31.08.2008
Art top, art-bois, coquill’art
Art top, art-bois, coquill’art… Le menu fretin de vacances, c’est trop bien. Sur les bords de la Charente, de la Vienne, entre l’Or et l’Argent, puis au long de la Loire, sur les routes vertes entre Saumur et le Thoureil, quelques rencontres frétillantes, indignes sans doute d’une campagne de pêche réellement brute mais bonne encore assez pour l’épuisette animulienne.
Pas loin du zoo de Doué-la-Fontaine où l’on entend rugir le soir (Hic sunt leones !), un ancien employé communal, sur la D 69 qui va vers Les Verchers, cultive, en léger surplomb à l’intersection de deux rues, un petit jardin topiaire sur la base d’un jeu de mots. Une croix de Lorraine et 2 églises en buis taillés sur lesquelles reposent 2 oiseaux en porcelaine blanche et le tour est joué : Colombey-les-deux-églises ! Monsieur Hubert, le génie du lieu a commencé dans les années 60.
Ce serait un gars de Martigné qui lui aurait donné l’idée mais j’ai pas eu le temps de savoir qui. Son installation, aussi aimable que lui même et son épouse, comprend également une chope, un panier, deux gros oiseaux. Le tout disposé autour d’un personnage en petits pots de terre emboîtés figurant un buveur attablé devant sa bouteille.
A Nieuil, à mi-distance de La Rochefoucauld et Confolens, là où la D 60 fait la bise à la D 739, non loin du gentil resto La Cassotte qui m’a donné accès à son Internet et à son Pineau rouge, voilà-t-il pas que j’avise une rangée de bonshommes en bois.
C’est mieux que les nains de jardins de la supérette mais à la réflexion ça me rappelle le chapitre Musée de la Forêt d’un petit bouquin de Franck Chauvet (La France insolite) assez largement diffusé dans nos campagnes par France Loisirs.
Dans les parages de Saint-Jean d’Angély, baigné par La Boutonne, arrêt-culture à l’Office de tourisme pour me procurer l’affiche avec les sculptures de Gabriel Albert signalée le 25 août par l’ethnoblogue Belvert.
En sortant, comme j’ai les crocs et que je me dirige vers le resto du Centre, cuisine des saisons, pour y déguster les sardines marinées, je croise, dans les parages, la Vierge aux oiseaux, les têtes de chat en fleurs et les naïfs tableaux qui se laissent apercevoir dans une cour-jardin.
Quant aux coquillages… est-ce à Ruffec en Charente ou à Saumur qu’à la boutique Emmaüs j’ai enrolé, dans mon escadron d’amazones animuliennes, cette petite soeur romantique ?
Je ne sais plus. Le MIAM de Sète consacre en ce moment une expo à ce genre de petits travaux balnéaires, ça ne vous a pas échappé, j’espère. A moi non plus.
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26.08.2008
Merde à César
Les Gaulois sont bien logés! Question Gaulois, j’ai oublié de vous refiler l’image de leur gîte rural. Bon, les fiers Sicambre doivent baisser la tête pour entrer mais je vous jure qu’on y est à l’aise ou à l’Esse (un doux patelin qui se met en quatre pour la rénovation des vieilles demeures).
Si TF1 existait déjà du temps de la celtitude, nul doute que les reporters en braies et casques ailés devaient se précipiter, toutes tablettes en cire dehors, sur les gens d’Esse pour les interroger à propos de leurs paillottes au Journal de 13 heures.
Les Animuliennes des premiers siècles après J.C. pouvaient y recevoir leurs amis et même y mitonner des petits pigeons à la broche préalablement hypnotisés par des Michel Simon galates
(dormez, dormez, petits pigeons).
Question Gaulois, allez donc pas croire que je vais lâcher l’affaire. Surtout qu’au Musée d’Angoulème, entièrement refait à neuf pour la visite de votre petite âme errante, j’ai flashé sur deux «têtes de Jarnac», contemporaines de la période de l’indépendance vercingétorixienne ou de peu postérieure à la guerre des Gaules.
«Cecos ac Caesar!», comme le dit si bien le bouquin de Jean-Paul Savignac qui rassemble des inscriptions trouvées sur des vieilles pierres.
Autrement dit : «Merde à César!» (l’Iznogoud de l’époque) à qui, c’est bien connu, il faut rendre ce qui lui appartient. Ce qui prouve qu’on peut rester assez «brut», même quand on emprunte l’alphabet latin.
Pour finir par des gauloiseries, je vous recommenderai Morbleu de ventrebleu! et les 15 autres chansons des Moènes de Chantemerle collectées par l’Asso La Marchoise de Gençay dans les villages du sud de la Vienne et du nord de la Charente.
Non sans toutefois vous inviter au préalable à vous rendre dans la salle du parquet qui craque du sus-dit Musée d’Angoulème où vous retrouverez, au milieu d’une chouette collec d’art africain et océanien, quatre bambous kanak, production récemment portée aux nues par mes soins, en raison de sa connivence avec mon art brut adoré.
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27.07.2008
L’art outsider à la pompe
«Allez les filles, c’est encore possible!», lis-je sur mon paquet de cornflakes du petit déj.
Possible de quoi ? Mais de rentrer dans mon itsi-bitsi petit bikini!
C’est pas gagné mais comme je n’ai pas ma pareille pour vous débiter des salades, je ne désespère pas de me contenter d’en manger quelques feuilles - et c’est tout - pendant la semaine qui nous sépare du grand rush aoûtien. C’est vous dire que je vois la vie en vert.
Aussi n’ai-je point été trop esbaudie de voir monsieur Pascal, le libraire de la Halle Saint-Pierre, déballer sous mes yeux une cagette d’appétissantes plaquettes d’un vert frais à cœur. J’ai reconnu tout de suite Singular Visions, the essence of Ousider Art, le bouquin japonais sur lequel j’avais flashé à Genève lors de ma visite à la Galerie Une Sardine collée au mur.
La couverture est belle à tomber avec sa tache en miroir où vous pouvez vérifier au passage si vos charmantes joues de pêche n’ont pas sournoisement pris 200 calories. Et puis c’est pas tous les jours qu’on peut harmoniser ses lectures à son régime, alors j’ai acheté ce très classieux ouvrage avec ses beaux effets de pages façon laque rouge, bijou en jade et impression jaune sur fond noir, même si, comme son nom l’indique, il est plus question là-dedans d’art dit singulier que d’art brut pur huile d’olive.
Edité par la Galerie Miyawaki de Kyoto, ce livre accompagnait une expo que j’ai su trop tard qu’elle se terminait le 15 mai 2008. Elle présentait au public japonais 13 «artistes autodidactes» européens «qui tiennent la réalité à distance et lancent sans cesse leur défi amer».
Parmi eux, j’ai retrouvé avec plaisir le Finlandais Ilmari «Imppu» Salminen et découvert avec intérêt les books en accordéon de Gene Mann.
Il y a aussi là-dedans des peintres et dessinateurs dont la carrière artistique est maintenant solidement établie : Carol Bailly, François Burland, Ignacio Carles-Tolrà, Kurt Haas et d’autres qui travaillent encore à l’établir : Claudine Goux, Danielle Jacqui, Jean-Pierre Nadau, Gérard Sendrey. Ce dernier s’est chargé de la préface, parfaitement lisible puisque Yutaka Miyawaki, l’éditeur, a eu la courtoisie de joindre des traductions en anglais et en français.
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09.07.2008
Joël Lorand, tératologue
Ah oui, pis aussi, j’voulais vous dire…
Vous m’entendez là malgré le bruit de la mer ? Oui, je sais bien que vous êtes déjà sur la plage, au bar de la plage, au glacier de la plage mais encore deux minutes et je raccroche.
C’est parce que j’ai oublié de vous parler des œuvres savamment vertigineuses de Joël Lorand. Elles ont fait tilt dans ma p’tite tête de piaf lors de mon séjour dans les hauteurs de la Halle Saint-Pierre. Ces dessins s’ordonnent selon un principe d’auto-engendrement monstrueux.
D’ordinaire, je me méfie des proliférations expérimentales et de nature tératologique (merci monsieur Petit Robert, ça c’est du dictionnaire !). C’est un procédé trop en usage chez ce qu’on appelle les «Singuliers de l’art» qui avec le temps se sont refilés les mêmes ficelles «anti-académiques».
On commence par une tache, on la modifie en crevette, elle donne naissance à un légume qui mord la queue à un souvenir de Victor Brauner (les souvenirs reviennent très vite), à une forme molle qu’on cherche laborieusement à rendre inquiétante et ainsi de suite. Tout cela, mal venu, sans nécessité directrice intérieure, en se fiant seulement à un pâle automatisme de surface, finit par remplir un espace suffisant pour qu’on puisse faire croire qu’on a réalisé, non des dessins de téléphone, mais un tableau. Tout ça part en sucette parce que la composition dans le fond fait défaut.
Tel n’est pas le cas chez Joël Lorand. La vertu principale de ses œuvres c’est précisément leur structuration. La virtuosité avec laquelle il interpénètre des éléments de toute nature ne le conduit jamais à la dispersion du sens. C’est terrible, menaçant et vibrionnaire mais toujours architecturé avec un souci de lisibilité qui soumet des détails à d’autres et rassemble, comme dans un kaléidoscope, l’image menacée d’éclatement.
Ce n’est pas sans références également. Encore sont-elles dominées et feutrées. On peut être gêné par ce côté trop charpenté, presque classique des dessins de Lorand. Il reste qu’il est efficace et que s’il ne relève pas de l’art brut, il ne lui tourne pas le dos pour autant.
Mais j’entends que vous baillez, qu’on vous invite au bain. Alors je vous fais un bisou, non sans vous glisser dans le tuyau de l’oreillette que Joël Lorand expose cet été et jusqu’au 7 septembre 2008 au Musée de la Création Franche à Bègles.
05:17 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : joël lorand | | Imprimer | | |
07.07.2008
Halle St Pierre : 2 en 1
Y’ a pas que chez les Genevois qu’on rencontre des problèmes de mitoyenneté entre l’étage et le rez de chaussée. A Paris, où l’immobilier se défend encore, je vous invite -cadeau Bonux- à visiter un grand duplex au pied de Montmartre. J’ai nommé La Halle Saint-Pierre où se tient l’exposition British Outsider Art et son volet d’altitude : Eloge du Dessin.
Autrement dit : 2 présentations bien distinctes car les responsables de ces accrochages (Martine Lusardy et Julia Elmore en bas, M.L. toute seule en haut) ont eu beau se décarcasser, les choses ne fonctionnent pas vraiment ensemble. Mais c’est toujours comme ça avec un lieu si tarabiscoté. Les deux espaces sont trop loins l’un de l’autre pour que le visiteur ne perde pas le fil.
Interview de Martine Lusardy - Halle Saint Pierre - Paris
En attendant un réaménagement général de l’archi intérieure qui permettrait aux commissaires de donner toute leur mesure, on souhaiterait presque -mais bon, ouam, ce que j’en dis…- que le premier étage restât vide. On y conduirait le public pour qu’il y jouisse d’une minute de silence après la salve nourrie à laquelle on l’aurait exposé au rez-de-chaussée.
C’est que ça crépite dans la salle noire où l’on nous confronte à un concentré d’art brut britannique. British Outsider Art s’ordonne certes autour d’une colonne vertébrale dont les principales vertèbres («Animula où va-tu chercher des images pareilles ?») sont connues : Scottie Wilson, Madge Gill, Albert Louden. On admire leurs pièges à rêves, leurs dentelles d’encre, leurs personnages à l’hélium qui se dégonflent et puis on passe à des pièces jamais vues chez nous (principalement dessins et tableaux) et provenant pour beaucoup des archives d’hostos psy, notamment le fameux Bethlem Royal hospital of London.
De ce dernier provient le colérique dessin de Jonathan Martin qui orne le carton de l’expo. J. Martin (1782-1838) y fut enfermé après avoir foutu le feu à une église d’York.
Du Royal Asylum de Glasgow nous arrivent, comme des balles, les acérés dessins d’Andrew Kennedy qui fut interné là de 1877 à sa mort en 1899. Seuls 34 de ses œuvres ont été conservées sur des milliers mais c’est déjà ça.
Je me suis usé les yeux à suivre les écrits fanatiquement minuscules de Nick Blinko, guitariste punk né en 1961,
les chaotiques et fantasmagoriques peintures de Vonn Ströpp (né en 1962), l’homme au 123 pseudos.
N’oubliez pas votre coussin pour vous mettre à genoux devant les travaux anonymes (comme ces vaches au policeman) et pour lire les cartels qui sont placés à hauteur des rotules. Pour le reste, le catalogue qui coûte que 20 thunes vous en dira plus. Celui du first floor est plus cher. Comme je ne kiffe pas entièrement cet Eloge du dessin (pourtant de qualité) je m’en suis passée mais c’est pas une raison pour faire comme moi.
Ne serait ce que pour les compositions en couleurs d’Adolphe Vuillemot, «ouvrier, forgeron, ajusteur», limitrophes de l’art brut et de l’art pop, on peut se l’offrir.
21:54 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut, madge gill, jonathan martin, andrew kennedy, nick blinko, vonn ströpp, adolphe vuillemot | | Imprimer | | |
06.07.2008
Les bambous kanak de Marguerite
J’écris, j’écris, c’est tout ce que je sais faire et pourtant il y a des fois où l’écriture n’est pas la chose fatale. Prenez les Kanak. Quand l’un d’entre eux, au début du siècle 20, quitte son village pour aller rendre visite à ses potes du vaste monde néo-calédonien, il emporte avec lui un bambou gravé d’une quantité de dessins sautillants, figuratifs et abstraits.
De quoi se distraire sur la route et véritables aide-mémoire aussi, puisque ces bambous bavards racontent tout sur le train-train quotidien : le gîte, le couvert, les rites et les mythes, la plantation des ignames (espèces de grosses patates), la pêche, l’érection du poteau de la grande case, les faiseurs de pluie, les tatoueuses, les sorciers chapeautés de coiffes cérémonielles.
Sans oublier les soldats français avec leurs fusils et leurs grosses bêtes de chevaux qui ne vont pas tarder à réprimer sévèrement le soulèvement kanak de 1917, une des plus farouches révoltes anti-coloniales de l’époque et sérieux bâton (gravé peut-être) dans la roue du char impérial de la France républicaine
Après forcément, ces bambous gravés ont beau contenir des herbes magiques, ils ne peuvent empêcher les bienfaits de la «civilisation» : les gendarmes, les missionnaires, les colons, les techniques européennes, l’écriture. Ils perdent leur raison d’être.
Heureusement, les bambous gravés de Nouvelle-Calédonie deviennent la grande passion de Marguerite Lobsiger-Dellenbach. Cette anthropologue décide de mettre la chose à plat. Elle décalque et étudie ces œuvres récoltées entre 1850 et 1920, préservant ainsi le point de vue authentiquement kanak sur la rencontre tragique des deux mondes.
Comme il se trouve que la Marguerite a dirigé le MEG (Musée ethno de Genève) entre 1952 et 1967, celui-ci consacre une expo au superbe travail de son ex-patronne. Elle sera visible jusqu’au 4 janvier 2009 au premier étage.
Tant pis si vous sortez plutôt nazebrouk du rez-de-chaussée vodou. Ne ratez pas, comme votre petiote âme errante a failli le faire, ce «primo piano».
L’exposition Bambous kanak, pour des exquises sensibilités brutes comme vous, mes chers Animuliens, possède l’avantage d’éclairer un moment charnière. Celui où la mentalité native des kanak se transforme sous l’effet de l’intrusion d’une culture venue d’ailleurs. Ce qui engendre une évolution de style aboutissant à des figurations qui ne sont pas sans parenté avec certaines représentations de l’art brut proprement dit.
Me semble-t-il. Le beau livre qui accompagne cette expo de Roberta Colombo Dougoud s’ouvre (ça c’est certain) sur un avant-propos de Marie-Claude Tjibaou.
Toutes les images sont tirées du catalogue. MEG Photos : Johnathan Watts
13:40 Publié dans Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art primitif, peuple kanak, bambous gravés, nouvelle-calédonie, marguerite lobsiger-dellenbach | | Imprimer | | |
03.07.2008
Au pays des zombies
En entrant, l’un de ces aimables pré-ados ricane devant l’affiche : «y’a des madames qui sont tombées dans les pommes !» mais en sortant, sur le Livre d’Or, on sent bien que c’est une autre chanson. «La maison du diable ça fait peur» admet franchement un visiteur en culotte courte. «J’ai trop kiffé l’expo et les bonhommes était (sic) trop style» se la pète une mini frimeuse. Mais, dans l’ensemble, l’impression est unanime : «ça fout les jetons mais c’est fun quand même». Quant aux «dizaine de bonhomme (resic) dans le noir, il y en a qui ont des têtes vraiment trop délirantes».
Comme vous pouvez le constater la génération montante parle couramment le sic et le resic, même à Genève mais on lui en voudra pas trop car il y a vraiment de quoi perdre son orthographe devant Le Vodou.
Jeux de miroirs d'interpellation. Photo Johnathan Watts. MEG
On sort de là par la salle des miroirs aux cadres terrifiants. Parce que «le Vodou s’ouvre sur un face à face» nous sussure un de ces commentaires pédagogiques qui accompagnent notre parcours dans le train fantôme de la succession de salles toutes surprenantes d’une manière différente avec frisson crescendo garanti.
C’est qu’on a bien besoin de récupérer son petit ego dans cet exercice spéculaire en sortant de chez Motus, le dantesque espace noir où on vient de se retrouver mélangé, exposé, confondu avec «la soldatesque bizango». «On ne parle pas des Bizango», nous éclaire un cartel de l’expo, «on les dévisage. Avec la certitude qu’ils ont moins à cacher qu’à révéler».
Personnages Bizango. Photo Johnathan Watts. MEG
J’avoue que j’ai pas cherché à tout comprendre de cette armée de statues en tissu rembourré, puissamment impressionnantes. Elle témoigne du pouvoir des initiés d’une société secrète forgé sur les champs de bataille de l’indépendance haïtienne.
Fauteuil de la reine Bizango. Photo Johnathan Watts. MEG
Mais sortie d’une salle rouge éclairée en rouge, d’un Carrefour avec le nom des esprits (Iwa) «qui exigent d’être servis» déclinés sur des centaines de T-shirts, d’un lieu de mise en bière où ils sont cadenassés dans des bouteilles, bien maligne celle qui ne se sentirait pas bousculée par cette grande démonstration psychique.
Salle Bizango. Photo Johnathan Watts. MEG
Certains reprocheront peut-être à la scénographie de Catherine Nussbaumer une tendance mélodramatique. C’est vrai que la reconstitution de l’autel vodou, avec son «bric à brac des hommages, le carambolage des cultures» peut faire penser au décor d’un film exotique façon Nuit des morts-vivants.
Autel Rada. Photo Johnathan Watts. MEG
Mais le côté excessif du Vodou autorise à grossir le trait et comment faire sentir l’impact de celui-ci sans le transposer en effet théâtral ? Il s’agissait d’éviter que la vitrine du musée devienne un mausolée où les objets, privés de magie, ne seraient plus que prétexte à esthétisme. De ce point de vue la grande salle centrale où ils apparaissent menacés par des textes savants (historiques, ethnographiques) cannibales rappelle bien que cette expo cherche à réduire la distance entre le visiteur et son sujet.
23:53 Publié dans Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : vodou | | Imprimer | | |
29.06.2008
Leonora Carrington, la fiancée du vent
Pour plus de détails sur cette période délirante dont Leonora Carrington a témoigné dans un beau texte poétique intitulé En bas, jetez donc un coup d’œil dans le rétroviseur animulien. Votre petite âme errante, qui aime à jouer les pythonisses, pas plus tard qu’à la fin de l’année dernière (30.12.2007) vous avait gratifiés d’une jolie note à ce sujet.
Les 3 dessins de l’éphémère folie Carrington sont reproduits dans le catalogue coédité avec Gallimard : Chimère, page 29, La seis, seis de septiembre, p. 42, Sans titre (car comment titrer ça ?) p. 48.
Il n’est pas vraiment donné, en ces temps de pouvoir d’achat défaillant et de «Cadeau-Bonux», mais vous en aurez pour vos 30 € si vous l’offrez à votre chéri(e) because la préface d’Annie Le Brun -pas mal ficelée, il faut le reconnaître- et les jolies images en couleurs des tableaux. Sans oublier les portraits photo de la dame Leonora (jeune et plus ancienne) et les nombreux souvenirs et documents, telle cette Carte d’En-Bas provenant du n°4 de la revue VVV de février 1944.
19:55 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : leonora carrington | | Imprimer | | |
28.06.2008
Une Sardine à la découverte
La Sardine ne fait pas de vagues. Elle n’ambitionne pas de boucher le port de Genève. Depuis la rue des Bains, elle part tranquillement à la découverte de 4 créateurs, «encore peu ou pas connus du public, mais dont certains font déjà partie de la Collection de l’Art Brut à Lausanne et de quelques prestigieuses collections privées».
Parmi ces mousquetaires, j’ai aimé surtout les dessins de Jakob Morf, un ouvrier agricole suisse (on est en Suisse) qui toutes les nuits, dans la maison de retraite où il passait la sienne, couchait délicatement ses rêves et ses impressions diurnes sur des blocs de papier quadrillé tout ce qu’il y a de plus ordinaires. Quand il en eut accumulé beaucoup, son travail fut exposé et il vendit, ce qui lui permit de se payer une folie : le survol en avion de la chaine des Alpes.
C’est Flora Berne, la galeriste de La sardine collée au mur qui m’a expliqué tout ça, d’abord avec une réserve bien compréhensible avec la canicule qui nous était tombée soudainement sur le coin du lac et puis en s’animant progressivement au fur et à mesure qu’elle se passionnait pour ses poulains :
Gabrielle Decarpigny et ses compositions, cernées fragmentées-imbriquées qui m’ont fait penser aux marbrures savantes du peintre radiesthésiste Jules Godi,
Charles Boussion et la virtuosité de ses jeux de perles (un peu trop) psychédéliques,
Ilmari Salminen et sa forêt de signes finlandais où il emprisonne des portraits. De celui-là, Flora me montra le portrait dans son atelier, une photo de Veli Granö, publiée dans le n°59 de Raw Vision et je n’ai plus eu de doute sur sa brutitude.
Mais j’en revenais toujours au bon Jakob Morf tant j’étais bluffée à la fois par l’évanescence de son propos et par sa volubilité multicolore.
Les doigts de Flora Berne, pour trouver le mot juste, dessinaient en l’air des guillemets imaginaires et votre petite âme errante n’en finissait pas de poser et de déposer son chapeau de paille n’importe où sauf sur sa tête en nage.
Si vous croyez que c’est facile de rendre compte de cet effacement d’une personnalité devant la poésie du monde, par les moyens sans cesse renouvelés de la couleur, allez-y ! Aller voir l’expo de la Sardine mais attention ça se termine le 5 juillet déjà.
11:29 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, jakob morf, gabrielle decarpigny, charles boussion, ilmari salminen | | Imprimer | | |
22.06.2008
Lesage, Trenkwalder : confrontation à la Maison rouge
«L’œil du collectionneur» est dans la Gazette de l’Hôtel Drouot n°24 (20 juin 2008) et il nous regarde par le biais d’un portrait de Bruno Decharme accompagné de ses «propos recueillis» par Geneviève Nevejan. Un long métrage est sur le gaz, le marché de l’art brut U.S. est florissant, «George Widener (…) mémorise les dates des catastrophes aériennes depuis quatre cents ans (…)». Rien de vraiment neuf dans cet entretien, si ce n’est qu’il marque l’émergence d’un concept tout droit sorti du chapeau de l’article, celui de collectionneur-conseil : «le cinéaste est depuis vingt-cinq ans l’observateur des artistes mais aussi le conseiller du marché de l’art brut».
Des œuvres d’Augustin Lesage appartenant à Monsieur Decharme figurent dans l’exposition qui commence à la Maison rouge à Paris.
Et là, votre petite âme errante pousse son cri primate : «iiiiiiiiiiiiiiiiii». Elle y est allée et elle en est toute retournée. Des accrochages de cette qualité, vous êtes pas prêts d’en voir souvent. J’étais partie boulevard de la Bastille avec mes préjugés en bandoulière, bougonnante contre la détestable mode qui consiste à fourrer les pépites de l’art brut et l’orfèvrerie chichiteuse de l’art contemporain dans le même sac. Je croyais me farcir encore le mariage de la carpe et du lapin, du bouquetin Van Dongen et d’Hélène Smith, la gazelle de l’au delà et puis je suis tombée sur le troublant binôme Augustin Lesage/Elmar Trenkwalder. Je suis restée scotchée. Un orage pouvait tomber sur la cage des tourterelles (Birdhouse café) près de la salle principale, j’ai du me rendre à l’évidence. Là il se passe quelque chose. La confrontation des deux univers produit, mieux que du dialogue, des questions au spectateur.
Comme je connais mieux les œuvres de Lesage que celles de Trenkwalder qui s’exprime par des assemblages de céramiques émaillées, serpentines, fluides, torsadées et colorées, c’est d’abord les tableaux du mineur que je me suis mise à looker avec un max d’intensité.
La présence perturbante des stèles de guimauve, des totems phalliques épluchés de l’artiste autrichien me conduisant à redécouvrir les larves blanches qui roulent en vague dans certaines des toiles de Lesage.
Inversement la contemplation de ses vertigineuses symétries est comme stabilisée par les structures architecturales de Trenkwalder, moitié mobilier d’église baroque, moitié palais martien. Dans une salle en bas un petit format de Lesage avec 2 rosaces multicolores répond (ou interpelle) une cathédrale trenkwalderienne qui tient du poële germanique.
Sans abuser de ces parentés de formes et de couleurs, l’expo favorise l’écho entre les deux œuvres. Façon de nous dire que chacun des artistes (on peut employer le terme pour Lesage qui a fait carrière) s’abreuve à une même source souterraine. Une source à laquelle Augustin accède par les voies d’un automatisme souverain et ingénu tandis qu’Elmar y touche par le recours à des stratégies patiemment calculées.
Si cette trop belle expo nous apprend une chose, c’est que l’art brut génère sa propre compatibilité avec un certain art contemporain. Le confronter avec n’importe quelle production platement ordinaire sous prétexte qu’elle est d’aujourd’hui (ou hier) n’a d’autre intérêt que de faciliter sa consommation sur un marché international.
Se creuser le ciboulot pour découvrir les bons compagnonnages (il y en a), c’est ça le truc. Même si on triche un peu. Car, si j’ai bien compris, non seulement Trenkwalder connaissait Lesage avant de participer à ce pacsage mais son travail semble payer tribut au médiumnisme. Voir par exemple ci-dessous WVZ87, tumultueux dessin inclus dans un cadre meringué façon pâtisserie viennoise exaspérée.
Toutes les photos sont tirées du catalogue et/ou du dossier de presse
01:02 Publié dans Expos, Oniric Rubric | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : art brut, augustin lesage, elmar trenkwalder | | Imprimer | | |