29.07.2012
Les mamans des poissons du côté d’Ancenis
Dans la série Nos amies les bêtes, cet été : les poissons. Les poissons de Loire atlantique.
J’adore Ouest France et c’est avec plaisir que je dévore ses actualités culturelles. Aussi me suis-je précipitée sur son édition en ligne du 26 juillet 2012 à cause de son titre alléchant : Art brut et art naïf exposés à Rive de Loire-Ancenis. Art brut, ça promettait avec cette exposition Expressions que le journal du grand ouest nous invite à voir jusqu’au 5 août 2012.
Hélas, pas plus d’art brut que de beurre (blanc) en branche dans cette expo présentant l’honnête travail de deux dames visiblement soucieuses de bien faire. Force est de rappeler à celui ou à celle qui a écrit ce papier électronique (non signé) que l’art brut -le vrai art brut- se soucie du bien faire comme de sa première nageoire.
Et que ce n’est pas un service à rendre à Claudie Chrétien de lui laisser à penser qu’elle «fabrique des objets qu’on peut qualifier d’art brut». Claudie ne cache d’ailleurs pas qu’avec sa consoeur Myriam Letertre, elle suit tout bonnement les cours de l’association Aux Arts à Oudon.
Je sais bien qu’au jour d’aujourd’hui même les grands squales de l’art contemporain aimeraient à faire croire qu’ils naviguent en pleine mer de la brutalité.
Mais de grâce, monsieur Ouest-France, ne mettons pas l’art brut à toutes les sauces. Cela brouille les idées du public. Et ce n’est pas bon pour les petits poisson(ne)s qui s’agitent gentiment dans le bocal des galeries réservées aux «artistes amateurs».
13:10 Publié dans art brut, Expos, Gazettes, Glanures, Nos amies les bêtes, Zizique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, artistes amateurs, art contemporain | | Imprimer | | |
28.07.2012
Arlette a rejoint Raymond
Comme les choses vont, comme les choses viennent. C’est Pakito Bolino, l’éditeur du Dernier Cri qui me l’a appris le 25 juillet 2012 en plein concert de musique Touareg à Marseille : Arlette nous manque, Arlette n’est plus. Arlette c’est Arlette.
Arlette Reynaud, la veuve de Raymond, le peintre, s'il faut vous faire un dessin. Un peu plus et je me pointais à Sénas pour lui rendre visite comme chaque fois que j’étais dans le coin. On serait allé papoter dans un p’tit resto comme à l’accoutumée. La dernière fois, en avril 2011 (déjà) c’était chez Lolo Mauron à St-Rémy-de-Provence.
La grande âme errante de Raymond Reynaud avait bien sûr été évoquée dans la conversation. «Ma galinette», comme elle disait l’Arlette de son chéri d’amour.
Mais les choses vont et les choses viennent. On n’a pas le droit d’être triste puisque Raymond se retrouve à l’affiche du Festival d’Aubagne, ce que Arlette aurait aimé.
Sous la houlette de Danielle Jacqui, vaillante directrice artistique, 65 artistes dont vous trouverez ici les noms, seront représentés jusqu’au 26 août 2012 dans ce festival qui est aussi une biennale puisqu’il n’a lieu que les années paires.
François Ozenda, dont je déplore que le site du Festival ne nous donne aucune image, disposera –c’est une bonne chose– d’un espace particulier dans le Bras d’Or, l’un des lieux où se déroule la manifestation.
Ceci sous le parrainage de Jean-Claude Caire qui a toujours défendu, à grands coups de fanzines, l’œuvre de cet émouvant artiste de Vence, exposé par Alphonse Chave dès la fin des années cinquante du siècle précédent.
J’arrive un peu tard pour le vernissage qui se partage aujourd’hui samedi entre le Centre d’Art des Pénitents noirs (18h30) et l’Espace Bras d’Or (17h30) mais l’essentiel est de vous rafraîchir la mémoire en ces temps moites et orageux où vous ne pensez sans doute qu’à vous taper des mojitos.
17:54 Publié dans art brut, Expos, In memoriam | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : raymond reynaud, arlette reynaud, françois ozenda, art singulierlolo mauron, pakito bolino, le dernier cri | | Imprimer | | |
22.07.2012
Aloïse ricoche à Lausanne
Une belle endormie c’est la Riponne. Les Bergières assoupies c’est pas mal aussi.
Donc, si la dame du GPS vous dit : «montez le couloir rhodanien, tournez à droite, longez le lac!», obéissez. Lausanne cet été est repeinte aux couleurs d’Aloïse. Du moins sur le trajet qui mène du palais de Rumine au Château Beaulieu (3 mn chrono).
Comment je le sais ? Parce que j’ai de gentilles informatrices : Sarah Lombardi, la directrice de la CAB et Céline Muzelle qui a rédigé avec Jacqueline Porret-Forel le catalogue raisonné électronique de l’œuvre de notre Aloïse vénérée.
Céline Muzelle, avant mon départ en vacances, me le disait : «Je pense que les Animuliens vont apprécier ce rendez-vous sans précédent que nous offrent le Musée cantonal des Beaux-Arts et la Collection de l’Art Brut (…)».
Elle voulait parler des deux expos Aloïse Le ricochet solaire qui se tiendront jusqu’au 26 août 2012 au MCB-A et jusqu’au 28 octobre à la CAB de Lausanne. L’une «propose un parcours chronologique inédit dans l’œuvre de l’artiste (sic) vaudoise». Dans l’autre «une salle entière est destinée aux cahiers de dessins, qui sont comme la colonne vertébrale de son œuvre (…)».
Vautrée comme je suis à la terrasse de La Récré, sirotant le rosé frais de ce restaurant de Lourmarin, je peine un peu à comprendre le «ricochétisme» que JP-F définit ainsi :
«Le ricochet représente l’un des aspects fondamentaux de l’organisation mentale d’Aloïse. On peut le considérer comme l’un des fondements de son œuvre, siège de ses conceptions cosmogoniques, de son pacifisme, de sa religiosité, de ses amours fantasmées (…). Il traduit aussi le ressenti des phénomènes hallucinatoires liés à la psychose».
Malgré la sieste, je ne suis pas ramollie du bulbe au point de ne pouvoir tourner les pages des deux chouettes bouquins qui accompagnent les expos lausannoises.
Merci à la grande âme qui me les a fait parvenir dans mon gîte rural. Fidèle à une tradition d’élégante austérité, la publication de la CAB, sous une couverture de carton-bure et une reliure à la japonaise, contient pas mal de repros des dessins mais aussi des écrits d’Aloïse.
Les textes sont de Pascale Marini, commissaire de l’expo et de S. Lombardi qui nous apprend (ô hasard objectif !) que «c’est suite à une erreur dans la distribution d’un courrier que Jean Dubuffet entre en contact avec Aloïse».
Diffusé par Le Seuil, l’ouvrage-catalogue du MCB-A est un peu plus cher mais c’est du lourd ! Sans être pesant ! Rien d’un casse-croûte. Tout est découpé en petites bouchées ou en plats digestes qui s’intercalent parmi les nombreuses images en couleurs.
Les contributions écrites sont dues aux dames citées précédemment dans ma chronique et à Catherine Lepdor, conservatrice du MCB-A. Le contenu est trop riche pour que je vous en fasse des tonnes. Lisez ce livre indispensable aux fans d’Aloïse ! J’apprécie son côté précis : la biographie de CM, la biblio sélective qui n’oublie pas Aloïse ou l’infirmament du regard, un titre de Béatrice Chemama Steiner que je voudrais avoir trouvé, la liste des légendes des tableaux, les points de repère chronologiques.
Photo © NB.ARCH
Les souvenirs de JP-F sont agrémentés du fac simile de la fameuse lettre que Dubuffet lui adressa le 11 avril 1964. Ce roi du paradoxe y prétend qu’Aloïse «n’était pas du tout folle». Elle avait été reproduite dans le tome 4 des Prospectus et tous écrits suivants (Gallimard 1995). Mais sans le PS à la main qui éclaire sur la hiérarchie des valeurs de l’inventeur du concept d’art brut :
Cliquer sur l'image pour l'agrandir
21:25 Publié dans art brut, Ecrits, Expos | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, aloïse corbaz, collection de l'art brut, musée cantonal des beaux arts, sarah lombardi, céline muzelle, jacqueline porret-forel, béatrice steiner | | Imprimer | | |
14.07.2012
Léopold Truc, un paradis non truqué
Le Luberon, «ce taureau qui fait la sieste au pied de son berger le Ventoux» (dixit Yvan Audouard), je suis allée le prendre par les cornes.
Après le marché paysan de Coustellet dont je vous recommande les bigarreaux Napoléon, je suis montée chez monsieur Truc, le créateur d’un jardin conçu à grand renfort de ciment, de mosaïques et de tessons de poterie.
© Ani (2012)
Pour le seul agrément des chanceux qui le trouvent sur un chemin caillouteux réfractaire aux bagnoles. Ni visites guidées, ni spectacles, ni concerts chez monsieur Truc. Ni conférenciers post-millénaristes non plus. Rien que les cigales.
© Mon daddy (1989)
Aucun ministre de la culture en campagne électorale n’est jamais venu sur son terrain. Terrain oublié à l’écart d’un village escarpé qui sent bon le cèdre. Tout au plus Pierre Bonte l’a-t-il jadis interwievé pour FR3. Léopold Truc ne bâtissait pas des cathédrales.
© Ani (2012)
Le Paradis, il y était déjà puisque c'est comme ça qu'il appelait son espace ludique, cette pure excentricité qu'il avait su en douceur faire accepter à son paysage provençal et à ses contemporains.
© Mon daddy (1989)
© Ani (2012)
Un Paradis où ne flotte aucun relent de bondieuserie plus ou moins fumeuse mais le parfum d’un tranquille bonheur créatif.
© Ani (2012)
A son isolement naturel, le Paradis de monsieur Truc doit encore aujourd’hui d’être présentable à des Animuliens qui ne détestent pas le travail du temps sur la floraison brute.
© Mon daddy (1989)
© Ani (2012)
Tout au plus a-t-il perdu des couleurs ce Paradis. Tout au plus est-il un peu mangé par le lierre.
© Ani (2012)
Même s’il a viré au pain d’épice trop cuit , il a grosso modo conservé son allure ordonnée en pente douce et ses 6 allées de circulation parallèles. La borie de pierres sèches décorée
© Ani (2012)
© Mon daddy (1989)
le «bordj» pour la chasse,
© Ani (2012)
© Mon daddy (1989)
la chapelle grande comme une cabine d’essayage,
© Mon daddy (1989)
© Ani (2012)
la tour au sommet de laquelle Léopold Truc aimait faire grimper les visiteurs, sont toujours là.
On le doit à la famille de monsieu Truc qui veille toujours sur ce patrimoine d’un genre particulier.
© Ani (2012)
La fontaine est muette mais son auteur, de son vivant, ne la mettait guère en route, l’eau de la commune étant «plus chère que le pinard» selon lui.
© Mon daddy (1989)
De son tombeau-mémorial qui voisine sans complexe avec des toilettes en forme de guérite, monsieur Truc disait malicieusement : «quand ça sera fermé, vous saurez pas si j’y suis ou si j’y suis pas».
© Ani (2012)
© Ani (2012)
© Mon daddy (1989)
Un homme a vécu là, c’est à dire qu’il s’y est diverti au plus noble sens du terme. Sans qu’il soit nécessaire pour autant d’évoquer je ne sais quel «sacré» devant lequel il faudrait s’agenouiller, il a marqué de sa présence cette parcelle.
© Mon daddy (1989)
Du moins c’est ce que j’ai ressenti. Du moins c’est ce que m’a dit mon daddy qui, le veinard, a croisé Léopold Truc en 1989, trois ans avant que celui-ci ne disparaisse.
© Mon daddy (1989)
J’ai fait des pieds et des mains pour que mon daddy retrouve dans ses tiroirs les photos de vacances qu’il avait prises alors. Parce qu’il est toujours bon de comparer.
© Mon daddy (1989)
© Ani (2012)
Parce qu’il est toujours bon de témoigner. Parce qu’il est légitime de documenter même si avec l’art brut ou avec ce type de «truc» populaire et superbement individuel, on ne puisse qu’être incomplètement satisfaits.
© Ani (2012)
23:55 Publié dans art brut, Jadis et naguère, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : art brut, environnements bruts et spontanés, léopold truc | | Imprimer | | |
09.07.2012
Dans les pas de Louis Malachier, sculpteur et meunier
Suite à ma note précédente, 2 ou 3 choses encore sur le sculpteur-meunier de Lacoste. D'abord quelques images supplémentaires de ma «gargouille».
Cette effrayante créature à tête de tortue, au dos batracien, doit sans doute sa conservation au fait qu'elle est compacte et lovée sur elle-même.
Tient-elle une victime entre ses pattes? Difficile à dire mais on a, avec elle, une bonne idée de l'étrangeté qui devait émaner, pour ses contemporains, des œuvres de Louis Malachier.
Du moins de certaines car il réalisait aussi des chevaux, des cavaliers, des paysans dansant, des bustes, des hommes barbus, des figures historiques ou allégoriques, tout un petit peuple de nourrices, gendarmes, pénitents, instituteurs etc.
Des centaines de pièces que Malachier exposait dans le jardin de sa maison en face du moulin, au dehors et dans un petit «musée secret», réservé à l'initiation aux choses de la vie pour les jeunes mariés. Ce qu'il en subsiste par ci par là dans la région est fortement érodé aujourd'hui.
C'est que Malachier a eu la chance (et la malchance) de vivre près d'une carrière en exploitation qui lui fournissait une pierre tendre à travailler mais fragile.
Autrement -je pèse mes mots- l'œuvre de Louis Malachier serait à mettre près de celles de l'abbé Fouré, du douanier Rousseau, du facteur Cheval.
Mes lecteurs s'en convaincront facilement en se procurant auprès du Foyer Rural de Lacoste qui en est l'éditeur, un ouvrage de 180 pages, abondamment illustré et remarquablement documenté. Intitulé Louis Malachier, meunier et sculpteur 1823-1900, il synthétise plusieurs recherches, souvenirs et témoignages.
Photo Lindfors
Ceux d'Evert Lindfors qui a puisé à des sources orales, pris des photographies et publié dès 1973 sur le sujet dans Les Lettres nouvelles.
Photo Lindfors
Photo Lindfors
Photo Lindfors
Ceux de Pierre Deflaux, descendant collatéral du meunier. Ceux d'Yves Le Mahieu qui a travaillé dans les archives départementales. Entre autres auteurs. Bibliographie, biographie, actes reproduits, rien ne manque.
La couverture et plusieurs pages à l'intérieur reproduisent les dessins et portraits de Malachier en 1889 par le peintre (académique mais précis) Jules Laurens, également auteur d'une précieuse liste des œuvres du meunier. Celle-ci figure aussi dans l'ouvrage du Foyer Rural de Lacoste que les bonnes librairies des musées qui se consacrent à l'art brut (suivez mon regard!) proposeront, je l'espère, bientôt sur leurs rayons.
01:00 Publié dans art brut, De vous zamoi, Images, Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, louis malachier, evert lindfors, pierre deflaux, yves le mahieu, lacoste | | Imprimer | | |
08.07.2012
Sur la piste du meunier de Lacoste
Un meunier, c'est bien connu, ça dort. Même si son moulin ne va plus trop fort. Celui de Louis Malachier s'est arrêté en 1892.
Depuis, il somnole à l'ombre d'un château qui lui a volé la vedette car c'est la propriété d'un couturier fameux après avoir été, au XVIIIe siècle, le repaire d'un divin marquis.
Le couturier dont on trouve la marque sur les vêtements de Marty dans Retour vers le futur, mon film de science-fiction préféré, retape à neuf son nid d'aigle et le village perché alentour.
Le marquis n'est autre que Sade dont le nom fut pour les surréalistes ce que le sirop est pour les guêpes. Avec ces indices, pas difficile de deviner que je suis allée à Lacoste dans le Vaucluse à la recherche des sculptures du meunier que Gilles Ehrmann a photographié dans les années 60 pour les Inspirés et leurs demeures, cette bible de l'art brut. C'est Fantastique pays d'Apt, un bouquin de 1979 trouvé dans la bibliothèque du petit gîte rural où je me prélasse, qui m'a remise sur la piste.
Hélas, ses indications ne sont guère plus précises que celles du guide Provence insolite qui signale une œuvre du meunier-sculpeur encore visible sur le site. J'étais donc sur le point de faire chou blanc et de m'accommoder de la légende qui suggérait que tout, de l'œuvre de Malachier, avait disparu, emporté jadis par des brocanteurs ou cassé par des enfants.
copyright Elisa Breton
En 1949 déjà quand André Breton avait posé pour l'objectif d'Elisa près d'une statue de Malachier celle-ci avait perdu la tête comme on peut le voir dans le Breton par lui-même de Sarane Alexandrian qui reproduit ce cliché en 1971.
Chou blanc? C'était compter sans ma bonne fée qui s'est présentée ce jour-là sous les traits d'une personnalité de l'endroit, madame Barbara Lindfors, peintre et aquarelliste aux yeux bleus et aux fines lunettes couleur lavande. Depuis 1956, elle court les pentes raides des ruelles du vieux Lacoste.
Barbara et son mari Evert, sculpteur dont l'Arche de Noé est d'une beauté expressive très goûteuse, se sont installés là fort jeunes, en provenance de leur Suède natale.
Dans une maison ancienne alors dénuée de confort. Evert a raconté tout celà dans un livre de souvenirs.
Ce couple d'artistes a été tout de suite subjugué par les vestiges des oeuvres de Malachier qui subsistaient, s'informant sans cesse à leur propos. Aussi, Barbara Lindfors m'a-t-elle prise par la main pour me faire rencontrer cette sauvage gargouille du bord d'un chemin que je n'aurais pas été assez randonneuse pour trouver toute seule.
Mais il se fait tard...Alors à tout bientôt la suite de mes aventures lacostiennes.
23:55 Publié dans art brut, De vous zamoi, Glanures, Lectures | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, louis malachier, meunier de lacoste, andré breton, elisa breton, sarane alexandrian, gilles ehrmann, les inspirés et leurs demeures, barbara lindfors, evert lindfors | | Imprimer | | |
01.07.2012
Jean Perdrizet au Musée de Digne
En panne de vitamine D, j’ai sauté dans mon Opel de location, direction sud-est. Sur la route Napoléon, les rochers des Mées ont l’air de cônes pralinés.
Arrivée à Digne je me suis offert une triple glace avant de me rendre au vernissage de l’exposition Jean Perdrizet inventeur au musée Gassendi.
A Digne-les-Bains, les nuages ressemblent à des montagnes tibétaines et le musée est sur la pente.
Le grand homme du coin c’est l’humaniste Pierre Gassendi et la grande femme Alexandra. Pas celle de la chanson de Claude François mais la vagabonde David-Néel.
A ces explorateurs des idées ou des contrées lointaines, Digne, jusqu’au 29 octobre 2012, ajoute Jean Perdrizet, pionnier d’une pensée parallèle placée sous le vent vivifiant et fou de l’art brut.
Jean Perdrizet avait plein de choses dans la tête. Cela partait dans tous les sens : «cerveau à eau, machine à lire à résistances liquides, table traçante d’ordinateur imaginatif». Un vrai feu d’artifice mental et graphique!
Perdrizet adorait les plans, les schémas, les diagrammes et les symboles. Il est difficile à suivre. Lui-même ne parvenait pas à se faire comprendre des savants auxquelles il adressait ses projets. L’un d’eux, une «machine à écrire avec l’au-delà» a été réalisé dans l’expo de Digne.
On pense à la Méta-Matic de Jean Tinguely. De quoi remuer ceux qui s’interrogent, avant le vin d’honneur, sur la nature exacte de l’œuvre de leur concitoyen: scientifique, démente, artistique?
Pour moi, ça ne fait pas de doute depuis que j’ai découvert ce fleuron d’un art d’autant plus authentique qu’il ne se présentait pas comme tel.
L’expo du musée Gassendi a le mérite d’évoquer la figure quotidienne de Perdrizet, sans trop la muséographier. Tout juste si l’on n’entend pas le timbre de sa mobylette.
Au vernissage, il n’étaient pas rares ceux qui l’avaient connu. J’ai parlé pour ma part avec M. Varcin, un professeur d’Histoire auquel Perdrizet avait confié une caisse en bois contenant un petit brac à brac pour ses inventions.
Ces matériaux sont visibles dans une petite vidéo qui passe en boucle au musée Gassendi.
Les dessins de l’exposition figurent sous diverses rubriques : «les machines, le robot, l’au-delà, la langue, les mathématiques, la poiétique».
Tout cela tient dans une longue salle voûtée au plafond décoré de gypseries fin XVIIIe siècle. Ni étouffant, ni impressionnant. Un lieu bien choisi à ne pas manquer si vous êtes en vacances dans la région.
Avis aux collectionneurs : une publication très goûteuse accompagne l’expo. J’ai eu le temps d’en roucouler deux mots de satisfaction à M. Thomas Wierzbinski, l’un des commissaires.
Plutôt que de se la jouer catalogue ordinaire, cette publication imite judicieusement les livres uniques de Perdrizet présents dans l’exposition.
Un leporello reproduisant des originaux en couleurs et un fac simile du profil de carrière de l’inventeur nous sont offerts sous une chemise cartonnée avec son cachet.
Un court texte de Jean-Jacques Viton, l’un des donateurs, accompagne le tout.
20:12 Publié dans art brut, Expos | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut, jean perdrizet, digne-les-bains | | Imprimer | | |
18.06.2012
Drôles d’Histoires à la Fondation Cartier
Dans mon petit collimateur, j’ai toujours en vue la Fondation Cartier.
On m’avait dit qu’il s’y préparait une exposition d’art naïf.
Elle arrive et c’est pas du tout ça.
Ce qui s’y donne, sous le titre lisse mais un peu vague d’Histoires de Voir (sous-titré, concession au véhiculaire anglo-saxon dominant : Show and tell), jusqu’au 21 octobre 2012, c’est plutôt un patchwork bigarré de créations du monde entier, axé cependant surtout sur un Tiers-Monde sud-américain, indien et africain.
Je ne sais pas si les auteurs de ces peintures, sculptures, broderies, dessins, où percent tout à la fois des identités culturelles fortes et des composantes autodidactes, populaires, natives avérées, sont, comme le dit le leporello de présentation : «des femmes et des hommes pour qui l’art est en lien étroit avec l’hypersenbilité du cœur» mais ce dont je suis sûre c’est que, du point de vue qui est le leur, les Animuliens y feront des découvertes nourrissantes.
Passons sur l’autosatisfaction un peu agaçante du p’tit topo de rigueur sur la «scénographie» d’Alessandro Mendini «pensée comme un écrin, simple mais précieux, conçu pour contenir, protéger et montrer un art tout particulier» car on pourrait dire ça de n’importe quel accrochage réussi et celui-ci l’est.
Munissons nous de notre caddie et faisons sans complexe notre marché brut parmi les 400 œuvres présentées accompagnées de films ethnographiques un brin longuets et déprimants.
Et là vous aurez le choix du sol au plafond, sur la tête à mon daddy!
Dans la grande salle du rez de chaussée des drapeaux vaudou vous claquent à la goule mais on peut goûter aussi aux couleurs éteintes d’Aurelino dos Santos, un monsieur brésilien touché par la grande aile de la schizophrénie.
En RDC toujours mais dans la petite salle, l’alcool fort des bois sculptés savamment à la serpe par un Serbe au nom imprononçable : Dragisa Stanisavljevic.
Au sous-sol grande salle, si vous survivez au terrible escalier de chez Cartier, jetez vous comme des bêtes sur les villes imaginaires, vertigineuses et d’une densité colorée du Sénégalais Mamadou Cissé.
Cela vous facilitera la plongée vers les dessins d’avant le monde de Joseca, shaman Yanomami ou les 3 aquarelles d’Albert Lubaki, peintre congolais dont je vous ai déjà parlé le 20 mars 2010 (Art Paris invite au Grand Pal). Il est ici en compagnie d’un compatriote également précurseur dont j’ignorais tout et dont j'ai trouvé une image sur le Net : Djilatendo.
Le catalogue coûtant bonbon, je me suis contenté du livret à 6€. Si vous faites comme moi, attention, cette brochure a tendance à choisir des illustrations consensuelles. On aurait pu y faire une part plus large aux images plus radicales et elle existent foi d’Ani! J’en passe et des meilleures et on pourra me le reprocher mais j’arrive au bout de votre patience. Donc bougez-vous, éteignez votre écran et descendez à Raspail. Surprises, beautés, curiosités garanties!
En abondance. Même si vous vous fichez comme de l’an 40 de «revisiter», comme le dit le blabla introductif de l’expo HDV, «les relations entre art contemporain et art populaire, entre art et artisanat».
00:33 Publié dans Ailleurs, art brut, Expos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fondation cartier, histoires de voir, alessandro mendini, aurelino dos santos, dragisa stanisavljevic, mamadou cissé, djilatendo | | Imprimer | | |
11.06.2012
Ursula aux Yeux Fertiles
Après Rosemarie, Ursula. Je promenais mon perfecto rouge, emprunté à une copine bikeuse, dans les vernissages Juin d’art de la rue de Seine quand je suis tombée sur Ursula. J’étais un peu pompette rapport aux quelques coupes avalées ici et là mais la Galerie Les Yeux Fertiles m’a dégrisée. Ce n’est pas souvent qu’on a l’occasion de rencontrer Ursula et là, une exposition lui est consacrée.
Du moins en partie, étant donné que son chéri Bernhard Schultze -plus célèbre- occupe la moitié des cimaises. Avec tout le respect que je dois à celui-ci, j’ai moins d’élan pour son «art informel abstrait» que pour les «confins de l’Art Brut» d’Ursula, artiste inclassable que l’art naïf pourrait aussi revendiquer, au risque toutefois d’un contresens.
Rentrée chez moi, quelques verrines et rondelles de saucisson plus tard, j’étais presque sûre de posséder quelque part d’anciennes paperolles au sujet du cas d’Ursula Bluhm. Dans mon souvenir, c’était mince : style invitations, flyers ou mini-catalogues. Mais macache bono, j’ai eu beau crever deux ou trois cartons de bagatelles de cette sorte, je n’ai pas pu remettre la main sur quoi que ce soit.
J’ai donc dû me contenter de la notice Wikipedia en allemand interprétée en charabia fransoze par Gougueule-translate. C’est mieux que rien. Cela m’a permis de constater que, un an avant son mariage avec Herr Schultze, cette autodidacte de la poésie et de la peinture avait déjà été remarquée pour son travail par l’œil sagace de Jean Dubuffet, toujours lui.
L’Animulien moyen qui s’intéresse à l’œuvre d’Ursula aura intérêt à se reporter à la notice d’Harry Bellet qui figure dans le gros bouquin jaune des Donations Daniel Cordier (Le regard d’un collectionneur) publié par le Centre Pompon en 1989.
Ledit Harry n’hésite pas à rapprocher les toiles d’Ursula de celles d’Augustin Lesage : «comme le peintre-mineur, Ursula (…) raconte ses histoires selon des procédés proches de la transe médiumnique sur laquelle la deuxième génération surréaliste a pu se pencher, non sans réticences (…)».
Et Bellet de souligner combien les rêves colorés d’Ursula avaient par contre «de quoi ravir le fondateur de la compagnie de l’art brut».
Plus modestement, moi j’avoue avoir été attirée, dans les vitrines des Yeux fertiles, par les fourrures d’Ursula. Car cette dame, qui ne répugne pas aux «techniques mixtes», n’hésite pas à coller des bouts de vison sur ces compositions. Cela m’a fait penser à Meret Oppenheim. Surtout, le petit coffre peint, fourré et emplumé par Ursula dont je n’ai pas l’image mais dont j’ai trouvé un petit frère sur le net.
«La douceur apparente des matériaux contrastant avec une agressivité latente» comme le dit si bien Elisabeth Paoli-Lafaye dans la notice Ursula du Dictionnaire général du surréalisme et de ses environs de Biro et Passeron.
16:15 Publié dans art brut, Expos | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : ursula, neuve invention | | Imprimer | | |
03.06.2012
Germain Van der Steen est passé à Drouot
A l’intention de l’Animulien fidèle (il se reconnaîtra) qui ne rate pas une occasion de me passer un savon quand j’oublie de parler de Germain Van der Steen, faux-naïf et vrai représentant de la Neuve Invention, pur Parisien bien que né à Versailles sous un patronyme flamand, marchand de couleurs insomniaque, créateur de félins fous et bouffons, je dédie ce minou-tigre sur isorel.
Il vient de figurer dans la vente publique de l’ancienne Collection Anatole Jakovsky (2e partie) qui s’est tenue à l’Hôtel Drouot, amputé de sa fontaine, le 1er juin 2012.
A noter que les contours de l’animal sont dessinés au moyen de ficelles collées sur le support, ce qui ne se voit pas très bien sur la photo.
20:18 Publié dans art brut, Encans, Images | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : germain van der steen, anatole jakovsky | | Imprimer | | |