10.03.2010
No estamos solos rue de Charenton
La surprise viendra demain et elle viendra d'Alexandro Garcia. Si vous ne craignez pas l'hyperstimulation électrique de votre petit bulbe céphalo-esthétique, foncez sur l'expo No estamos solos de cet Uruguayen, jardinier de son métier et visionnaire de la peinture.
Attention : ça crépite, ça couve sous la cendre, ça s'enroule et ça se déroule, ça vrille, ça décoiffe, ça vertiginise. Un chaos structuré, un infini turbulent, des paysages martiens de chez martiens, des architectures en cristaux. De l'utopie, de l'uchronie, de la fausse symétrie et des kaléidoscopiques visions d'outre-mondes. Des comètes à tous les étages. Une invitation au bal masqué des galaxies de l'intérieur.
Heureusement, c'est dans la rue de Charenton bien connue de tout le monde. On n'est pas trop perdus. C'est Christian Berst qui régale. Il y aura du vernissage et du catalogue ce jeudi 11 mars 2010 après le turbin (18-21 h) et probablement des cahuettes aussi. Même si vous êtes pas un ouvrier parisien, offrez-vous le détour. La Bastoche c'est fastoche! Les extra-terrestres peuvent garer leur soucoupe devant la galerie. Bon, je plaisante à peine car il faut vous dire que c'est à la suite d'une «rencontre du 3e type» qu'Alexandro Garcia a commencé à peindre ses visions.
Et le film de Steven Spielberg est là pour nous dire combien ces «expériences» peuvent être belles, étranges et respectables. C'est le cas ici, avec ce créateur né à Montevideo (comme Lautréamont) en 1970. Il lui arrive de se considérer comme «un canal qui absorbe les messages du cosmos». Un canal+ alors tant il a su aussi travailler ses instruments de canalisation.
Avec ce mot de «canalisation» on comprendra qu'il y a de l'automatisme là-dedans et de la médiumnité. Certains points de vue de Garcia font penser à Helen Smith. On ne s'étonnera pas non plus que, lui qui ne ressentait pas d'abord le besoin de mettre du discours descriptif sur ces dessins d'un graphisme méticuleux et énigmatique, se soit cru requis ensuite de fournir à leur propos certaines théories new age à la flan.
De bonnes âmes ufologistes s'étant naturellement empressées de lui souffler que ces œuvres reflètaient les messages soit-disant spirituels de je ne sais quelle ère du verseau. La chose était arrivé aussi à Augustin Lesage avec les fondus de l'égyptologie. Pour conclure je dirai que j'aimerais bien voir les livres du genre artisanal que Garcia réalise en reproduisant des textes et des dessins à lui.
Je me demande s'il n'y a pas un petit rapport avec les codex puisqu'il a de grandes chances que ce qui affleure dans ses univers galactiques, c'est plutôt la cosmologie précolombienne.
Et maintenant bonne nuit.
22:20 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, alexandro garcia | | Imprimer | | |
09.03.2010
L’écho des colloques
Si je vous dis «colloques» n'allez pas croire que je vous parle de mes co-locataires. Non, c'est colloques avec un «q» que j'ai en tête. Avec un q sur lequel, c'est connu depuis Montaigne, si haut qu'on soit perchée, c'est toujours sur lui qu'on est assise. Je crains un peu les colloques de ce point de vue. On n'y est pas toujours dotée d'un fauteuil confortable mais c'est un fait qu'aujourd'hui ils se généralisent. Plus l'art brut descend dans la rue, plus il remplit les salles de conférences. Les colloques deviennent incontournables. Je voudrais donc vous en signaler deux.
Le thème du premier c'est L'Art brut de la marge à l'exposition. Il aura lieu de jeudi 25 mars de 9 à 18 h (prévoir sa barre vitaminée) à La Nef de Dijon. Cette journée d'étude au cours de laquelle on essaiera de «dessiner les contours d'un laboratoire de réflexion» s'inscrira dans le cadre de l'Exposition La Tinaïa et Intim'errance du 23 mars au 11 avril 2010. L'atelier italien de La Tinaïa, vous connaissez. Sinon, révisez un peu ma note Arte irregolare du 19 mars 2009.
Intim'errance, c'est une expo itinérante réunissant des œuvres issues des ateliers de l'Espace des expressions G. Bachelard du Centre Hospi de la Chartreuse de Dijon. Entre autres partenaires de questa giornata, on trouve la revue Cassandre dont je vous ai déjà touché deux mots le 25 novembre 2007. J'aime bien le préambule du programme bien qu'il confonde un peu les genres : «L'art singulier ne se laisse pas réduire à une définition, il subvertit l'art établi! (...) L'art brut n'appartient à aucun courant artistique et pas davantage à une contestation de la culture dominante. Il n'est pas le fait d'une catégorie d'individus mais d'une mosaïque d'individualités».
Le deuxième convegno (colloque) sur lequel je voudrais que vous pointiez votre nez, c'est celui du Centro d'Arte Piana dei Coli, Villa Alliata Cardillo, via Faraone (j'adore ces adresses italiennes) à Palerme. C'est notre amie Eva di Stefano qui est derrière ou plutôt devant puisqu'elle s'est chargée de la coordination scientifique.
Le soutien de la Collection de l'art brut de Lausanne lui est acquis. Je manque de place, qu'elle me le pardonne, pour énumérer tous ses autres partenaires. Outsider art, la creazione differente, c'est le titre choisi pour ces 3 journées de travail : 26, 27 et 28 mars.
Je ne peux pas citer tout le monde, il y faudrait la nuit mais il va de soi que dans ces deux colloques, les Animuliens avertis retrouveront des têtes connues : Céline Delavaux, Bruno Decharme, Alain Vasseur, Béatrice Chémama-Steiner, Sarah Lombardi, Martine Lusardy, Agnès Bourbonnais du côté de Dijon, Lucienne Peiry, Savine Faupin, Domenico Amoroso, Teresa Maranzano, Roberta Trapani du côté de Palermo.
00:16 Publié dans Expos, Parlotes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut | | Imprimer | | |
07.03.2010
Frida Kahlo y su mundo
Frida Kahlo, tout le monde n'aime pas mais ma copine Pascaline si. C'est par hasard que je la rencontre vendredi dernier en lèchant les vitrines à Bruxelles. Smack, smack, vous z'ici, je vous croyais zozo etc. Y'a pas de zoo à Bruxelles et je me précipite dans ce genre d'endroit que quand j'ai vu d'abord toutes les expos. Mais cette fin d'après-midi là j'étais frustrée parce que j'avais perdu ma journée dans les rencards-buziness et les téléphones portables qui passent pas toujours avec la France. La riante perspective de rentrer au Windsor Hôtel sans rien avoir à mettre sous les dents des Animuliens ne me souriait guère. Alors je me suis jetée comme la pauvreté sur le monde sur l'appât que m'a tendu la Pascaline qui connaît mes vices. «Comment, t'as pas vu l'expo Frida Kahlo y su mundo, ma pauvr'Ani ? Il te reste peut-être une chance, ça ferme qu'à 9 P.M»
.
J'ai plaqué très vite cette «pauvre» Pascaline pour me lancer bravement en pleine averse à l'assaut de la colline où trône le Musée des Beaux-Arts. Comme la pauvre Frida est tout même un peu loin de mon sujet, je vous la ferai short sur cette expo émouvante qui commence à petit bruit par El Camion (le bus), un petit format de 1929 qui est une sorte d'instantané du moment qui précède le terrible accident qui blessa grièvement la jeune Frida (à D) et lui occasionna ensuite une vie de martyre.
Elle collectionnait les ex-votos. Les tableaux de cette autodidacte de la peinture mexicaine (qui s'habillait de magnifiques fringues populaires) s'en souviennent sans les plagier. On peut voir aux Bo'Zarts, fruit d’une coproduction avec les musées Dolores Olmedo et Frida Kalho, près d'une trentaine de ses œuvres. Certaines sont familières à force d'avoir circulé en repros. Telle cette Columna rota de 1944 : une Frida fétiche à clous, colonne brisée, camisole de fer.
Un commode petit guide du visiteur trilingue (Bezoekersgids/Visitor's guide) est distribué à l'entrée.
Grâce à lui, j'ai pu me documenter sur Quelques petites piqûres (unos cuantos piquetitos) inspiré par le meurtre d'une compatriote de Frida assassinée par son ivrogne de mari. C'est la première fois que je me rends compte que cette dénonciation du machisme a été muni d'un cadre ensanglanté à la peinture par l'artiste comme si l'horreur de la scène éclaboussait aussi le spectateur.
La discrète lumière atténuée choisie par les organisateurs, l'absence de musique et de bla-bla inutile dans les vidéos font qu'on s'approche avec respect du drame intime de cette artiste courageuse qui, pour un vernissage triomphal à la fin de sa vie (en 1953), se fit porter sur son lit de douleur, richement décoré, dans la galerie qui montrait son travail.
En sortant, un peu éblouie par la projection du journal intime enluminé par Frida K, j'ai croisé des paquets de sourieuses du côté de la Gare centrale. Elle préparaient la manif du lendemain pour la Journée mondiale des femmes.
18:59 Publié dans Ailleurs, Expos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : frida kalho | | Imprimer | | |
02.03.2010
Merde a tou le qon
CHOMO : le compte à rebours a commencé.
C'est J moins 6 avant la fin de l'expo CHOMO à la Halle Saint-Pierre.
Alors, dépêchez-vous si vous voulez vous faire une idée véritable de son univers de création. Descendez vite dans la forêt souterraine de Montmartre où CHOMO vous attend au coin de son atelier en plein air.
Ensuite il ne restera que les témoignages de ceux qui l'ont connu. Par exemple, pour ce qui concerne les publications :
CHOMO par Roger Chomeaux. Editions Jean-Claude Simoën.
Ce livre est un recueil très complet des propos de l'artiste.
Il est dû à Laurent Danchin dont il faut saluer la performance : ça n'a sûrement pas été facile d'accoucher CHOMO!
L.D. a laissé la vedette à CHOMO sur la couverture.
On ne trouve son nom que sur le titre intérieur qui date un peu aujourd'hui : CHOMO, un pavé dans la vase intellectuelle.
L'ouvrage qui vit le jour en 1978 est une sorte de «Bible» préludienne. On peut l'ouvrir au hasard et y trouver toujours son miel. Moi, ce soir c'est : «je suis né avec le cordon autour du cou, j'étais tout bleu, tout chétif et je suis resté un être anormalement maigre» (page 295).
CHOMO l'été CHOMO l'hiver. Satir de CHOMO e de tex de Jean-Louis Lanoux.
Ce titre est porté sur la couverture qui combine dessins, photomontage et maximes calligraphiées par CHOMO. C'est la seule illustration réalisée par CHOMO pour un livre.
Edité à petit nombre en 1987 par la Fondation CHOMO, l'ouvrage relate deux visites au village préludien dont l'une est un «first contact». En frontispice, une photo de Vincent Betry : L'accouchement de CHOMO.
Enfin, signalons, dans le n°2 d'une revue artisanale datant de septembre 1983, La Chambre rouge, un article de Bruno Montpied
suivi d'un poème de CHOMO, retranscrit d'un enregistrement au magnétophone.
Il commence par : «J'ai bu le rouge des pauvres» et contient ce passage :
«je me suis arrêté près d'un grand trou tout noir
au fond : il y avait un corps
un grand corps allongé
j'ai reconnu le mien».
Et maintenant place aux abeilles.
01:02 Publié dans Expos, Jadis et naguère, Lectures | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : chomo, laurent danchin, jean-louis lanoux, bruno montpied | | Imprimer | | |
28.02.2010
Cudowny sen Jean’a Smilowskiego
Mon cher Smilowski, je hais février, le plus court des mois et de tous le pire à la fois, parce qu'il fait baisser mes statistiques et que si ça continue, mars étant déjà là, je vais pas avoir le temps de parler de votre expo qui se tient à Villeneuve d'Ascq à La Ferme d'en haut jusqu'au 14. J'aurais tellement voulu la voir seulement, avec le boulot que j'ai au bureau, j'arrive pas à me libérer et je préfère assurer au cas où.
Jean Smilovski, ça fait un moment que je marche sur vos traces. J'aurais voulu vous connaître quand vous habitiez dans votre cabane du Vieux-Lille, près des fortifs de Vauban, une zone où les jardins ouvriers tournaient à la jungle. Vous l'aviez transformée en «ranch» personnel où vous abritiez vos souvenirs franco-polonais d'ouvrier malmené par l'histoire et par le travail ainsi que vos peintures, vos meubles et coffres décorés, vos jouets et vos pantins militaires.
J'aurais voulu voir in situ votre fresque sur Sitting Bull et partager votre fascination pour les Indiens d'Amérique. J'aurais aimé vous rencontrer, circulant à bicyclette, les jours où ça allait bien, vêtu de vagues uniformes de la guerre qui vous avait fait souffrir.
J'aurais adoré vous entendre chanter Ramona cette valse-symbole de la femme inaccessible à laquelle vous aviez voué un culte qui voisinait sans problème avec votre dévotion pour Sainte-Thérèse de l'Enfant-Jésus et Sainte Rita.
Cette exposition actuelle, qui reconstitue l'intérieur de votre chez vous, succède à l'expo-parcours qui s'est tenu dans le Vieux-Lille en octobre 2009. Elle est organisée avec le concours de La Poterne, une association qui veille sans relâche depuis plus de 20 ans sur votre œuvre dont elle a sauvé l'essentiel. Je possède dans mon fouillis une jolie pochette de cartes postales éditées par cette asso.
Et un classeur où j'ai glissé divers souvenirs des passages que vous avez fait sur cette terre depuis votre disparition en 1989. Je crois bien avoir loupé Art et bricolage, l'expo de L'Aracine qui vous faisait prendre l'air pour la première fois avec André Robillard. Mais je possède l'invitation de l'expo à la Bibliothèque annexe du Vieux-Lille qui reproduisait deux pages d'un de vos somptueux livres uniques.
Et encore :
le catalogue de l'expo de la collection Bert Berglund où figurait une de vos œuvres,
un article paru sur vous dans Polonika (n°2), un canard franco-polonais disparu.
Tout cela c'était en 1993. Plus récemment, j'ai mis dans du coton le carton de votre rétrospective de 2002 au Musée d'Art Moderne Lille Métropole. Pour le régal de nos Animuliens, permettez-moi de montrer encore votre portrait photo par François Dumas pour le carton de votre apparition à la Médiathèque Marguerite Yourcenar en 1997.
Et plus émouvant encore - car de votre vivant - le tract d'une asso (avec un dessin de vous) qui, en 1986, réagissait contre la rénovation urbaine qui devait emporter votre univers.
20:20 Publié dans De vous zamoi, Expos, In memoriam, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, jean smilowski | | Imprimer | | |
27.02.2010
La galerie impaire fait une french touche
French touch pas à mon post! serais-je tentée de dire à celui qui voudrait me dicter ma chronique du vernissage de jeudi soir à la Galerie impaire. C'est que j'ai des choses à dire et que comme d'habitude ça se bouscule dans ma tête avant de parler. Si j'oublie, faites moi souvenir que Tom di Maria sera là «mais pour le finissage» comme me l'a dit la jeune impairatrice blonde qui ouvrait et fermait les tiroirs de la boutique pour montrer inlassablement des dessins de Jean-Michel Chesné à des acheteurs potentiels.
J'attendrai donc le décrochage du 4 avril 2010 pour me marrer un coup. C'est dommage. Ils manquaient les grands sourires de Tom à cette soirée du 25 février trempée comme un barbet! Et sa façon de fendre la foule à grands renforts d'accolades à droite et à gauche, elle manquait aussi, même si les responsables de la Galerie faisaient des pieds et des mains pour dégeler l'ambiance par trop franchouillarde. Moiteur un peu épaisse des inaugurations, odeur tenacement typique du vin rouge, petits groupes de gens qui se connaissent depuis 20 ans mais qui font semblant de s'ignorer, éminent membre de l'intelligentsia parisienne à la recherche de la meilleure place (près du buffet ou à l'entrée) pour se faire remarquer...
S'était reconstitué tout à coup rue de Lancry ce qui plombe généralement ce genre de manifestations outsideuses chez nous. Plus de crème fraîche, perdu le côté swing, adieu la décontraction californienne. Il avait suffi que la Galerie impaire plonge dans un répertoire plus familier aux Français, pour que notre foutu tête de cochon de tempérament national reprenne le dessus. On se prenait à regretter l'atmosphère pétillante des vernissages précédents, lieux de rencontre de volubiles Américains de Paris accros au Creative Growth Art Center.
A la sortie, un monsieur black en blouse bleu-touareg fredonnait tout doucement une mélopée africaine nostalgique et improvisée en attendant l'autobus 56. J'écoutai mine de rien et respectueusement comme il convient devant toute manifestation de spontanéité et d'inventivité réelles.
01:38 Publié dans De vous zamoi, Expos | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : galerie impaire, billet d'humeur | | Imprimer | | |
23.02.2010
Ancienne collection Jacovsky sur catalogue
La collec de Jakovsky, nom d'une pipe, c'était kékchose! Il collectionnait pas seulement les pipes, l'Anatole, et les toiles naïves à en bourrer tous ses appartements. Il s'entourait de beaucoup de livres dont on voit passer certains de ci de là au fil des catalogues.
Après-demain, mercredi, le 24 de février, un joli choix de ceux-ci (et d'autres documents jakovskyens) défileront chez Pierre Cardin, Rémy Le Fur et associés, sous l'enseigne d'AuctionArt, dans une vente publique à Drouot-Richelieu.
Les repros ont de quoi mettre l'eau à la bouche. Je flashe pour mon compte sur un recueil de poèmes mi figue espagnole, mi raisin français, enluminé tout autour de la typo par Miguel Hernandez, un des géants de l'art brut du début. Coplas de la peine et de l'amour que ça s'appelle. La déco de M.H. n'est pas sans faire penser -c'est drôle- à des illustrations de Joan Miró.
Je louche aussi sur le super manuscrit d'André Breton, signé et fort raturé (indice d'un premier jet), relatif à Joseph Crépin. Et naturellement sur une photo représentant ce peintre, prise vers 1950 par Anatole Jakovsky.
Claude Oterello, le monsieur qui expertise, peut pas tout décortiquer, tellement certains lots de la vente sont copieux. Dans l'un d'eux, il y a une photo de Jean Dubuffet avec des cheveux.
On y trouve aussi des lettres de celui-ci dont une de 1964 où il informe Jaco que les œuvres de Camille Renault lui paraissent «relever davantage de l'art naïf que de l'art brut». saignant, non? Autre chose qui mérite l'achat de ce numéro 179 du catalogue, une liste dactylographiée donnant la liste des «ouvrages concernant les écrits des aliénés et que possède Paul Eluard» avec l'indication précieuse : «vendredi 18 mai 1945». Nettement avant le fameux voyage en Suisse de juillet 1945 qui passe trop souvent pour le début des recherches de Dubuffet en matière d'art brut. Dans le même ensemble, une lettre préconisant de demander à Nush Eluard d'écrire «au médecin-chef pour qu'il envoie une note sur le sculpteur en question». Il y a gros à parier qu'il s'agit bien sûr d'Auguste Forestier.
Pour terminer, je vous dirai que j'ai aimé le café que Maître le Fur offre courtoisement aux visiteurs et visiteuses de l'expo préalable à la vente. Et le slogan de la bande annonce imprimée du n°163 (Prospectus aux amateurs de tout genre de Dubuffet) soigneusement conservée par Jakovsky, il est pas mal non plus :
....Contre le roi, pour la bergère....
00:04 Publié dans Encans, Expos, Gazettes, Musées autodidactes disparus | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, art naïf, anatole jakovsky, jean dubuffet, joseph crépin, miguel hernandez | | Imprimer | | |
21.02.2010
Zéro art brut au Schizomètre carré
Schizomètres : une idée rigolote qui ne méritait pas qu'on s'acharne sur elle au point d'en faire une expo force 10 sur l'échelle du parisianisme, telle m'est apparue la nouvelle présentation de la Maison rouge consacrée à l'œuvre d'un certain Marco, qualifiée «d'art brut» dans le livret distribué à chaque visiteur avec son billet.
L'idée consiste à mettre en relation les numéros de code de deux publications qui n'ont rien à voir ensemble. Le catalogue d'un magasin de surgelés fameux qui fit partie d'une enseigne d'hypermarchés plus fameuse encore (vous voyez ce que je veux dire) et le DSM-IV (moins fastoche à deviner).
Le DSM c'est le Diagnostic and Statistical Manual of Mental disorders, un manuel statistique US utilisé pour étiqueter les troubles mentaux dans les milieux psychiatriques.
Je sais pas si c'est vrai n'ayant jamais été ravagée de la touffe mais Marco Decorpeliada, l'auteur de la toise-étalon et des mètres dépliants supports des équivalences incongrues présentés dans l'expo, si.
Il conduit chacun à en prendre pour son grade suivant les symptômes qu'il s'attribue. Le parano = pommes rissolées (n°de code 60.0), la vaginiste (code 52.5) c'est kif-kif le sauté de veau, le transvestiste fétichiste vaut pour les poireaux émincés à la crème (65.1), l'énurésique = la pizza etc.
«Regard mental léger» langue-fourche-t-il en effet et cet éclair de lucidité colle au poil pour cette expo qui hésite entre le zist de la supercherie et le zest de la fluxuserie. Je n'ai pas croisé d'énurésique fétichiste ou de vaginiste tranvestiste dans l'expo Schizomètres. Tout au plus, sur le chemin, de gentils gothiques qui laissaient leur marque partout.
J'ai rencontré plutôt des gens bien qui gloussaient poliment en faisant sembler de trouver ça intelligent. Et ça l'est! Trop sans doute. Avec Decorpeliada, on nous refait le coup de Bourbaki. Ce nom à la gomme, censé désigner un familier des H.P., auteur d'un journal et de fiches de survie, a été bricolé à partir des noms de membres de l'Ecole lacanienne de psychanalyse : Laurent Cornaz, Dominique de Liège, Yan Pélissier, Jacques Adams et d'un pataphysicien notoire : Marcel Benabou, membre de l'Oulipo.
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Nous y voilà, cette expo pêche par où le bât pataphysicien blesse généralement. Elle commence par une franche rigolade et c'est dommage qu'elle ne s'en tienne pas là. On se lasse vite de cet esprit de sérieux porté dans la dérision à un point systématique. Les tableaux, les diagrammes obsessionnels, c'est vite relou. Le squelette de la fin (allusion à un voyage au Mexique du Marco) c'est un peu mince.
Rien de spontané, rien de fortement inventif dans ces artefacts complaisamment redondants. Tout le monde n'est pas Georges Perec; il manque du grain à moudre dans cet exercice formaliste qui se pare des oripeaux de l'art brut parce que celui-ci est aujourd'hui plus médiatiquement porteur que la pataphysique.
19:37 Publié dans Ecrans, Expos | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : marco decorpeliada, la maison rouge, antoine de galbert, dsm-iv, carrefour, picard surgelés | | Imprimer | | |
17.02.2010
Louis Soutter fait son Marché
Louis Soutter, je vous ferais pas l'injure de vous dire qui c'est. Depuis que son cousin a fait entrer cet «inconnu de la soixantaine» dans le labyrinthe du Minotaure en octobre 1936, ce serait bien le diable si vous n'aviez pas croisé l'un des milliers de feuillets qui ont été publiés sur son compte. Michel Thévoz lui a consacré plusieurs bouquins. Et aujourd'hui, il est même wikipexpédié, c'est dire! Louis Soutter, si je vous en parle, ce n'est pas que c'est ma dernière lubie. Louis Soutter fait son Marché comme Lady Gaga fait bientôt son Palais Omnisports de Paris-Bercy. Je mélange tout, d'accord mais ce que je veux dire c'est que Louis Soutter fait son come-back à la Galerie du Marché à Lausanne le jeudi 25 février 2010 (vernissage) et que c'est un événement qui mérite bien que je vous fasse un peu de teasing.
Pensez un peu : une cinquantaine de dessins de Soutter, pour la plupart montrés pour la première fois, ça mérite peut-être que l'on se bouge, non? Allez-y donc jusqu'au 24 avril 2010, après quoi ce sera plié. Attention : c'est pas tous les jours mais vous vous arrangerez. Le plus tôt sera le mieux pour vous plonger dans cet ensemble représentatif d'une œuvre conçue à l'ombre d'un asile du Jura vaudois.
Louis Soutter est un peintre errant qui m'a toujours impressionné par son air déprimé sous son chapeau à bords roulés, par sa façon de flotter dans des costumes invraisemblablement bourgeois des années 30, lui qui peignait si bien avec les doigts. Si vous ne me croyez pas, visionnez donc ce petit film.
Ah, j'oubliais, le cousin c'était le Corbusier. Et de Soutter, qu'on ne peut confondre avec un créateur d'art brut bien qu'il ait accès aux mêmes territoires de pensée, Corbu disait : «Il a appris à regarder en dedans. Par lui, nous pouvons regarder dedans un homme. Un homme racé, cultivé, ayant passé par tous les luxes de l'argent et d'une vie intelligente. Et qui aujourd'hui, remontant du réfectoire triste, couvre chaque jour, à soixante-cinq ans, un papier blanc de ces âpres, fortes et admirables compositions».
«Appris», «en dedans», «âpres, fortes, admirables» : écoutez voir, tous les mots comptent. Et leur cocktail vous procurera une impression inoubliable quand vous arriverez par les escaliers du Marché devant les œuvres souterriennes.
00:52 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : louis soutter, galerie du marché, le corbusier | | Imprimer | | |
05.02.2010
Charles Boussion de tsar à star
Charles Boussion, c'est en pêchant la Sardine que ce nom était venu se prendre dans mes filets il y a bientôt deux ans déjà. Remember la Sardine! C'est dans cette galerie (momentanément occultée, espèrons-le) que, passant par Genève, j'avais aperçu un tumulte de perles boussioniques que j'avais trouvé psychédéliques. «Boussion boussionise comme d'autres customisent», avais-je pensé. Et quand, plus tard, je me suis procuré la salade verte du brillant catalogue de la galerie Miyawaki de Kyoto, j'avoue que j'ai été médiocrement impressionnée par les repros des 4 œuvres de Charles Boussion qu'il contient. «Trop déco», me dis-je en mon for intérieur.
C'est vrai que j'aurais dû voir le Book of Kells qui pointait son nez dans une espèce de serpentine lettre ornée de 2006.
Mais j'étais loin de l'Irlande. Je m'imaginais pas que ce pays pouvait exercer sa fascination sur un gars de Montpellier. Je dis Montpellier et les gens de la météo, qui sont tous du midi, disent Montpéllier. Mais enfin, vous avez bien été un peu draguée (ou draguer) dans les cafés de la place Jean Jaurès, donc vous situez. De Montpellier, Boussion ne cultive pas les gariguettes.
C'est vers Byzance que son goût l'emporte et il l'emporte dans un grand feu d'artifice de couleurs qui ponctue la nuit de croix et divinise les visages de tsars qu'il fait sortir de l'ombre.
De tsars à stars, il n'y a qu'un pas et on est invité à le franchir puisque ces «icônes» d'un nouveau genre (fille ou garçon, sait-on lequel?) vont s'exposer pour un peu plus d'un mois (5 février-21 mars 2010) au Musée de la Création Franche à Bègles, territoire de Gérard Sendrey. Ce diable d'homme, qui sort à peine d'une personnelle rétrospective at home, sans doute assez épuisante, a trouvé le temps d'écrire un papier de présentation pour «Charles Boussion : le jongleur».
Il y déclare que Charles Boussion «construit ses propres ready made à rebours» faisant sans doute allusion à la technique du peintre qui consiste à auréoler-camoufler une image (ou une photo) de départ au moyen de larges festons d'ornements appliqués avec patience. Une patience assez absorbante pour que le créateur ait «parfois le sentiment que ses productions se sont composées en dehors de sa propre volonté».
J'avoue que cette petite phrase m'excite autant que d'apprendre que des œuvres de Charles Boussion figurent dans la Collection du Dr Gavrilov. Sans doute peut-on voir un rapport entre les icônes de Charles Boussion et celles d'Alexandre Lobanov. Et alors ? Franchement, il faudrait les voir pour se rendre compte. Regarder de plus près comment elles sont faites. Alors si vous passez par la Création Franche, l'exposition Boussion c'est tout bon.
23:03 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : charles boussion, création franche | | Imprimer | | |