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26.10.2008

Franck Calloway, 3 siècles d’art brut

Si je vous dis Calloway, vous pensez Cab et moi Franck, le champion du monde de la longévité brute. Franck Calloway, dessine des trains qui se prélassent sur des kilomètres de papier de boucherie, 7 à 9 heures par jour, près d’une fenêtre, dans une institution pour le 5e âge (car il a -tenez-vous bien- 112 balais) à Tuscaloosa en Alabama.

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Des trains, des bateaux, des maisons, des véhicules de sa lointaine jeunesse puisque né en 1896, il est un trait d’union entre 3 siècles. Beaucoup de choses très colorées qui nous ouvrent une fenêtre sur un sud agricole disparu.

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Photos AVAM

Aujourd’hui, comme je sors de 6 heures de T.G.V. avec de sales moutards qui balançaient des coups de pied dans mon fauteuil pour passer le temps, c’est surtout les trains qui m’ont frappée. Rien de tel que le train, même sur coussin d’air, pour vous ramener à la cadence. Moins de tchou-tchou mais toujours le défilé du paysage, les saccades, le trou noir du prochain tunnel.

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Quelque chose me dit que Franck Calloway, qui ne voyage plus guère que dans sa belle salopette en jeans bleue, est sensible à ce genre de chose : une sorte d’auto-engendrement presque infini (il faut bien changer de rouleau de papier parfois) des formes. Le fait qu’il se récite volontiers des tables de multiplication me fait penser que son propos n’est pas si naïf qu’il en a l’air.

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Eloigné en tous cas d’une préoccupation purement descriptive. Proche de nos basiques circuits mentaux. Automatiques pour tout dire. «There is a presence with him, I’m telling you, that feels angelic» dit pour sa part Rebecca Hoffberger, la directrice de l’American Visionary Art Museum de Baltimore qui a eu la bonne idée d’accueillir 18 rouleaux de dessins au stylo à bille, crayon et marqueur de ce super-papy créatif dans son exposition intitulée The Marriage of Art, Science & Philosophy.

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The Marriage of Art, Science & Philosophy@AVAM-Photo Mark Barry

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The Marriage of Art, Science & Philosophy@AVAM-Photo Mark Barry

Franck Calloway est si en forme qu’il s’est, paraît-il, tapé la distance qui sépare l’Alabama du Maryland en avion pour l’inauguration qui a eu lieu le 4 octobre 2008. On souhaite ardemment, bien sûr, pour peu que la schizophrénie conserve, qu’il soit toujours avec nous quand sera venue l’heure de la fermeture de l’expo le 6 septembre 2009. Le diagnostic porté sur lui en 1952 peut bien l’avoir conduit, depuis ce temps là à vivre dans diverses institutions, nous avons grand besoin de ces magiques compositions défilantes, si loin de la statique peinture de chevalet.

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Avec les années ses protecteurs ont égaré les traces de sa vie d’avant. Lui, évoque des souvenirs de métiers durs : poseur de rails, bûcheron, fermier, forgeron peut-être. Peu d’école. Juste le temps qu’un instit l’encourage à dessiner. Puis plus rien. Jusqu’à ce qu’en 1980 (il a 84 ans), son talent se réveille sous l’effet de son intégration dans une «art class». Merci l’art-thérapie. Grâce à elle, cette fois, un des plus vieux types de la planète n’a plus quitté la seule activité qu’il aime et qu’il considère comme son job : le dessin à l’état brut.

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23:55 Publié dans Ailleurs, Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, franck calloway | |  Imprimer | | Pin it! |

19.10.2008

Les murs de Ste Elisabeth

 

sacs 3.jpgComme j’ai traîné ma flemme pendant tout le ouikène, il faut pas trop compter sur moi pour vous apporter des p’tites nouvelles bien fraîches sur un plateau. J’ai juste eu la force de ranger mes deux douzaines de sacs à main qui commençaient à taper sur les nerfs de mon chéri et de vous choisir, dans ma photothèque en stand-by, deux images extra de chez extra. On n’en trouve pas souvent des comme ça. Il faut remonter aux photos de Jean-Philippe Charbonnier que je vous ai montrées le 22 janvier 2007 dans ma note HP Réalités de 1955 pour trouver chose pareille.

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Celles-ci ont été prises je sais pas par qui. Flickr, le site collaboratif où je les ai repérées, indique seulement qu’elle ont été «selected by Katleen». Merci Kat. Ces dessins que l’un de vos commentateurs qualifie de «modern hieroglyphics» proviennent du St. Elizabeth’s Hospital de Washington.

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Ils ont été réalisés par grattage sur les murs d’une salle d’isolement par un patient, «a disturbed case of dementia praecox», acharné à représenter les événements de sa vie passée

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Il semble que le créateur ait travaillé en retrouvant la couleur rouge de la brique sous l’enduit chamois : «pin or fingernail used to scratch paint from wall, top coat of paint buff color, superimposed upon a brick red coat of paint» nous dit la légende en anglais qui accompagne ces clichés.

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Votre petite âme errante adore le côté lettriste avant-la-lettre de cette œuvre qui date probablement du début du XXe siècle. St. Elizabeth est un établissement historique du genre gothic revival qui a été créé en 1855.

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Comme il est toujours en activité, il se pourrait que cette chambre à libres figurations pariétales et silhouettes à engrenages existe encore et qu’elle propose toujours au visiteur son rébus. Bon…, on peut rêver, non ?

23:58 Publié dans Ailleurs, Images | Lien permanent | Commentaires (1) | |  Imprimer | | Pin it! |

28.09.2008

Mario Del Curto : Au large des yeux

«Mario Del Curto à Sarraz», c’est le nom du vaisseau spatial qui a croisé la trajectoire de mon aéronef. C’était pendant la torpeur d’une profonde nuit. A travers la porte des étoiles, l’équipage de l’Association Mordache qui soutient le travail de ce photographe bien connu des brutolâtres, s’est adressée à votre petite âme errante pour qu’elle répercute dans «la communauté animulienne» une info in-con-tour-na-bleue.

Une nouvelle expo de portraits et de vues de lieux «à l’identité forte» prises par MDC chez des créateurs et dans des environnements d’art singuliers internationaux mènera la vie de château à partir du vernisseux jeudi 2 octobre jusqu’au 2 novembre 2008, date de mort.

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Cherchez pas l’adresse de l’Asso Mordache, j’ai essayé : nada. Le mot, lui, existe bien. Ce n’est pas un anagramme de mocharde. C’est une pièce en bois qu’on place entre les mâchoires d’un étau pour serrer un objet sans l’endommager. C’est aussi un baillon que les capucins novices se collaient dans la tronche pour éviter de tchatchter. Tout un programme !

Quant au Château de La Sarraz, à 15 kms de Lausanne et à 12 de la frontière française, il abrite un musée du cheval, vocable toujours évocateur de palais de «l’anti-académisme spontané».

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Parmi ceux-ci, Mario Del Curto a choisi: les Etats-uniens Bernard du Mississipi, Clyde Casey de la nouvelle-Orléans, Kenny Hill du Bayou Petit Caillou, les Italiens  de Bordighera, Oreste Fernando Nannetti, Luigi Lineri de Zevio, NOF4, «Astronaute Ingénieur Minier du Système Mental» qui graffita le mur d’un hosto psy avec sa boucle de  veste.

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Les Français sont représentés par Charles Billy, Henri Ughetto de Lyon, Le Jardin de Rosa Mir à la Croix-Rousse, Marilena Pelosi.

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Du Japon viennent les images du temple Otagi Nenbutsu-Ji de Kyoto (1200 statues représentant Rakan, un disciple de Buddha).

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De Suisse, celles de Pietro Angelozzi de St Gall, de l’Asso CREAHM de Fribourg, de Linda Naeff.

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Si vous êtes pas du genre à vous contenter du menu, reportez-vous au dossier de presse. C’est un modèle du genre et il a l’avantage de contenir des images où le photographe invite à puiser, ce dont je me prive pas.
Une restriction toutefois : quand l’Asso Mordache nous apprend que «en résonnance aux images argentiques», les spectateurs admireront aussi des œuvres de créateurs «dévoilés pour la première fois en Suisse romande», il me semble qu’elle tire un peu la couverture vers le photographe. Excès d’enthousiasme pardonnable dans un document qui souligne par ailleurs le «rôle documentaire» indispensable du témoignage de MDC après le saccage du Jardin de Marcello Cammi.
Belle, attirante et forte, la machine de Mario Del Curto a tendance à passer pour la seule (sa bio parle de «démarche unique») aux yeux de ses mordacheux supporteurs.

C’est oublier un peu vite Gilles Ehrmann et Clovis Prévost. C’est oublier par avance les petits reporters qui poussent comme des champignons avec leurs nouvelles technologies dans la poche-téléphone. L’avenir dira s’ils se laisseront intimider par des travaux du calibre de celui de MDC ou s’ils sauront s’en servir comme d’une formidable rampe de lancement au profit d’une nouvelle esthétique et de nouvelles recherches.
Levez-vous, jeunes photographes désirés ! L’univers brut est sans limites et il y aura toujours à explorer.

24.08.2008

Bite 2 stroumph !

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Une «bite 2 stroumph», ça court pas les rues, alors je ne résiste pas à vous montrer celle-là, croquée sur la faïence des WC de la salle des fêtes d’une aimable cité limousine. C’est maigre comme récolte graffiti, mais il y a des fois où l’art brut ne se laisse, si j’ose dire, approcher que par la bande.

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On croit le reconnaître à Saint-Maurice-des-Lions dans le Confolentais où Marc Leproux, le folkloriste charentais, nous apprend qu’il fallait dans les temps passer son «lumet» (un genre de cierge) «sur la tête et sous la queue de l’animal de pierre».

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On flaire sa piste à Esse sur la fenêtre d’une grange, croisée en allant prendre un chocolat à la casserole chez Jeannette,

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ou dans l’église de Cellefrouin dont un coin de pilier abrite un objet de toile et de branchages ficelés, zarbi en diable.

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On s’imagine qu’on le cerne au lieu-dit la Bretagne, voisin de Saint-Junien, dont l’Amicale laïque fait preuve de largeur d’esprit en promotionnant d’anciens cultes populaires, à peine dissimulés derrière un relookage catho de surface.

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On pense le tenir au hasard d’une pierre de réemploi noyée dans le mur de la délicieusement rustique (et touristiquement méconnue) chapelle de Loubert-Laplaud, associée à une fontaine qui aurait guéri, il y a 20 ans, quand on y processionnait encore, les vieilles douleurs de mon daddy-chéri.

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Merci au bénévole gardien de cet émouvant joyau paysan! Agriculteur à la retraite, il n’a pas son pareil pour attirer l’attention des Animulettes en vadrouille sur les «modillons», ces petites têtes ornementales saupoudrées sur les édifices. Discrètes ici, elles se la racontent souvent plus fort ailleurs. Témoin celle-ci, prélevée je sais plus où, qui me tire la langue parce que je m’emberlificote dans mes souvenirs romans.

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Car tout cela, il faut en convenir, c’est plutôt de l’art roman, au profit duquel la commune de Chatain organise des Nuits où l’on se presse en famille vers le théâtre, le vin d’honneur et le feu d’artifice.

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Roman ou «romain», comme les gens du coin se plaisent à dire, le patrimoine artistique local a surtout des petits airs gallo-quelque chose. Ceci, grâce à des rites et des croyances plutôt magiques, pas du tout monothéistes et encore vivaces.

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Derrière chaque brin d’herbe, il pousse un saint qui vaut à lui seul un village gaulois, pareil à celui -habilement reconstitué- près du bourg d’Esse. On y travaille le bois, façon art brut. Qui s’en étonnera ?

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12.08.2008

La maison de Polina Raïko

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En Ukraine aussi, l’art inventif fait un malheur et dans la région de Kherson, à Tsyuryupinsk exactement, votre p’tite fouineuse d’âme errante a repéré une merveille de chez merveille : la maison de Polina Raïko

 

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Polina Raïko, si j’ai bien compris, c’est une grand-mère qui a transformé les 4 dernières années de sa vie en feu d’artifice pictural.

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Comme elle est morte en 2004, ça fait que ces années-là sont aussi les premières du 21e siècle, Polina ayant vu le jour en 1928. Un début de siècle –même idiot comme le nôtre– c’est pas mal

 

 

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Polina, si j’en crois ce que j’ai lu sur Internet à son sujet, avait mené une vie de patachon avant de se lancer dans la peinture. Notamment du fait d’un malheureux alcoolique de fils qui finit en colonie pénitentiaire après avoir vendu tous les meubles de sa mère.

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Les sous de sa retraite, Polina les dépensait pour son art, couvrant les murs et les plafonds de sa maison de fresques pleines de fleurs et d’oiseaux, plutôt que de regarder la télé qu’elle n’avait plus.

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Toutes les surfaces libres y passaient, y compris les miroirs. Après sa disparition, ce fut moins 2 que cet univers de création qui fait penser à Pirosmani, à Grandma Moses, à Ivan Generalich ou à Maud Lewis ne passe à la trappe.

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Grâce à des bons génies canadiens qui auraient racheté la maison de Polina Raïko et à une asso locale, le Centre d’Initiatives pour la Jeunesse Totem, celle-ci serait aujourd’hui visitable.

 

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Si des fois, il y avait dans l’assistance des Animuliens qui pigent le cyrillique, qu’ils ne se gênent pas pour nous dire plus !

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17:33 Publié dans Ailleurs, Glanures, Images, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : polina raïko, art brut | |  Imprimer | | Pin it! |

22.07.2008

« Irregolari » : 8 créateurs d’art brut siciliens

couv livre Irregolari.jpgEnfin, ça y est, je l’ai reçu. Je commençais à bouillir parce que, depuis sa sortie, fin mai 2008, je faisais des pieds et des mains pour me procurer : Irregolari. Merci à Kalos, son éditeur palermitain. Il a eu pitié de votre petite âme errante et lui a propulsé cet ouvrage d’Eva di Stefano dans sa boîte aux lettres et à malices réunies. Irregolari, c’est pas trop dur à traduire, je pense, pour les Animuliens francophones qui sont familiers des «indomptés», des «indisciplinés» et autres «inspirés». Et pour ceux qui auraient la comprenette difficilette, le sous-titre du bouquin de l’historienne (et critique) d’art italienne est assez limpide : Art Brut e Outsider Art in Sicilia. O.K., vous captez le truc ? La monographie de la Signora di Stefano comble une lacune. A partir d’un socle théorique que j’ai sauté pour le moment car j’attends d’avoir un bon dico, elle s’attaque à cette «terra matta», la Sicile. Avec sa longue tradition pleine de mythes, d’archéologie, de drames et d’immigrations  (très tendance en ces temps unionistes et méditerranéens) cette île fascinante devait fatalement recéler son lot de «visionari, illetterati, eccentrici» adeptes d’un art spontané, vivace et irrépressible.

Filippo Bentivegna.jpgEva di Stefano a eu la bonne idée de se borner à nous en présenter 8, choisis parmi les cas les plus intéressants. Tous des hommes, nés pour la plupart dans les 30 premières années du 20e siècle.

Si j’excepte Filippo Bentivegna dont vous avez déjà pu visiter le Castello incantato le 21 mai 2008 sur mon considérable blogue, je vous recommande également :
Francesco Cusumano qui a commencé l’art par une sculpture qu’il avait vue en rêve

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Rosario Santamaria et ses chiens de pierre, pour qui, selon Eduardo Rebulla «l’arte aveva una funzione eminentemente autoremunerativa»

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Francesco Giombarresi, dandy aux géométries piranésiennes

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Sabo (pseudo de Salvatore Bonura) et son univers pictural peuplé de sortilèges sensuels qui apparaît à Michel Thévoz, dans une lettre à Eva di Stefano de mars 1982, «come la proiezione drammatica di un mondo interiore tormentato»

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Gaetano Gambino, ses paysages préhistoriques et son monde plus pétrifié que celui de Max Ernst

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Giovanni Abrignani qui ne dessine pas comme un enfant mais est plutôt à l’écoute de l’enfant qui est en lui

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Giovanni Cammarata et sa «casa degli elefanti» a Maregrosso, un faubourg de Messina

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Bien entendu, il y a une foule d’autres pistes à suivre dans les Irréguliers d’E. di Stef. Comme elle a déjà écrit des tas de choses sur l’art européen des 19e et 20e siècles et sur l’avant-garde en Sicile, sa documentation tient la route, tant sur le plan culturel que «contre-culturel» (pour aller vite). Et puis, dans une dédicace à son père Guido di Stefano, «storico dell’arte e siciliano elegante», elle nous confie, en petits caractères très discrets : «Dedico questo libro, che per molti motivi a me è il piu caro (…)».

Toutes les photographies sont empruntées à l'ouvrage : Irregolari 

18.07.2008

Paysages de femmes

Whaô ! ça roupille là-dedans. Vous abusez des boîtes de nuit ou quoi ? La fréquentation baisse le matin. Et de mon côté c’est pareil. Depuis que  je n’ai plus de carburant à mettre dans mon moteur (au prix où c’est, pensez !) j’accuse une nette tendance à la sieste pendant «les congés de fin de semaine». Au lieu de courir les rues sous le regard des caméras de surveillance ou de rouler sur les routes truffées de radars, je voyage (c’est encore permis) dans la bibliothèque de mon daddy qui a récolté des tas de bouquins super-flambants dans sa chienne de vie.

paysage de femmes.jpgLa semaine dernière, je lui ai taxé une vieille brochure de Ajalbert.jpgJean Ajalbert,

 

 

 

 

 

un Auvergnat de Clichy-la-Garenne qui fut l’avocat de l’anarchiste Auguste Vaillant. J’avais été attirée par son titre rouge : Paysages de femmes et par la choucarde lettre ornée de sa couverture. Ce recueil célèbre les danseuses de chahut, les pouffes d’atelier et les petites bourgeoises qui montrent leurs mollets en grimpant dans les omnibus.
Bien m’en a pris car j’y ai déniché un fatal poème impressionniste que j’ai recopié pour vous. Pourquoi tant de mansuétude ? mais parce le dit poème nous chante – et c’est assez rare en 1887 pour le souligner – le charme des graffiti parisiens.

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 Plus de 50 ans avant Brassaï, c’est pas mal, non ? Et plus pas mal encore, le frontispice du peintre Jean-François Raffaelli qui  décore, de son couple d’amoureux au geste curieusement équivoque, ce petit livre.                                                                                                                       
 
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06.07.2008

Les bambous kanak de Marguerite

 
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J’écris, j’écris, c’est tout ce que je sais faire et pourtant il y a des fois où l’écriture n’est pas la chose fatale. Prenez les Kanak. Quand l’un d’entre eux, au début du siècle 20, quitte son village pour aller rendre visite à ses potes du vaste monde néo-calédonien, il emporte avec lui un bambou gravé d’une quantité de dessins sautillants, figuratifs et abstraits.

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De quoi se distraire sur la route et véritables aide-mémoire aussi, puisque ces bambous bavards racontent tout sur le train-train quotidien : le gîte, le couvert, les rites et les mythes, la plantation des ignames (espèces de grosses patates), la pêche, l’érection du poteau de la grande case, les faiseurs de pluie, les tatoueuses, les sorciers chapeautés de coiffes cérémonielles.

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Sans oublier les soldats français avec leurs fusils et leurs grosses bêtes de chevaux qui ne vont pas tarder à réprimer sévèrement le soulèvement kanak de 1917, une des plus farouches révoltes anti-coloniales de l’époque et sérieux bâton (gravé peut-être) dans la roue du char impérial de la France républicaine

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Après forcément, ces bambous gravés ont beau contenir des herbes magiques, ils ne peuvent empêcher les bienfaits de la «civilisation» : les gendarmes, les missionnaires, les colons, les techniques européennes, l’écriture. Ils perdent leur raison d’être.

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Heureusement, les bambous gravés de Nouvelle-Calédonie deviennent la grande passion de Marguerite Lobsiger-Dellenbach. Cette anthropologue décide de mettre la chose à plat. Elle décalque et étudie ces œuvres récoltées entre 1850 et 1920, préservant ainsi le point de vue authentiquement kanak sur la rencontre tragique des deux mondes.

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17.jpgComme il se trouve que la Marguerite a dirigé le MEG (Musée ethno de Genève) entre 1952 et 1967, celui-ci consacre une expo au superbe travail de son ex-patronne. Elle sera visible jusqu’au 4 janvier 2009 au premier étage. 18.jpg

 

 

 

Tant pis si vous sortez plutôt nazebrouk du rez-de-chaussée vodou. Ne ratez pas, comme votre petiote âme errante a failli le faire, ce «primo piano».
L’exposition Bambous kanak, pour des exquises sensibilités brutes comme vous, mes chers Animuliens, possède l’avantage d’éclairer un moment charnière. Celui où la mentalité native des kanak se transforme sous l’effet de l’intrusion d’une culture venue d’ailleurs. Ce qui engendre une évolution de style aboutissant à des figurations qui ne sont pas sans parenté avec certaines représentations de l’art brut proprement dit.

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Me semble-t-il. Le beau livre qui accompagne cette expo de Roberta Colombo Dougoud s’ouvre (ça c’est certain) sur un avant-propos de Marie-Claude Tjibaou.

Toutes les images sont tirées du catalogue. MEG Photos : Johnathan Watts 

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03.07.2008

Au pays des zombies

Je sais bien que, le 15 février dernier, dans ma note Le Ciel est bleu, je vous en ai déjà touché 2 mots de l’expo Le Vodou, un art de vivre mais La rue des Bains c’est à touche-touche avec le Bd Carl Vogt, lequel au 65 abrite le Musée d’Ethnographie de Genève. Alors, avouez que ç’aurait été débile que votre Petite âme errante ne se fende pas pour vous d’une petite visite en live Au pays des zombies (titre du carnet-découverte distribué à la gent enfantine).
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En entrant, l’un de ces aimables pré-ados ricane devant l’affiche : «y’a des madames qui sont tombées dans les pommes !» mais en sortant, sur le Livre d’Or, on sent bien que c’est une autre chanson. Miroir roi Lucifer détail.jpg«La maison du diable ça fait peur» admet franchement un visiteur en culotte courte. «J’ai trop kiffé l’expo et les bonhommes était (sic) trop style» se la pète une mini frimeuse. Mais, dans l’ensemble, l’impression est unanime : «ça fout les jetons mais c’est fun quand même». Quant aux «dizaine de bonhomme (resic) dans le noir, il y en a qui ont des têtes vraiment trop délirantes».

Comme vous pouvez le constater la génération montante parle couramment le sic et le resic, même à Genève mais on lui en voudra pas trop car il y a vraiment de quoi perdre son orthographe devant Le Vodou.

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 Jeux de miroirs d'interpellation. Photo Johnathan Watts. MEG

On sort de là par la salle des miroirs aux cadres terrifiants. Parce que «le Vodou s’ouvre sur un face à face» nous sussure un de ces commentaires pédagogiques qui accompagnent notre parcours dans le train fantôme de la succession de salles toutes surprenantes d’une manière différente avec frisson crescendo garanti.
C’est qu’on a bien besoin de récupérer son petit ego dans cet exercice spéculaire en sortant de chez Motus, le dantesque espace noir où on vient de se retrouver mélangé, exposé, confondu avec «la soldatesque bizango». «On ne parle pas des Bizango», nous éclaire un cartel de l’expo, «on les dévisage. Avec la certitude qu’ils ont moins à cacher qu’à révéler».

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 Personnages Bizango. Photo Johnathan Watts. MEG

J’avoue que j’ai pas cherché à tout comprendre de cette armée de statues en tissu rembourré, puissamment impressionnantes. Elle témoigne du pouvoir des initiés d’une société secrète forgé sur les champs de bataille de l’indépendance haïtienne.

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Fauteuil de la reine Bizango. Photo Johnathan Watts. MEG

Mais sortie d’une salle rouge éclairée en rouge, d’un Carrefour avec le nom des esprits (Iwa) «qui exigent d’être servis» déclinés sur des centaines de T-shirts, d’un lieu de mise en bière où ils sont cadenassés dans des bouteilles, bien maligne celle qui ne se sentirait pas bousculée par cette grande démonstration psychique.

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 Salle Bizango. Photo Johnathan Watts. MEG

Certains reprocheront peut-être à la scénographie de Catherine Nussbaumer une tendance mélodramatique. C’est vrai que la reconstitution de l’autel vodou, avec son «bric à brac des hommages, le carambolage des cultures» peut faire penser au décor d’un film exotique façon Nuit des morts-vivants.

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Autel Rada. Photo Johnathan Watts. MEG

Mais le côté excessif du Vodou autorise à grossir le trait et comment faire sentir l’impact de celui-ci sans le transposer en effet théâtral ? Il s’agissait d’éviter que la vitrine du musée devienne un mausolée où les objets, privés de magie, ne seraient plus que prétexte à esthétisme. De ce point de vue la grande salle centrale où ils apparaissent menacés par des textes savants (historiques, ethnographiques) cannibales rappelle bien que cette expo cherche à réduire la distance entre le visiteur et son sujet.

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Malheur Bizango. Photo Johnathan Watts. MEG

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16.06.2008

Art brut : découverte d’un nouveau créateur en Sicile

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© Boris Piot

Sans vouloir me vanter (hum, hum !...), Animula est une belle chose. Ce blogue, je me dis des fois que c’est bête que je le fasse parce que j’aurais aimé le lire. Tout particulièrement quand un Animulien généreux du genre de Boris Piot me confie, pour publication immédiate, des images d’une force 10 sur l’échelle de l’art brut comme celle de ce créateur sicilien dont je vous ai déjà montré les sensationnelles réalisations murales récemment.

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© Boris Piot

Cet exceptionnel «crayonneur» -comme vous dîtes– oui, je l’ai rencontré cher Boris, je vous le confirme. Et grâce à vous, faites pas le modeste, puisque c’est vous qui m’aviez mise sur sa piste quand vous êtes tombé (aïe) sur les élucubrations de votre petite âme errante, il y a de ça environ 3 mois.

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© Boris Piot

C’est vrai que le travail de cet homme talentueux (par nature), fruste et fragile, «mérite attention», comme vous l’écrivez dans votre com du 10 juin. «Attention» et même plus car vous vous doutez bien que nous nous trouvons là devant un authentique grand cas d’art brut.

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© Boris Piot

Avec le cortège de difficultés habituelles : nécessité de pas nuire en voulant bien faire, prise en compte du contexte et de la situation précaire où se trouve placé le personnage, recherche des bons moyens d’éclairer l’œuvre alors même que son créateur n’en manifeste pas le besoin. Du boulot sur la planche, quoi !

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© Boris Piot

Mais rassurez-vous, scrupuleux B.P., cette découverte n’est d’ores et déjà pas passée inaperçue et les murs de Giovanni (il ne vous avait pas dit son prénom, à moi, si) ont bel et bien suscité de l’attention et même de la passion e-mailesque dans le petit club d’Ani. Pas de risque que mes correspondants, filles et garçons, passent donc à côté de vos photos de dessins réalisés aux feutres de couleurs, tantôt sur des supports de fortune et tantôt sur beau papelard quand il y en a.

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© Boris Piot

Qu’admirer de plus de l’autorité, de l’innocence, de l’originalité de ces compositions ? A eux de le dire. Ou de le penser.

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© Boris Piot

Pour moi, c’est sans conteste pur jus d’art authentique et je suis prête à griffer le visage du premier qui dirait le contraire.

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© Boris Piot

22:58 Publié dans Ailleurs, Glanures, Images, Vagabondages | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : art brut, giovanni bosco | |  Imprimer | | Pin it! |