge | | Imprimer | | |
22.08.2010
Nous, ceux de la parole toujours en marche
Impossible de quitter Lausanne sans vous expédier les cartes postales Giovanni Bosco proposées à l’accueil de la Collection de l’Art brut. Les deux premières qui représentent des œuvres feutrales sur papier ou vulgarus cartonus ont été photographiées par Arnaud Conne.
La troisième est un cliché de Lucienne Peiry herself d’après une peinture murale à Castellammare del Golfo en Sicile, patria du créateur-fétiche d’Animula Vagula.
Ces C.P. émanent de l’Associazione Outsider Art Giovanni Bosco et de la Collec de l’Art brut de Lausanne réunies.
Elles vous parviennent au moment où ça bouge en Italie du côté de ce peintre qui reste la plus belle découverte récente en matière d’art brut. Son travail «extraordinaire» figurera en compagnie de ceux de 5 autres créateurs «hors normes» dans une expo collective à Gênes du 3 septembre au 3 octobre 2010. Si j’en crois le carton d’invitation au vernissage du vendredi 3 septembre qui a privilégié une tête-cœur graffitée par Bosco, c’est l’œuvre de celui-ci qui fait office (ça ne m’étonne pas) de locomotive à cette exposition qui se tiendra au Musée-Théâtre de la Commenda di Pré.
Joli nom pour un lieu destiné à recevoir voyageurs, pélerins et pélerines. Un lieu ouvert «pour relier peuples et cultures». Bravo aux Gênois et à la province de Gênes, bravo à la région ligure qui défend de telles valeurs un peu méprisées de notre côté des Alpes. Nous, ceux de la parole toujours en marche, titre de l’exposition, sonne pour nous Français comme une agréable manifestation de tolérance envers l’errance expressive en cet été 2010 synonyme d’imbécile ostracisme d’état.
Ce titre rappelle à mon daddy ces Voix d’en bas, une anthologie de poètes-ouvriers du XIX ème siècle, concoctée en des temps héroïques (1979) par Edmond Thomas, éditeurfan de typographie bien propre sur elle.
C’est pas idiot, sauf que là c’est plutôt le sous-commandant Marcos qui a donné le titre de l’expo gênoise faisant un clin d’œil (pas facile avc un passe-montagne) à une petite poésie de l’anti-leader mexicain : «Nous les sans voix, nous les sans visage».
Evitez de vous couvrir la figure mais passez les frontières, animuliens suisses, français et autres de passage dans la botte pour vous rendre à cette expo où Giovanni Bosco est en bonne compagnie. Notamment celle de Oreste Fernando Nannetti, champion de la boucle de ceinturon dont mon ravissant petit blogue vous a déjà parlé le 15 novembre 2009.
Les autres participants, dont Melina Riccio,
je les connais pas plus que ça, donc le mieux c’est d’aller faire un tour sur le dossier de presse de l’expo. Vous y verrez que Noi, quelli della parola che sempre càmmina a pour commissaire un danseur du nom de Gustavo Giacosa, épris de scénographie-installation et d’écritures anonymes.
17:00 Publié dans Ailleurs, Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, giovanni bosco, collection de l'art brut, oreste fernando nannetti, melina riccio, gustavo giacosa, edmond thomas, editions plein champ | | Imprimer | | |
17.08.2010
Ataa Oko à tombeaux ouverts
C’est le tombeau ouvert de l’affiche pour l’expo Fabuleux cercueils du Ghana et d’Angleterre qui m’a séduite. La mort en Rolls Royce sortie des mains d’un menuisier africain, ça vous a un look d’enfer, même s’il faut aller à Besançon (Doubs).
Hélas, cette bonne ville franc-comtoise la joue plutôt dur pour l’automobiliste de passage. Le voyageur sur 4 roues est impitoyablement craché vers l’extérieur. Quand au parking en plein air, point de départ vers la Citadelle où l’expo se tient, il faut de la patience pour y trouver place. Le bus-navette pour le sommet est gratuit mais le billet pour la visite est global de chez global!
Comme elle n’avait pas envie de se farcir les fortifs de Vauban en bonus, l’Auvergnate que je suis a refusé de casquer les 10 euros et 25 cents réclamés par la fonctionnaire du tourisme local. Je me suis contentée de la vidéo et des images du dossier de presse mais vous n’êtes pas obligés de faire pareil : l’expo dure jusqu’au 4 septembre 2010. Avis aux cyclotouristes!
De rage, j’ai mis le cap sur Lausanne pour voir l’expo Ataa Oko (nettement plus facile de parquer et seulement 7,50 euros l’entrée).
Non sans me perdre auparavant dans des dédales de petites routes plus ou moins montagneuses où l’on croise parfois (près de Lons-le-Saunier) de timides tentatives artistico-rurales des bûcheurs de la région
ou des musées du jouet (à Moirans-en-Montagne) avec des transistors Philips bricolés par de petits Africains qui rêvent de technologies nouvelles.
Même si ses réalisations sont beaucoup plus impressionnantes, le Ghanéen Oko Addo (il signe ainsi) est le grand frère de ces autodidactes en herbe. Le grand frère ou l’arrière grand-père car, si ça ne fait que 7 ans qu’il est tombé dans le dessin, il a tout de même 90 ans d’âge.
Créateur de cercueils figuratifs personnalisés depuis 1945 (année d’invention de l’art brut), ses volailles pour l’au-delà sont de merveilleux jouets pour les défunts et leurs familles.
J’aurais pu vous en parler plus tôt mais puisque l’expo de ses œuvres à la Collection de l’Art brut est prolongée jusqu’au 30 janvier 2011, un p’tit rappel peut pas faire de mal.
Ataa Oko a ceci de particulier qu’il est passé d’une activité artisanale étroitement dépendante de la commande à un univers plus personnel où les emblèmes des autres ont fait place aux signes de son «commerce» intime avec les esprits.
Du moins est-ce ainsi que l’expo et le chouette album qui l’accompagne nous présentent la chose. Mais on peut se demander si le désir de l’ethnographe qui a encouragé Ataa Oko à dessiner, alors qu’il était inactif et à la retraite, n’a pas simplement pris le relais de l’ancienne demande collective, joyeuse et funèbre.
Peut-être bien qu’il en subsiste quelque chose dans ces excès de montres et de métamorphoses qui font certes l’attrait de la production récente de l’ex-menuisier-artiste mais qui ont l’air un peu sur-jouées en face de l’innocente fraîcheur des dessins où il se souvient de ses cercueils d’autrefois
13:02 Publié dans Ailleurs, Expos | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : ataa oko, collection de l'art brut, fabuleux cercueils, besançon, ghana | | Imprimer | | |
11.08.2010
Ne manquez pas Bonaria Manca!
Ne manquez pas Bonaria Manca! Carte postale de Roberta Trapani qui butine le miel d’Aubagne. A tous les Animuliens non tout à fait absorbés par le bar de la plage, elle adresse ce beau portrait de Bonaria récemment pris dans la maison du peintre à Tuscania, dans le Latium.
C’est en 1951 que Bonaria Manca s’est installée sur cette terre étrusque. Un drame familial et la nécessité d’éviter une vendetta l’ayant arrachée dès 1948 (elle avait alors 23 ans) à son pays natal : Orure en Sardaigne. Née dans une famille de bergers, Bonaria menait la vie des siens, gardant le troupeau, fabriquant les fromages, filant, tissant, aidant sa mère à élever les petits frères. Elle s’est mariée tard et n’a pas eu d’enfants. C’est à 55 ans qu’elle a ressenti le besoin de s’exprimer de façon artistique, chantant l’amour de la campagne et peignant la vie des bergers.
Roberta Trapani qui a eu carte blanche pour l’accrochage de ses tableaux au Festival aubagnais vous racontera ça mieux que moi : “Elle utilise d’abord la broderie et les travaux d’aiguille pour se fabriquer des vêtements, en se libérant peu à peu des formes d’expression traditionnelles sardes. Les images qui apparaissent dans ces travaux minutieux de broderies sont ensuite transposées dans la peinture : d’abord sur des toiles, puis, les toiles venant à manquer, sur des murs.(…) Peu à peu toute la maison se couvrira de fresques murales donnant forme à ses souvenirs et à ses visions ».
Je reprends la parole et quitte à regret mon rhum-coca pour vous signaler que c’est cette partie in situ de l’œuvre de Madame Manca qui me paraît la plus intéressante mais vous êtes pas obligés de me croire. Mario del Curto a photographié l’intérieur de la maison de Tuscania en avril 2010. Certains de ces clichés sont présentés à Aubagne, en compagnie d’un documentaire de Marie Fanulicki à propos de Bonaria Manca («pas un film sur elle mais avec elle»).
© Stella Production
Bonaria volontiers paie de sa personne. Au vernissage d’Aubagne, elle était là et elle a chanté.
Roberta Trapani nous rappelle que des œuvres de Manca ont figuré dans une expo de 1999 au Musée de Stadshof de Zwolle en Hollande et que le Museum Dr Guislain en Belgique possède 3 œuvres de cette créatrice.
«J’envisage (nous dit Roberta) de diriger la rédaction d’un petit ouvrage consacré à l’œuvre de Bonaria Manca. Ce livre, dont les textes seront en français, anglais et italien, permettra de mettre en valeur et diffuser son œuvre extraordinaire -qui reste largement méconnue en Italie et ailleurs- même si certains médias (journaux, télévision) se sont parfois amusés de son personnage pittoresque de «pastora pittrice».
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05.08.2010
Sous les volcans, les Aoûtsiders
Pouchkine à Strasbourg, Doisneau à Chalon, Sefolosha sous les volcans. Aux quatre vents des vacances, quelques expos à signaler pour les dispersé(e)s de l’été.
Pouchkine, je vous en parle pas. C’est un peu loin de mon sujet. Quoique. Cela fait un moment que ça me démange de vous montrer les fantômatiques illustrations de Marie Egoroff qui ornent une édition du poème Rouslane et Ludmila (traduit du russe par Véra Starkoff) paru en 1898 à la Librairie de l’Art indépendant.
Je les trouve tellement curieuses que j’ai fait réparer mon exemplaire qui était en loques par un relieur. Je profite de l’occasion qui m’est offerte par le BNU de Stras pour vous les mettre sous le nez.
La Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg présente en effet jusqu’au 19 septembre 2010 une expo consacrée au grand écrivain russe, dans le cadre de l’année France-Russie. Elle présente un vaste panorama d’œuvres illustrées. J’ignore si les images de Marie Egoroff y figurent mais avouez qu’elles le mériteraient.
Sur Marie Egoroff, on a beau fureter, on trouve rien mais mon petit animulidoigt me dit qu’elle devait être bien frottée de médiumnité.
Au Musée Nicéphore Niepce et jusqu’au 19 septembre 2010 aussi, Robert Doisneau, Les tatouages du milieu, ça plaît toujours. Et c’est réalisé avec le soutien de l’Atelier R.D. et du Centre National des Arts Plastiques.
Une chapelle sous les volcans, c’est Marmontel qu’elle s’appelle. Curieux pour une chapelle ce nom de pote à Voltaire. Mais enfin c’est à Mauriac (rien à voir avec François) dans le Cantal (15200) où sont les bons fromages.
L’expo qui s’y déroule jusqu’au 5 septembre 2010 s’intitule Outsiders. Comme ce n’est pas très original, la P.Q.R. a déjà baptisé les artistes qui y figurent : «aoûtsiders». Comme je suis bon public, je trouve ça rigolo. Le flyer (qui joue le mystère du noir) reproduit une œuvre du sculpteur Jean-Yves Gosti.
Parmi les noms des 15 participants, j’ai noté vite fait 3 artistes présentés par le Musée de l’Art en Marche : Carles-Tolra, Kurt J. Haas, François Montchâtre et un Michel Nedjar par la Galerie Susi Brunner. Je ne saurais (comme disent les Belges) citer tout le monde mais sachez qu’il y a aussi Joël Lorand dont je vous ai déjà parlé un peu et Christine Sefolosha (cha, cha, cha!) qui vaut le détour.
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14.07.2010
Bras d’or et Pénitents noirs, 11e biennale d'Aubagne
La Biennale d’art singulier d’Aubagne, je ne sais pas par quel bout la prendre.
Je suis tombée dessus en rêvant sur les édifices en cagettes blancs de Sylvain Corentin qu’on peut surprendre au travail dans cette vidéo ici.
Mais Sylvain Corentin qui a été l’assistant de Bernard Belluc porte le dossart de l’art modeste
(ce qui n’est pas mal du tout, surtout dans son cas) et moi je roule d’abord pour l’art brut.
J’ai donc bravement gravi la liste interminable des exposants à ce 11e festival international qui ne nécessite pas moins de deux lieux pour se déployer du 31 juillet au 29 août 2010. L’un à la Chapelle des Pénitents Noirs, l’autre à l’Espace Bras d’Or.
Le premier accueillera la perfo-anim-installation d’Alex O’Neal, un artiste américain dont je ne connais que cette image.
L’autre, la sélection de cette année qui réunit une soixantaine de cas sous la houlette de l’entreprenante Danielle Jacqui. Difficile de s’y retrouver dans cette profusion de talents divers et inégaux. D’autant que les visuels ne sont pas toujours au rendez-vous dans les liens de la copieuse liste. Le moins que l’on puisse dire c’est que ça manque de lisibilité. C’est au lecteur d’apporter son manger… Il risque de se décourager.
Votre petite âme errante, elle, a décidé de s’accrocher. S’accrocher au regard perçant et vide qui vous hypnotise dans le bandeau du site de la Biennale. Ce regard c’est celui d’un portrait émacié de Rosaria Cannonito, une créatrice sicilienne, née à Palerme, dont je ne résiste pas à vous soumettre quelques troublantes images. Cette Donna in abito verde au corps en entonnoir, par exemple
Ce Fantasma dont on vient de manger un morceau.
Ce S. Giuseppe con il bambino Gesù en voie d’auto-effacement progressif
Qu’ajouter à cela sinon cette Elisabetta d’Inghilterra qui réinterprète à elle seule tout l’art du portrait italien renaissant et baroque?
Ou bien cet informel Sole rosso après quoi il n’y a plus rien à dire
12:06 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : rosaria cannonito, art brut, biennale d'art singulier, aubagne | | Imprimer | | |
10.07.2010
Un Romain migrateur : Davide Cicolani
Davide Cicolani. Il est arrivé à la Halle Saint-Pierre avec une petite valise à la main et dedans il y avait des cartes routières sur lesquelles il réalise ses œuvres.
Une fois dépliées, ces grandes compositions aux encres noires et de couleurs sont montées à l’assaut des murs blancs de la galerie qui sert de toile de fond à la bourdonnante cafète du musée.
Paris est une ville formidable qui attire, malgré son mauvais caractère, des lascars comme Davide : ex-gibier d’hosto, ex-ouvrier d’usine, créateur-né. Une ville en forme de cœur gros-comme-ça que ce Romain migrateur cible ici jusqu’au 31 juillet 2010 dans un labyrinthe hypergraphique où elle apparaît en réserve.
Cicolani, avec les cartes, se rit des plis et des orientations. Avec les cartes, il a trouvé le support idéal, approprié à ses dérives de squat en squat. Elles lui permettent, par leur format en accordéon, d’emporter des «églises» entières dans ses bagages. Certaines de ses peintures, par leurs cloisonnés et la densité –pourtant transparente– de leurs tons feraient en effet d’épatants vitraux! N’était leur laïcité foncière!
Davide Cicolani flirte d’ailleurs sans le vouloir (ou en le voulant ?) avec des souvenirs de Filiger et de Gauguin tandis que son sens de la composition et sa virtuosité décorative dans le maniement du pinceau le rapprochent des chinoiseries et/ou du Japonisme.
Pas mal, pas mal, foi d’Animula.
Même si je préfère ces labourages de signes de tous poils où Davide passe de l’écriture à l’inscription, saute du morceau cerné informel aux visages figurés. Le tout en passant par une déclinaison de gammes allant du plus ou moins sombre. Comme quand un rayon de soleil éclaire un verre en cri, un verre en cri, un verre en cristal de Bohême.
Au moment où je vous écris c’est pas les rayons qui font défaut. Heureusement, la Sainte Halle est climatisée, ce qui est appréciable en ces temps de canicule.
Alors, au lieu de piquer une crise sur votre carte Michelin que vous n’arrivez jamais à replier, allez voir l’expo de Davide Cicolani avant de passer au GPS.
Ne serait-ce que parce que ce peintre de tempérament a une façon à lui très spéciale de tenir sa vie dans les plis, entre l’art brut et l’art d’œuvrer avec les références de la culture dans son jeu (ou dans sa valise).
17:28 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (2) | | Imprimer | | |
07.07.2010
Notes d’art brut
Turin, Monaco. Ce coup-ci rien que des notes. Vu que je suis allée courir les routes morvandelles en pleine canicule. Des notes qui font penser au Sud, cher à Nino Ferrer, au «Sehnsucht nach Italien» du tonton Goethe. Des notes? Même pas. De purs griffonnages. Style:«signaler aux Animuliens» ou «pas oublier de leur dire». J’en ai des masses dans mes carnets et quand je n’ai pas de carnet ou de clavounet à ma dispo, c’est sur mes doigts que les écris. Ephémères tatouages, henné improvisé.
Aujourd’hui, j’en choisis deux. «Très intéressant» ai-je ponctué sur mon index gauche devant cette info cueillie sur le blogue de Dominique Leglu : l’entrebaillement du Museo di antropologia ed etnografia de Turin.
Prochaine visite : mercredi 7 juillet 2010, même tard (17 h 30 jusqu’à 23 h 30). Si vous passez par là ou si vous êtes turinois (plus commode). Possibilité de visite ensuite sur RDV.
Je crois bien avoir déjà vu quelque part, mais où ? l’extraordinaire dentelle d’os sur lequel Madame Leglu insiste. L’œuvre du carabinier Francesco Toris. Le Nouveau monde, c’est son nom et c’est tout à fait carabiné en effet.
Autre remarque marginale dans un de mes petits «chiffonniers» (j’appelle comme ça mes agendas), ce lapidaire: «avec Berst». What does that means? Et bien ça veut pas dire : «Tous avec Berst» mais ça pointe sur un flash-actu du blogue de Monsieur Daniel Boeri (aux belles moustaches en pointes) qui nous apprend que le dynamique galeriste parisien, ne s’accordant décidément aucun repos, abritera pour l’été un bon petit paquet de son stock dans un Entrepôt snobissimement situé à Monaco, «capitale estivale de l’Art brut».
Apprenant cela je me suis jetée éperdument dans les bras de mon chéri pour un mambo de Monaco (Monaco co-co, Monaco co-co) qu’aurait pu imaginer Nino Ferrer si Aimé Barelli ne l’avait pas fait.
01:36 Publié dans Expos, Miscellanées | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, francesco toris | | Imprimer | | |
01.07.2010
Ne m’oubliez pas à la collection Prinzhorn
Vergiss mein nicht, ne m’oubliez pas : tel est le cri de l’art brut, le soir au fond du mois de juin. Je sais, je sais, vous êtes déjà partis en vacances et si vous n’y êtes, vous en rêvez.
Moi aussi, je fais les soldes à la recherche d’un petit haut pour aller avec mes trente-sixième dessous de l’été. Cependant le fait est là, la vie des bêtes bat son plein comme je l’ai constaté le ouikène dernier, en parcourant le Canard de mon chéri, dans l’Intercités 3312 retour de la plage de Cabourg où j’ai pris un coup d’insolation sur les ripatons.
Dans un article sur «la viande bleue» (nous a-t-on assez bassiné avec les Bleus, ces temps-ci!) le Volatile enchaîné, dans son n°4878 du 23 juin 2010, nous relate ce propos inattendu d’un éditorialiste du journal irlandais L’Indépendant. C’est à propos d’un certain Domenech, un nom que l’irish-plumitif n’a pas l’air d’apprécier. Jugez-en : «Un nom à voler les enfants et les fondre pour des expositions d’art insolite pour le Centre Pompidou».
Sur la tête de mon daddy! «d’art insolite», vous avez bien lu! Franchement, s’il y avait des expos d’art insolite à Pompidou (des sous), ça se saurait, non? Mieux vaut entendre ça que d’être sourde! Passons!
Et tournons nous vers l’art brut, le vrai, le cru, le bleu, le saignant. Tournez vous avec moi vers Heidelberg, ein, zwei, drei, vier! ça vaut la peine d’allonger le pas. En vous y prenant tout de suite vous aurez le temps d’arriver à l’heure pour l’ouverture de la nouvelle exposition à la Sammlung Prinzhorn le 8 juillet 2010.
Ensuite de quoi, vous aurez jusqu’à la fin octobre pour vous pencher sur ces Vergiss mein nicht/Forget me not qui offrent au public des Aperçus sur la vie asilaire aux alentours de 1900 (Insights into asylum life around 1900/Einblicke ins Anstaltsleben um 1900).
Heinrich Hermann Mebes
C’est à ma connaissance nouveau d’aborder ainsi les choses du côté du petit bout de la lorgnette.L’exposition, qui se veut importante, a pour ambition de reflèter la vie de tous les jours dans l’institution psychiatrique.
Helene Maisch
Plus de 120 peintures, dessins, collages, œuvres textiles et lettres. Auteurs? : une soixantaine d’hommes et de femmes ayant fréquenté une trentaine d’institutions différentes dans la période allant de 1895 à 1925. On joue sur la proximité. C’est tant mieux.
01:26 Publié dans Expos, Nos amies les bêtes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut, collection prinzhorn | | Imprimer | | |
25.06.2010
7 dessins du prince Youssoupoff
L'Envie
Youssoupoff c’est du post post. Pas seulement parce que Félix Youssoupoff ça nous ramène à de l’histoire ancienne, à un temps d’avant Poutine, Brejnev et même Staline.
Au temps des tsars exactement où les princes russes qui n’avaient pas la chance comme le beau Félix d’emmener un gros diamant en exil se retrouvaient chauffeurs de taxis à Paris.
Post post, mon post d’aujourd’hui car c’est avec un mois de retard que je chrommunique au sujet des époustouflantes aquarelles du Prince Youssoupoff rencontrées l’avant dernier jour de mai 2010 en la Galerie L’Arc-en-Seine. C’est à l’occasion de la 12e édition d’Art Saint-Germain des Prés que je trainai mes guêtres rue de Seine ce jour-là et je frôlai la syncope en apercevant dans la vitrine de la galerie cette assez petite mais très dense trogne intitulée Le Doute.
De loin comme ça, j’avais cru que c’était un portrait hallucinant de Marguerite Burnat-Provins. De près, je pensais au comte (noblesse oblige) de Lautréamont. «Le Canard du doute», vous pigez?
Le Doute
Sinon, allez chez Wiki et renseignez vous aussi auprès du camarade Gougueule à propos de l’auteur de ce dessin visonnaire. Pour les allergiques du clic superflu, je dirai rapidement que Félix Youssoupoff (1887-1967) c’est, avec d’autres conjurés, l’exécuteur de Raspoutine, le gourou crado et partouseur qui avait hypnotisé la Tsarine de l’époque.
Le Flegme
Je vous passe les détails sordides de la mort de Raspou, un costaud de chez costaud sur lequel il fallut s’acharner. Ce terrible événement, par lequel Youssoupoff crut sauver la Sainte Russie, l’obséda toute sa vie d’autant que les journalistes n’arrêtaient pas de le questionner là-dessus. Et ça explique peut-être que 12 ans après ce meurtre, en 1929, il se soit trouvé atteint d’une fièvre art-brutifère.
L'étonnement
Alors qu’il villégiature en Corse, Youssoupov se sent soudain pris d’une violente envie de dessiner. La manière dont il relate la chose ne fait guère de doute. C’est bien à une crise impérieuse d’automatisme qu’il cède : «Mon travail s’exécutait comme en dehors de moi-même. Je ne savais pas ce que j’allais faire». Et encore : «Je me suis adonné à la peinture comme si j’avais été ensorcelé. Mais ce que je créais étaient des visions de cauchemar plutôt que des créatures de rêve. Moi qui n’aimais que la beauté sous toutes ses formes, je ne pouvais créer que des monstres. (…) Un jour j’ai arrêté de dessiner aussi subitement que j’avais commencé. Le dernier dessin eut pu être le portrait de Satan».
Pour cette expo de Sept dessins par Le Prince Félix Youssoupoff, la Galerie L’Arc-en-Seine a pondu un catalogue or et noir qui complète celui sur papier saumon de la Baltique qu’elle avait publié (avec un texte de Edmonde Charles-Roux) lors d’une précédente présentation en 1988 de ces dessins qui, pas plus que maintenant, n’étaient à vendre.
23:44 Publié dans Expos, Images, Oniric Rubric | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, prince félix youssoupoff, galerie arc en seine | | Imprimer | | |